L’Encyclopédie/1re édition/IMPERTINENCE

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 596-597).

IMPERTINENCE, s. f. (Morale.) l’usage a changé le sens de ce mot ; il exprimoit autrefois une action ou un discours opposé au sens commun, aux bienséances, aux petites regles qui composent le savoir vivre. On ne s’en sert guere aujourd’hui que pour caractériser une vanité dédaigneuse, conçue sans fondement, & montrée sans pudeur ; cette sorte de vanité est assez commune. Heureux qui peut en rire ! l’homme sage & sensé en est plus le martyr que le frondeur. La vanité, l’impertinence, le sot orgueil des rangs, lui paroissent les inconvéniens nécessaires de l’hiérarchie, qui maintient l’ordre de l’amour de la gloire qui vivifie la nation.

Impertinent, (Gramm. & Morale.) l’impertinence se dit du caractere de l’homme, & d’une action qu’il aura faite : on dit de l’homme c’est un impertinent ; de l’action c’est une impertinence. il faut cependant observer qu’il en est de l’impertinence comme du mensonge, de l’injustice, & de la plûpart des autres qualités bonnes ou mauvaises. Celui qui a dit un mensonge, ou qui a commis une injustice, n’est pas pour cela un homme injuste ni un menteur ; & celui qui a dit ou fait une impertinence, un homme impertinent. L’impertinent ne distingue ni les lieux, ni les circonstances, ni les choses, ni les personnes. Il parle, & il offense ; il parle encore, & il offense encore. Il n’est pas toujours sans esprit, mais il est sans jugement, sans délicatesse ; il rebute, il aigrit, on le hait, on le fuit ; c’est un fat outré. Je ne sais si l’impertinent est fort sensible à son propre caractere, quand il le rencontre dans un autre : je ne le crois pas. C’est le bon esprit, & un grand usage du monde qui corrigent de l’impertinence qu’on tient de la mauvaise éducation. S’il y a des hommes impertinens, il ne manque pas de femmes impertinentes. Une petite maîtresse ou une impertinente, c’est presque la même chose ; il y en a d’autres encore.

Impertinent, (Jurisprud.) est opposé à pertinent. Ce terme ne s’applique guere qu’en matiere de faits dont on demande à faire preuve, quand les faits ne sont pas de nature à être admis ; pour en ordonner la preuve, on dit qu’ils sont impertinens & inadmissibles. Voyez Faits, Pertinent & Preuve. (A)