L’Orbe pâle/Je tracerai une autre effigie

Eugène Figuière et Cie (p. 38).


JE tracerai une autre effigie que je n’offrirai pas à la mer.

Il est un arbre, un immense et grave sapin qui, tout au bord d’un roc hautain où finit la terre, se penche, se penche intensément sur les flots.

Est-ce pour y mirer sa noblesse ? Est-ce pour écouter la musique de la mer, que peut-être il entend mieux que nos oreilles assourdies par les bruits universels ? Ou bien, cet arbre puissant, sentant sa sève bouillonnante, en mal d’humanité, se penche-t-il pour saisir la fille de la mer, la possible sirène ?

Quel que soit le désir qui le penche, il attend. Tout désir est une attente. Tout désir qui monte et s’épanouit n’est qu’une attente qui se précipite.

Je tracerai, sans l’offrir aux éléments, l’effigie de ce sapin, de cette nouvelle expression de l’Attente.