Traduction par Josefa Božena Koppová.
Imprimerie Dr. Ed. Grégr. (p. 306-329).
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xv.


Le lendemain grand’mère étant allé, comme d’habitude à la rencontre de ses petits-enfants, le premier mot qu’elle leur dit, fut ceci : Devinez, enfants, qui est-ce qui est chez nous. Les enfants cherchèrent un peu, sans trouver encore ; puis Barounka de s’écrier toute la première : « C’est monsieur Beyer ! N’est-ce pas, grand’mère ?

« Oui, tu l’as deviné, et il a amené son fils. »

« Ah ! que j’en suis content ; courons vers lui ! » s’écria Jean ; et déjà il courait suivi de Guillaume, de façon à faire sauter, de côté et d’autre, le petit sac de fourniture scolaire qu’ils portaient au dos.

Grand’mère leur cria de marcher en garçons raisonnables et de ne pas se lancer ainsi comme le gibier ; mais ils étaient déjà loin, aussi étaient-ils tout essouflés, quand ils entrèrent dans la chambre. Leur mère allait les en reprendre ; mais M. Beyer allongea ses longs bras, les leva l’un après l’autre pour les baiser sur les deux joues.

« Qu’avez-vous fait pendant toute l’année, comment vous êtes-vous portés, leur demanda t-il de sa voix de basse, mais qui résonnait fort pour un petit local.

Les garçons ne répondirent pas sur le champ ; leurs yeux étaient attachés sur un jeune garçon, du même âge, à peu près que Barounka, et qui se tenait tout près de M. Beyer. C’était un bel enfant qui ressemblait en tout à son père, sans doute il n’en avait ni la membrure, ni la forte carrure, puisque ses joues avaient la fraîcheur et l’éclat des roses, et que les éclairs de joie propres à cet âge brillaient dans ses yeux. « Ah ! Vous regardez mon fils ! Allons, regardez le bien, et lui donnez aussi la main en signe que vous allez être de bons camarades. C’est lui qui est mon Orel. » En disant ces mots, il poussait en avant son fils, qui sans la moindre timidité présenta la main.

Au même instant entrait Barounka avec grand’mère et Adèle : « Voici Barounka, dont je t’ai dit chez nous qu’elle était toujours la première à me souhaiter le bonjour, quand je venais de passer ici la nuit. Mais je vois qu’il y a du changement cette année ; vous fréquentez déjà l’école, et Jenik est déjà obligé de se lever en même temps que Barounka. Vous plaisez-vous à l’école ?

Dis moi, mon Jean : « N’aimerais-tu pas mieux courir dans les bois ? Tu vois mon Orlik ? Le voilà obligé d’aller avec moi à l’affût dans les montagnes, et sous peu ce sera aussi bien que moi qu’il saura manier le fusil. » Et pendant qu’il parlait, tous les enfants étaient rassemblés autour de lui.

« Ne leur en parlez pas, » dit grand’mère. « Jenik voudrait tout de suite voir le fusil d’Orel.

« Mais qu’est-ce que cela fait qu’il le voie ? Va, Orlik, apporte-le lui ; il n’est pas chargé. »

« Non, papa, il ne l’est pas ; car c’est avec le dernier coup que j’ai tiré sur le milan, » dit le jeune garçon.

« Et tu l’as tué, ton coup a porté ; tu peux en être fier. Va le montrer aux garçons » Et ils sortirent tous joyeusement avec Orel. Grand’mère était pourtant inquiète, encore que M. Beyer lui eut assuré que le fusil n’était pas chargé, et qu’Orlik prendrait attention aux enfants. Pour se tranquilliser, elle les suivit.

« Mais tu portes donc le nom d’un oiseau, » demanda Adèle à Orel, quand ils furent dehors, et pendant que Jenik et Guillaume regardaient le milan abattu ?

« Je m’appelle de mon nom propre Aurel, ré pondit-il en souriant ; mais papa aime mieux me nommer Orel, et, c’est le nom que je préfère aussi. Orel est un bel oiseau.[1]) Mon papa en a déjà tué un.

« Je le crois bien, » dit Jean ; je veux te montrer un aigle et d’autres animaux, que j’ai en peinture dans un livre, cadeau reçu à ma fête ; viens avec moi. Et là-dessus il prenait Orel par la main et entre dans la chambre, où il se met à lui montrer les dessins.

L’examen des animaux n’intéressa pas seulement Orel, mais aussi monsieur Beyer qui les vit avec lui, page par page. « Tu n’avais pas ce livre l’année dernière, » demanda t-il au Jean.

« Non, c’est un cadeau de la comtesse à mon jour de fête, répondit-il, » et j’ai reçu encore, de Christine, une paire de pigeons ; de monsieur le chasseur, des lapins ; de grand’mère, une pièce d’argent, et de mes parents l’étoffe pour un habit !

« Tu es un garçon bien heureux ! reprit monsieur Beyer, qui continuait à regarder les dessins, et y voyant un renard il dit en souriant : « On le dirait vivant. Attends, attends, vilain drôle ; Va, tu me le paieras ! » Guillaume s’imagine que ces paroles s’adressent au renard en peinture, et il regarde avec un étonnement, qui n’échappe point à monsieur Beyer ; car celui-ci ajoute avec un sourire : « N’aie pas peur : ce n’est pas à ce renard-ci que j’en veux ; mais à un vrai renard des montagnes à qui il ressemble fort ; et c’est celui-là qu’il faut que nous attrapions, car il nous cause beaucoup de dégâts. »

« Il est possible que Pierre l’attrape dit Orel ; car je suis allé avec lui tendre des trappes avant notre départ.

« Mon cher garçon, le renard est dix fois plus fin que Pierre ; il fait des combinaisons auxquelles un homme ne penserait même pas, et surtout quand il s’est trouvé, déjà une fois dans la trappe comme celui-là même que je guette. Le gredin ! Nous avions déjà mis de la viande rôtie dans la trappe, et déjà nous croyions le tenir sûrement, car il avait faim ; mais vous imagineriez-vous bien ce qu’il a fait ? Il a préféré mordre dans sa patte cassée et courir encore. Nous aurons bien de la peine à le rattraper. C’est à ses dépens qu’un homme devient prudent et sage ; et m’est avis que le renard est autant avisé qu’un homme. Et ce disant, le chasseur feuilletait encore dans le livre.

« Ce n’est pas en vain qu’on dit d’un homme : rusé comme un renard, dit grand’mére.

« Voici l’aigle s’écrièrent les enfants, regardant un bel oiseau aux ailes étendues, comme s’il se jetait sur sa proie.

« J’en ai tué justement un pareil. C’était un bel oiseau, et j’en ressentais presque de la peine, mais que devais-je faire, une telle occasion ne se représente pas tout de suite. Mon coup porta juste, et c’est le principal, que de ne pas tourmenter un animal.

« C’est ce que je dis aussi toujours, » fit observer grand’mère.

« Mais je m’étonne, ajouta Barounka que vous, monsieur Bever tuiez les bêtes sans en ressentir de peine.

Et vous, n’êtes-vous pas obligées de leur couper le cou, répliqua M. Beyer en souriant. « Mais qu’est-ce donc qui est encore le mieux ? Ou d’abattre l’animal d’un seul coup, et avant même qu’il ait vu le danger, qu’il court ? Ou de ne le prendre qu’après l’avoir effarouché d’abord, puis encore effrayé par vos préparatifs pour lui couper la gorge ? Encore est-ce fait, parfois si maladroitement, qu’il échappe en voletant, n’étant qu’à demi mort.

« Ce n’est pas nous qui mettons le couteau sous la gorge des volailles, dit Barounka, c’est l’ouvrage d’Ursule ; elle n’en ressent pas de peine, et alors les bêtes sont mortes du coup. » Les enfants s’amusèrent encore quelques instants à considérer les figures d’animaux ; puis leur mère les appela pour souper.

Les années précédentes, les enfants interrogeaient M. Beyer sur les incidents de la vie dans les montagnes ; ils lui demandaient, entre autres questions, s’il ne s’est pas égaré dans le petit jardin de Ribrzoul ; mais cette fois-ci leurs incessantes que stions ne furent adressées qu’à Orel qu’ils écoutèrent avec un grand intérêt, surtout quand le jeune garçon leur raconta les dangers qu’il avait déjà courus avec son père, les choses heureuses qu’il avait faites ; quand il leur dépeint les énormes masses de neige accumulées dans les montagnes, et sous lesquelles les villages demeurent, tout l’hiver comme ensevelis ; alors que les hommes n’en peuvent gagner la surface pour sortir de la maison qu’en montant par la cheminée pour se frayer ensuite un sentier d’une chau mière à l’autre.

Mais c’était là une description qui loin d’être faite pour décourager Jean, ne lui faisait que plus ardemment souhaiter d’être en âge d’aller demeurer chez M. Beyer.

« Quand tu seras chez nous, papa me placera en échange, chez le chasseur de Riesenbourg, pour que je connaisse aussi le genre de vénerie plus facile que le nôtre.

« Ce sera alors dommage que tu ne sois pas à la maison, » dit Jean affligé.

« Tu ne t’y ennuieras pas, nous avons encore chez nous deux garçons chasseurs ; puis mon frère Vincent qui est de ton âge, puis ma sœur Marie qui t’aimera bien, dit Orel. Pendant que les enfants, assis dans la petite cour écoutaient les récits d’Orel, et regardaient à travers les cristaux qu’il leur avait apportés, M. Beyer entendait grand’mère lui raconter, les terribles effets de l’inondation et lui faire part de tout ce qui s’était passé depuis un an.

« La famille de monsieur mon collègue de Biesenbourg est-elle en bonne santé, » demanda le chasseur ?

« Tous se portent bien, répondait madame Proschek. Annete grandit ; les garçons fréquentent l’école de la montagne Bouge, qui n’est pas aussi éloignée pour eux que la ville. Je suis bien étonnée que monsieur le chasseur ne soit pas encore arrivé ici : il avait dit qu’il s’y arrêterait pour vous voir, en passant pour aller à l’affût. Il a déjà été ici dans la matinée pour me donner des nouvelles du château, il avait reçu une lettre de Vienne. Je me rendis tout de suite au château, où j’ai appris que la comtesse va mieux, que la princesse arrivera pour la fête des moissonneurs ; qu’elle passera ici environ quinze jours, et repartira ensuite pour Florence. Je peux donc esperer que mon mari passera l’hiver avec nous ; la princesse voulant, dit-on, cette fois voyager sans sa suite. Ce n’est qu’une fois, après plusieurs années que nous pouvons enfin passer tous ensemble un temps assez long. Il y avait longtemps, que madame Proschek en avait tant dit ; longtemps, qu’elle avait été aussi heureuse qu’en ce jour où elle recevait la consolante nouvelle, de l’arrivée de son mari. —

« Dieu soit loué que cette jeune demoiselle se soit tirée de cette maladie ! Quel dommage si cette jeune et douce créature eut succombé ! Nous demandions tous à Dieu de la rendre à la santé ; et hier soir encore, on entendait ici Cécile Coudrna la pleurer bien fort.

« C’est qu’elle en aurait eu bien sujet, dit madame Prosckek. M. Beyer demanda ce que madame Proschek voulait dire, et grand’mère qui lui raconta alors l’histoire de sa visite au château, ne manqua point d’attribuer à la jeune comtesse le service qui avait rendu la famille Coudrna si heureuse.

« J’ai entendu dire » demanda le chasseur, « que la commtesse est la fille de — »

Au même instant quelqu’un frappa à la fenêtre.

« C’est monsieur notre collègue ; je le reconnais à la manière de frapper : Entrez, entrez, lui répondit madame Proschek, à voix haute et affable.

« Le monde a souvent mauvaise langue, continua grand’mère, en répondant à la question du chasseur ; et celui qui marche au soleil, est suivi par des ombres ; il n’en va pas autrement : et que nous importe de qui elle soit la tille ?

Le chasseur de Riesenbourg entra et les deux amis s’embrassèrent cordialement.

« Où vous êtes-vous donc amusé, que vous tardiez si longtemps à arriver ? lui demanda grand’mère, en jetant un regard de crainte sur le fusil, que le chasseur suspendait à une chevillette.

C’est que j’ai eu une visite charmante, celle de monsieur l’administrateur du château. Il est venu pour sa provision de bois ; il avait vendu son bois d’appointement ; et à présent il veut, pour avoir son bois d’avance, que je lui fasse une provision de contrebande, ce que je ne ferai jamais. J’ai deviné tout de suite son dessein à l’air souriant avec lequel il m’a abordé. Mais je lui ai dit aussitôt son fait. Je le lui ai dit encore au sujet de Mila ; car j’ai pitié de ce pauvre garçon et de Christine aussi.

Passant ce matin près de l’auberge j’y suis entré pour prendre un verre de bière ; j’ai été effrayé de la mauvaise mine qu’a Christine. Et il l’a sur la conscience ce vilain maud… Le chasseur arrêta son mot en se frappant sur la bouche. Il venait de se rappeler que c’était à côté de grand’mère qu’il était assis.

« Qu’est-il donc arrivé ? » demanda Beyer, et grand’mère s’empressa de lui raconter l’histoire de l’enrôlement de Mila avec ce qui en avait été la cause.

« C’est ainsi qu’il en va dans le monde. De quelque côté qu’on s’y tourne, on n’y rencontre que souffrance et misère, parmi les grands comme parmi les petits, et celui qui n’y a pas de chagrin, s’en fait. Ces paroles furent de M. Beyer.

C’est par l’infortune et par la douleur, que l’homme se purifie, ainsi que l’or par le feu, de toutes ses scories.

Il n’y a pas de joie sans douleur. Si je savais un moyen de venir en aide à cette bonne fille, je le saisirais avec plaisir, mais c’est impossible. Il faut qu’elle souffre et qu’elle attende. Je pense que le jour de demain sera terrible pour elle jusqu’au départ de Mila.

« Et c’est déjà demain qu’il part ? » dit le chasseur avec étonnement. Ils sont si pressés ? Où doit-il se rendre ?

« À Königgraetz. »

« Nous ferons alors le même chemin à la différence que je le ferai par eau sur les trains de bois de flottage, au lieu qu’il ira sur la terre ferme.

Les garçons accoururent dans la chambre ; Jean et Guillaume montrèrent au chasseur de Riesenbourg le milan qu’Orlik avait tué ; et Orlik raconta à son père, qu’ils avaient été à la digue où ils avaient vu la folle Victoire.

« Elle vit encore, » demanda monsieur Beyer avec étonnement ?

« Hélas ! oui, la pauvre malheureuse. Mieux vaudrait qu’elle fût sous la terre, que dessus, » répondit grand’mère.

« Mais elle vieillit déjà ; on ne l’entend plus chanter que rarement, excepté quand les nuits sont bien claires. »

« Mais elle se tient souvent assise auprès de la digue en regardant dans l’eau, elle y reste parfois jusqu’à minuit, » dit le chasseur. « Je passai près d’elle, hier soir ; il était déjà tard ; elle arrachait des baguettes de saule pour les jeter dans l’eau. Qu’est-ce que tu fais ici lui demandais-je ? Pas de réponse. Je réitère ma question. Alors elle se retourne vers moi ; ses yeux étincellent ; je crois qu’elle va sauter sur moi. Mais peut-être qu’elle m’a alors reconnu, ou qu’une autre pensée lui a passé par la tête, car elle se retourne du côté de l’eau et jette encore, l’une après l’autre ses baguettes de saule par dessus la digue. Pas moyen d’entrer en rapport avec elle. J’en ai compassion ! et c’est pourquoi j’en suis à lui souhaiter la fin de sa misérable vie ; et pourtant si je ne la voyais plus auprès de la digue, si je ne l’entendais plus chanter quand je suis à l’affût, il me manquerait quelque chose dont je sentirais le regret, dit le chasseur qui tenait encore le milan.

« Quand on a ses habitudes, il est difficile d’y renoncer, » dit Beyer, en mettant un petit morceau d’amadou enflammé dans une courte pipe d’argile ; et quand il en a eu tiré plusieurs bouffées, il continua : Que ce soit à une personne, ou à un animal, ou même à un objet l’accoutumance est la même.

Par exemple, voici la pipe avec laquelle j’ai l’habitude de fumer, quand je vais en route ; c’est avec une pipe toute semblable que fumait ma mère, telle que je la vois encore assise devant sa porte.

« Qu’est-ce donc, votre maman fumait », s’écria Barounka avec étonnement.

Il y a nombre de femmes qui fument en pays de montagne, et particulièrement des femmes âgées, mais avec cette différence qu’au lieu de tabac, elles consument des tiges de pommes de terre et des feuilles des cerisiers, si elles en ont. »

« Je ne pense pas que le goût en soit bien bon, dit le chasseur de Riesenbourg, qui lui aussi allumait sa belle pipe de porcelaine peinte.

« Il y a aussi dans les forêts, dit M. Beyer certaines places exceptionnelles que j’affectionne particulièrement à cause du souvenir qui pour moi les rattache à certaines personnes, ou à différentes circonstances, heureuses ou malheureuses de ma vie. Si un seul arbre, un seul buisson venait à manquer en ces endroits, il m’y manquerait encore quelque chose. J’en vois un où, sur une des pentes les plus hautes de la forêt, se dresse un pin solitaire, et déjà bien vieux, dont les branches se penchent, d’un côté, au dessus d’un abîme profond, dans les déchirures duquel croissent ça et là, des fougères ou des rameaux de genièvre, tandis qu’à ses profondeurs retentissent les bruits des cascades que fait le torrent qui passe entre les rochers. Je ne sais même pas comment l’habitude en a été prise ; mais c’est là que je me suis réfugié toujours, quand j’étais en proie à un chagrin ou à quelque malheur accablant ; devant l’opposition de ses parents, je désespérai d’abord de voir ma fiancée devenir jamais mon épouse ; et à la mort de mon fils aîné, et à celle de ma vieille mère, je m’y réfugiai avec ma douleur.

Dans ces circonstances je sortais toujours de la maison sans but à atteindre sans regarder ni à droite ni à gauche, et mes pas me conduisaient toujours vers cette profondeur mystérieuse. Et quand je m’arrêtai au dessus de l’abîme, près du pin solitaire ; quand je voyais devant moi les cîmes des montagnes, l’une au-dessus de l’autre, il me paraissait qu’un poids venait de tomber de mon cœur oppressé, et alors je n’avais pas honte de pleurer. Quand j’entourai de mes bras le rude tronc de l’arbre, il me semblait qu’il y avait de la vie en lui, qu’il comprenait mes plaintes ; les branches qui s’étendaient au dessus de ma tête remuaient comme si elles soupiraient avec moi, et qu’elles voulussent me parler de douleurs semblables. » Beyer se tut : ses grands yeux étaient tournés vers la lumière, posée sur la table ; des légers nuages de fumée s’échappèrent de sa bouche vers le plafond de la chambre, et accompagnées, pour ainsi dire, de ses pensées.

« C’est bien vrai : on croirait qu’il y a de la vie dans les arbres. » dit le chasseur de Riesenburg. « Je le sais d’expérience. Une fois — il y a de ceci, déjà plusieurs années — je marquai des arbres pour l’abattage. Le garde de la vente de bois ne put pas venir, je fus donc obligé d’aller présider à l’abattage. Les bûcherons arrivent et se préparent à coucher par terre, d’abord un très beau bouleau. Il était sans défaut et se tenait droit comme une jeune fille. Je le regarde, et alors il me semble — riez, si vous voulez ; — mais, oui, il me sembla que le bouleau se courbait jusqu’à mes pieds ; qu’il m’embrassait avec ses branches, et qu’à l’oreille de mon âme retentissaient ces paroles : Pourquoi veux-tu que je meure si jeune encore ? « Qu’est-ce donc que je t’ai fait ? Au même instant le tranchant des dents de la scie grinçant dans l’écorce, pénétra dans le corps du bouleau. Je ne sais plus bien si j’ai poussé un cri ; mais ce que je sais bien, c’est que j’ai voulu défendre aux ouvriers de bois de poursuivre leur travail ; mais comme ils me regardaient avec étonnement, j’eus honte de moi même et je me réfugiai dans l’épaisseur du bois, pour laisser continuer leur travail. J’errai toute une heure, et toujours poursuivi de cette pensée, qu’il me suppliait de ne point trancher. Quand enfin je fus redevenu maître de mes esprits et que je retournai à la place où le bouleau avait été abattu, je vis que pas une feuille ne s’émut en lui ; c’était bien un corps mort qui était étendu là. J’en ressentis du remords, autant que si j’eusse commis un meurtre. Je fus triste pendant plusieurs jours ; cependant je n’en ai jamais parlé à personne ; et si, par hasard, la conversation ne fut pas tombée sur des choses pareilles, je ne l’eusse jamais raconté.

« Pareille chose m’est aussi arrivée une fois, dit à son tour Beyer de sa voix grave. Je devais faire une livraison de gibier à la direction des revenus. J’allai à la chasse. Une chevrette se présente au bout de mon fusil. C’était un bel animal, avec des membres aussi réguliers que s’ils eussent été faits au tour. Elle regardait joyeusement par le bois. La compassion me gagnait le cœur. Mais je me pensai : que cette sensibilité de ma part n’était que folie, et je tirai. Mais mon bras avait tremblé, le coup n’avait porté que dans les jambes de la chevrette qui tomba, saus pouvoir s’enfuir. Mon chien s’élançait déjà sur elle ; mais je le retins ; il y avait en moi quelque chose qui m’empêchait de lui laisser faire du mal. Je m’avançai auprès d’elle, et je ne peux pas vous dire avec quelle expression de douleur elle fixa sur moi son regard ; regard de supplication et de plainte tout ensemble. Je tirai bien vite mon couteau et le lui plongeai dans le cœur ; ses membres se contractèrent, elle était morte. Je fondis en larmes, et depuis ce temps — Ah bien ! pourquoi aurais-je honte ? »

« Papa ve veut jamais tirer sur une chevrette, » s’empressa de dire Orlik.

« Tu as dit la vérité, mon enfant. Toutes les fois que je vise, j’ai sous les yeux la chevrette blessée et son regard suppliant ; je crains de la manquer et je préfère la laisser courir.

« Vous ne devriez tuer que les méchantes bêtes, et laisser en repos les bonnes, dont la mort fait de la peine, » dit le petit Guillaume, qui avait les yeux remplis des larmes.

« C’est que nul animal n’est si bon qu’il ne soit aussi méchant ; de même qu’il n’en est pas de si méchant qu’il ne soit encore bon. Et il en va ainsi des hommes mêmes. C’est une erreur de penser que l’animal à face douce et pacifique, doive être bon aussi de nature ; et quel animal dont la figure ne nous revient pas doive conséquemment être méchant. Le visage est parfois trompeur dans le monde. Il arrive assez souvent qu’on se console plus facilement de ce qui déplaît ; tandis qu’au contraire on n’est pas sans regret de la beauté qui a plu ; en sorte qu’on devient injuste à l’égard de ce qui a déplu. Je me suis trouvé une fois à Königgraetz avant l’exécution de deux meurtriers. L’un des deux était un bel homme, l’autre était laid, impoli, sauvage. Le premier avait tué son camarade, parce qu’il le soupçonnait d’avoir séduit sa fiancée. L’autre appartenait à une famille de notre pays ; j’allai le voir après son jugement, pour lui demander dans sa prison s’il n’avait pas à faire dire quelque chose au pays, auquel cas je m’en chargerais avec plaisir. Il me regarda en éclatant d’un rire sauvage ; puis il hocha la tête en disant : « Moi faire dire quelque chose, à qui ? saluer qui donc ? Je ne connais personne. Il se retourna de moi se couvrit le visage de ses mains et resta quelques minutes absorbé dans ses pensées. Puis il se leva subitement et se plaçant devant moi, les bras croisés. Feriez-vous bien, me dit-il ce que j’ai à vous demander ? » Oui ! lui répondis-je, c’est avec grand plaisir que je le ferais et je lui tendis la main. À ce moment son visage prit une expression de si poignante douleur que j’eusse tout fait pour l’obliger. Sa figure avait perdu tout ce qu’elle avait eu jusqu’alors de repoussant ; et ne pouvait éveiller en autrui d’autre sentiment que celui de la compassion jointe à l’intérêt. Il faut qu’il ait alors lu bien avant dans mon cœur, car il me prit la main, la pressa et me dit d’un ton ému. Si, il y a trois ans, vous m’eussiez ainsi tendu la main je ne serais pas ici. Mais pourquoi n’ai-je pas rencontré que des gens qui m’ont foulé dans la poussière ; qui se moquaient de ma laideur et qui m’abreuvaient d’absinthe et de poison ? Ma mère ne m’aimait pas ; mon frère m’a repoussé ; ma sœur a rougi de moi, et celle dont je croyais être aimé, et pour laquelle j’avais hasardé ma vie ; celle dont un seul aimable sourire m’eut paru préférable à la jouissance du ciel ; celle pour l’amour de laquelle j’ai regretté de n’avoir pas dix vies pour les lui sacrifier toutes ; eh bien ! celle-là même ne faisait que se railler de moi ; et quand je voulus savoir d’elle, ce que tout le monde disait de moi, elle me fit chasser de sa porte par son chien. » Puis cet homme à l’air si farouche pleura comme un enfant. Un instant après il essuyait ses larmes, me prenait la main, et ajoutait à une voix basse : « Quand vous irez dans le district forestier de Marschovitz, descendez dans le val sauvage, au-dessus du gouffre s’élève un pin solitaire ; portez-lui mon salut ; saluez aussi de ma part les oiseaux sauvages qui volent autour du pin ; et saluez encore les hautes montagnes. À l’ombre des rameaux du pin solitaire j’ai passé des années entières ; je lui disais ce que je n’ai dit à personne ; et là, je n’étais pas le pauvre misérable que je suis. — Il dit, et sans prononcer une parole de plus, et sans plus me regarder, il se tint coi sur son banc. Je partis rempli de compassion pour lui ; les hommes maudissaient, exécraient la laide figure : « il avait bien, celui-là, mérité la mort. »

La scélératesse, ajoutaient-ils, se peignait dans son regard ; il ne veut voir ni prêtre, ni personne ; tire la langue au monde, et s’en va à la mort comme à une fête. Quant à cet autre meurtrier qui avait le visage bien fait, ils le plaignaient ; ils achetaient la complainte qu’il avait composée dans sa prison et tout le monde désirait que grâce lui fût faite, parce qu’il avait tué son camarade par jalousie ; au lieu que le laid avait tué sa fiancée par pure méchanceté, elle qui, disait-on ne lui avait jamais fait de mal ; et puis, il avait commis encore d’autres meurtres. C’est ainsi que chacun juge d’après son propre sentiment ; autant de têtes, autant de jugements. L’un voit la chose d’une manière ; l’autre, d’une autre, et c’est pourquoi il est difficile de décider si les choses sont vraiment ainsi, sans pouvoir être autrement. Dieu seul connaît le monde, il voit et lit dans les replis les plus secrets du cœur d’un homme et le juge ; il connaît le langage des animaux, il voit clairement devant lui le calice de la plus humble fleurette ; il connaît la voie du moindre escargot ; le bruit du vent se règle d’après son commandement ; et les eaux coulent par où il leur a assigné la route.

Le chasseur avait cessé de parler ; sa pipe s’était éteinte ; ses beaux yeux brillaient toujours d’un éclat comparable à cette lumière douce et pure qui, pendant l’automne, égaie un vallon alpestre plongé encore dans la verdure et les fleurs, quoique les hauts sommets voisins, soient déjà couverts de neige.

Tous les regards restèrent attachés sur M. Beyer, jusqu’à ce qu’enfin grand’mère rompit le silence ainsi : « Vous avez raison, monsieur Beyer, c’est un plaisir de vous entendre ; et c’est beau comme une explication des vérités religieuses. Mais il est temps que cette jeunesse prenne le repos de nuit. Votre fils se trouve sans doute fatigué du voyage et vous aussi, nous aurons le jour de demain pour nous dire le reste. »

« Donne moi le milan, Orlik, pour le grand-duc. Qu’en ferais tu, » dit le chasseur en prenant le garçon par le bras.

« Je le donne avec plaisir. »

« C’est nous qui vous le porterions demain matin de bonne heure, si vous nous le permettiez » dirent les garçons.

« Mais il faudra que vous allez à l’école. »

« Je leur ai fait grâce de l’école pour demain, dit la mère, afin qu’ils puissent jouir de la compagnie de notre hôte. »

« Eh bien, mes fils resteront eux aussi, à la maison, pour que vous puissiez passer ensemble une journée agréable. Venez donc demain ; et jusque là bonne nuit, et bonne santé. »

Et monsieur mon agréable frère d’en-bas ainsi que lui disait parfois M. Beyer, appela son chien Hector qui plaisait beaucoup à Orlik et sortit de la maison. Le lendemain matin et avant que les enfants fussent déjà habillés, Orlik se trouvait déjà sur les trains de bois qu’on avait amarrés à la rive. Après déjeuner M. Beyer alla avec les garçons à la vénerie ; et grand’mère, avec Barounka et Adèle, à l’auberge, pour y dire adieu à Mila. La grande salle de l’auberge était remplie de monde. On y voyait les mères, et les pères des jeunes soldats qui se trouvaient sur leur départ ; il y avait aussi leurs sœurs et leurs camarades. Bien que les uns encourageassent les autres ; bien que l’aubergiste et Christine ne suffissent qu’à peine à verser à boire, encore que Mila les y aidât, bien que les jeunes gens chantassent des refrains guerriers ou de gaies chansonnettes, pour se donner du cœur : tout cela était inutile ; rien de tout cela ne servait à leur en donner. Et il ne s’en trouva pas un qui fût, même un peu ivre comme à la journée du recrutement.

Ce jour là ils avaient mis de petites branches de sapin sur leurs bonnets ; ils poussaient des cris d’allégresse, et buvant et chantant pour assourdir et noyer la crainte et la peur. Ce jour-là le garçon le mieux fait et le plus agréable avait encore un peu d’espérance : Ils se trouvaient flattés des regrets que montraient les jeunes filles ; consolés aussi de l’affection de leurs parents : affection qui dans de pareils moments, semblable à une source chaude, jusque là cachée sous terre, monte à la surface en bouillonnant. Ils se trouvaient fiers d’entendre leurs connaissances exprimer des jugements comme ceux-ci : « Oh ! il ne reviendra pas, ce jeune homme-là ; il est droit comme un pin et bien fait comme s’il avait été fondu au moule ; voilà les soldats qui leur plaisent. C’était par ces gouttes d’un doux élixir que la vanité modérait l’amertume du breuvage que leur présentait une obligation rigoureuse ; et au contraire, cela même qui, pour les jeunes gens bien portants et bien faits adoucissait l’âcreté de leur sort, ne faisait que rendre plus amer celui des jeunes gens qui se connaissant des défauts physiques n’avaient pas la crainte de partir ; et c’est ce qui, à maint vaniteux d’entre ceux-ci, était si difficile à supporter qu’il eut préféré être soldat plutôt que d’entendre un des propos suivants : « Oh ! ta mère n’a pas besoin de se lamenter à cause de toi, tu n’es pas fait pour jurer à l’empereur ; tu ne serais pas plus utile qu’une jarretière à un chien : ou bien encore : Allons ! mon garçon ! Va pour les reïtres ! Car tu as des jambes montées comme les cornes du bœuf. » Et d’autres plaisanteries de ce genre dont ils se sentaient fouettés comme avec des orties.

Grand’mère entra à l’auberge, mais sans entrer dans la salle ; ce n’était pas qu’elle en redoutât l’air trop étouffant pour elle ; mais plutôt cet épais nuage de douleur qui oppressait le cœur d’un chacun et enveloppait son visage, voilà ce qui l’effrayait. Elle ressentait bien ce qu’il y avait au cœur de ces mères affligées, dont l’une se tordait les bras dans une douleur muette ; dont l’autre pleurait silencieusement, tandis qu’une troisième se lamentait tout fort. Et que se passe-t-il dans le cœur de ces jeunes filles qui d’un côté, ne se trouvant pas libres de laisser voir leur chagrin, et à qui de l’autre, ne peuvent voir sans verser des larmes ces jeunes gens au visage blême ; qui, à force de boire, n’en deviennent que plus tristes, et qui pour chanter ne se trouvaient plus de voix. Elle comprenait les sentiments des pères qui assis aux tables ne disent rien ; mais réfléchissent aux moyens de remplacer les garçons laborieux qui partout étaient leur bras droit. Et comment ne ressentiraient-ils pas de chagrin, de s’en voir séparés pour quatorze longues années. Aussi grand’mère était allée avec les enfants s’établir dans le verger. Quelques instants après Christine arrivait, accablée de chagrin, les yeux en larmes, et pâle comme un mur blanc. Elle voulait parler mais on eut dit que le poids d’une pierre l’oppressait et que la gorge était serrée. Elle ne put dire un mot. Elle s’appuya contre le tronc d’un pommier qui était tout en fleurs. C’était le même pommier par-dessus lequel elle avait jeté la couronne, à la saint-Jean de l’année précédente, Sa couronne avait volé par dessus ; et voici qu’au moment où ses espérances devaient se réaliser et où elle allait devenir la femme de Mila, elle se voyait obligée à s’en séparer. Elle se couvrit le visage de son tablier blanc, et se mit à sangloter. Grand’mère ne l’en empêcha pas. Mila arriva. Qu’étaient devenues la fraîcheur et la beauté de son visage, et la vivacité de ses beaux yeux ! On eut dit qu’il avait été taillé dans le marbre. Il tendit la main à grand’mère sans dire un mot, embrassa aussi silencieusement sa fiancée ; et tirant de sa poche le mouchoir brodé que tout garçon reçoit, en signe d’amour, de celle qu’il doit épouser, il lui en essuya les yeux. Ils ne se parlèrent point de leur douleur profonde, mais quand ils entendirent résonner de l’auberge cette chanson :

  Au dur moment de leurs adieux
  Comme deux cœurs sont déchirés !
  Comme ces deux cœurs, ces quatre yeux
  Jour et nuit se seront pleurés !

Christine embrassa vivement son Jacques et éclatant en sanglots elle cacha son visage sur sa poitrine. Ce chant qu’ils entendaient n’était qu’un écho de la mélodie qui résonnait sans cesse dans leurs cœurs.

Grand’mère se leva ; une grosse larme roula le long de sa joue, et Barounka pleurait aussi. Puis, mettant sa main sur l’épaule de Mila, la compatissante vieillotte lui dit d’une voix émue : « Que Dieu t’accompagne et soit ta consolation, Jacques ! Fais ce que tu dois, et il ne t’en coûtera pas tant. Si Dieu bénit mon dessein, votre séparation ne sera pas de longue durée. Espérez. Et toi ma fille, si tu l’aimes, ne lui rend pas la séparation plus pénible encore. Adieu ! » Elle dit et fait à Mila le signe de la croix, lui serre la main, se retourne bien vite, et prenant une des deux filles à chaque main, elle rentre à la maison avec le sentiment doux pour sa conscience d’avoir consolé des affligés.

Les fiancés dans les cœurs desquels tombait, comme sur des fleurs languissantes, la rosée des bonnes paroles de grand’mère, se trouvèrent ranimés ; se tinrent embrassés sous le pommier dont les fleurs cueillies par la brise, tombaient sur leurs têtes. Un chariot à ridelles s’arrêta devant l’auberge pour recevoir les jeunes soldats en partance pour Königgraetz ; et on entendit crier de la cour : « Mila ! — Christine ! » Mais ils n’entendirent rien. Pendant qu’ils se tenaient embrassés, qu’était-ce que le monde pour eux ! C’est que l’un embrassait dans l’autre tout son monde.

Dans l’après-midi monsieur Beyer prit congé de ses bons amis. Madame Proschek, selon son habitude remplit de provisions les gibecières du père et du fils. Les garçons donnèrent à Orel chacun quelque chose en souvenir, Barounka lui mit un ruban autour de son chapeau : Quant à Adèle, qui demandait à grand’mère ce qu’elle pourrait offrir à Orel, il lui fut conseillé de lui donner la rose qu’elle avait reçue de la comtesse. « Mais, objecta l’enfant, vous m’avez dit que je la porterais à ma ceinture quand je serai grande. Et elle est si belle ! »

« Si on veut honorer beaucoup un hôte qui t’est cher, c’est précisément un objet cher et précieux aussi pour toi qu’il te faut lui donner. Donne-la ! Ce qui sied le mieux à une fille d’offrir à quelqu’un, c’est une jolie fleur. Et Adèle mit la belle rose au chapeau d’Orlik. »

« Ah ! chère Adèle, je ne réponds pas que ta petite rose garde longtemps sa beauté : Orel (l’aigle) est un oiseau sauvage, qui tout le jour prend sa volée sur les rochers, et sur les montagnes, et qu’il pleuve ou qu’il vente. » C’était M. Beyer qui parlait ainsi.

« N’en aie pas de soucis, papa, » dit le jeune garçon qui contemplait avec délice son petit présent : je la tiendrai bien soigneusement serrée les jours ouvriers que je suis en montagne ; je ne m’en parerai que les jours de fête, et ainsi elle se conservera toujours belle. »

Adèle en était contente. Personne ne pressentait encore qu’elle même serait un jour la rose après laquelle soupirerait Orlik qui transporterait aussi la fleur dans les neiges de ses montagnes pour la soigner, pour la chérir dans la retraite de ses bois, comme sa consolation la plus chère ; non, personne ne se doutait alors que l’amour d’Adèle serait pour Orlik la clarté et le bonheur de la vie.


  1. (Orel, aigle, en tchèque.)