Impressions d’un Japonais en France./Chapitre 21

XXI

FIN DU JOURNAL DE KOUEN-FOU

Nous sommes allés hier chez un Français nommé Martial Combes. Le bon jeune homme, désireux d’atteindre un haut goût oriental, m’a fait une réception saugrenue. Ses recherches gastronomiques m’ont surtout beaucoup diverti. Ah ! si ces excellents étrangers lisaient dans mon âme, que de fois ils rougiraient en voyant le cas que je fais d’eux !

Il y avait là un jeune lettré qui commence, dit-on, à jouir de quelque notoriété. J’avoue que son nom est entièrement inconnu au Japon. Son front m’a paru soucieux et son regard d’une austérité singulière. Il souriait, je crois, aux extravagances de son compagnon.

J’ai causé quelques instants avec lui. Le monde asiatique ne lui est pas étranger. Il m’a même cité la plupart de nos grandes villes et une dizaine de nos plus célèbres mikados. Seulement il prononce le japonais d’une atroce manière : c’est à faire frémir.

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Décidément, je regrette de plus en plus mon ancien guide Francœur ; — depuis notre séparation je ne vois rien. Mon nouveau drogman est peut-être fort érudit, mais son intelligence est au-dessous de la moyenne, c’est un sot…

— Sapristi ! s’écria l’interprète en fermant avec fureur le manuscrit. Je me vengerai de ton insolence, Japonais damné ! Il faut que je lise pendant deux heures tes ridicules impressions pour aboutir à cette belle chute. Allez au diable, toi et ton Francœur !

Il se lève sans ajouter le moindre mot, passe rapidement les feuillets sous son bras, me salue, tourne le bouton de la porte et s’esquive.