L’Empire des tsars et les Russes/Tome 1/Livre 1/Chapitre 2


CHAPITRE II


Les deux grandes zones de la Russie. — La zone des forêts et la zone déboisée. — Subdivisions de cette dernière. — La région de la Terre-Noire. — La région des steppes. — Steppes accidentels. — Steppes éternels.


Le principal caractère de la Russie, c’est l’unité dans l’immensité. Au premier coup d’œil, en comparant les extrémités du vaste empire, les toundras glacées du Nord aux déserts brûlants des bords de la Caspienne, les lacs à vasques de granit de la Finlande aux chaudes terrasses de la côte de Crimée, on est frappé de la grandeur des contrastes. Il semble qu’entre ces limites, entre la Laponie, où vit le renne, et les steppes de la Caspienne, où vit le chameau, l’intervalle soit si spacieux qu’il faille bien des régions différentes pour le remplir. Il n’en est rien. La Russie à ses extrémités, en Europe même, a des échantillons de tous les climats ; cependant les contrées à l’aspect le plus tranché, la Finlande, la Crimée, le Caucase, ne sont que des annexes de l’empire, annexes naturelles, mais bien différentes de la Russie proprement dite. Dans l’intervalle, entre les contreforts des Carpathes et l’Oural, s’étend une région d’une analogie de climat, d’une monotonie d’aspect, impossibles à rencontrer à pareil degré sur de pareils espaces. De l’énorme muraille du Caucase à la Baltique, cet empire, à lui seul plus grand que le reste de l’Europe, présente peut-être moins de variété que des nations occidentales dont le territoire est dix ou douze fois plus petit. C’est l’uniformité de la plaine. L’Ouest est plus tempéré, plus européen ; l’Est est plus aride, plus asiatique ; le Nord est plus froid, le Sud est plus chaud ; mais sans abri contre les vents du pôle, le Sud ne peut différer du Nord par les aspects et par la végétation d’une manière aussi tranchée qu’en France, en Espagne, en Italie. La Russie a des étés ; on pourrait dire qu’elle n’a point de midi.

Dans cette unité fondamentale, à travers cette homogénéité de configuration et de climat, se présentent cependant plusieurs régions marquées avec une singulière netteté par la nature elle-même. Ces régions, distinctes par un ensemble de caractères spéciaux et comme par une vocation physique, se peuvent ramener à deux grands groupes, à deux grandes zones embrassant toute la Russie d’Europe. Toutes deux également plates, avec un climat presque également extrême, ces deux zones, à travers leurs analogies, présentent le plus singulier contraste. Pour le sol, pour la végétation, pour l’humidité, pour la plupart des conditions physiques et économiques, leurs différences vont presque à une complète opposition. En laissant de côté les extrémités inhabitables du Nord, ces deux régions se partagent presque également l’empire, le coupant obliquement, de l’Ouest à l’Est, et toutes deux franchissant l’Oural pour se prolonger en Asie. L’une est la région des forêts et des tourbières, l’autre la zone déboisée, la zone des steppes.

De l’opposition de ces deux zones, de l’espèce de dualisme naturel du steppe et de la forêt, a procédé l’antagonisme historique, la lutte séculaire des deux moitiés de la Russie, le combat du Nord sédentaire et du Sud nomade, du Russe et du Tatar, puis de l’État moscovite, fondé dans les régions forestières du centre, avec les fils du steppe, les libres Cosaques.

La zone des forêts, bien que sans cesse rétrécie par le déboisement, reste encore la plus vaste. Occupant tout le Nord et le Centre de la Russie, elle va en s’amincissant de l’Ouest à l’Est, du gouvernement de Kief à celui de Kazan.

À l’extrémité septentrionale, au delà du cercle polaire, comme sur les sommets des hautes montagnes, aucun arbre ne peut résister à l’intensité ou à la permanence du froid. Des deux côtés de l’Oural, en Europe de même qu’en Sibérie, il n’y a que des toundras, vastes et mornes déserts où la mousse revêt une terre presque perpétuellement durcie par la glace. À ces latitudes, point de culture possible, nul autre pâturage que le lichen, nul autre bétail que le renne, dont ces contrées boréales sont devenues la seule demeure. La chasse et la pêche sont l’unique industrie des rares habitants de ces landes de glace.

Dans le Nord de la Russie d’Europe, légèrement réchauffé par le voisinage de l’Atlantique et la profonde échancrure de la mer Blanche, les forêts commencent dès le 65° ou 66° degré de latitude. De la mer Blanche, ces forêts, coupées de clairières marécageuses, s’étendent jusqu’audessous de Moscou et aux environs de Kief[1]. Du Nord au Sud, les essences s’y succèdent dans le même ordre que, sur nos Alpes, du sommet au pied des monts. Le mélèze et le sapin se montrent les premiers au Nord, puis viennent le pin sylvestre et le bouleau. Au bouleau, au pin, au sapin, les trois arbres les plus communs de la Russie, se mêlent l’aune et le tremble ; plus au Sud croissent le tilleul, l’érable, l’orme, et enfin, vers le centre, apparaît le chêne. Il y a dans ces régions, surtout dans le Nord-Est, d’immenses forêts demeurées vierges faute de voies de communication, mais des forêts clairsemées, diffuses, interrompues par de vastes friches où ne viennent que de maigres broussailles.

Le sol de la plus grande partie de ces bois, dans le Nord-Ouest au moins, de la mer Blanche au Niémen et au Dniepr, est une plaine basse, spongieuse et tourbeuse, entrecoupée d’arides bancs de sable. Les plus hauts plateaux, les monts Valdaï, n’ont guère plus de 300 mètres d’altitude. Cette région est riche en eaux et en sources ; c’est le point de départ de tous les grands fleuves de la Russie, des principaux tributaires de ses quatre mers. Le peu de relief du sol y prive souvent les cours d’eau d’une ligne de partage nettement indiquée. Aucune crête ne sépare les bassins, et, à la fonte des neiges, les affluents des diverses mers se confondent parfois en énormes marais. Sur un sol à peine incliné, les fleuves ont un cours lent, indécis ; les eaux, incertaines de la pente, se perdent en marécages sans fin, ou se rassemblent en lacs sans nombre, les uns immenses nappes comme le Ladoga, vraie petite mer intérieure, les autres chétifs étangs comme les onze cents lacs du gouvernement d’Arkhangel.

Dans toute cette zone, l’hiver, qui remplit une moitié de l’année, laisse peu de temps à la végétation et à la culture. Le sol reste souvent plus de deux cents jours sous la neige ; les rivières ne dégèlent qu’en mai ou à la fin d’avril. Sans l’impétueux printemps du Nord, qui fait pour ainsi dire éclater la végétation en une explosion soudaine, tout travail de la terre serait inutile. L’orge, puis le seigle, sont les seules céréales de ces ingrates contrées. La culture du froment est rare et peu productive ; le lin est l’unique plante qui prospère sous ce ciel rigoureux. Ici, la terre ne pourvoit point à la nourriture de ses habitants. La population a beau être disséminée sur de vastes espaces, elle a beau ne guère dépasser dix habitants par kilomètre carré et tomber souvent fort au-dessous de ce faible chiffre, elle n’obtient point du sol qu’elle cultive un pain suffisant. Elle est obligée de demander à de petites industries la vie que lui refuse l’agriculture. Si peu dense qu’elle soit, la population de ces pauvres contrées ne croît que d’une manière insensible ; elle est pour ainsi dire arrivée au point de saturation. De toute cette moitié septentrionale de son territoire européen, la Russie ne peut espérer quelque augmentation du nombre de ses habitants, quelque accroissement de sa richesse, que grâce à l’industrie, comme dans la région de Moscou, comme dans la région de l’Oural.


Autrement féconde en promesses d’avenir est la zone déboisée, la plus originale, la moins européenne des deux. Moins vaste que la zone forestière, elle est sans cesse agrandie par d’imprudents déboisements qui, en privant la terre d’abri et d’humidité, empirent le climat. Occupant tout le Sud de la Russie, elle va en s’élargissant de l’Ouest à l’Est, à partir des anciennes provinces polonaises, se relevant fortement vers le Nord sur les méridiens du Volga et de l’Oural, pour se prolonger, au delà, dans les solitudes de l’Asie. Cette zone est plus plate encore que celle des forêts ; sur une surface plusieurs fois grande comme la France, elle n’offre pas une colline de 100 mètres de haut. À l’Ouest, les Karpathes projettent un chaînon de roches granitiques qui infléchit le cours des fleuves, et, comme le Dniepr, les embarrasse de cataractes, sans presque accidenter le pays. Tantôt la terre s’étend en plaines ondulées ; tantôt elle présente l’horizontalité parfaite de la mer au repos. Parfois elle s’abaisse lentement vers la mer Noire ou la Caspienne ; parfois elle s’affaisse brusquement, formant, comme des plateaux superposés de différents niveaux, des étages de hauteur inégale, mais également plats. Rien ne limite ces surfaces à perte de vue que l’horizon qui se confond avec elles. Aucune proéminence, si ce n’est dans certaines contrées, de petites buttes artificielles appelées kourganes, innombrables tertres arrondis, de 6 à 12 ou 15 mètres de haut, qui parfois semblent disposés sur une ligne régulière, comme pour marquer un chemin à travers ces solitudes, — tombes de peuples éteints ou phares de routes perdues, du sommet desquels le berger des steppes surveille au loin son troupeau[2].

Dans ces plaines, point de montagnes, point de vallées. Longeant les contours des plateaux, les fleuves coulent le plus souvent au pied d’une sorte de falaise ; mais ces falaises, que, selon une loi générale, le Dniepr, le Don, le Volga, laissent sur leur rive droite, ne sont d’ordinaire que l’escarpement d’un étage supérieur, aussi uni, aussi plat à son sommet que les plaines basses de l’autre bord, sur lesquelles au printemps les eaux s’étendent à perte de vue. Les rivières et les ruisseaux, qui naissent de la fonte des neiges, creusent le sol sans y former plus de vallées que les grands fleuves. Ils roulent d’habitude au fond de fissures profondes, à pentes abruptes, véritables ravins qu’on n’aperçoit que lorsqu’on est arrivé au bord, et où les villages cherchent un abri contre les vents de la plaine.

L’absence d’arbres est le caractère distinctif de toute cette zone. Dans la partie septentrionale, le déboisement est sans aucun doute le fait de la main de l’homme ; parfois même il est récent, ou, pour mieux dire, contemporain. Plus au Sud, dans les steppes proprement dits, c’est la nature, au contraire, qui en semble responsable. Par le fait du sol ou du climat, faute d’eau surtout ou manque d’abri, ces immenses régions des steppes du Sud sont presque entièrement dépourvues de végétation arborescente. Les seuls arbres qui viennent spontanément se réfugient au fond des ravins qui servent de lit aux ruisseaux. La plaine est souvent recouverte d’une terre fertile, mais peut-être trop meuble, en tout cas trop exposée à tous les souffles de l’air, pour que les arbres y prennent racine, et le sous-sol, généralement crayeux, est peu favorable à la végétation forestière. Ailleurs, c’est un fond imprégné de substances salines, où ne croissent que de maigres touffes d’herbes ; partout, c’est la sécheresse qui fait obstacle à la croissance des bois ; et, par une sorte de cercle vicieux, le déboisement ne fait qu’accroître la sécheresse.

Cette région, traversée par les plus grands fleuves de l’Europe, souffre du manque d’eau. Le ciel est avare de pluies, le sol, avare de sources. Ce mal va en augmentant du Nord au Sud, de l’Ouest à l’Est. Souvent rares et toujours irrégulières, au moins pour la quantité, les pluies ne tombent qu’au printemps et en automne. L’été, la terre nue, échauffée par un soleil d’Asie, cède toute son humidité à une atmosphère qui ne la lui restitue point : les nuages se maintiennent à une élévation qui ne permet pas à leurs vapeurs de se condenser en eau. On a vu, dans certains districts de l’extrême Sud, des années entières, des périodes de dix-huit mois, sans une goutte de pluie. La craie perméable qui, le plus souvent, forme le sous-sol des steppes en absorbe l’humidité sans la leur rendre en sources. Les différences de niveau sont si insignifiantes que, même dans les terrains les plus poreux, il ne se peut rassembler une quantité d’eau suffisante pour donner à fleur de terre des sources perpétuelles. Comme les ouadi du désert, les ravins appelés bolki, qui sillonnent le terrain uni de la steppe, restent souvent à sec pendant la plus grande partie de l’année, et les ruisseaux, qui coulent au fond de ces crevasses, se trouvent fréquemment trop au-dessous des terres pour rafraîchir la végétation. La pénurie d’eau, en été, est souvent telle que, dans beaucoup de villages, les paysans, faute de source ou de ruisseau, boivent la boue liquide des mares noirâtres, où ils ont retenu les eaux du printemps.

Cette zone méridionale, qui semblerait devoir jouir d’un climat plus tempéré, est, par excellence, le pays des saisons fortement contrastées. Elle passe, la même année, par les froids du Nord et les chaleurs du Midi, subissant tour à tour la domination atmosphérique de la Sibérie et de l’Asie centrale, des déserts de glace du Nord et des déserts de sable du Sud-Est. Sous la latitude de Paris et de Vienne, les contrées placées au nord de la mer Noire et de la Caspienne ont, en janvier, la température de Stockholm, en juillet, celle de Madère. Deux saisons extrêmes s’y succèdent l’une à l’autre presque sans transition, le printemps et l’automne n’y durant que quelques semaines. Cette opposition des saisons, comme le manque d’humidité, va en s’accentuant d’Occident en Orient, de l’Europe vers l’Asie, jusqu’à la concavité caspienne et aux plaines du Turkestan. De l’Ouest à l’Est, les lignes isothermes présentent, entre leur direction d’hiver et leur direction d’été, un écart croissant. Dans ces régions du Sud, les hivers sont moins longs que dans le Nord ; ils ne sont guère moins rigoureux. À Astrakan, sous la latitude de Genève, il n’est pas rare que, à six mois d’intervalle, les variations thermométriques embrassent jusqu’à 70 et même 75 degrés de l’échelle centigrade. Le voisinage de la Sibérie et de l’Asie centrale enlève à la Caspienne le rôle modérateur des grandes surfaces d’eau. Sur les côtes de cette mer intérieure, et presque au pied du Caucase, sous le 44° parallèle, à la hauteur d’Avignon, le froid descend jusqu’à 30 degrés au-dessous de la glace ; en revanche, la chaleur, en été, peut s’élever jusqu’à près de 40 au-dessus. Aux confins de l’Asie, dans les brûlants steppes des Kirghiz, sous la latitude du centre de la France, le mercure demeure quelquefois congelé pendant des journées entières, et, en juillet, le thermomètre pourra éclater au soleil. C’est à l’intérieur du continent, en Sibérie et dans le Turkestan, que ces températures excessives atteignent leur maximum. Vers les bords de l’Aral, il y a, entre les plus grands froids et les plus grandes chaleurs, des intervalles de 80, peut-être de 90 degrés centigrades ; c’est ainsi que, dans leurs expéditions de l’Asie centrale, les troupes russes ont eu à braver tour à tour l’extrême de l’hiver et l’extrême de l’été. Au nord de la mer d’Azof et de la mer Noire, les saisons restent encore singulièrement outrées. Là aussi, l’écart entre le jour le plus froid et le jour le plus chaud de l’année dépasse parfois l’intervalle de 70 degrés centigrades[3]. La Crimée elle-même, que baignent deux mers, n’est pas à l’abri de ces redoutables contrastes.

Pour amener une aussi inégale distribution de la chaleur entre les diverses saisons, il a suffi de la concordance de l’aplatissement du sol avec l’élargissement du continent, joint au déboisement. Ces oppositions de température sont, en Russie, un des obstacles à la vie civilisée ; elles ne sont presque nulle part une barrière insurmontable. On ne saurait oublier, en effet, que notre climat tempéré est, de tous les privilèges de l’Europe, celui que l’Européen retrouve le plus rarement dans les plus belles de ses colonies. Les autres continents présentent souvent, pour des raisons analogues, le même défaut que la terre russe ; le climat du Nord des États-Unis ressemble beaucoup, à cet égard, au climat du Sud de la Russie ; les États les plus peuplés de l’Union, ceux de la Nouvelle-Angleterre, New-York, la Pensylvanie, passent presque par les mêmes extrêmes de température que les steppes de la mer Noire.

Pour être dénuée d’arbres, la Russie méridionale est loin d’être privée de végétation. Dans une grande partie de ce vaste territoire, la richesse du sol compense la parcimonie des eaux. Là où les conditions atmosphériques ne sont point par trop hostiles, la fécondité de la terre est souvent merveilleuse. Pour le sol, pour la culture et la population, toute la zone déboisée se partage naturellement en trois régions différentes, en trois bandes superposées du Nord-Est au Sud-Ouest. La première est la région de la Terre noire, la seconde celle des steppes à sol fertile, la troisième celle des steppes sablonneux ou salins.


La Terre noire, une des plus fécondes comme une des plus vastes plaines de culture du globe, occupe la partie supérieure de la zone déboisée, au-dessous de la zone des forêts et des lacs. Participant encore de l’humidité de cette dernière et abritée par elle, la contrée de la Terre noire est dans des conditions climatériques beaucoup moins défavorables que les steppes de l’extrème-Sud. Elle doit son nom de Terre noire, tchernoziom, à une couche d’humus noirâtre, d’une épaisseur moyenne de 50 centimètres à 1 mètre 1/2. Ce terreau est principalement composé de marne et d’une moindre proportion d’argile grasse, mêlées à des matières organiques. Il se dessèche rapidement en se convertissant en une fine poussière ; mais, avec une égale promptitude, il s’imprègne d’humidité, et, sous l’action de la pluie, reprend l’aspect d’une pâte noire comme la houille. La formation de cette couche d’une admirable fertilité est attribuée à la lente décomposition des herbes du steppe, accumulées pendant des siècles.

Le tchernoziom s’étend en longue bande sur toute la largeur de la Russie d’Europe. Partant de la Podolie et de Kief au Sud-Ouest, il monte vers le Nord-Est jusqu’au delà de Kazan ; interrompu par l’Oural, il reparaît en Sibérie dans le Sud du gouvernement de Tobolsk. Le tchernoziom, dans sa partie septentrionale, conserve encore quelques bois. À mesure que l’on avance vers le Sud, ces bois diminuent de taille et de grandeur pour disparaître peu à peu. Au milieu des plaines sans bornes, les derniers bouquets de chênes, de trembles ou d’ormes semblent de petites îles perdues dans l’immensité. Les arbres sont isolés, les buissons même finissent par s’effacer. Il ne reste que des terres de labour, un champ sans limite, s’étendant uniformément sur une longueur de plusieurs centaines de lieues, comme une Beauce gigantesque de 600 000 à 700 000 kilomètres carrés.

Mal cultivée, à l’aide d’instruments souvent encore primitifs, cette région est, avec le bassin du Mississipi, un de ces grands magasins de blés qui permettent au monde moderne de défier toute famine. La fécondité de ce sol encore neuf semblait naguère inépuisable, et, longtemps, le laboureur a pu croire qu’il n’aurait jamais besoin de fumier ni d’engrais d’aucune sorte. Aujourd’hui, il est vrai, non seulement on s’aperçoit que cette fécondité a besoin d’être entretenue, mais, en plusieurs provinces, on se plaint déjà de l’épuisement du tchernoziom, et les agronomes prédisent que, si l’on ne change de méthode de culture, on finira par ruiner le sol le plus riche du monde. La fertilité a fait de cette zone la partie la plus peuplée de la Russie. La Terre noire compte déjà, en moyenne, 39 ou 40 habitants par kilomètre carré, et dans certaines parties de l’Ouest, au delà de 50. Sa population va croissant avec les débouchés que lui ouvrent les chemins de fer et avec les conquêtes de l’agriculture sur les steppes voisines. Grâce au tchernoziom, on peut dire que le centre de gravité de l’empire tend de plus en plus à se déplacer du Nord vers le Sud.


Entre le tchernoziom et les mers du Midi viennent les steppes proprement dits, car les champs de la Terre noire sont souvent désignés de ce nom, qu’on finit ainsi par appliquer à toute plaine dénuée d’arbres. C’est dans les steppes que l’aplatissement du sol, l’absence de toute végétation arborescente et la sécheresse de l’été atteignent leur maximum. Inclinés vers la mer Noire, la mer d’Azof et la Caspienne, ils occupent les bassins inférieurs du Dniepr et du Don, du Volga et de l’Oural. Encore abandonné à lui-même ou à demi sauvage, peu ou point cultivé, le steppe est une plaine déserte sans arbres, sans ombre, sans eau. Sur des surfaces à perte de vue, on chercherait souvent en vain, pendant des journées entières, un arbuste, une maison ; mais, pour être dégarni de forêts, le steppe n’est point toujours le désert stérile que l’Occident s’est figuré sous ce nom. Dans ces vastes espaces, qui occupent encore, en Europe, de 900 000 à 1 million de kilomètres carrés, se confondent, sous la même désignation, des terrains de qualité fort différente, et qui, avec une certaine analogie d’aspect extérieur, sont appelés, par leur fonds même, à des destinées fort diverses. Le steppe se divise naturellement en deux types nettement tranchés par le sol : les steppes à terre végétale, plus ou moins analogue au tchernoziom, et les steppes de sable, de pierre ou de sel. Les premiers, qui, en Europe, occupent la plus vaste surface, offrent à l’agriculture un champ dont elle n’a qu’à s’emparer ; les seconds lui semblent à jamais rebelles. Si, par ce nom de steppe, on entend un espace inculte et désert, ceux-là ne le méritent que transitoirement, ceux-ci d’une manière permanente ; les uns sont des steppes accidentels, qui ne restent tels que grâce à l’absence ou à la rareté de l’homme, les autres sont des steppes éternels, du fait même de la nature[4].

Les steppes fertiles remplissent la plus grande partie de l’intervalle entre le tchernoziom qu’ils continuent, et la mer Noire ou l’Azof. Ils occupent le cours inférieur de tous les fleuves qui se jettent dans ces deux mers, du Dniester et du Boug au Don et au Kouban ; ils restent à une centaine de lieues du delta du Volga, mais remontent au Nord-Est entre le grand fleuve et les croupes méridionales des monts Ourals. Le sous-sol est généralement recouvert d’une couche végétale, identique à l’humus de la Terre noire. Laissés à eux-mêmes, ces steppes témoignent magnifiquement de leur fécondité naturelle. Dépourvus d’arbres, ils ont leur végétation, leur flore à eux, qui, dans sa libre croissance, ne leur laisse rien à envier aux plus belles forêts. À la place de bois, ils se couvrent au printemps d’herbes et de plantes de toute sorte qui les font ressembler à une mer de verdure. Ce n’est point aux déserts d’Afrique, c’est à la prairie d’Amérique qu’il faut alors comparer le steppe. La nature y montre une vie, une exubérance souvent extraordinaire. Dans leur sauvage végétation, les herbes atteignent une hauteur de 5 à 6 pieds, parfois plus dans les années de pluie. À les voir en été, on comprend les légendes de l’Ukraine, racontant que, dans leurs aventureuses expéditions, les Cosaques à cheval se cachaient dans le fourré du steppe. Cette puissance de la végétation herbacée peut être regardée comme une des causes de l’absence de bois ; les hautes herbes, dans leur rapide croissance, étoufferaient les jeunes arbres. À vrai dire, les herbes proprement dites, les graminées sont loin de former, à elles seules, toute la flore steppienne. Ce ne sont point elles qui lui donnent celle vigueur d’aspect, ce sont des plantes plus hautes qui les recouvrent : ombellifères, dipsacées, légumineuses, labiées, composées, dont au printemps les tiges fleuries émaillent le steppe de mille couleurs. Comme dans les bois du Nord, dans ces frêles forêts les espèces sont peu variées ; ce sont des plantes sociales dont chacune couvre de grands espaces, et, pour la plupart, des plantes annuelles, les autres ayant peine à supporter un climat qui unit les hivers de la Baltique aux étés de la Méditerranée. En dépit des idées reçues, le steppe n’est point absolument dépourvu de plantes ligneuses : il s’y rencontre quelques arbustes, quelques arbres même, mais petits et rabougris, entre autres le poirier sauvage, dont les ballades cosaques ont fait le symbole de l’amour méconnu.

Dans le court printemps de ces régions, la végétation des steppes, comme celle du Nord de la Russie, se développe avec une prodigieuse rapidité. Elle prend dans les pluies printanières de quoi résister aux chaleurs intenses de l’été ; mais, si les pluies ne viennent à temps, elle succombe à la sécheresse. En certaines contrées, ou dans certaines années, toute cette brillante végétation ne dure que quelques semaines ; tout est flétri en juillet. Un soleil sans ombre a tout brûlé, et les hautes plantes, qui en faisaient un océan de verdure, hérissent la plaine de leurs tiges dénudées : les steppes sont devenus des pampas desséchées. Sous celle forme même, leur ancienne parure n’est point perdue pour l’homme : ces herbes, brûlées par le soleil dans leur pleine maturité, fournissent aux troupeaux comme un foin naturel qui les nourrit pendant le reste de la saison. Chaque année, toute la végétation disparaît à l’hiver ; ce qui a résisté au soleil périt sous la neige.

Ce steppe vierge, à la libre fleuraison, le steppe de l’histoire et des poètes, se rétrécit chaque jour pour bientôt disparaître devant les envahissements de l’agriculture. L’Ukraine des Cosaques et de Mazeppa, avec toutes ses légendes, a déjà perdu son ancienne et sauvage beauté. La charrue s’en est emparée ; les plaines désertes où se perdait l’armée de Charles XII sont en culture régulière. Le steppe de Gogol, comme en Amérique la prairie de Cooper, ne sera bientôt plus qu’un souvenir. Entamé de tous côtés par le laboureur, il est destiné à être peu à peu conquis par le moujik et annexé à la région voisine du tchernoziom. Entre les deux zones, il est difficile de tracer une limite exacte, l’une augmentant toujours aux dépens de l’autre, pour finir par l’absorber tout à fait. C’est à l’histoire autant qu’à la nature qu’il faut demander les causes de leur inégal développement. Pendant des centaines et des milliers d’années, ces steppes ont été la grande route de toutes les migrations d’Asie en Europe ; jusqu’à la fin du dix-huitième siècle, ils sont demeurés en proie aux incursions des nomades de la Crimée, du Caucase et du bas Volga. Pour les ouvrir à la culture, il n’a fallu rien moins que la soumission des Tatars de Crimée, des Nogaïs des bords de l’Azof, des Kirghiz de la région Caspienne. Avant d’être conquises sur les nomades, ces immenses plaines ont longtemps été condamnées à une fécondité inutile par la domination des Asiatiques. La plus grande partie de la Terre noire n’a été, pendant des siècles, qu’un prolongement du steppe ; toutes deux se confondront de nouveau, lorsque les steppes fertiles auront entièrement passé sous le joug de la culture.

Deux choses, outre la rareté de la main-d’œuvre, ont retardé le défrichement de ces nappes herbeuses ; deux choses qui tiennent, en partie, l’une à l’autre : la sécheresse et le manque de bois. À la sécheresse, il est difficile de trouver un remède ; faute d’eau, les plus fertiles de ces plaines resteront toujours exposées à des années stériles après des années d’abondance. De là, de fréquentes disettes, parfois de véritables famines, dans des provinces que, en d’autres temps, on pourrait regarder comme les greniers de l’Empire.

Le manque d’arbres est peut-être un plus grand obstacle à la population, ainsi privée à la fois de combustible et de matériaux de construction, d’autant que la pierre fait le plus souvent également défaut. Pour le chauffage, on n’a que les tiges des hautes herbes de la steppe et le fumier des troupeaux, ainsi enlevé à la terre. De pareilles ressources ne sauraient suffire à une population dense ; mais les chemins de fer et les routes, les mines de houille et d’anthracite, remédieront peu à peu à ces inconvénients, apportant ou remplaçant le bois, et rendant le fumier à l’agriculture. Avec ces causes d’infériorité, une partie des steppes fertiles a, sur tout le reste de la Russie, un avantage considérable : la position géographique. Voisins des embouchures des grands fleuves, à proximité de la mer Noire, ils ont, vers l’Europe, les débouchés les plus faciles. C’est la seule région de l’Empire qui ait accès sur une mer libre en toute saison.

Entre les steppes arables et le tchernoziom proprement dit, le mode de culture et la densité de la population sont les seules distinctions qu’on puisse établir avec quelque précision. Dans le steppe, la population est rare, la culture encore nomade. Les champs n’occupent que la moindre partie du sol, 25 ou 30 pour 100 de l’étendue totale ; le reste, le steppe inculte, forme d’immenses jachères qui servent de pâturages. La terre est cultivée pendant plusieurs années de suite, puis abandonnée pour une plus longue période à sa végétation naturelle, pendant que le laboureur va chercher, dans ces vastes espaces, des champs d’une fertilité vierge. Cette culture de translation et comme errante ne peut persister qu’avec une faible population. Il ne faut que 24 ou 25 habitants par kilomètre carré pour la rendre à peu près impossible par l’insuffisance des jachères, et lui faire céder la place à la culture triennale, le mode habituel d’exploitation du tchernoziom. Ainsi, avec le progrès de la population s’accomplit graduellement l’annexion des steppes à la Terre noire. Cette conquête s’opère sans efforts, sans souffrances du premier occupant, sans martyrs de la civilisation. Le steppe à sol fertile, couvrant 500 000 ou 600 000 kilomètres carrés, est encore presque aussi vaste que la zone du tchernoziom actuellement en culture régulière. Dans un avenir prochain, l’un et l’autre ne formeront qu’une seule région agricole, comme un seul et même champ, occupant, en Europe seulement, de 1 million à 1 200 000 kilomètres carrés presque d’un seul tenant, environ deux fois la surface totale de la France. La prairie d’Amérique, qui passe par des phases à peu près analogues, sera probablement le seul pays de céréales à l’emporter sur elle, et si le développement en est plus rapide, cela tient surtout à l’abondance des capitaux et à l’immigration européenne.


Au Sud et à l’Est de la région du tchernoziom steppien viennent les steppes nus, les steppes éternels, qui semblent à jamais impropres à l’agriculture. Là toute couche végétale disparaît pour ne laisser voir que le sable, ou un sol imprégné de sel, plus défavorable encore à la culture. Telle est la vaste dépression ouralo-caspienne, fond de mer récemment desséché, où l’eau en s’évaporant a laissé le sel, et qui est encore çà et là couvert de petits lacs salins, débris de l’ancienne Méditerranée aujourd’hui réduite aux proportions de la Caspienne. Ainsi que le Sahara, cette région est un vrai désert qui n’offre à l’homme que de rares oasis. Occupant presque tout le cours inférieur du Volga, à partir de Tsaritsine, ces déserts de sel se mêlent ou se relient, sur les rives septentrionale et orientale de la Caspienne, à des déserts de sable ou de pierre, qui forment l’immense steppe des Kirghiz, et se prolongent en Asie jusqu’au cœur du Turkestan. Une partie de ces steppes salins sont au-dessous du niveau de la mer, comme la Caspienne elle-même, dont ils forment l’ancien bassin, et qui, rétrécie et abaissée, se trouve aujourd’hui de 26 ou 27 mètres au-dessous de la surface de la mer Noire[5]. Ce steppe ouralo-caspien est, de toute la Russie d’Europe, la partie la plus sèche, la plus dénuée de bois, la plus exposée à des saisons excessives. C’est une contrée décidément asiatique par le sol et le climat, par la flore et la faune, comme elle l’est encore par la race et le genre de vie des habitants. S’il y a, de ce côté, une limite naturelle entre l’Europe et l’Asie, ce n’est pas à l’Iaïk, au fleuve Oural, qu’il la faut chercher, c’est à l’extrémité occidentale de cette concavité caspienne, prolongement des déserts de l’Asie centrale ; c’est vers le point où le Don et le bas Volga se rapprochent le plus l’un de l’autre, sans que l’art ait encore pu les réunir, si nette est la délimitation physique des deux régions.

De l’autre côté de la mer d’Azof, la moitié septentrionale de la Crimée et les côtes adjacentes, entre l’isthme de Pérécop et l’embouchure du Dniepr, forment une petite région, qui n’est guère moins rebelle à l’agriculture, comme un autre morceau de l’Asie transporté au Nord de la mer Noire. Ici, sur les steppes salins dominent les sables ou les steppes rocheux : là même où se montre quelque terre végétale, le manque de cours d’eau et le manque de pluies semblent condamner cette moitié supérieure de la Tauride, dont on se promettait tant de merveilles au temps de Catherine II, à demeurer longtemps inculte. Des montagnes du Sud de la Crimée et des bords de la Caspienne au Tchernoziom encore steppien, les steppes infertiles occupent, en deçà du fleuve Oural, près de 400 000 kilomètres carrés qui ne comptent pas 1 500 000 habitants. Sur toute cette surface, le reboisement, déjà difficile dans le Tchernoziom et dans les steppes à sol analogue, semble devenir entièrement impraticable. Impropres à l’agriculture et presque à la vie sédentaire, ces vastes espaces, comme les parties voisines de l’Asie, ne paraissent convenir qu’à l’élève du bétail et à la vie nomade. Aussi, sont-ce les seules contrées de la Russie d’Europe encore habitées par les tribus pastorales de l’Asie, par les Kalmouks et les Kirghiz, et, jusqu’à ces dernières années, par le Tatar de Grimée et le Nogaï. Sur ces steppes, ces Asiatiques semblent aussi bien chez eux que dans leur patrie originaire ; ils y mènent la même vie, conduisant leurs troupeaux brouter les herbes des sables ou les maigres plantes salines qui poussent en touffes sur le sol aride.

À cette extrémité Sud-Est de la Russie d’Europe se rencontre presque le même genre d’existence qu’à l’extrême-Nord, chez le Lapon et le Samoyède : la vie nomade, la tente de peau et seulement le chameau à la place du renne. Aussi ces deux régions sont-elles les moins peuplées de toute la Russie en deçà de l’Oural. En comprenant les nombreux pêcheurs du Volga et les ouvriers des salines, les steppes du Sud-Est ne comptent pas en moyenne 4 habitants par kilomètre carré. Dans certaines parties, dans le steppe des Kalmouks en particulier, il n’y a guère que 1 habitant par kilomètre. Il faut remonter dans le gouvernement d’Arkangel, jusqu’à l’embouchure de la Dvina, pour trouver une population aussi faible. Les bords septentrionaux de la Caspienne ne sont guère plus peuplés que les côtes glacées de la mer Blanche et n’offrent guère plus d’avenir.

Pour compléter ce tableau, il nous reste à indiquer une région de moindre étendue et d’acquisition récente, à laquelle un sol montagneux et un climat méridional donnent dans l’empire une place à part. C’est le Caucase et la côte Sud de Crimée, dont l’abrupt escarpement n’est que le prolongement de la chaîne caucasique. La nature, qui n’a marqué à la Russie de limite nulle part, ni vers l’Europe, ni vers l’Asie, semblait ne lui avoir opposé de vraie barrière que d’un côté, entre la Caspienne et la mer Noire. Quelle frontière mieux tracée que cette chaîne de 4 000 à 6 000 mètres de haut, dressée entre deux mers ? C’était comme des Pyrénées, près de deux fois plus élevées que celles qui nous séparent de l’Espagne. Et pourtant, cet obstacle qui paraissait lui devoir barrer la route, la Russie l’a franchi. La nature même, en lui opposant cette muraille, lui avait fourni les moyens de la tourner. Jeté à travers un isthme, d’une longueur à peu près égale à sa largeur, entre deux mers fermées, fatalement soumises à l’influence russe, le Caucase devait être débordé des deux côtés et aisément pris à revers par les armes des tsars. Ce rempart de l’Asie, la Russie le devait franchir pour atteindre le Midi, l’éternelle tentation des peuples du Nord.

Le Caucase et la côte méridionale de Crimée ne nous offrent pas une nouvelle région du sol russe, — la nature russe finit avec la plaine, — mais une contrée toute différente, aussi multiple et diversifiée que sont uniformes dans leur étendue les régions de la Russie proprement dite. Là, sur les flancs du Caucase, se retrouvent les forêts disparues depuis le centre de l’empire, non plus maigres, monotones et clairsemées comme dans le Nord, mais épaisses, vigoureuses et d’une puissance de végétation inconnue à la Moscovie. Là prospèrent les arbres fruitiers et toute cette variété de plantes et de cultures que la Russie eût en vain demandée à ses plaines, des rives de la mer Glaciale à la mer Noire, — la vigne qui, sur les bords du Don, ne trouvait encore qu’un abri précaire, — le mûrier, l’olivier. Il semble que les diverses zones de culture, ailleurs désignées par ces trois arbres, se soient réunies sur les pentes de ces montagnes comme pour dédommager la Russie de la monotonie de ses plaines. Il y a peu de fruits que la Corniche de Crimée n’ait acclimatés dans ses jardins suspendus sur la mer, et au Transcaucase, non contents d’avoir cultivé le coton et la canne à sucre, des marchands russes ont parlé d’introduire des plantations de thé.



  1. La proportion des bois, qui va d’ordinaire en croissant du Sud-Ouest au Nord-Est, varie de 30 à 75 pour 100 de la superficie totale.
  2. Les kourganes ou moghili se rencontrent aussi dans le Nord, et en Sibérie comme en Russie. De nombreuses fouilles, opérées dans ces dernières années, ne laissent aucun doute sur la destination funéraire de ces tumuli.
  3. Le Play, Description du bassin du Donets ; Voyage du prince Demidof dans le Sud de la Russie, t. III.
  4. Zufällige-Steppen, — Ewige-Steppen, dit M. Tutzmann dans un mémoire joint à celui de M. Kœppen ; — Beiträgezur Kenntniss des russischen Reiches, Saint-Pétersbourg, t. XI. — M. Séménof se sert des noms, pour nous un peu barbares, de région tchernosémienne steppienne et région steppienne on tchernosémienne (Statistitcheski Vrémennik, 1871.)
  5. Certains Russes ont rêvé de rendre un jour à la Caspienne son ancienne étendue, avec son ancien niveau, en y déversant les eaux de la mer Noire ou de l’Azof, au moyen d’une tranchée à travers l’isthme ponto-caspien. D’autres, moins ambitieux, se contenteraient d’un canal à écluses entre l’Azof et la Caspienne pour donner au Volga un débouché sur la Méditerranée, et, à l’Europe, une voie navigable vers l’Asie centrale. Ce dernier projet n’a rien de chimérique.