Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/hébertiste s. m.

Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 1p. 131).

HÉBERTISTE s. m. (é-bèr-ti-ste). Hist. Partisan des doctrines d’Hébert.

— Encycl. Le parti des hébertistes, l’un des grands partis de la période révolutionnaire, fut ainsi nommé du nom d’Hébert, le fameux Père Duchesne, non qu’il en fut, à proprement parler, le chef, mais parce que son journal était en quelque sorte l’organe du parti. Les principaux membres étaient, avec Hébert, Chaumette, procureur de la Commune, Pache, maire de Paris, Bouchotte, ministre de la guerre, Vincent, secrétaire général du même ministère, Ronsin, général de l’année révolutionnaire, l’imprimeur Momoro, etc. D’autres hommes s’y rattachaient plus ou moins directement : les conventionnels Fouché, Anacharsis Cloots, Carrier, Collot d’Herbois, le général Rossignol, Hanriot, commandant de la garde nationale parisienne (qui s’attacha ensuite à Robespierre), etc. Ils dominaient à la Commune, au ministère de la guerre, si important alors, s’appuyaient sur les sections de Paris, et comptaient des adhérents à la Convention, dans le comité de Salut public, et surtout dans le comité de Sûreté générale. C’était, comme on le voit, un parti extrêmement puissant. Il faut ajouter encore que le journal d’Hébert lui créait chaque jour de nombreux partisans dans l’armée, et que beaucoup de représentants en mission s’y rattachaient. Les hébertistes représentaient la fraction révolutionnaire la plus ardente et la plus avancée ; ils eurent, par la Commune et les sections, l’initiative de la plupart des mesures extraordinaires de salut public : le maximum, l’emprisonnement des suspects, la création de l’armée révolutionnaire, etc. Enfin, le mouvement contre le culte, en novembre 1793, l’établissement des fêtes de la Raison ont été entièrement leur œuvre. Mais, peu de temps après, la réaction contre eux commença. Robespierre n’avait pas vu sans colère cette puissance populaire qui grandissait et échappait à son action ; en outre, la campagne entreprise contre le catholicisme avait choqué son déisme ; enfin, révolutionnaire classique et officiel, il se sentait dépassé, et affectait de ne voir que des énergumènes dans les hommes de la Commune et leurs amis. Non-seulement il prépara avec passion et activité une réaction religieuse, mais il s’attacha à perdre ceux qu’il regardait comme ses ennemis. D’un autre côté, Danton, déjà bien lassé du labeur révolutionnaire, s’éleva lui-même contre les « mascarades antireligieuses, » et encouragea ses amis dans la guerre contre les « exagérés. » Il était visible qu’un choc terrible allait avoir lieu. Spectacle vraiment tragique ! tous ces groupes énergiques et vivants, la sève de la Révolution, allaient successivement s’éliminer dans des combats à mort, et laisser finalement le terrain à la réaction.

Quelques arrestations eurent lieu ; c’était le prélude du combat. Enfin, les comités mirent la main sur Ronsin et Vincent. Mais il y eut, en faveur des deux prisonniers, des réclamations énergiques, et ils furent relâchés au bout de peu de temps. Beaucoup d’autres révolutionnaires, jetés aussi dans les prisons, n’avaient pas eu le même bonheur. Au lieu de retourner dans la Vendée pour reprendre le commandement de son armée, Ronsin restait à Paris, disant aux siens qu’il ne partirait pas avant d’avoir délivré les patriotes opprimés. Il se forma, dit-on, un complot, dont il était le chef militaire. On devait décerner une sorte de dictature à Pache, sous le titre de grand juge. On comptait sur le concours des sections. Des ramifications s’établissaient avec les environs de Paris et plusieurs départements. « Le gouvernement révolutionnaire, disait-on, est devenu un instrument d’oppression contre les patriotes ; la constitution de 1793, qui devait assurer le bonheur du peuple, est indéfiniment suspendue ; la Convention nationale n’est composée que de traîtres ou d’hommes usés ; elle a besoin d’être retrempée dans de nouvelles élections, de même que tous les corps administratifs. » Le centre du mouvement était au club des Cordeliers. Un jour, à la suite d’un discours chaleureux de Ronsin contre les dantonistes, on y voile d’un crêpe noir la Déclaration des droits de l’homme, « jusqu’à ce que le peuple ait recouvré ses droits, que la faction modérée soit anéantie, et qu’il ne reste plus un seul patriote dans les prisons. » À Lyon, à Lille, à Nancy et dans d’autres villes, cet exemple est imité. C’était presque un appel aux armes, et le gouvernement se voyait contraint de prendre un parti. En butte à deux factions opposées, qui le gênent également dans sa marche, laquelle sacrifiera-t-il la première ? Robespierre est l’ennemi mortel des hébertistes ; il les couve depuis longtemps comme une proie ; il les a vus avec joie se compromettre par des manifestations imprudentes, et, aujourd’hui, ses collègues du comité de Salut public ne peuvent plus lui refuser les victimes que jusqu’ici il a demandées en vain. Ils furent donc arrêtés (24 ventôse an II). C’étaient, avec Hébert, Ronsin et Vincent : l’imprimeur Momoro, Mazuet, adjudant général de l’année révolutionnaire ; Anacharsis Cloots, conventionnel ; Ducroquet, commissaire aux subsistances, etc. Devant le tribunal révolutionnaire, des témoins révélèrent la plupart de leurs dernières démarches. On les accusait, en général, d’avoir voulu troubler la paix publique, corrompre les mœurs, renverser les principes sociaux. Tous étaient des agents de l’étranger, et, pour donner de la consistance à cette absurde calomnie, on leur avait accolé le banquier hollandais Kock, le Belge Proly, l’Espagnol Perreira. Le procès se termina au bout de trois jours, sans qu’on eût entendu un seul témoin à décharge et que les accusés eussent pu se défendre. Sur vingt qu’ils étaient, il n’y eut qu’un seul acquittement, celui du nommé Laboureau, qui avait joué le rôle de mouton. Le jour même de la sentence de mort, on les conduisit à l’échafaud. La joie des modérés, qui éclatait avec transport, fut bientôt comprimée par le supplice des dantonistes ; puis, on se débarrassa des débris des deux factions dans une nouvelle journée, où étaient confondus pêle-mêle Chaumette et Arthur Dillon, la femme d’Hébert et celle de Camille Desmoulins. Voyez, pour les détails qui n’ont pu trouver place ici, les articles Commune de Paris, Duchesne (le Père), Hébert, Raison, etc.