Introduction à la vie dévote (Boulenger)/Cinquième partie/18

Texte établi par Fernand Boulenger,  (p. 360-362).


CHAPITRE XVIII

TROIS DERNIERS ET PRINCIPAUX AVIS
POUR CETTE INTRODUCTION


Refaites tous les premiers jours du mois la protestation qui est en la première Partie, après la méditation ; et à tous moments, protestez de la vouloir observer, disant avec David : « Non, jamais éternellement je n’oublierai vos justifications, o mon Dieu, car en icelles vous m’avez vivifiée ». Et quand vous sentirez quelque détraquement en votre âme, prenez votre protestation en main, et prosternée en esprit d’humilité proférez-la de tout votre cœur, et vous trouverez un grand allégement.

Faites profession ouverte de vouloir être dévote ; je ne dis pas d’être dévote, mais je dis de le vouloir être ; et n’ayez point de honte des actions communes et requises qui nous conduisent à l’amour de Dieu. Avouez hardiment que vous vous essayez de méditer, que vous aimeriez mieux mourir que de pécher mortellement, que vous voulez fréquenter les sacrements et suivre les conseils de votre directeur (bien que souvent il ne soit pas nécessaire de le nommer, pour plusieurs raisons). Car cette franchise de confesser qu’on veut servir Dieu et qu’on s’est consacré à son amour d’une spéciale affection, est fort agréable à sa divine Majesté, qui ne veut point que l’on ait honte de lui ni de sa Croix ; et puis, elle coupe chemin à beaucoup de semonces que le monde voudrait faire au contraire, et nous oblige de réputation à la poursuite. Les philosophes se publiaient pour philosophes, afin qu’on les laissât vivre philosophiquement ; et nous devons nous faire connaître pour désireux de la dévotion, afin qu’on nous laisse vivre dévotement. Que si quelqu’un vous dit que l’on peut vivre dévotement sans la pratique de ces avis et exercices, ne le niez pas ; mais répondez amiablement que votre infirmité est si grande, qu’elle requiert plus d’aide et de secours qu’il n’en faut pas pour les autres.

Enfin, très chère Philothée, je vous conjure par tout ce qui est de sacré au ciel et en la terre, par le baptême que vous avez reçu, par les mamelles que Jésus-Christ suça, par le cœur charitable duquel il vous aima et par les entrailles de la miséricorde en laquelle vous espérez, continuez et persévérez en cette bienheureuse entreprise de la vie dévote. Nos jours s’écoulent, la mort est à la porte : « La trompette, dit saint Grégoire Nazianzène, sonne la retraite ; qu’un chacun se prépare, car le jugement est proche ». La mère de Symphorien, voyant qu’on le conduisait au martyre, criait après lui : « Mon fils, mon fils, souvienne-toi de la vie éternelle ; regarde le ciel et considère Celui lequel y règne ; la fin prochaine terminera bientôt la brève course de cette vie ». Ma Philothée, vous dirai-je de même, regardez, le ciel et ne le quittez pas pour la terre ; regardez l’enfer, ne vous y jetez pas pour les moments ; regardez Jésus-Christ, ne le reniez pas pour le monde ; et quand la peine de la vie dévote vous semblera dure, chantez avec saint François :

« A cause des biens que j’attends.
Les travaux me sont passe-temps ».

Vive Jésus, auquel, avec le Père et le Saint-Esprit, soit honneur et gloire, maintenant et toujours et ès siècles des siècles. Ainsi soit-il.



FIN