Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/HÉBERT (Antoine-Auguste-Ernest), peintre français

Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 1p. 131).

HÉBERT (Antoine-Auguste-Ernest), peintre français, né à Grenoble le 3 novembre 1817. Ce maître, un des plus sympathiques de l’école moderne, s’est acquis une grande notoriété dans un genre à part, qui n’est ni la peinture d’histoire ni l’observation de la vie intime. Venu à Paris en 1835, pour y faire son droit, il préféra se livrer aux études artistiques, entra d’abord dans l’atelier de David d’Angers, puis dans celui de Paul Delaroche, concourut à l’École des beaux-arts, et obtint, dès sa première entrée en loge, le grand prix do Rome, dont le aujet était la Coupe trouvée dans le sacde Benjamin (1839). Cette même année, il avait exposé au Salon du Louvre le Tasse en prison, sa première œuvre ; elle fut remarquée, et achetée par le gouvernement pour le musée de Grenoble. Comme pensionnaire de la villa Médicis, il envoya à Paris deux Odalisques et une copie de la Sibylle appelée Delphica ; puis il prolongea son séjour en Italie, remplissant ses carions de croquis et de souvenirs, qui devaient lui fournir de si charmants sujets de tableaux. Son retour fut signalé par un accident terrible : le paquebot qui le ramenait en l’iunce l’ut assailli par une tempête en abor HEBË

dant à Marseille, et le peîntro, qui était resté sur le pont, fut emporté par une lame. Il sa réveilla d’un long évanouissement dans un lit d’hôpital, avec une jambe brisée. Trèsbieti soigné par le docteur Koberty, il lui en témoigna sa reconnaissance en faisant du docteur un portrait d’une rare vigueur et d’une grande physionomie. Ce portrait lui valut un très-bon accueil dans la société marseillaise, et quelques commandes, parmi lesquelles nous citerons, comme les plus réussis, les portraits de M. et Maio R., de M. J. P., et surtout celui de Mlle R., en bohémienne, étude qui restera parmi les meilleures de l’œuvre de M. Hébert. De retour à Paris, il exposa, aux Salons de 1847 et 1848 : une Uêverie orientale, rapportée d’Italie ; la Sieste, Y Aimée, un Pâtre italien, le Matin au bois, et une Paysanne de Guérande battant son beurre. La Malaria, exposée en 1850, consacra la réputation de l’artiste, qui prit dès lors un rang distingué parmi les peintres contemporains. Cette barque qui glisse lentement, sous un ciel triste et lourd, sur les eaux noires des marais empoisonnés, emportant un vieillard, un enfant et une belle jeune fille déjà atteinte de la contagion mortelle, fit une profonde sensation. Ce tableau appartient au musée du Luxembourg, ainsi que le Baiser de Judas, paru en 1853, avec plusieurs portraits, parmi lesquels celui du prince Napoléon, Après un nouveau voyage en Italie et une visite au musée de Dresde, M. Hébert a donné : la Crescenza, les Fiénaroles, les Filles d’Atvito (musée du Luxembourg), qui figurèrent à l’Exposition universelle de 1855 ; Jiosa Nera à la fontaine, les Cemarolles, au Salon de 1859 ; un portrait de la princesse Marie-Clotilde ; une Hue de Cervara (1861) ; la Jeune fille au puits, et Pasqua Maria, ce dernier appartenant k la baronne James de Rothschild (1863) ; deux portraits (1864) ; la Perle noire, type d’Italienne (1866) ; Adam et Eve chassés du paradis terrestre (1867) ; la Paslorella, la Lavandaia (1869) ; le Matin et le soir de la vie (1870), un des meilleurs tableaux du Salon ; la Muse populaire ita-. tienne (1872).

On reproche k M. Hébert de n’avoir pas varié suffisamment l’objet de ses études et de ses inspirations. Toutes ses Italiennes, aux grands yeux noirs cernés par la fièvre, semblent des figures détachées de sa première œuvre applaudie, la Mal’aria. Ce type de beauté maladive a un grand charme ; mais M. Hébert l’a reproduit incessamment : très-touchant et provoquant une invincible émotion dans la Mai’aria, dans les Filles d’Alvito, dans Jlosa Nera à la fontaine, il dégénère presque dans la Jeune fille au puits et dans la Perle noire, en illustration de keepseake. Le Baiser de Judas, composition plus sévère, fait à peu près seul exception dans l’œuvre de M. Hébert. Cette toile, d’une composition sobre et sérieuse, qui consacra sa réputation, lit croire un moment que M. Hébert servirait d’intermédiaire entre l’école de Ingres et celle de Delacroix ; qu’il ramènerait à lui, par une heureuse entente de la ligne et de la couleur, les esprits extrêmes charmés seulement de l’une ou de l’autre de ces qualités opposées. Mais, obéissant sans doute à son tempérament, 1 artiste est retourné au thème gracieux qui lui avait valu ses premiers succès. Quoi qu’il en soit, il a su rester original et vrai, même après Léopold Robert et Schnetz, en joignant au pittoresque le sentiment. « II excelle, dit Th. Gautier, k rendre ces physionomies italiennes, brunes et sérieuses, où la vie paraît dormir à force d’intensité et se trahit seulement dans un regard fixe ; il suit exprimer, mieux que personne, cette mélancolie de chaleur, ce spleen de soleil, cette tristesse de sphinx qui donnent tant de caractère à ces belles têtes méridionales. »

M. Hébert a obtenu deux premières médailles : l’une en 1851, l’autre en 1855, à la suito de l’Exposition universelle ; en 1853, il fut fait chevalier de la Légion d honneur, et officier en 1867 ; membre de l’Institut depuis quelques années, il avait été nommé en 1S6G directeur de l’École de Rome.