L’Orbe pâle/Mais tout ce que j’ai vu

Eugène Figuière et Cie (p. 43-44).


MAIS tout ce que j’ai vu, tout ce que j’ai temporairement créé, a été surpassé. Dans le sable, entre deux rochers, à travers mes cheveux dénoués sur la mer comme des algues flottantes, j’ai aperçu trois étoiles. Trois étoiles de la nuit lunaire s’étaient détachées et avaient chu dans la mer.

Mais les célestes étoiles, en approchant de la terre, se sont sans doute humanisées. Elles se sont blessées et se sont à jamais vêtues de sang humain. Car elles étaient trois, au fond de la mer, sur le sable, entre deux rochers, et à travers mes cheveux flottant comme des algues, je les ai aperçues toutes sanglantes.

Non, elles ne se sont pas humanisées en tombant dans la nuit lunaire, mais elles ont passé à travers le cœur d’un poète, qui, dévotement, leur disait son vœu d’amour et de gloire.

Elles venaient à lui, pâles comme la lune, mais elles se sont teintes du sang ardent de son cœur.

Qui était ce poète ? N’était-ce pas celui qui sur sa terrasse, sous la lune, attend… sous la lune, et sous les étoiles ?

Elles étaient trois au fond de la mer. Elles étaient trois, toutes rouges.

Et j’ai reconnu le sang de mon cœur.