Journal de ma vie (Bassompierre)/Troisième tome/Appendice

Journal de ma vie. Mémoires du maréchal de Bassompiere
Texte établi par le marquis de ChantéracRenouard, libraire de la Société de l’histoire de France (tome 3p. 421-444).


APPENDICE


I


Ce premier exil de la jeune veuve qui allait devenir duchesse de Chevreuse, et qui attacha à ce nom la triple célébrité de la galanterie, de l’intrigue et de la rébellion, donna lieu à une assez longue correspondance qui est transcrite en grande partie dans le Registre de M. Tronçon, secretaire du cabinet, conservé à la Bibliothèque nationale sous le n° Fr. 3722.

D’abord, à la date du 25 mars, le roi donne ses ordres d’une manière très-formelle à la duchesse de Luynes, et avec plus de douceur et d’affection à la reine et à Mlle de Verneuil :

A la reine. ― « Le soing que je dois auoir qu’il y ayt bon ordre en vostre maison m’a faict resoudre d’y apporter du changement qui ne sera que pour un plus grand bien comme vous recognoistrez par le temps. J’enuoye La Folaine vous faire entendre sur cela ma volonté laquelle je vous prie d’effectuer au plustost et de vous rendre aussy prompte a me donner le contentement que j’en attend que je vous crois disposée à me faire receuoir tout celuy que je me suis promis de vous. ― Le 25 mars 1622. »

(fol.136, v°).
« A madame la Connestable. »

« Ma cousine, ayant recognu qu’il est du bien de mon seruice de regler a l'aduenir la maison de la Reyne d’autre sorte qu’elle n’a esté par le passé j’ay estimé ne le pouuoir si bien faire qu’en la forme et par les moyens que vous dira le sieur de La Folaine que j’enuoye pour vous faire entendre ma volonté et la suivre comme je m’attends de vostre affection a mon contentement vous asseurant que vous n’aurez moins de part en mes bonnes graces, ce que je feray paroistre a vous et aux vostres aux occasions que j’en auray priant Dieu, ma cousine, qu’il vous ayt en sa garde. — Le 25 mars 1622. »

(fol.137, r°).


« A mademoiselle de Verneuil. »

« Ma sœur de Verneuil, sur la resolution que j’ay prise de faire quelque changement pour le bien et le bon ordre de la maison de la Reyne, j’envoye le sieur de La Folaine vous faire entendre ma volonté pour ce qui vous regarde en quoy vous recognoistrez le soing que j’ay de vous ayant escrit a ma cousine la duchesse d’Angoulesme de vous retirer pres d’elle, ne jugeant pas qu’il y ayt retraicte ou vous puissiez estre auec plus d’honneur et de contentements : en quelque lieu que vous soyez vous receurez des tesmoignages de ma bonne volonté. Je prie Dieu qu’il vous ayt, ma sœur de Verneuil, en sa saincte garde. »

(fol.92, v°).


Bientôt les assurances de soumission de la reine, accompagnées peut-être de quelques signes de désobéissance de la duchesse de Luynes, et de la marquise de Verneuil, mère de Mlle de Verneuil, déterminent le roi à mitiger ses premières volontés, tout en les maintenant essentiellement :

A la reine. — « Comme je n’ayme rien a l’égal de vous, aussy ne puis je auoir considerations plus fortes que celles de vostre bien et de vostre contentement, ce que je vous ay desja faict paroistre par le bon ordre que je desire mettre en vostre maison ; je le confirmeray encores par une plus ample declaration de ma bonne volonté sur la lettre que Putange[1] m’a rendue de vostre part. Je n’ay point entendu, ordonnant autre demeure que celle du Louure a ma sœur de Verneuil et a ma cousine la connestable de Luynes, de leur en interdire l’entrée ny vous oster la liberté de les voir, mais il est du bien de mon seruice et du vostre que les choses passent comme j’ay commandé a La Folaine de vous faire entendre de ma part, ce que je crois auez desja effectué pour vous conformer a ma volonté. — A Orleans ce 27 mars jour de Pasques 1622. »

(fol.137, r°).


A madame de Verneuil. — « Madame la marquise de Verneuil, la resolution que j’ay prise pour ce qui regarde ma sœur de Verneuil vostre fille estant sur les considerations qui sont de mon seruice et de son bien je desire qu’elle s’effectue de la sorte que je l’ay ordonné. Ne croyez pas que pour changer de demeure elle ayt moins de part en mes bonnes graces ; si je l’en eusse voulu esloigner, je n’aurois pas prié ma cousine la duchesse d’Angoulesme que j’estime beaucoup de la receuoir, la mettant en un lieu ou l’on fera estat d’elle et aura tres bon exemple. Vous auez plus de subject de me remercier que penser de la mettre ailleurs et vous ne pouuez mieux faire paroistre par effect ce que contient vostre lettre que tout son bien deppend de moy qu’en remettant tous les soings et les pensées que vous auez pour elle a ma bonne volonté qui ne luy manquera jamais, dont vous assuerant je prie Dieu qu’il vous ayt, madame la marquise de Verneuil, en sa garde. — Du 3 auril a Blois. »

(fol.93, r°).


A mademoiselle de Verneuil. — « Ma sœur de Verneuil, pour responce aux lettres que vous m’auez escrittes je vous diray que j’attends de voir par effect l’obeissance dont elle m’asseure. Bonneuil[2] m’a dit ce dont vous l’auez chargé sur quoy vous portant la responce que je luy fais, je sçay que vous ne manquerez pas de faire ce que je desire, vous asseurant que je chercheray encor plus affectueusement les occasions qui seront de vostre bien. Sur ce je prie Dieu. — Du 6 auril. »

(fol.93, v°).


A la même. — « Ma sœur de Verneuil, j’auray bien agreable que vous tesmoigniez par vos actions le mesme que vous faictes par vos lettres que tout vostre bonheur deppend de la conseruation de mes bonnes graces, vous ayant asseuré qu’il n’y aura point de changement. C'est tout ce que vous pouuez desirer pour vostre contentement et que je feray aussy paroistre aux occasions qui s’offriront, priant Dieu qu’il vous ayt, ma sœur de Verneuil, en sa garde. — Au Pont de Sée ce 8 auril 1622. »

(fol.93, v°).


A la reine. — « Je suis bien ayse que vous m’ayez confirmé par vostre lettre et tesmoygné en effect ce dont le premier cheualier[3] m’auoit asseuré de vostre part en quoy je reçois un double contentement ayant eu par l’accomplissement de ce que je desirois des preuues de vostre disposition a me complaire que vous pouuez croire estre, un accroissement a mon affection. - Ce 9 auril 1622. »

(fol.139, r°).


« A madame la Connestable. »

« Ma cousine il n’y a rien qui vous peut asseurer dauantage le contentement que vous desirez de mes bonnes graces que l’obeissance que vous auez rendue a mes volontez, vous y conformant de la sorte ; ne doubtez point que je n’aye tout le soing de vous et des vostres que pouuez attendre de moy qui prie Dieu, etc. - Le 11 auril. »

(fol.139, r°).

A la reine. — « J’ay entendu tout ce que vous auez donné charge a Bonneuil de me dire, la resolution que j’ay prise ayant esté auec bonne consideration et arrestée en mon conseil auant mon partement de Paris, je n’y puis rien changer. Je m’asseure aussy que vous m’en donnerez le contentement que j’en attends et en toutes autres occasions je rechercheray le vostre plus soigneusement que le mien propre. »

« La resolution que vous avez prise d’effectuer ce qui est de ma volonté me contente bien fort, comme je ne pouuois attendre autre euenement : aussy auez vous occasion de croire qu’il n’y a rien que j’affectionne a l’égal de vostre bien, ce que vous recognoistrez tousjours de plus en plus par tant de tesmoignages de ma bonne volonté qu’il ne vous restera rien a rechercher dans mon affection. Je m’en vay passer a Royan et de la prendre mon chemin a Lion ou estant je vous manderay pour me venir trouuer par le pr chevalier. - Ce 15 d’auril 1622. »

(fol.138, v°).


Cependant la désobéissance éclate, et le même jour où il écrivait cette dernière lettre, le roi en adresse une autre au président Jeannin :

« Monsieur le P. Jeannin ayant sceu que ma sœur de Verneuil et ma cousine la connestable de Luines sont tous les jours auec la mesme liberté pres de la Reyne nonobstant l'esloignement que j’en ay ordonné et ne desirant pas qu’elle en use de la sorte, j’escripts a la Reyne pour luy faire entendre ma volonté, c’est qu’absolument je ne veux plus qu’elle la voye que par fois et rarement comme font les autres dames : a cette fin vous luy presenterez ma lettre que je vous prie d’accompagner de voz bons et salutaires aduis, affin qu’elle se conforme du tout a ma volonté, ausquels me confiant entierement comme aussy a vostre affection a mon seruice je ne feray la presente plus longue que pour prier Dieu qu’il vous ayt, Monsr le President Jeannin, etc. — Du 15 auril 1622. »

(fol.139, v°).


Le président Jeannin se conforma au désir du roi et joignit à sa réponse une lettre dont je possède une expédition revêtue de cette suscription de sa main : « Repons a la lettre de M. de Tronson qui accompagnoit celle du roy », et signée, également de sa main : « Vostre tres humble serviteur P. Jeannin ; » Dans cette lettre le président Jeannin dit à M. Tronson :


« Monsieur

J’ay veu par deux fois la Royne a laquelle j'ay donné des la presente veue[4] les lettres qu’il auoit[5] pleu au Roy m’adresser. Elle les a receu auec respect et submission. Et apres les auoir leu m’a tesmoigné qu’elle ne desiroit rien auec plus grande affection que d’estre honorée des bonnes graces du Boy et de luy donner contentement par toutes ses actions et deportemens. Mais qu’elle se trouue empechée de refuser a Madame la Connestable la liberté de la venir voir tous les jours, puis qu’elle est obligée de l’y receuoir a cause de la charge dont il a pleu a Sa Majesté l’honorer en sa maison qui n’a encor esté reuocquée. Qu’elle se debuoit marier dans quatre ou cinq jours auec Monsieur le Prince de Joinuille, et que ce mariage luy donneroit plus de facilité de satisfaire au commandement du Roy qu’elle veult preferer a toute autre consideration et respect. J’ay loué son affection et l’ay suplié tres humblement d’y continuer tous jours, comm’ estant le vray moyen de se conseruer en l’amitié du Roy que tous les gens de bien jugent necessaire affin qu’il plaise a Dieu faire naistre de leur mariage des enfans qui soyent heritiers de ce grand Royaume sans quoy leur mariage ne pourroit auoir un heur du tout entier et parfait. Elle a bien pris les raisons que je luy ay representé sur ce subject suyuant le commandement que le Roy m’en auoit fait. Me disant que son plus grand deplaisir estoit de ce que Sa Majesté ne luy auoit dit elle mesme ce qui estoit de son intention sans que tant de gens y eussent part, a quoy elle eust aussy tost obey comme elle fera tousjours en toute autre chose ou il luy fera entendre ce qui sera de sa volonté. J’estime que ce que la bouche m’a dit est en son cœur et que Sa Majesté en aura tout contentement. Je le desire aussy de toute mon affection. Et que j’aye moyen de vous rendre tres humble seruice. Comm’ estant

Monsieur
Vostre tres humble serviteur
P. Jeannin.

A Paris ce xviiie auril 1622. »


Bien n’indique dans le registre de Tronson si le roi fut enfin obéi. Quoi qu’il en soit, le temps, peut-être aussi le mariage de madame de Chevreuse, avait changé ses dispositions lorsqu’à la date du 4 juillet 1622 il appelait la reine à venir le rejoindre à Toulouse et lui écrivait :

« Le désir que j’ay de vous reuoir ne me permet pas de vous laisser dauantage esloignée de moy : c’est pourquoy je vous enuoye mon cousin le duc d’Uzes pour vous accompagner au voyage et vous rendre la presente qui est pour vous prier de partir incontinent que vostre commodité le permettra et d’amener auec vous mes cousines les princesses de Condé et Conty, mes sœurs de Vandosme et d’Elbœuf. Affectionnant comme je fais mon cousin le duc de Cheureuse je suis bien ayse que ma cousine sa femme vienne pareillement... »

(Registre de M. Tronson, fol. 153, v°).


Quant à Mlle de Verneuil il ne la priait de rester encore quelque temps à Paris que pour signer les articles de son prochain mariage avec le duc de la Valette, après quoi il consentait qu’elle vint le rejoindre « auec sa cousine la duchesse d’Angoulesme, et non autrement. »




II



L’honneur de cette bonne action revient à M. de Vic, le garde des sceaux. Voici ce que raconte Le fidelle historien des affaires de France (Paris, Toussainct de Bray, m. dc. xxiii) : « Je vous diray icy à ce suject un traict de la charité de Monseigneur le Garde des seaux, qui commanda à l’un des siens, tost apres la prise de la ville, qu’il racheptast les filles et les femmes qu’il trouveroit entre les mains des soldats, afin que par ce moyen leur honneur et leur vie fust conservée. Ce qu’il fit de celles qu’il rencontra, lesquelles il amena a mon dit Seigneur le Garde des seaux, jusques au nombre de quinze, qui furent conduites en son logis, comme en lieu de refuge et d’azyle, dont les unes ont esté renvoyées avec escorte és lieux d’où elles s’estoient réfugiées dans Negrepelisse, sur l’advenement de l’armée Royale de Sa Majesté, et les autres ont esté conduittes en lieu de seureté. »

Le duc de Chevreuse, et Roger, valet de garde-robe du roi, s’honorèrent aussi, dit-on, en rachetant plusieurs femmes ; et Pontis, alors jeune officier, sauva l’honneur d’une jeune fille de dix-huit ans. L’historien protestant Levassor s’élève contre cette assertion que plusieurs des femmes de Négrepelisse se livrèrent de bon gré au vainqueur.

Loisel, dans le Thresor de l'histoire generale de nostre temps, après avoir raconté que « le 10 et 11 juin, la ville fut forcée et prise d’assaut, huict cens des habitans tuez, toutes les femmes et filles violées et massacrées, et la ville generalement pillée, puis bruslée », et que « le chasteau pareillement forcé, furent encore trouvez quelque 40 soldats dedans, qui furent tous pendus et estranglez », ajoute cette tranquille réflexion : « Et voila que c’est de provoquer un grand roy à couroux. »

Il est juste de dire, si quelque chose peut diminuer l’horreur du sac de Négrepelisse, que pendant l’hiver, les habitants de cette ville avaient égorgé quatre cents hommes du régiment de Vaillac, qui y tenaient garnison, et que de plus le bruit s’était répandu parmi les soldats, que pendant le siége de Montauban, les malades et les blessés de l’armée royale, transportés à Négrepelisse, y mouraient empoisonnés par les remèdes qui leur étaient fournis.





III



Cuq-Toulza, qu’il ne faut pas confondre avec Cuq-d’Albigeois, localité située dans le même département, ne s’est jamais relevé de cette ruine. Un château assez récent et quelques pauvres maisons offrent la seule apparence d’agglomération qui existe à la place de la ville.

Caraman (Caramannum dans les anciennes chartes), indifféremment appelé Carmain, Carmaing, Carman, ou Cramail, avait jadis suivi l’exemple de son seigneur qui avait adopté et favorisé les nouvelles doctrines. Prise en 1570 par l’armée des princes, cette petite ville avait résisté à Joyeuse en 1575, et depuis elle était restée entre les mains des huguenots. La principale incommodité qu’elle causait aux habitants de Toulouse était la proximité de ce lieu de culte protestant qui permettait au petit nombre des réformés de la capitale du Languedoc de s’y réunir en exercice public de leur religion. Jusqu’à la révocation de l’édit de Nantes, Carmain fut pour Toulouse oe que Charenton était pour Paris.

Je dois ces renseignements à l’obligeance de M. Pradel-Verzenobre, membre de la Société de l’Histoire de France, établi à Puy-Laurens (Tarn).




IV



Le Mercure françois (t. VIII, p. 815) dit que Combalet était capitaine au régiment de Navarre : mais Roussel, dans son Essai sur les régiments d'infanterie, est d’accord avec Bassompierre pour le faire capitaine au régiment de Piémont.

Charles d’Aigrefeuille dans son Histoire de la ville de Montpellier (p. 374), et Michel Baudier dans l’Histoire du mareschal de Toiras (Paris, Cramoisy, 1644, p. 20), prétendent que Combalet, blessé, fut mené dans la ville et tué de sang-froid : le Mercure françois dit seulement que « Combalet estant blessé, il fut après tué de sang-froid. » La première de ces deux assertions est formellement contredite par le récit de Bassompierre, témoin oculaire ; et la seconde est au moins infirmée par le silence qu’il garde sur une action qui eût été si odieuse. Dans les Remarques attribuées à tort ou à raison au maréchal de Bassompierre sur l’Histoire de Louis-le-Juste, par Scipion Dupleix, le fait est démenti dans les termes suivants : « Cela est faux, car il fut tué combattant vaillamment et tomba chargé de coups. »

Enfin le Mercure françois et l’historien de Toiras donnent à la sortie la date du 3 septembre ; mais d’accord avec Bassompierre pour le jour, sinon pour l’heure, Hérouard dit à la date du 2 : « A quatre heures la sortie de ceux de Montpeslier. »

Conférer avec la note 3 à la page 693 du tome I des Lettres et papiers d’Etat du cardinal de Richelieu.




V



Bassompierre rapporte dans ses mémoires (t. I, pp. 9-10 et 21) que le comte Pierre-Ernest de Mansfeld avait épousé Marie de Betstein, sœur de son grand-père, et c’est ce qui lui donne lieu de l’appeler son grand-oncle. Il est à remarquer que cette alliance n’est mentionnée nulle part, et que Hübner, le P. Anselme, et Moréri, donnent au comte pour première femme Marguerite de Reinhold de Brederode, mère du comte Charles de Mansfeld, né en 1543, mort en 1595, que Bassompierre regarderait à tort comme cousin germain de son père (voir t. I, p. 20) ; et pour seconde femme Marie de Montmorency-Nivelle, mariée en 1562, morte en 1570, et mère du comte Octave de Mansfeld, né en 1564, mort en 1591. Il est vrai que le comte Charles de Mansfeld épousa en premières noces Diane de Cossé, fille du maréchal de Brissac, qui était cousine issue de germain de Louise le Picart de Radeval, femme de Christophe de Bassompierre, et mère du maréchal : il la tua, ainsi que le comte de Maure, qu’il avait surpris en adultère avec elle, et épousa en secondes noces Marie-Christine d’Egmont qu’il laissa veuve.




VI



Pendant ces intrigues et ces changements, les divertissements et les fêtes suivaient leur cours.

Le 22 janvier, le roi fit venir et danser dans sa chambre le ballet de Monsieur, représentant le combat des Grues et des Pygmées.

Le 27 février, le roi se rendit chez le duc de Chevreuse et y dansa, avec plusieurs princes et seigneurs, son ballet représentant les Bacchanales, dont les vers avaient été faits par le sr Bordier. Le roi et le comte de Soissons représentaient des tireurs de laine ; le prince de Lorraine, depuis Charles IV, et le grand prieur étaient des coureurs de nuit ; Monsieur, frère du roi, le duc de Longueville et le duc d’Elbeuf, des donneurs de sérénades ; le duc de Chevreuse, le duc de Luxembourg, le maréchal de Créquy et le maréchal de Bassompierre représentaient des amoureux. Les vers pour Bassompierre étaient les suivants :

Quelques assauts que le sort
Me livre jusqu’à la mort,
J'en obtiendray la victoire.
Le plus rigoureux tourment
Ne me peut oster la gloire
D’aymer éternellement.

Le 5 mars eut lieu le ballet de la reine, représentant les fêtes de Junon. (Mercure françois, t. IX, pp. 427 et suiv.)


VII



Le manuscrit de Dupuy n° 488 (fol. 43-58) renferme une proposition longuement développée, qui appartient à la présente année, et qui porte le titre suivant :

« 1623. - Relation faite au Roy en l’année 1623 par monsieur le mareschal de Bassompierre au retour de son Ambassade d’Espagne sur une proposition qui luy avoit esté faite par les ministres du Roy d’Espagne pour la distribution du sel par lesdits estats et autres endrois. »

Dans cette proposition le maréchal de Bassompierre remet sous les yeux du roi les ouvertures qui lui avaient été faites au nom du roi d'Espagne, lors de son ambassade, relativement à un projet de traité entre la France et l’Espagne, par l’effet duquel la gabelle serait abolie dans les deux états, l’impôt serait perçu à la lagune même, et le prix ainsi que la mesure du sel seraient rendus uniformes dans toute l’Europe. Il traite la production et le commerce du sel, l’intérêt de l’État et celui du peuple, et réfute les objections qui pourraient être faites au projet.

En marge sont écrites ces lignes de la main de Dupuy :

« Cette proposition est bien raisonnée et digne de celuy qui l’a faitte, en ce que dans tous les moyens qu’il propose, il fait marcher la justice et 1’equité, dont il fait une condition sans laquelle : et l’on ne peut donner a un Roy ou un Prince de meilleurs principes et une meilleure instruction. »

Toutefois, comme parmi les objections prévues, se trouve celle-ci : « que sans doubte il y a quelque finesse cachée en ceste proposition du roy d’Espaigne, que Sa Majesté ne descouvrira pas qu’apres qu’Elle y sera bien avant embarquée, et lors qu’Elle n’y pourra plus remedier », il ne serait pas impossible de penser que le marquis de la Vieuville, au commencement de l'année suivante, prit prétexte de cette proposition pour accuser le maréchal de Bassompierre d’être pensionnaire d’Espagne.




VIII



Le ballet dansé par le roi en la grand’salle du Louvre au mois de février 1624 était le ballet des Voleurs : les vers en avaient été composés par le sr Bordier. Le roi représentait un capitaine hollandais, et M. de la Roche-Guyon une dame hollandaise ; d’autres seigneurs ou princes représentaient des pirates ; le duc de Chevreuse, le duc de Luxembourg, le maréchal de Créquy et le maréchal de Bassompierre représentaient des corsaires. Bassompierre dut réciter les vers suivants :

Enfin malgré les flots me voicy de retour,
La mer se promettoit de noyer mon amour
Dont la constance luy fait honte ;
Mais elle est bien loin de son compte :
Caliste, vos appas ont rompu son dessein,
Les flots ou je me perds sont dedans vostre sein.




IX



Le succès de l’ambassade du maréchal de Bassompierre en Suisse fut célébré dans des vers qu’il a transcrits sur son Repertoire autographe, déjà cité au tome II, p. 420.

1° Julii 1626.
Quis Marti Bacchum, pateram quis non preferat ensi,
Helveticæ gentis si nova pacta manent ?
Plus facit in mensa Bassumpetreus et inter
Pocula, quam reliqui seva per arma duces.

Substrahit Hispanis quos Gallis federe nectit
Dum trahit ad nutus oppida cuncta suos.
Nitior effuso est victoria parta liæo
Quam quæ de fuso sanguine et ære venit.
Bassumpetreo major quoque gloria, qui scit,
Ut superare manu, sic superare mero.

Si la bonne chère joua un rôle dans cette ambassade, comme le dit le poëte, et comme Bassompierre lui-même le fait entendre, ce ne fut pas le seul moyen qu’il mit en usage : ses dépêches multipliées, ses harangues et ses dissertations sont reproduites dans ses Négociations ou conservées dans des recueils manuscrits.




X



M. Hippeau a publié, à la suite des mémoires du comte de Tillières, une lettre du maréchal de Bassompierre à son beau-frère, à la date de ce jour, 17 octobre 1627, dans laquelle il manifeste encore son vif désir de terminer son ambassade par un prompt départ : « Holland et Gorin, écrit-il, sont bonnes gens ; les autres, comme le comte de Carlile, Pembroc, et Montgomeri, discrets ; le duc, galant et fourbe, qui me fait escrire qu’il est au desespoir de ce que je n’ay pas le contentement que je desire. J'en auray un extreme de m’en retourner, ce que je ferray au retour de ce courrier, que je vous supplie moyenner de me le faire promptement renvoyer ; car je languis icy sans esperer de rien faire. »




XI



Dans le cours de cette année le maréchal de Bassompierre avait reçu du roi une mission qui paraît peu en harmonie avec ses habitudes de faste et de prodigalité. Voici ce qu’on lit dans une pièce très-rare, imprimée à Paris, chez Jean Martin. M. DC. XXVI.


Commission du Roy, à Messieurs les ducs d’Angoulesme et de Bellegarde, Monsieur le Mareschal de Bassompierre, et Monsieur le Commandeur de la Porte, pour la reformation des despoenses superflues qui se font en ce Royaume.

Louys par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre, à nos tres cher et bien aymez cousins, les ducs d’Angoulesme et de Bellegarde, et nostre tres cher et feal cousin le sieur de Bassompierre Mareschal de France, et à nostre amé et feal Conseiller en nostre Conseil d’Estat le Commandeur de la Porte, gouverneur de nos ville et chasteau d’Angers, salut. Voyant les abus et profusions croistre de jour en jour dans nostre Royaume par toutes sortes de despence superfluë et inutile à la ruyne de toutes conditions de nostre Estat, il est bien necessaire de rechercher les moyens d’y remedier ; et pour cest effect de commettre des plus capables et suffisans personnages pour s’assembler et dresser memoire de ce qu’ils trouveront raisonnable pour la reformation desdits abus. A ces causes nous vous avons commis ordonnez et deputez, commettons ordonnons et deputons par ces presentes signées de nostre main, pour vous assembler et rechercher tous moyens que vous estimerez raisonnables pour parvenir à la reformation de tous les susdits abus, tant és grandes et principalles charges de nostre Estat qu’aux maisons, soit d’hommes ou femmes, trains, tables, et habillemens, meubles, et jeux ou se glissent lesdits abus et desordres, en dresser amples memoires et vos advis, pour y estre par nous pourveu ainsi que de raison. De ce faire vous avons donné et donnons pouvoir, puissance, authorité, commission et mandement special : nous reservans pour les autres conditions de nos subjects, de donner pareille charge à autres personnes selon que le cas le requiert : Car tel est nostre plaisir. Donné à Nantes le huictiesme aoust, l’an de grace 1626 et de nostre regne le 17 : signé Louys, et plus bas de par le Roy, Lomenie.


XII



Le roi dansa au Louvre et à l’Hôtel de ville le ballet du Sérieux et du Grotesque, dont les vers avaient été faits par le sr Bordier, ayant charge de la poésie près Sa Majesté.

On y vit une entrée des Bouteilles coiffées, qui se transformaient en femmes, et des colonels suisses qui, les fuyant alors, étaient attirés par des gobelets qu’elles avaient en main ; et le maréchal de Bassompierre, représentant le colonel général des Suisses, dut réciter les vers suivants :

Lorsqu’Amour me faisoit mourir,
Bacchus m’est venu secourir
Et rendre à jamais redevable ;
Et toutesfois ce petit Dieu
Dans mon cœur qu’il rend miserable
Prétend d’avoir le premier lieu.

Le plus beau trait de son carquois
Me vient blesser toutes les fois
Que Bacchus me donne audience ;
Et par des traits inopinés
Amour, quand je perds patience,
Me met son flambeau dans le nez.

Souvent la teste et les pieds nus
Au pied des autels de Venus
J’en fais ma plainte et ma prière ;
Mais cet enfant, comme je croy,
Pour se donner toujours carrière,
Se rit de sa mère et de moy.

Grands Dieux, ne soyez plus jaloux,
Faites la paix, accordez-vous,
Sans me tourmenter davantage ;
Mon cœur, sensible à vos plaisirs,
Afin d’en faire le partage
Vous abandonne mes desirs.




XIII



Luca Fabroni degl’Asini appartenait à une famille florentine qui était venue en France à la suite de Marie de Médicis : il était agent du roi auprès du grand-duc de Toscane.

Le portefeuille CC.LXX de la collection Godefroy, à la Bibliothèque de l’Institut, renferme plusieurs lettres écrites en italien par Luca Fabroni à la reine mère, et relatives à la négociation du mariage de Monsieur.

Dans la première, qui est datée de Florence, le 10 octobre 1627, « il mande à la Reine mere qu’estant a Florence depuis un mois il n’avoit encor rien conclu pour le mariage du duc d’Orleans avec la Princesse Marguerite de Toscane parce que le Grand Duc et Duchesses ne luy vouloient donner contant que trois cens mil escus a cause des grandes despenses qu’ils avoient faictes et de la pauvreté des Estats, le Roy demandant cinq cens mil escus contant..... ; que la dizette du Grand Duc vient des secours qu’il a donnez en Allemagne et Milannois en diverses occurrences. Que le dot commun des princesses de Toscane est de trois cens mil escus et des autres souveraines d’Italie. » (Note de la main de Godefroy.)

Dans cette même lettre Luca Fabroni commence à parler avantageusement de la seconde fille du grand-duc :

« La Principessa Margherita, écrit-il, e grande, ben formata, et bella, et non ha difetto veruno ; et la Principessa Anna seconda genita, è molto grande, et è ancora lei da marito, et ad’ogni ora, è capace di potere fare figliuoli, et io sono rimasto maravigliato quando ho veduto questa seconda Principessa si grande, et si bene proportionata di corpo, talche seguendo lo scambio il duca di Parma se la potrà menare à casa ogni volta, et consumare il matrimonio, poiche ha tutti i segni d’una fanciulla formata, et da marito, et di bellezze supera anco la Principessa maggiore... »

Par une lettre du 23 octobre 1627, « Luca Fabbroni de gl’Asini mande à la Reine mere que le cavalier Cioli premr secretaire d’Estat du duc de Florence est retourné de Parme qui dit que le Duc de Parme demeure obstiné a vouloir la sœur aisnée du Grand Duc nonobstant les conseils que les cardinaux Aldobrandin et Ludovisio ses parents luy ont donné de se contenter de la seconde, que le Pape veut envoyer un Card. a Parme pour le mesme suject. »

Le duc de Parme a déclaré qu’il perdra sa souveraineté et sa vie plutôt que de renoncer à la princesse Marguerite « et la Principessa che prima ne era ancora lei un poco innamorata viste queste calde preghiere, et tante tenerezze del Duca verso di lei, ha raddoppiato il suo amore, et da alcuni giorni in qua non ha mai fatto altro che piangnere. »

Mais aussitôt Luca Fabroni met en avant l’idée de substituer pour Monsieur la princesse Anne à la princesse Marguerite, et il fait valoir les avantages de ce nouveau projet : « Non si potendo adunque fare capitale alcuno di questa Principessa maggiore, io in quanto à me giudico, che V. M in cio non faccia perdita alcuna, anzi notabile acquisto, poiche insino dal primo giorno che io messi piede in Firenze, et che hebbi occasione di vedere l’una et l’altra Principessa giudicai sempre fra me medesimo, che fusse più à proposito per la Francia la seconda, che la prima, atteso che pura verità è che la prima è inferiore di bellezze alla seconda ; la prima halo spirito addormentato, et lente, dove nella seconda è vivacissimo et pronto ; la prima è di natura malinconica, di poche parole, et non molto il caso a sapersi guadagnare la benevoglienza di nessuno, la seconda è gioviale et allegra, gratiosa nel parlare, et hà bella maniera di conciliarsi la benevoglienza d’ogni uno ; la prima per la sua età è troppo grassa, et hà segni manifesti di dovere ancor ingrassare davantaggio à termine tale di diventare col tempo poco habile alla generatione ; la seconda ancor che sia rigogliosa, si sfoga pin nell’altezza del corpo, che nella grassezza, dando inditio di dovere essere sempre di proportionata corporatura, et io, che sò il bisogno di V. M non mi pare, ch’ella habbia fatto perdita veruna à non potere havere la maggiore, anzi la stimo venturosa mentre la M sua ha qui il cambio della Principessa seconda, dalla quale può sperare più gran satisfatione, che non haverebbe cavato dalla prima, potendo si sperare da questa seconda più habilità d’havere maggiore numero di figliuoli, et è di più gran destrezza à guadagnarsi la buona gratia di Monsieur, et più capace di sapere secondare l’interesse del Rè, et di V. M. »

Le correspondant ajoute que la princesse, si elle vient seulement après Pâques, « sara in grado alla sua venuta in Francia di potere stare col marito, et ingravidare, sicome testimoniano tutte le apparence del suo corpo, havendo ciasched’una di esse una proportione avantaggiosa di gambe, di braccia, di vita, et di petto come potra la M sua vedere dal ritratto, che se gli manda, che in conscienza mia, è interamente conforme alla grandezza, grossezza et bellezza della persona et viso di questa seconda Principessa, assicurando V. M, ch’io ho preso diligentissima guardia, che in ciò il pittore non roi inganni punto, et non m'aggiunga un pelo davantaggio di quello che il proprio originale mostra, della persona meda della Principessa Anna, la quale, caso che V. M si compiacesse di volerla, potrià venire nell’ istesso tempo, che saria venuta la Principessa maggiore, et cosi V. M troncheria in ogni modo i pensieri di tutti i malevuoli et malcontenti, che non vorriano che Monsieur facesse questo matrimonio, et col tirarla in Francia quanto prima sia possibile, si assecurerià che le cattive persone nimiche del hene del Re, et del regno, et del riposo di V. M non potriano pensare à novità nessuna, nè havere tempo d’immaginar si arti et inventioni per dissuadere il Re, et Monsieur da questo mariaggio. »

Enfin, on a trouvé un détour ingénieux pour éviter l’apparence d’un refus fait au roi de France, et par deux lettres du 5 et du 6 janvier 1628 « Fabbroni mande à la Heine mere que le grand-duc luy doit escrire pour luy donner le choix ou la Princesse Marguerite ou la Princesse Anne pour femme de Monsieur pour faire voir par là que l’election de la Princesse Anne vient de la part de leurs Majestés et qu’on laisse l'aisnée au Duc de Parme duquel on fera retarder le mariage jusques a ce qu’on aye response de leurs Majestés et apres la response venue le Grand Duc donnera part a tous les Princes de la chrestienté de l’e1ection que leurs Majestés ont fait de la Princesse Anne pour femme de Monsieur. »

Luca Fabroni vante de nouveau les qualités morales de la princesse Anne, et quant à ses qualités physiques, il ajoute : « Et io ne posso parlare quanto un’altro, havendo voluto l’Arciducessa sua Madre et anco Madama la Gran Duchessa, chio la veggia spesso familiarmento, et acciò che io possa assicurare V. M sopra la conscienza et fede mia, che nella persona della Principessa Anna non ci è difetto pure uno minimo che sia, roi ha menato nella camera propria della Principessa, et hanno infino voluto, chio la veggia vestire ; et mostrarmela puramente in sottana, et busto, accio che con ogni commodità io gli possa diligentemente vedere tutta la vita, et particularmente le spalle, et tutto il filo del busto, accio oculatamente et con ogni giuramento io possa sopra l’anima mia assicurare V. M che la Principessa Anna ha la taglia della vita benissimo fatta, et le spalle equali, et eccellentemente fatte dalla natura, havendo il filo della vita diritto come una canna, et pero V. M sopra la fede sua, della quale gliene sto sempre sicurtà io, può assicurare chi unque lei vorrà, che in tutta la persona della Principessa non ci è difetto, ne mancamento veruno immaginabile, et ha il viso benissimo fatto et gl’occhi non sono rossi, come pareva che il pittore l’havesse dipinta, poiche quando egli la dipinse la Principessa era grande mente infreddata. »

Comment se fit-il qu’une négociation si bien conduite et si près d’arriver à son terme n’eut aucun résultat ? Peut-être Monsieur persista-t-il à regarder la princesse Anne comme un monstre : peut-être aussi le roi ne voulut-il pas laisser conclure un mariage qui donnait à la reine mère une belle-fille de son sang, et obligée envers elle à la reconnaissance, comme le disait très-justement Luca Fabroni :

« Et finalmente questa Principessa è del proprio sangue di V. M, la quale Principessa non riconoscera questa grandezza, che dalla pura benignità della Maestà Vostra, et gli sarà figliuola, et serva in un medecimo tempo. »

On a cherché le motif du retour de Louis XIII à Paris au mois de février 1628, et on a cru le trouver dans l’ennui : peut-être ce retour eut-il aussi pour cause la défiance, cette autre maladie du roi Louis XIII, et la volonté de couper court à des projets qui lui déplaisaient.




XIV



L’occupation du bourg de la Fond fut considérée comme un fait assez important pour être le sujet d’un récit détaillé, imprimé à Paris, chez Jean Barbote, M. DC. XXVII, sous ce titre : La prise du bourg de la Fons avec la deffaicte de cinq cens Rochelois, par monsieur le mareschal de Bassompierre. L'auteur de ce récit proclame Bassompierre « un adopté de Mars » et lui attribue une initiative que le maréchal ne réclame pas pour lui-même.

Le même fait est raconté de la manière suivante dans une autre pièce intitulée : La descente de la flotte d’Espagne, joincte à l'armée navalle du Roy, commandée par monsieur le duc de Guise. (Paris, Jean Barbote. M. DC. XXVII.)

« M’estant proposé qu’il n’y a pas un bon François qui ne reçoive un contentement extreme de la prosperité des armes du Roy, apres avoir veu la proclamation que l’on a faite de la prise du bourg de la Fons, contenant la deffaicte de quelques Rochelois, j’ai jugé, voyant que l’on n’a point fait de recit avec combien de regimens monsieur le mareschal de Bassompierre s’estoit saisi de cette place, qu’il estoit à propos de faire un chacun participant des nouvelles de l’ordre qui s’est observé en cet affaire.

Pour donc n’user de prolexité en ce discours, il sera remarqué que les quarante drappeaux de l’armée Angloise ne furent pas si tost apportez au Roy, qu’il fut déliberé par le conseil de guerre de Sa Majesté, qu’il falloit envoyer ledit sieur mareschal au bourg de la Fons, avec 2 regimens, a fin de se saisir de la place ; lesquels se voyans conduits et commandez par un si brave capitaine, ne creurent pouvoir recevoir un plus singulier contentement que de marcher sous son azile.

A ceste fin ledit sieur mareschal fit marcher sur les aisles la cavallerie, qui estoit au nombre de quatre à cinq cens maistres qui approcherent des murailles, avec une tres grande industrie, sans estre apperceuz des ennemis : pendant lequel temps il se fit une sortie de la Rochelle qui retarda un peu les nostres d’entrer dedans, à cause du combat qui se donna. Mais aussi il ne fut pas plustost finy que les troupes advancerent avec tant de valleur et de generosité, que l’on se saisit incontinent dudit bourg : ce qui fut sceu dans la Rochelle en mesme temps ; au moyen de quoy les habitans firent une autre sortie, tant de gens de pied que de cheval, avec quelques pieces de campagne qu’ils firent approcher dudit bourg de la Fons : et furent si fort animez en ceste sortie, qu’ils voulurent esprouver si les nostres auroient autant de courage à conserver la place qu’ils avoient prise, comme ils avoient eu d’astuce et de valeur à s’en saisir. Ausquelles espreuves, combien qu’ils firent de grands efforts, neantmoins ils furent traittez comme il leur appartenoit : et est tres-certain que de sept ou huict cens qu’ils estoient à leur arrivée, il en demeura pour le moins la moictié sur la place, et le surplus fut mis en desroute. De maniere que par ces exploicts de guerre le Roy a tiré un grand advantage en ses affaires, pour ce qui regarde la perfection du siege : et le progrez en est si favorable, qu’à present l’on esleve comme l’on veut le fort qui estoit commencé il y a long temps : et d’autre part les Rochelois, (outre qu’ils sont par ce moyen regardez de prés) d’autre costé ils trouvent une incommodité nompareille, à cause que l’on couppe les passages des eaux douces qui alloient dans la Rochelle.... »





XV



Le 7 août le sieur Paul le Goux, secrétaire, fut introduit dans la ville sous la surveillance de deux commissaires, et s’entretint avec le maire. (Journal de Mervault.) Il paraît que le cardinal de Richelieu avait d’abord autorisé l’entrée de Paul le Goux dans la ville, et qu’ensuite il changea d’avis. Le maréchal de Bassompierre lui écrivit à ce sujet la lettre suivante, autographe, qui est en ma possession :

« Monseigneur »

« Des que j’eus hier eu permission de vous de faire entrer dans la Rochelle le sieur le Gous, je luy dis la grace que vous luy auiez faite et qu’il auoit quelques jours auparavant desirée par l’entremise de monsieur du Hallier et de moy, de sorte que ce matin il est entré a la ville ; Je ne say, Monseigneur, quel remede aporter a se mal quy est desia, dont je suis au desespoir puis que vous auies intention de le faire differer et que je suis dans l’impossibilité d’effectuer vos commandemens ausquels j’apporteray toute ma vie une entiere obeissance

Monseigneur comme
Vre tres humble et tres obeissant serviteur
Bassompierre. »





XVI



Dans le Repertoire déjà cité, le maréchal de Bassompierre a transcrit une pièce de vers latins qui parait s’adresser au cardinal de Richelieu par une prosopopée pour lui montrer qu’il est juste de faire participer Bassompierre à la gloire, comme il a participé au succès.

de rupellæ excidio.

Non erat in fatis ut Pergama verteret armis
Pelides, Graii gloria prima soli :
Quod virtutis erat fato ascripsere poetæ,
Et rapuere viris quæ tribuere polo ;
Trojanas acies dum ferro demetit heros,
Astra nihil prestant, sed generosa manus.
Qui te de fatis Rupellæ dixerit unum,

Omnia dat cœlo, maxime, nulla tibi.
Te sine non potuit, fateor, Rupella domari,
Sed fati non est quod venit inde decus :
Bassumpierii labor indefessus et ardor,
Mens, animus, studium, provida cura, manus,
Hæc, Rupella, tuæ majori ex parte ruinæ,
Hæc sola excidii causa fuere tui,
Quæ si defuerant, starent quæ diruta cernis,
Irrita nec fluerent fata peregit homo.
Fatum si ponis, virtus toto exulat orbe ;
Si fatum admittis, nil meruisse puta :
Virtutem premitte manu, tune astra sequentur
Fatum vir fortis conficit ipse sibi.





FIN DE L’APPENDICE.

  1. Guillaume Morel, sieur de Putanges, fut écuyer d’écurie de la reine, de 1618 à 1654.
  2. Bonneuil, introducteur des ambassadeurs.
  3. Le duc d’Uzès.
  4. Correction de la main du président Jeannin.
  5. Idem.