Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Juillet 1840 (TRAITÉ DU 15)

Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 3p. 1094).

Juillet 1840 (traité du 15). Le sultan Mahmoud II était en guerre avec le vice-roi d’Égypte, Méhémet-Ali, et ses troupes venaient d’être complètement battues, à Nézib, par Ibrahim-Pacha, fils adoptif du vice-roi, lorsqu’il mourut tout à coup (30 juin 1839), laissant pour successeur le jeune Abd-ul-Medjid. Ibrahim marcha alors sur Constantinople et la flotte turque se rendit au vice-roi. À cette nouvelle, les gouvernements de la France, de l’Angleterre, de l’Autriche et de la Prusse résolurent de se mettre d’accord pour assurer l’intégrité de l’Empire ottoman. La France commença par intervenir, en arrêtant Ibrahim-Pacha dans sa marche victorieuse, mais elle demanda pour le vice-roi la souveraineté héréditaire de l’Égypte et de la Syrie. Le gouvernement anglais, très-hostile à Méhémet-Ali, refusa d’adhérer à cette proposition et convoqua à Londres les plénipotentiaires de l’Autriche, de la Prusse, de la Russie et de la France. Sur ces entrefaites, lord Palmerston, craignant que le cabinet des Tuileries n’arrivât à amener un arrangement direct entre le sultan et le vice-roi, pressa les plénipotentiaires de prendre une décision, et, après avoir écarté le représentant de la France, il fit signer, à Londres, le 15 juillet 1840, le traité fameux par lequel l’Angleterre, l’Autriche, la Russie et la Prusse, après avoir reconnu les droits de la Turquie sur les détroits du Bosphore et des Dardanelles, tranchaient la question turco-égyptienne et s’engageaient à agir de concert contre Méhémet-Ali, dans le cas où celui-ci refuserait d’accepter les arrangements que lui proposait le sultan. Par ces arrangements, le vice-roi devait conserver l’administration, pour lui et ses descendants, du pachalik d’Égypte, et pendant sa vie le gouvernement de Saint-Jean-d’Acre, ainsi que l’administration de la partie méridionale de la Syrie. Il devait immédiatement remettre au sultan la flotte turque, lui payer un tribut annuel, appliquer à l’Égypte es lois et traités de l’Empire ottoman et mettre d’une façon permanente, à la disposition du sultan, son armée de terre et de mer. Si Méhémet-Ali n’acceptait pas dans les vingt jours ces conditions, le sultan avait la liberté de suivre telle marche ultérieure que ses intérêts et les conseils de ses alliés pourraient lui suggérer. Ce traité fut notifié le 16 août suivant au vice-roi, qui, comptant sur l’appui de la France, refusa de l’accepter. Nous n’avons pas à parler ici des conséquences qu’entraîna ce refus (v. Méhémet-Ali). Bornons-nous à dire que la nouvelle du traité du 15 juillet 1840 produisit une vive sensation en France. Écarté par l’Angleterre du concert européen, le gouvernement français eut quelques velléités de prendre en main la cause de Méhémet-Ali ; il porta même l’effectif de l’année à 500,000 hommes, augmenta sa marine, décréta d’urgence la construction des fortifications de Paris, et l’on put croire un instant qu’une guerre générale allait s’allumer en Europe. Mais, le 20 octobre 1840, le ministère Thiers fut remplacé par le cabinet Guizot, qui accepta en silence la politique d’isolement faite à la France par le traité du 15 juillet, et se trouva fort heureux de pouvoir rentrer humblement dans le concert européen en apposant sa signature au traité du 13 juillet 1841.