Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Homme franc (L’) ou l’Honnête homme, comédie de Wycherley

Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 1p. 365).

Homme franc (L’) ou l’Honnête homme, comédie de Wycherley ; représentée à Londres en 1677. Manly est un brave marin, qui a fait couler bas son vaisseau plutôt que de se rendre aux Français. C’est un homme honnête, mais grossier, jurant sans cesse, et malmenant surtout un jeune volontaire, à figure efféminée, qui veut le suivre à terre après avoir partagé ses dangers. Comme il est doué d’une très-médiocre perspicacité, Manly n’a eu garde de deviner que le volontaire est une charmante femme, Fidelia, éprise, on ne sait trop pourquoi, d’un pareil rustre. Avant son départ, le marin avait confié sa fortune à sa maîtresse, nommée Olivia. Pendant son absence, celle-ci a épousé un coquin de son espèce, Varnilh, le seul homme dans lequel Manly eût mis toute sa confiance, et l’honnête couple s’est entendu pour dépouiller le trop confiant capitaine. À peine débarqué, Manly court chez Olivia, qui le reçoit assez mal et lui avoue son mariage. Manly est atterré ; cependant il ne renonce pas pour cela à sa maîtresse. Il apprend que Fidelia, sous son costume masculin, a plu à cette créature, qui a invité le jeune volontaire à un rendez—vous nocturne. Au lieu de se détacher de son infidèle, Manly force Fidelia à lui donner la clef du jardin dont il s’est tant de fois servi, et va remplacer au rendez-vous la jeune fille, pour laquelle, du reste, cette position commence à devenir scabreuse. Manly, au lieu de foudroyer Olivia, ne se fait point reconnaître et profite en affamé des faveurs dont Fidelia n’eût trop su que faire. Ce n’est pas, à coup sûr, faire preuve d’une grande délicatesse. Enfin, à un second rendez-vous, dans lequel Olivia, de plus en plus amoureuse du jeune volontaire, veut fuir avec lui en emportant la cassette de Manly, ce dernier se fait reconnaître, reprend son bien, chasse Olivia, découvre l’identité de Fidelia et l’épouse. Cette pièce, qui obtint, lors de son apparition, un immense succès, est restée fort longtemps au répertoire. Chose à peine croyable, non—seulement les Anglais ont comparé l’Homme franc de Wycherley au Misanthrope de Molière, mais encore ils n’ont point hésité à lui attribuer une supériorité marquée. Il est inutile de réfuter une opinion si peu soutenable. Wycherley a peint avec verve les mœurs dissolues de son temps, mais n’a point atteint la haute comédie. « Il croyait, dit Taine, avoir tracé le portrait d’un franc honnête homme, et s’applaudissait d’avoir donné un bon exemple au public ; il n’avait donné que le modèle d’une brute déclarée et énergique. »