L’Orbe pâle/Mon maillot de bains, vidé de moi, pend

Eugène Figuière et Cie (p. 61-62).


MON maillot de bains, vidé de moi, pend lamentablement sur la branche morte d’un arbre mort.

Il est plus sinistre que la peau quittée par les cigales l’an dernier, et qui sont demeurées, privées de vie, accrochées aux troncs des arbres ou parmi les aiguilles des pins qui tapissent le sol.

La peau des cigales a gardé la forme de la chanteuse fragile, mon maillot vidé de moi est une loque qui pend lamentablement sur la branche morte d’un arbre mort.

Quand toute l’eau de mer l’aura aussi quitté, le vent léger lui redonnera quelque apparence de vie.

Oh ! l’horreur de cette peau vide. Devant elle je rends grâce aux forces de la nature, qui, à la mort, fait survivre le squelette, cette chose grotesque et nue, mais qui évoque encore par sa plastique, la vie.

Oh ! la vision de toutes les peaux vides dans les innombrables cercueils, les peaux vides comme mon maillot, qui, vide de moi, pend lamentablement, au squelette, évocation plastique de l’arbre mort.

Toute la nuit, cette loque sous la lune attendra pour la gloire de son éphémère aspect, la gloire de mon corps jeune et solide, qui le gonfle orgueilleusement sous la gloire du grand soleil.