L’Encyclopédie/1re édition/POIRE

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POIRE, s. f. (Botan.) c’est un fruit charnu, plus mince ordinairement vers la queue que vers l’autre bout, ou il est garni d’un nombril formé par les découpures du calice. On trouve dans son intérieur cinq loges remplies de pepins, c’est-à-dire des semences couvertes d’une peau cartilagineuse.

Quoiqu’on ne voie dans une poire, à l’exception des pepins, qu’une chair, un parenchime uniforme qui n’a point de parties distinctes les unes des autres, cependant quelques grands observateurs ont trouvé par la macération & par d’autres voies, l’art de séparer ses parties, & d’en faire la dissection. M. Duhamel distingue quatre membranes dans la poire ; il appelle la premiere épiderme, la seconde tissu muqueux, à cause d’une certaine viscosité ; la troisieme tissu pierreux, & la quatrieme tissu fibreux.

L’épiderme de la poire semble destiné à la défendre des injures du dehors, & à réduire la transpiration du fruit à être de la quantité nécessaire, parce que son tissu serré en empêche l’excès, & parce que le grand nombre de pores dont il est percé ouvre assez de passages. Cet épiderme tombe par petites écailles comme celle de l’homme, & se régénere de même sans laisser de cicatrice.

Le tissu muqueux, immédiatement posé sous l’épiderme, & très-difficile à s’en détacher, est peut-être formé par un entrelacement de vaisseaux très-déliés, & pleins d’une liqueur un peu visqueuse. Il est verd naturellement ; mais quand la poire a pris du rouge par le soleil, quelquefois cette couleur ne passe pas l’épiderme, quelquefois elle pénétre jusqu’au tissu muqueux, & le pénetre même tout entier. Il est sujet à des accidens & à des maladies ; les coups de grêle le meurtrissent & le desséchent, la trop grande humidité le corrompt ; quelques chenilles s’en nourrissent : après avoir détruit l’épiderme, une très-petite mitte qui n’a point entamé l’épiderme, va le manger. Quand il est détruit dans toute son épaisseur, il ne se régénere point, il se forme à sa place une espece de gale gommeuse.

La troisieme enveloppe ou partie de la peau totale de la poire, est le tissu pierreux. On sait assez ce que c’est que ce qu’on appelle pierres dans la poire, ces grumeaux plus durs que le reste de sa substance, tantôt plus, tantôt moins gros, & quelquefois amoncelés en petits rochers. On nomme les poires cassantes ou fondantes, selon qu’elles en ont ou n’en ont pas, ou en ont moins. Ces pierres n’appartiennent pas seulement à cette enveloppe, qui est le tissu pierreux, elles se trouvent répandues dans tout le reste du fruit, mais elles sont arrangées dans ce tissu plus régulierement les unes à côté des autres, & enfin elles le sont d’une maniere à former une enveloppe, ce qui suffit ici. Comme elles sont de la même nature que les autres, il sera à-propos de les considérer toutes ensemble.

Elles commencent des la queue de la poire, & s’étendent sur toute sa longueur, posées entre les tégumens de cette queue, & un faisceau de vaisseaux qui en occupent l’axe. Quand elles sont entrées dans son fruit, il y en a une partie qui s’épanouit & va former le tissu pierreux, en tapissant toute la surface intérieure du tissu muqueux ; l’autre partie se tient serrée le long de la queue prolongée, ou de l’axe de la poire, & y forme un grand canal pierreux d’une certaine largeur. Ce canal arrivé à la région des pepins, se partage à droite & à gauche, prend plus de largeur de part & d’autre, & ensuite va se réunir au-dessus des pepins, & reprend la forme de canal pour aller aboutir à l’ombilic ou à la tête de la poire ; il y trouve le tissu pierreux auquel il s’unit, & tous deux ensemble forment un rocher très-sensible.

Cela n’empêche pas qu’il n’y ait des parties jettées çà & là moins régulierement dans le reste du corps de la poire ; elles sont liées par une substance plus molle & plus douce ; il y en a, mais de beaucoup plus petites, jusque dans les poires que l’on appelle fondantes. Ces pierres ne sont pas sensibles dans les fruits nouvellement noués ; ce ne sont que de petits grains blancs sans solidité, mais ils durcissent ensuite & grossissent à tel point, que les fruits encore fort petits, ne sont presque que des pierres, moins dures cependant qu’au tems de la maturité, mais en plus grand nombre, par rapport au volume du fruit ; car à mesure que le fruit croît depuis un certain point, les pierres ou croissent moins ou ne croissent plus, & même il en disparoît. Quand elles sont dans leur parfaite grosseur, on peut voir quantité de filets ou qui y entrent ou qui en sortent ; leur substance n’est point formée par lames ou par couches, mais par grains.

La quatrieme enveloppe qui fait partie de la peau de la poire, & qui est posée sur le tissu pierreux, paroît formée d’un entrelacement perpétuel de vaisseaux anastomosés les uns avec les autres ; nous les nommons vaisseaux par analogie, car on n’y voit aucune cavité, mais seulement une espece de duvet remplissant l’intérieur de ce vaisseau, qui n’est donc plus qu’un simple filet solide ; cependant l’idée de vaisseaux est trop nécessaire pour être abandonnée.

Il nous reste à considérer la partie la plus importante de tout le fruit, celle à laquelle tout le reste paroît subordonné, parce qu’elle assure la perpétuité de l’espece : ce sont les pepins ou semences de la poire dont je veux parler. Ils sont logés deux à deux en cinq capsules, vers le milieu de l’axe, & même de tout le corps du fruit. Il est à remarquer que les filets ou vaisseaux qui font de ce milieu une espece de globe qu’ils enveloppent, ont dix branches plus grosses que les autres, dont cinq répondent assez exactement aux capsules des pepins, & les cinq autres aux intervalles qu’elles laissent entr’elles : de sorte que toute la poire divisée selon la position & dans le sens de ces vaisseaux, le seroit en dix parties égales. Mais la méchanique des pepins & de tout ce qui leur appartient, n’est point connue ; le fin de tout le mystere, la maniere dont se fait la génération du fruit, échappe à tous les yeux. Cependant le lecteur trouvera des choses bien curieuses sur cette matiere, dans Malpighi, dans Grew, Leewenhoek, Ruysch, & dans trois mémoires sur l’anatomie de la poire, par M. Duhamel, insérés dans le recueil de l’académie des Sciences, années 1730, 1731, & 1732, avec figures.

Poire des Indes, (Botan. exot.) nom donné par divers botanistes au fruit d’un grand arbre des Indes orientales. L’écorce de cet arbre est fort unie, rougeâtre en-dehors & blanche en-dedans. Ses feuilles sont petites, épaisses, d’un verd pâle. Sa fleur est composée de trois longs pétales irréguliers, qui, quand ils sont fermés, représentent une espace de fausse pyramide, dont l’odeur est très-désagréable. Son fruit est de figure conique, de la grosseur du doigt, & d’une contexture ligneuse ; il se partage en plusieurs filamens qui s’étendent & percent dans toute sa substance. Ce fruit acquiert en murissant une écorce ou plûtot une peau rouge, lisse & fine, ce qui est tout le contraire des autres fruits des Indes, qui ont presque toujours la peau fort épaisse, pour les mettre en état de soutenir la grande chaleur du climat. L’intérieur de ce fruit est une pulpe blanche, douce au toucher, sucrée, agréable au goût, & qu’on enleve avec une cuiller ; il contient au milieu, comme nos poires européennes, plusieurs pepins lisses & noirs. Quand ce fruit a passé le tems de sa parfaite maturité, sa partie pulpeuse s’échappe de ses fibres, lesquelles demeurent dans cet état long-tems attachées, & pendantes au pédicule. (D. J.)

Poire de terre, (Botan.) voyez Topinambour & Pomme de terre, Botan.

Poire, (Balancier.) ou autrement dite masse ou contrepoids, est ce morceau de métal ordinairement de cuivre ou de fer, attaché à un anneau, qu’on coule le long de la verge romaine ou peson, pour trouver la pesanteur des marchandises qu’on met au crochet de cette balance.

Poire à bourse, en terme de Boutonnier, c’est une piece d’ouvrage tournée en ventre diminué d’un bout, & long & étroit par l’autre. On s’en sert pour faire des glands de bourses, dont elles ont tiré leur nom.

Poires secretes, (terme d’Eperonnier.) c’est une sorte d’embouchure du mords d’un cheval.

Poires, s. f. (terme de Chasseur.) fournimens faits de carton couvert d’un cuir mince coloré, qui sert à mettre de la poudre à canon ou à giboyer. Il y a de grosses & de petites poires ; les unes qu’on met dans la poche, les autres qu’on porte pendues en écharpe avec une grosse tresse de soie. On les nomme poires, parce qu’elles ont assez la figure du fruit à qui on a donné ce nom. Ce sont les marchands merciers-quincailliers qui en font le négoce. Ils les tirent presque toutes de Rouen. (D. J.)