François Buloz et ses amis au temps du Second Empire/05

Marie-Louise Pailleron
François Buloz et ses amis au temps du Second Empire
Revue des Deux Mondes7e période, tome 10 (p. 601-633).
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FRANÇOIS BULOZ
ET
SES AMIS

V[1]
LES LITTÉRATEURS DE L’EMPIRE


PAUL DE MOLÈNES

En ce temps-là comme aujourd’hui les directeurs de revues étaient à l’affût des romanciers. François Buloz, au début, fut gâté par George Sand, Alexandre Dumas, Charles Nodier, Mérimée… car les conteurs à la Revue abondèrent ; aussi le directeur, par la suite, devint-il difficile à contenter, n’estimant pas la jeune équipe à l’égal de l’ancienne, et cherchant perpétuellement « un homme. » Certains collaborateurs parmi les plus anciens, les plus féconds aussi, représentèrent sous l’Empire, à la Revue, l’ancien régime, les temps révolus : Sand en tête, et d’autres écrivains moins grands qu’elle, comme Sandeau, Murger, Paul de Molènes, et Mme Charles Reybaud, belle-sœur de Jérôme Paturot.

Les nouvelles mondaines de Paul de Molènes sont empreintes d’un romantisme du genre Keepsake assez fade. La Comédienne, par exemple, est l’histoire de la passion fatale que le noble Lord Coleridge éprouve pour une pernicieuse fille, belle à miracle, Miss Jane, qui le trompe sans discrétion, l’asservit, mais dont il se croit aimé jusqu’au jour où, malade, la cherchant à son chevet et ne l’y trouvant pas, il se lève malgré sa fièvre, ouvre une porte et la découvre… dans les bras de son médecin. Coleridge tombe inanimé, puis chasse sa maîtresse. Tout cela se passe à Venise, et rappelle furieusement certaine aventure de célèbre mémoire, qui se déroula jadis au palais Danielli. Paul de Molènes s’en souvient-il en 1849 ? C’est possible.

On trouve, dans les Caractères et récits de mon temps, des phrases comme celles-ci : « Ses épaules au milieu des garnitures de dentelles, étaient plus attrayantes et chargées d’ivresse que le vin de Chypre dans une coupe romaine… Elle répandait autour d’elle la chaleur et le frisson. » Nous dirions aujourd’hui plus simplement : « Cette dame était fort désirable. »

Paul de Molènes, écrivain militaire, est plus intéressant que le romancier. Son bel entrain d’officier d’Afrique, sa vivacité, son enthousiasme lui donnent une séduction et des attraits ; il est de plus élégant et mince ; on le voit avec « sa figure en lame de couteau, » sa moustache au vent, audacieux et querelleur, ne rêvant que guerre, gloire, combats. Il disait à Maxime du Camp son ivresse lorsqu’un jour à Vincennes il aperçut des piles de boulets amassés à l’intérieur des forts, « il rêva de les lancer lui-même à travers l’Europe, détruisant les moissons et les villes. » — Pourquoi ? lui dit Maxime Du Camp. — Pour rien, pour faire la guerre, répondit Paul de Molènes[2].

C’est un Don Quichotte de belle allure, qui trouva sa vraie voie en Afrique dans la vie militaire que sa ferveur ennoblit. Il écrivit : « La plupart de mes soldats entendent très volontiers un bout de messe et même la messe tout entière ; cela ne les empêche pas de se donner un coup de sabre et d’avoir sur les bras des cœurs enflammés… Je crois… qu’il peut être pardonné aux gens de guerre plus de choses qu’aux gens de plume ou de parole, à tous ceux qui veulent bien être l’intelligence de la patrie, mais ne veulent pas en être la peau. J’ai fait une fois six lieues en cacolet avec une balle entre les côtes. Une de ces fièvres, que le troupier emporte toujours comme un souvenir de l’Algérie, s’était jointe à ma blessure. Je vous jure, docteur, que si j’ai péché, j’ai expié ce jour-là bien des fautes. Je crois volontiers à l’utilité des souffrances pour notre salut. Si mes idées sur le duel et l’adultère sont coupables, j’espère que quelques os cassés me les feront pardonner ; nos douteurs sont nos patenôtres…[3] »

Ces mots, qui sortent de la bouche de Plenho, c’est Molènes qui les prononce ; Pleho incarne l’officier d’Afrique, type du soldat français dont la bravoure est audacieuse et spirituelle, mais qui garde au fond de lui-même le respect de toutes les traditions de sa race, et une foi d’enfant de chœur. C’est un officier qui servira plus tard de modèle à ceux du charmant Gustave Droz : rouge et or, chevaleresque, galant, aimant sa patrie, la guerre, le plaisir, l’aventure, et se révélant, le jour venu, bon époux et bon père, voire marguillier de sa paroisse.

Paul de Molènes, agréable écrivain de son temps, fut, au demeurant, un romantique attardé sous l’Empire ; il eut l’entrain de ses aînés, leur foi enthousiaste, parfois l’écho de leur accent frondeur ; on retrouverait bien encore chez lui, par ci par là quelque peu de leur découragement. Dans un de ses récits, son héros (c’est lui-même) confesse une tentative de suicide semblable à celle qu’ébaucha l’officier anglais dont par le Lord Byron dans ses mémoires ; néanmoins la mélancolie, la méditation et la rêverie, ne furent pas le fait de Paul de Molènes, et il eut beau dire : « J’ai souffert de l’affreux doute particulier à ce temps où il n’est pas un seul mot noble, entraînant, sacré, qui n’ait servi à quelque mensonge, » notre écrivain fut un soldat et non pas un Werther : les deux rôles ne peuvent se tenir concurremment ; il le note d’ailleurs, en vantant l’état qu’il a choisi : « La vie militaire a d’abord à mes yeux cette inestimable vertu qu’elle porte une mortelle atteinte à tout ce que j’appellerai « la partie efféminée de nos douleurs. » Il n’est pas de rêverie dont l’action n’ait raison quand elle s’empare de nous d’une certaine manière, aussi je défie bien tous les René, tous les Werther, tous les Obermann, de poursuivre leurs langoureuses amours avec les chimères, derrière dix tambours qui battent la charge. » Voilà en quelques mots Paul de Molènes.

Henri Blaze de Bury esquisse rapidement, dans ses Souvenirs, la figure de cet écrivain soldat : « Sur ce fond mouvant de la Revue où se dessinent tant de silhouettes plus ou moins pittoresques, j’en vois une qui passe à cheval avec un grand sabre, un don Quichotte doublé du Montluc des Mémoires… Il écrivait de beaux articles et des légendes mondaines en prose poétique, et la nuit faisait la veillée des armes aux pieds de quelque illustre douairière du faubourg Saint-Germain qui l’appelait son Amadis… »

Paul de Molènes, qui s’écriait : « Hélas ! ne pouvoir même pas conquérir la principauté de Trébizonde ! »[4] s’engagea en 1848 dans la garde mobile, et fut nommé capitaine par ses hommes. Pendant les journées de juin, il fut grièvement blessé rue Saint-Jacques à l’attaque d’une barricade, puis passa de longues semaines à l’hôpital, où il s’éprit de son infirmière Mlle de Bray, qu’il épousa, d’ailleurs, par la suite.

Ayant goûté à la carrière militaire, il désira y demeurer ; il dut rendre alors un grade qu’il avait pourtant chèrement acheté, et s’engagea dans les Spahis. « Dès lors écrivant et se battant, il mena la vie de plume et d’épée qui lui était chère »[5]. : L’Afrique l’enchanta, il fut aussi aux guerres de Crimée et d’Italie ; par malheur cet officier de cavalerie, médiocre cavalier, mourut à Limoges, dans un manège, d’une chute de cheval. Je possède quelques-unes des lettres de Paul de Molènes à François Buloz ; l’écriture en est large, inégale, les lignes grimpent vers le haut des pages, « signe d’optimisme » affirmerait M. Paul Bourget. Le ton général de cette correspondance est celui de l’abandon ; on y sent une grande confiance et une libre camaraderie. Cependant la plus ancienne des lettres marque une rébellion ouverte contre le directeur de la Revue. Il s’agit d’un article que Molènes désire écrire sur Phèdre et sur Rachel. François Buloz se méfie-t-il de son critique ? Celui-ci est fort combatif, bientôt il attaquera Balzac avec violence[6]. Mais Balzac saura rendre piqûres pour piqûres. La douce Valmore aussi fut prise à partie par Paul de Molènes dans la Revue en 1842, et avec elle Mme Amable Tastu, Mlle de Girardin, Louise Colet… (Don Quichotte n’est pas féministe). Sainte-Beuve releva la mercuriale et la réplique de Marceline dans une lettre à M. et Mme Juste Olivier. De fait l’impertinence de Paul de Molènes est extrême. Pauvres Muses ! comme il les houspille ! Rien ne marque mieux les mœurs de son temps que les raisons naïvement prud’hommesques que fait valoir le critique pour défendre aux femmes « l’entrée du Parnasse ; » ainsi il ne craint pas d’écrire : « Je le déclare, une femme qui porte le casque en tête et l’épée au côté, qui éperonne un cheval, assène des coups, fait des blessures et rêve la parure d’une cicatrice au front, une femme qui entreprend une lutte violente contre tous les instincts de son corps, me paraît un être moins chimérique et moins monstrueux qu’une femme qui interroge toutes les profondeurs de l’âme, sonde la douteur, pénètre les tristesses, descend aux sources des vices, se résout enfin à connaître tous les mystères… » Pour Molènes, les poètes sont des « conquérants aux insatiables désirs » qui ont « besoin d’une effrayante puissance, pour subir l’isolement d’une ardente destinée. Rois d’un empire qui ne se transmet pas, ils meurent sans laisser d’héritiers. » Voilà pour les hommes poètes ; mais : « Supposez une femme qu’un funeste caprice du ciel ait faite poète, vraiment poète, sa vie se passera tout entière en dehors des lois de l’humanité. Elle cherchera dans le mariage la liberté ; l’obscur et paisible royaume qu’un honnête homme lui confie ne lui convient pas, il lui en faut un qui n’ait pas de limite. »

Après ce sombre aperçu, notre critique s’occupera plus spécialement de ses amazones ; et tout d’abord les idylles de Mme Desbordes-Valmore lui déplaisent : elle n’a (dit-il) « ni la tradition du poète de l’Astrée, ni le génie de Gessner et d’André Chénier… Ce qui éleva le poète français à la prodigieuse hauteur où il s’est placé, c’est, après l’énergie de son âme, une solidité d’instruction qu’en sa qualité de femme, elle est bien excusable de n’avoir pas ambitionnée… » Molènes ne trouve aucun intérêt non plus aux élégies de Marceline, ou du moins l’intérêt que présentent « toutes les lettres amoureuses, intérêt très puissant pour ceux qui les ont écrites ou ceux à qui elles sont adressées, » mais… très faible pour les autres. « Maigres et allongés, les amours de Parny sont devenus des archanges ; » en outre, Marceline imite Alphonse de Lamartine et, c’est clair, elle l’imite parce qu’il est à la mode. « Sur qui la crainte de ne pas être à la mode pourrait-elle exercer plus d’empire que sur les femmes ?[7] » Les pages se succèdent sur ce ton. Je ne retiens dans les mauvaises critiques de Paul de Molènes à l’égard de Marceline, que son accusation d’imiter Lamartine, alors que les premières poésies de Marceline sont de 1818 et de 1820 à l’heure même des premières Méditations[8]. !

Donc après l’algarade de Molènes, Sainte-Beuve signale aux Juste Olivier la réponse de la douce Marceline. « Mme Desbordes-Valmore vient de publier un joli volume de poésie : Bouquets et prières… Elle répond joliment à ce petit fat, M. Gaston de Molènes[9], qui l’avait offensée dans la Revue des Deux Mondes et avait dénié aux femmes le droit d’écrire et de chanter. Voyez à la page 189. »

Voici la pièce :


Jeune homme irrité sur un banc d’école
Dont le cœur encor n’a chaud qu’au soleil,
Vous refusez donc l’encre et la parole
À celles qui font le foyer vermeil ?
Savant, mais aigri par vos lassitudes,
Un peu furieux de nos chants d’oiseaux,
Vous nous couronnez de railleurs roseaux !
Vous serez plus jeune après vos études :
Quand vous sourirez
Vous nous comprendrez.
Vous portez si haut la férule altière
Qu’un géant plirait sous son docte poids.
Vous faites baisser notre humble paupière
Et nous flagellez à briser nos doigts.
Où prenez-vous donc de si dures armes ?
Qu’ils étaient méchants vos maîtres latins !
Mais l’amour viendra : roi de vos destins,
Il vous changera par beaucoup de larmes :
Quand vous pleurerez
Vous nous comprendrez.
Ce beau rêve à deux, vous voudrez l’écrire.
On est éloquent dès qu’on aime bien
Mais si vous aimez qui ne sait pas lire
L’amante à l’amant ne répondra rien.

Laissez donc grandir quelque jeune flamme,
Allumant pour vous ses vagues rayons,
Laissez-lui toucher plumes et crayons ;
L’esprit, vous verrez, fait du jour à l’âme.
Quand vous aimerez,
Vous nous comprendrez !


Sainte-Beuve, qui cite le premier et le dernier vers de la poésie, conclut : « Les plus tendres ont de ces fins aiguillons et le petit monsieur a eu sur les doigts de ces coups d’ailes. Voyez cela, madame, c’est pour vous venger[10]. »

Voici la lettre de Molènes à François Buloz dans laquelle il semble répondre à une prévention du directeur de la Revue.


« Mon cher Buloz,

« Quoi que vous en disiez, je dis et, je l’espère, j’écris fort bien. J’ai sur Phèdre beaucoup d’idées et florescentes qui tiennent à des études récentes et passionnées. Je crois que je sens d’une façon particulière et presque nouvelle à force d’être vive l’œuvre du poète et le talent de la tragédienne. Je vous demande de me laisser entièrement me livrer à mes impressions. M. Magnin dont vous me proposez l’exemple est un homme que je prise beaucoup ainsi que je l’ai récemment prouvé, mais cependant sa critique est un degré qui mène à la critique de Patin. Permettez donc que je ne m’en préoccupe pas. Vous avez bien tort de mêler toujours à ce qui concerne Mlle Rachel le souvenir des passions castillanes de M. de Musset, et des mystérieuses hystéries de notre ami Bonnaire. Je vous assure que je suis vis-à-vis de la diva parfaitement libre d’esprit et de cœur, prêt à parler seulement sur elle comme sur tous les hommes et sur toutes les choses que je traite, en artiste et en homme du monde.

« Tâchez de me répondre quelque chose d’aimable et de bien tourné et croyez-moi votre tout dévoué. »

MOLÈNES[11].


Paul de Molènes regagna ses galons au feu, mais il les regagna lentement, et il dut subir bien des mécomptes avant de reprendre ce grade de capitaine que ses hommes lui avaient décerné en 48… Il écrivait après une désillusion de ce genre à François Buloz : « La vie militaire a quelquefois des amertûmes comme la vie littéraire. Deux propositions pour services rendus en campagne n’ont pu me faire donner cette année le grade modeste que j’ambitionne. Le gouverneur, qui m’a vu au feu il y a peu de temps, a été plus chagrin que moi du mécompte qui m’a été apporté par la dernière promotion. J’ai eu un peu de tristesse et me voilà remis ; je ne compte pas quitter l’Afrique, quoique maintenant ce ne soit peut-être plus le meilleur terrain pour l’avancement, mais avec l’élévation de votre cœur, mon cher ami, vous comprenez tout ce qui m’attache à ce pays. »

C’est d’Afrique que Molènes envoya à François Buloz une de ses meilleures œuvres : La garde mobile. Souvenirs des premiers temps de la révolution de février, œuvre dont l’auteur déclarait que : « le fond y était de nature à faire valoir toutes les formes, même les plus défectueuses ; je crois que ces pages, où il n’y a ni une pensée ni un sentiment, ni une peinture qui ne soient vraies et sorties des lieux où j’ai pris plaisir à les écrire, donneront au public un de ses rares mouvements de bienveillance[12]. »

Tout en recommandant ses articles au directeur de la Revue, Molènes les traite, en somme, légèrement, lorsqu’il écrit : « Il n’y a que ma peau et mes os dont je me soucie encore moins que de mes œuvres[13]. »

Dans l’une de ses lettres, l’auteur se montre plein de mystère ; il annonce une « esquisse » comme sa Cornelia Tulipiani[14]. Sa lettre n’est pas datée ; d’ailleurs, il date peu. « Les modèles ont posé autrefois devant mes yeux et se sont représentés vivement dans ma solitude. L’accident arrivé à la princesse Belgio… m’avait fait différer cet envoi ; on m’écrit maintenant qu’elle est tout à fait rétablie, et puis j’ai d’ailleurs la conscience de n’avoir pris que des traits appartenant à tous. Dans ceci, comme dans tout ce que j’ai fait jusqu’à présent, il n’y a certes pas la moindre indiscrétion. Enfin, j’ai eu la galanterie de faire mon héroïne très belle, ce qui achève de me mettre à l’aise[15]. »

Molènes ne révèle pas le titre de sa nouvelle ; mais cet accident arrivé à la princesse Belgiojoso, c’est la tentative d’assassinat commise sur sa personne par un domestique italien lors de son séjour en Asie-Mineure en 1852. Elle reçut en effet de cet excellent compatriote sept coups de poignard, qui mirent la vie de Cristina en danger et dont elle se rétablit, du reste, avec son bel entrain ordinaire. La nouvelle qu’annonce Paul de Molènes c’est : La bonne fortune de Ben Afroun. Molènes y attaquait-il la Princesse ? Il semble s’en défendre, et soutenir qu’il n’a pas tracé de portrait : tous les auteurs des romans à clef en sont là — tous avec la même mauvaise foi, d’ailleurs, — et pour les contemporains, le mystère de cette esquisse dut être facile à déchiffrer. Quoique l’auteur eût transformé la Princesse italienne en Lady anglaise, et que Cristina fût devenue Thécla, les allusions, les portraits, sont transparents et… sévères. Pour fixer plus sûrement les lecteurs, le personnage de Ben Afroun, qui dupe si adroitement l’orgueilleuse dame, n’est autre que ce Bou Maza, « lion du désert, dit Charles Conselet, tenu en laisse par le capitaine Richard’s, » qui fréquentait jadis le salon de la Belle Joyeuse à Paris.

Molènes fut-il parmi les victimes de la belle conspiratrice ? On le croirait à voir la dureté avec laquelle il lui lance des traits dans le genre de ceux-ci : « Chez elle, l’incendie avait commencé par le cerveau, si on peut appeler incendie la flamme mystérieuse qui dévore cette froide nature sans l’échauffer. » la froideur de la dame le hante : « sa nature froidement désordonnée et systématiquement capricieuse… » Plus loin, faisant allusion au goût de son héroïne pour les hommes célèbres : « Elle ne rencontrait jamais un lion sans lui offrir une cage. » Décrivant le visage de Christina dont la pâleur était l’originalité la plus remarquable, il ne peut se retenir de noter : « Ge beau visage où se montrait la pâleur des incurables ennuis. » Mais ici il se trompe : la Belgiojoso, affectée d’un incurable ennui ? Elle n’en eut pas le temps.

Paul de Molènes, qui écrivait : « Je ne suis pas assez jeune pour laisser perdre une seule occasion de guerre, » commençait à s’inquiéter des événements de Grimée ; il n’eut garde de manquer au siège de Sébastopol, et il écrivit de là à son directeur : « Un des meilleurs résultats de cette guerre sera l’abaissement, non point des Russes, mais des Anglais. Nous avons vu la mauvaise volonté, la pesanteur, les incertitudes de toutes sortes d’une armée dont nous sommes obligés de prendre tour à tour tous les travaux. Si jamais, ce dont Dieu me garde, j’avais à soutenir des discussions contre des doctrinaires, je saurais que dire sur l’Anglomanie. La France est bien à coup sûr, la première des nations. Que la Providence la maintienne dans la vie militaire qui est sa vraie vie et cela, il me semble, au contentement de tous les partis[16]. »

Il serait intéressant d’étudier de plus près la jeunesse et les antécédents de ce littérateur soldat La grand-mère de Paul de Molènes vécut à Paris pendant la Révolution. La salle du Jeu de Paume lui appartenait, de moitié avec Talma ; tous deux louèrent ce local à l’Assemblée. Mme de Molènes, fort bien renseignée, étant sur le théâtre même des événements, les contait fidèlement à sa famille, domiciliée à Domme dans le Périgord ; elle ne signait pas ses lettres de peur de quelque indiscrétion. Lorsque la Révolution devint terroriste, force lui fut d’arrêter sa correspondance ; elle recommanda alors à sa famille de se tenir au courant de la politique en lisant exactement la petite feuille qui en était chaque jour l’écho ; or cette petite feuille née quelques années auparavant, c’est le Journal des Débats[17].


EMILE MONTÉGUT

À la Revue, la place de Sainte-Beuve était vide depuis 1849 ; un jeune critique s’y glissa : ce fut Émile Montégut.

Aujourd’hui encore, par une injustice cruelle qui s’attache à certains modestes pendant la vie et au delà de la mort, le nom d’Émile Montégut est ignoré du plus grand nombre, malgré son œuvre considérable, malgré sa personnalité. Pourtant : « quel prodigieux bouillonnement d’idées dans ce cerveau qui projeta sa curiosité sur le champ des connaissances humaines[18] ! »

Émile Montégut en effet a remué et fouillé toutes les idées de son temps, il s’y est passionné ; sa curiosité toujours renaissante, son ardeur ont multiplié des recherches nouvelles alors, et lui ont valu le nom de « pionnier » qu’un critique (après la mort du nôtre) lui décerna. Bien avant Taine, Montégut aborda chez nous le roman anglais ; le premier en 1847, il parla dans la Revue d’Emerson, et c’est à lui que Carlyle, quelques années plus tard, signala les premiers poèmes d’Elizabeth Browning.

De combien de volumes se compose l’œuvre de Montégut ? D’une cinquantaine, peut-être davantage, car sa curiosité s’est portée sur tous les sujets : histoire, critique française et étrangère, questions sociales, voyages, beaux-arts, théâtre ; on lui doit aussi une traduction de Shakspeare, « la meilleure, » dit Eugène-Melchior de Vogüé.

Cependant ne vous avisez pas de rechercher ces volumes en librairie ; l’éditeur lui-même ne s’intéresse plus à cet auteur trop fécond : il y a beau jour que ses ouvrages ont été livrés au pilon.

Ce fut un homme singulier qu’Émile Montégut, effacé parfois et modeste, se livrant peu ; pourtant ce caractère réservé couvait un perpétuel enthousiasme. Il s’y abandonnait lorsqu’il se sentait entouré d’amis, et devenait alors étincelant et surprenant. Parfois aussi, il vivait dans son rêve, s’emportant pour des questions d’idées ou pour des abstractions. Un jour, quittant son travail, mais encore absorbé par lui, Émile Montégut rencontra un de ses amis et lui confia la récente indignation que lui causait le caractère de Bolingbroke : « Quel misérable ! » On aurait pu croire, à voir le critique frémissant, et le sang aux pommettes, que Bolingbroke, dans le vestibule, venait, sur l’heure, de le trahir.

Mon père disait de Montégut : « Il éclate quelquefois comme un boulet de canon ; » et encore : « Montégut arrive le soir, s’assied dans un coin, il est sombre, muet, paraît absorbé. Vers minuit on entend un éclat de voix : c’est Montégut qui « entre en scène. » Une idée a passé, elle lui a plu, il l’a enfourchée et le voilà parti, éloquent, ingénieux, étourdissant. » C’est alors, ainsi que Brunetière l’a remarqué, « que la vivacité presque fébrile de sa parole, semblait suffire à peine à la vivacité de sa pensée[19]. »

Combien d’hommes de lettres ont puisé dans la richesse de cette œuvre ? Oh ! discrètement ! — Lui généreux, insouciant, donnait sans compter « la puissance de sa pensée. » Ce fut vraiment, comme on l’a dit, un « excitateur d’idées. » Baudelaire, que Montégut présenta à la Revue, se forma dans son rayonnement, qui le sait ? « Combien d’autres, après Baudelaire ! » s’écrie Eugène-Melchior de Vogüé, qui, lui du moins, ne fut pas un ingrat.

Ce dernier a raconté même comment « aux dîners de Buloz, quelques chroniqueurs de sa connaissance, dont lui, exploitaient savamment l’inépuisable mine : ils laissaient leur commensal en paix durant le premier service[20], puis, l’un d’eux, subrepticement, lançait comme un brandon choisi. Lors Montégut prenait feu… »[21] et les auditeurs prenaient des notes.

Malgré ces dons magnifiques, Émile Montégut, sensible et réservé, vécut méconnu, mourut oublié. Dans la remarquable étude qu’il vient de lui consacrer, son biographe, M. Laborde Milaà écrit : « Il a la pudeur des sentiments intimes, de la fierté mêlée à de la timidité, et une sorte d’incapacité de se faire valoir, bien qu’étant parfaitement conscient de sa valeur. »[22] Voilà la note juste.

Comment l’Académie française négligea-t-elle un pareil écrivain ? Hélas ! les modestes se laissent oublier. D’ailleurs sollicité, intriguer ne fut pas le fait de ce laborieux. Aussi, lorsqu’en décembre 1895, Émile Montégut mourut, il disparut tout entier ; il s’en alla sans faveur, sans fortune, sans gloire, et sa mort, — sauf pour quelques amis, — fut anonyme.

D’aucuns ont cru expliquer la « faillite de cette renommée » en indiquant que l’écrivain, faisant partie de « la milice de la Revue des Deux Mondes, perdit, dans cette discipline, l’ambition de toute conquête personnelle » (sous la férule du terrible François Buloz s’entend). Le raisonnement pêche par la base : le fondateur de la Revue n’excita-t-il pas au contraire, constamment, l’ambition de ses collaborateurs ? Où donc sont les grands écrivains que la Revue a étouffés après les avoir, au début, servis ? Serait-ce George Sand ou Musset, La Mennais ou Sainte-Beuve, Augustin Thierry, Quinet, Renan ? Non, si notre critique n’a pas obtenu la place qu’il méritait, c’est que la réserve l’emporta chez lui sur l’ambition, — celle-ci d’ailleurs ne lui vint que tard, assez timidement, et « à une époque qui, psychologiquement, ne lui était pas favorable. » Toute son œuvre, nous le savons, écrit M. Laborde Milaà est pénétrée d’un besoin intense de vie morale, qu’il s’agisse d’art ou de littérature, de politique ou de sociologie, c’est le même souci qui domine. Or, d’une façon générale, on le sait aussi, ce ne sont pas les préoccupations de cet ordre qui absorbent la société du second Empire, qu’on prenne le mot au sens étroit ou au sens large ; elle songe surtout à s’enrichir et à jouir… Rompant des lances pour l’idéal à une époque où l’idéal était considéré comme un péril, il ne pouvait que gagner ce renom de Don Quichotte, qu’il gagna du reste, et dire de lui-même ce qu’il disait d’un autre : « Voilà ce qui arrive quand on a la présomption de vouloir être plus moral que son temps, et qu’on ne veut pas reconnaître que le courant du siècle porte ailleurs. »

Soyons exacts, la cause que nous cherchons ne réside pas uniquement dans les idéologies d’Émile Montégut, il y a aussi une question de forme. Il se sert d’un « vocabulaire un peu trop abstrait, et d’une syntaxe un peu laborieuse : le lire est un travail et souvent une lutte… il lui manque, je crois, ces qualités de relief, de forte couleur qui font saillir l’idée, et l’assènent en quelque sorte vigoureusement sur l’esprit du lecteur. » Ses qualités aussi le desservent pour atteindre le grand public. « Si sa langue est le plus souvent ou trop souvent abstraite, en revanche elle est toujours distinguée et même raffinée… L’image, quand il se décide à l’employer, est remarquablement adaptée à son objet, le plus souvent empruntée à des ordres de choses, science ou religion, qui ne sont pas précisément du ressort du vulgaire. Quand, après quelques longueurs, il est parti, composition et invention ne font plus qu’un ; c’est son imagination philosophique qui, pour ainsi parler, prend la direction de la matière et de la manière ; elle va, vient, s’écarte de la grande route, effleure un aperçu, aboutit à une idée inattendue qu’elle ne se refusera pas d’exprimer, même si elle a l’air d’un paradoxe, revient à son sujet pour l’abandonner maintes fois encore, tout en lui demeurant fidèle ; elle a finalement touché à quantité de problèmes de tout genre, mais sans les ramener impérieusement à une thèse générale qui eût été la marque de Montégut, et se fût attachée à son nom. Comment voudrait-on que le grand public l’ait goûté[23] ?… »

Avec son corps maigre flottant dans des vêtements trop larges, sa tête au crâne dégagé singulièrement piriforme, son nez busqué, sa barbe rare, ses yeux un peu voilés de rêveur, certes Montégut n’eut aucun caractère de séduction physique, et ce fut au charme incontestable de son esprit, à son enthousiasme lyrique, à son goût très vif pour les idées, qu’il dut les relations les plus précieuses de sa vie modeste, et, en somme, peu fortunée. Perpétuellement en mal d’argent, surtout au temps de sa jeunesse, Montégut en souffrit plus qu’aucun autre. Une dette de 250 francs le désolait. Élevé dans l’aisance, — sa famille originaire du Limousin était fortunée et de bonne bourgeoisie[24], — il dut à vingt-trois ans se suffire à lui-même, l’industrie de son père ne prospérant plus, loin de là. Celui-ci forma alors pour son fils certains projets, et le jeune homme dut suivre même, pour les satisfaire, des cours de droit. Mais il les suivit avec mollesse et se fit résolument refuser aux examens de fin d’année. Ce fils rebelle ne s’intéressant décidément qu’aux lettres, le père, en fin de compte, se résigna, et le laissa ramer dans la galère qu’il s’était choisie.

Donc, sa situation modeste, étroite même, pesa plus d’une fois à Montégut ; il fut, au fond, un épicurien, un raffiné, que la gêne et ses laideurs choquaient ; il était né pour vivre richement, faire de beaux voyages, et goûter de bons vins. Il est bien vrai pourtant, qu’il n’eut rien d’un matérialiste, qu’il combattit constamment « ses faiblesses » et essaya de considérer de haut ses misères. Il faut en louer la qualité de son esprit : « Pour l’homme de talent, a-t-il dit, la pauvreté n’est un mal réel que lorsqu’elle est de nature à l’exposer aux commentaires des sots, mais autrement, ce n’est qu’un accident d’ordre vulgaire. La pauvreté est une véritable bienfaitrice, lorsqu’elle contraint celui qu’elle éprouve à montrer toute sa délicatesse morale[25]. Fort bien ; pourtant « il faut vivre, » lui a-t-on répondu. Mais Montégut n’admet aucune profession qui absorbe et enrégimente ; il estime que l’exercice d’une u profession, » même appartenant à un ordre purement intellectuel, est « essentiellement antipathique à la libre floraison de l’esprit. » Il ne lui reste donc plus que sa plume.

Pour démontrer le contraste qui exista entre la vie d’Émile Montégut et ses goûts, voici ce que l’on m’a jadis conté. Notre critique, devant une assez grosse somme à son tailleur, le recontra un jour dans un restaurant. Émile Montégut ne s’aperçut pas de la présence du tailleur ; mais le tailleur vit fort bien son client, et grande fut l’indignation qu’éprouva l’honnête commerçant, en remarquant le déjeuner délicat que se commandait ce débiteur sans vergogne, et le choix somptueux de ses vins. Malgré ce choix, aucun des crus désignés ne plaisait à Émile Montégut, qui goûtait, puis repoussait dédaigneusement chaque bouteille, pour en commander de nouvelles. Le manège, plusieurs fois renouvelé, fit sortir le tailleur de son ombre, et Montégut, surpris, dut subir de vifs reproches et la présentation de la fâcheuse note, toujours impayée.

Las d’une perpétuelle vie d’expédients, vie de Bohême, qui se prolongeait dans l’âge mûr, redoutant aussi, peut-être, le sort du pauvre Planche, mort à l’hôpital et seul, Montégut résolut plus d’une fois de se marier : ses projets ne se réalisaient pas. Jadis on me conta qu’il repoussa une charmante main, qui s’offrait. La modestie de Montégut s’effara ; il n’était plus tout jeune alors : la situation, le grand nom de la dame, — une veuve, — lui semblèrent hors de proportion. Enfin, en 1875, il épousa une provinciale, sa cousine, son aînée, et s’en fut habiter avec elle un domaine familial dans sa province. Il jouit alors de cette vie régulière qu’il avait souvent désirée. Son éloignement ralentit peu sa production. Dans les dix années qui suivirent, il donna à la Revue des articles sur le maréchal Davoust, plusieurs portraits de contemporains, et quantité de ses Impressions de voyage et d’art en France, dans le Bourbonnais de Mme de Sévigné, et la Bourgogne des Ducs, au pays d’Honoré d’Urfé, en Auvergne, etc., études attachantes qui décrivent aux Français la beauté et la poésie de leur pays tant de fois parcouru, toujours ignoré, études que M. André Hallays a reprises de nos jours En flânant, et en y ajoutant une grâce et une émotion, qui manquent souvent à la parole un peu sèche de Montégut.

L’exilé volontaire écrivait à cette époque de longues lettres à Mme François Buloz, dans lesquelles il aimait à se plaindre de la santé de sa femme, de la sienne, du beau temps, qui amenait la fâcheuse sécheresse, ou des pluies qui saccageaient les récoltes (car Émile Montégut était devenu un très modeste gentleman farmer) ; bref dans cette vie régulière, Montégut avait compté sans l’isolement, la mauvaise santé, et, disons le mot, le morne ennui.

Je ne sais si ce fut de Baudelaire qu’il tint son amour pour les chats. Chez Montégut cet amour prit la forme d’une véritable passion. Il les observa avec son ardente curiosité, sut deviner leur délicate réserve ; leur susceptibilité le charmait, leur grâce flattait son goût d’harmonie et de beauté. Son imagination se plaisait à découvrir en eux les réincarnations fabuleuses de somptueux rois ou de princesses asiatiques, expiant sous la forme des petits félins qu’il aimait, quelques lointaines cruautés commises au temps de leur vie humaine. Il disait volontiers avec le poète des Fleurs du Mal, parlant du chat : « Peut-être est-il fée, peut-être est-il Dieu ! » et s’exaltait. Son éloquence frémissante pouvait divertir ses auditeurs ; lui, ne songeait guère à plaisanter, poursuivant les images de ses légendes hypothétiques.

Lorsque, — très rarement après son mariage, — Montégut venait à Paris, il surgissait avec sa femme chez Mme François Buloz, flanqué d’une jeune pastoure qui portait au bras un vaste panier à provisions en osier. Sous le couvercle les chats étaient tapis. À l’une de ses chattes, Émile Montégut trouvait « un balancement de jeune Quarteronne ; » il disait : « elle a le baiser humain, » et l’on a longtemps conservé dans ma famille, le billet de faire part que M. et Mme Émile Montégut envoyèrent à leurs amis « pour leur annoncer la mort de leur chatte Zizi. »

En 1848, Montégut était « plus ou moins brouillé avec son père, » puis ils se rapatrièrent à la fin de l’année. C’est alors que le père déclara au fils sa gêne croissante, lui avoua que ses affaires étaient fort embrouillées, sa fortune compromise, par les événements de février, bref, il fit voir « clair comme le jour » à Émile qu’il ne pourrait plus lui donner d’argent, et qu’il eût à se tirer d’affaire seul : « Il me l’avait déjà écrit à Paris, confie Émile Montégut à M. de Mars, je n’en avais rien voulu croire, il fallut bien croire en voyant ; je suis très coupable envers lui : pendant les quatre années que j’ai passées à Paris, je lui ai dépensé beaucoup d’argent… . »

Enfin, Émile Montégut, voulant quitter la campagne où il se trouve momentanément, demande une avance sur des manuscrits : un article « Carlyle » qui paraîtra prochainement à la Revue, et deux lettres sur la province qu’il ne signera pas… « Croyez que je suis désolé d’être obligé de vous faire cette demande, moi qui ai toujours vécu dans l’aisance, et même dans le luxe. Je me vois obligé de m’imposer bien des privations, tout cela parce que les radicaux se sont avisés de vouloir devenir ministres et sous-préfets, et le sont devenus sans y songer… Béni soit ce parti des radicaux bien nommé en vérité, car lorsqu’ils sont au pouvoir, ils vous font manger de l’herbe par la racine[26]. »

Émile Montégut, qui débuta à la Revue par une étude sur Carlyle, sa vie et ses écrits, fut envoyé en 1852 à Londres par François Buloz pour voir l’historien, et s’entretenir avec lui de son John Sterling.

Thomas Carlyle était à cette heure un grand homme, et après l’avoir ignoré longtemps, l’Angleterre lui rendait l’hommage qu’elle lui devait. Les articles de Montégut le portent aux nues : « Quant aux théories et aux idées de Carlyle, idéal réalisé, culte des héros, théorie du silence, identité de la puissance et du droit, explication de la Révolution française, nécessité des symboles, — nous avons dit ici même tout ce qu’on peut en dire. Nous avons dit tout ce qui faisait son originalité comme écrivain : l’amour de son temps, quelque déplaisant qu’il soit d’y vivre, et la mission qu’il s’est donnée de redresser partout les injustices, de relever les erreurs morales, les idées fausses, d’attaquer l’aveugle philanthropie, et le sec égoïsme de ses contemporains[27]… »

Ainsi parla Montégut ; il connaissait le penseur, l’historien, l’écrivain, il ne connaissait pas l’homme. En 1881, Thomas Carlyle mourut, et un de ses compatriotes[28] publia ses papiers intimes et ceux de sa femme. Mme Arvède Barine[29], jadis dans la Revue révéla à ses lecteurs ce que les papiers de Carlyle révélèrent au monde lettré qui, comme Montégut, ignorait son intimité. Ils apprirent, ainsi que l’a écrit Taine, que Carlyle fut « un animal extraordinaire, » et sa femme une martyre, morte à la peine. Mais il avait sur le bonheur son idée faite, et pensait que l’homme n’était pas né pour le connaître. — Sa femme non plus…

On sait que Thomas Carlyle était le fils d’un maçon[30], élevé avec rudesse, une manière d’ours génial, égoïste féroce. Il épousa son élève Miss Welsh. Elle croyait ne pas l’aimer et le lui dit… Hélas ! elle se trompait, elle l’aimait avec ferveur ; de plus, devinant en lui le grand esprit qu’il était, elle se fit la servante de son génie. Carlyle l’épousa parce qu’elle « avait du bien, » qu’elle était charmante et gaie, qu’il « voulait ignorer les soucis matériels » — (« entrer dans une boutique le rendait malheureux ») — il poursuivit donc la jeune fille avec ténacité, et la séduisit en lui promettant une association intellectuelle : car elle était fort instruite en même temps que jolie. Elle se décida au mariage. Mais à peine marié, cet homme, qui blâmait si fort le « sec égoïsme de ses contemporains, » fit de sa femme une servante, exigea qu’elle lavât les planchers comme il l’avait vu faire à sa mère la femme du maçon, qu’elle cuisît le pain, car celui du boulanger lui donnait des aigreurs, et qu’elle raccommodât ses culottes.

On connaît la religion de Carlyle pour le silence ; sa théorie est d’ailleurs belle : « Le silence est l’élément dans lequel les grandes choses se forment et se rassemblent…, des autels devraient être élevés encore aujourd’hui au silence et à la solitude…, les abeilles ne travaillent que dans les ténèbres, la pensée ne travaille que dans le silence… » Le grand philosophe, ne supportant aucun bruit, emmena sa femme à la campagne et exigea que l’on supprimât autour de lui tous les animaux capables de se faire entendre de loin ou de près. Sa solitude devint plus complète encore, lorsque, devant les injures outrageantes dont il les gratifiait, les servantes, une à une, s’enfuirent ou devinrent folles. Carlyle déclarait, afin de poser la base de son autorité une fois pour toutes : « Je veux que si je demande de la soupe aux cailloux, on me fasse de la soupe aux cailloux[31]. » — « Le génie d’un homme n’est pas une sinécure, » soupirait Mme Carlyle, qui resta la dernière et l’unique domestique de la maison. Cette domestique-ci supporta sans une plainte, avec la pauvreté, toutes les souffrances. Dans ce journal qui révéla malgré elle sa pauvre vie infortunée, elle plaisante ses malheurs et ne s’y attarde pas.

Au bout de quelques années de ce régime, Mme Carlyle perdit sa beauté, ses mains devinrent calleuses et sa toilette négligée. C’est alors que son mari fut célèbre. Il n’en fut pas plus sociable, refusait de recevoir personne et au besoin s’enfuyait à la vue d’un fâcheux. Pourtant Lady Ashburton força la porte de sa demeure, s’imposa à lui et l’invita dans sa résidence de Bath-House. Il s’y aperçut que sa femme, au milieu de toutes les autres, avait un air rustique, et que ses atours paraissaient modestes : il en fut vexé ; d’ailleurs Lady Ashburton ne cachait pas à Mme Carlyle que l’on n’avait nul besoin d’elle à Bath-House. Bientôt la pauvre femme fut saisie d’une maladie nerveuse qui l’emporta ; ses souffrances furent atroces. Carlyle, qui ne la voyait qu’aux repas, lui consacrait encore vingt minutes dans l’après-midi ; il écrivit dans ses Notes : « Elle paraissait sentir, la noble et chère âme, que ce moment-là était la prunelle de sa journée, la fleur de tout son travail quotidien dans le monde… » Cependant quand elle fut mourante, il occupa ces vingt minutes sacramentelles à expliquer à sa femme la bataille de Molwitz qu’il était enchanté d’avoir enfin comprise. Puis elle mourut, et le grand homme eut alors tardivement une révélation : il s’aperçut soudain du prix de ce qu’il avait perdu, du sacrifice silencieux de cette femme, et de sa tendresse.

Galamment, en l’épousant, il l’avait prévenue qu’il rangeait l’amour parmi les futilités du monde, et haïssait sincèrement tout ce qui peut y ressembler ; mais que serait-il devenu, si Mme Carlyle, contre vents et marées, n’en eût éprouvé pour lui ? Le sentiment du devoir, certes, n’eût pas été assez fort pour lui faire supporter le lourd fardeau dont il l’accabla généreusement jusqu’à la mort.

Je me suis laissé entraîner hors de mon sujet en me souvenant de l’aventure lamentable de la pauvre Jane Welsh. Un portrait du grand homme placé dans la Revue en tête de l’article d’Émile Montégut donne parfaitement une idée de ce caractère de terrien féroce : un front bas, des yeux enfoncés sous une arcade sourcilière velue et proéminente, un menton, volontaire, des lèvres minces, rigides : tel nous apparaît Carlyle méditatif, triste, inexorable.

Émile Montégut, bon journaliste, voulut se documenter auprès de lui et obtenir pour son article quelques renseignements pris à la source : en vain. On verra comment le philosophe formule son refus à François Buloz, dans la lettre suivante écrite en 1832, alors que Montégut était à Londres. Voici cette lettre écrite en anglais, l’original est sous mes yeux :


Chelsea, Londres, 11 février 1852.

« Monsieur,

« Je regrette d’apprendre par votre lettre du 7 que vous n’avez pas encore reçu votre exemplaire de la Vie de Sterling, lequel dûment adressé devait vous être envoyé depuis plusieurs mois déjà. J’espère que vous serez convaincu que la négligence ne vient pas de moi, mais de mes éditeurs, à qui, hier, je l’ai prouvé et reproché. Enfin depuis hier soir l’exemplaire est entre les mains de MM. B. et Lowell’s[32], et vous sera expédié directement.

En outre, s’ils se sont procuré la gravure que je leur ai recommandée, je pense que votre collaborateur la trouvera suffisante pour ce qu’il désire ; en tout cas, dans les circonstances actuelles, c’est la seule ressource que nous possédions.

Le daguerréotype dont cette gravure est la reproduction a été fait sous la surveillance d’un peintre éminent, et c’est bien le meilleur que j’aie jamais vu ; comme trois ou quatre autres essais de daguerréotype ont été exécutés dans la même maison sans aucun succès, je crois que nous ferons sagement en nous en tenant là

Il a paru ici l’autre jour un livre, sorte de dictionnaire je crois, intitulé les hommes du temps, qui pourrait probablement vous être utile dans quelques-unes de vos enquêtes. Je vais conseiller à MM. B. et L. de vous en procurer un exemplaire. Ce livre contient un petit article me concernant ; on m’en envoya les épreuves il y a quelques mois ; elles ne me parurent pas exemptes d’inexactitudes ni de copieuses erreurs de détail, d’ailleurs peu importantes : je ne pus alors les corriger ni m’en occuper d’aucune manière, et les épreuves de cet article furent jetées au feu. Si les autres articles sont semblables au mien, je suppose que ce livre est un reflet assez exact de la rumeur publique dans nos régions, et comme tel, pourrait être de quelque utilité.

La vanité, ou un sentiment meilleur souffrirait sans doute en moi, si M. Montégut, par manque d’information, se trouvait dans l’impossibilité de continuer la notice qu’il a commencée sur moi. Certainement si je pouvais rompre le serment que je me suis fait sur cette matière, cela serait en faveur d’un homme qui a écrit sur moi, et qui est capable de penser de moi et du monde où nous vivons ce qu’il en pense. Mais, hélas ! je me suis promis une fois pour toutes de ne pas faire droit à de telles requêtes, et vous pouvez me croire, il me serait pénible dans ce cas de me déjuger. Je suis certainement confus de paraître si peu obligeant aux yeux de personnes qui m’honorent si bien, et qui me témoignent tant de sympathie. Mais pour bien des raisons, je n’y puis rien, telle est la triste vérité.

Avec votre exemplaire de Sterling vous en trouverez un autre destiné à Mrs Robert Browning qui est actuellement une de vos voisines. C’est une aimable dame et fort remarquable dans notre milieu, la femme d’un poète dont l’œuvre figure parmi les plus hautes (ou celles qui aspirent à le devenir) d’après les meilleurs juges. Je donnerai à M. Montégut une lettre d’introduction pour ce gentleman, qui peut ou non lui être présenté, suivant le désir de M. Montégut, car je n’ai pas écrit à Browning à ce sujet, et ne compte pas le faire, ne correspondant guère que pour affaires avec lui. Il parle couramment le français, est ardent, capable et bien informé. Si les deux hommes se plaisent, M. Browning pourrait être utile à M. Montégut à bien des points de vue concernant l’Angleterre.

Cela est, je crois, tout ce que j’avais à vous dire ; ainsi je suis,

Monsieur, bien sincèrement vôtre.

T. CARLYLE. »


Montégut revint à Londres l’année suivante ; il s’y était, grâce à la Revue, créé quelques relations parmi les écrivains et les hommes politiques ; il y revit aussi les Libri ; il écrivait le 18 janvier 1853, à son directeur :


« Mon cher monsieur,

Je fais remettre à M. Herbet le manuscrit en question[33]. Je n’ai pas pu l’envoyer pour le dernier numéro, pour deux raisons : la première, c’est que j’ai été très souffrant : il fait ici un temps détestable, il pleut tous les jours ; la seconde, c’est que j’ai diné en ville presque tous les jours depuis une semaine ou (été) invité à aller prendre le thé dans différents lieux.

… J’ai revu Libri et je dine chez lui dimanche en compagnie d’un exilé italien, M. Scalia, je crois, l’ancien chargé d’affaires de la Sicile en 1848. Mme Libri s’est informée de la santé de votre petit garçon, et m’a chargé de faire dire bien des choses à Mme Buloz. Libri m’a donné une lettre pour le directeur du British Museum, M. Panizzi, que j’irai voir demain. J’ai vu M. Carlyle plusieurs fois et j’ai passé la soirée avec lui mardi dernier, je l’ai trouvé très bienveillant, plus expansif que je ne m’y attendais, et partisan du gouvernement de Louis-Napoléon. »

Émile Montégut, que l’atmosphère de Londres électrise, est si enchanté de l’accueil qu’il y reçoit qu’il aimerait à y rester et même à s’y fixer. — Ah ! si François Buloz était un autre homme, il lui demanderait de l’y laisser, de le pensionner et de payer de temps en temps ses dettes, moyennant quoi, dans cet exil, il travaillerait et rétablirait en six mois « ses affaires. » Il admire fort le dernier roman de Mme Gaskell Rutt[34] : « C’est un beau livre et fort émouvant ; » il veut envoyer un article à François Buloz sur ce livre ; tant pis pour Forcade, qui devait l’écrire, — qu’il choisisse autre chose, que diable ! Le roman de Currer Bell par exemple, qui justement vient de paraître. — Émile Montégut propose encore divers sujets d’articles, il est vraiment, ici, en veine de travail ; sans doute se sent-il en sécurité à Londres, loin de ses créanciers, son cauchemar. Il termine ainsi sa lettre :

« Dites bien des choses de ma part à de Mars et à nos amis. Gardez-moi soigneusement les journaux américains, dites à Mme Buloz que je joins mes compliments pour elle à ceux que Mme Libri me charge de lui transmettre. M. Carlyle vous fait remercier aussi des offres que vous lui avez faites à plusieurs reprises d’envoyer quelque chose à la Revue, et me dit que lors de son prochain voyage à Paris, il vous priera de lui montrer le portrait de Mme Sand (une de ses haines) qui est dans votre salon[35]. »

George Sand une de ses haines ? Ah ! certes, Carlyle eût été mal vu de Lélia, s’il se fût avisé de lui faire jouer le rôle qu’il réserva à la pauvre et charmante Jane Welsh.

Montégut revit souvent le grand homme pendant ce séjour de 1853 à Londres ; il fut présenté aussi dans « un monde excentrique chez M. John Chapmann, l’éditeur du Prospective Review, revue philosophique d’un protectionnisme étrange… « J’ai diné dimanche chez Libri qui vous fait dire mille choses comme toujours… Mme Libri m’a pendant toute la soirée parlé des soucis de son mari, et de la fausse position dans laquelle sa famille se trouve par suite[36]. Jamais je n’ai été durant toute une soirée sur de telles épines et de tels charbons ardents. J’ai vu aussi M. Panizzi, qui m’a fait délivrer une carte pour le British Museum[37]. »

Les relations subsistèrent entre Émile Montégut et Thomas Carlyle. Le critique et le philosophe échangeaient leurs œuvres. Carlyle, qu’Émile Montégut admirait avec passion, le laissait faire ; en retour, il confiait à Montégut le soin de sa gloire, du moins dans la sphère de ce dernier, puis Carlyle louait Émile Montégut de son labeur. C’est ainsi qu’au retour d’un voyage en Ecosse (1858) l’auteur de John Sterling remerciait le critique de la Revue de l’envoi pour deux exemplaires de ses Essais :

« … Dans mon propre exemplaire[38], j’ai déjà fait quelques incursions, j’y ai trouvé partout de saines idées, très neuves en France, je crois. Je suis heureux de voir la méthode intellectuelle que vous avez atteinte (en dépit de votre mauvaise santé et de bien d’autres obstacles) depuis que nous avons délibéré ensemble. Je vous en prie, persistez, persévérez avec un paisible courage à travers la bonne et la mauvaise fortune. Sur cette voie-là un homme transforme véritablement le misérable métier que vous et moi exerçons.

« Le livre sur Frédéric dont je m’étais débarrassé depuis juin dernier, va justement paraître ces jours-ci. Je le considère comme un médiocre, insignifiant, et pour tout dire mauvais livre, quoique représentant la meilleure réplique sur ce sujet qui soit sortie de mes pauvres mains, mais rien n’est plus évident que le dégoût qu’il a donné, donne, et donnera à son infortuné auteur… Adieu à ce livre et pour toujours ! si j’avais seulement terminé ces deux derniers volumes, et pouvais oublier cette affaire jusqu’au jour du jugement ! »

En 1857 parut la Biographie de Béranger ; l’occasion était belle pour Montégut, il ne négligea pas de la saisir, et consacra au « dieu des bonnes gens » un article. C’est une charmante étude, ce Dernier mot sur Béranger. Le portrait politique du bonhomme y est divertissant. Émile Montégut a soin de faire remarquer que si les opinions de Béranger sont parfois incertaines, c’est que ce fils d’une mère royaliste fut élevé par une tante républicaine, confié ensuite à un disciple de Jean-Jacques, enfin à une grand mère qui, tout en admirant et en citant Voltaire à tout propos, aspergeait volontiers sa maison d’eau bénite les jours d’orage, et faisait passer le petit Béranger sous le Saint-Sacrement à la Fête-Dieu.

On n’aimait guère Béranger à la Revue ; François Buloz estimait peu le caractère de l’homme, qu’il jugeait vulgaire et, sous une apparence de bonhomie, avide de gloire et d’honneurs. Sainte-Beuve en voulait à Béranger depuis Volupté, où Béranger voulut découvrir son propre portrait et quelques traits offensants ; puis l’article de Sainte-Beuve sur Ballanche devint un autre prétexte à divergences[39] entre eux. Sainte-Beuve, pour cause, ne parla pas de la Biographie dans la Revue et n’écrivit à la mort du chansonnier qu’un article nécrologique assez fade dans un quotidien[40]. À la Revue, Montégut fut donc chargé de l’article. François Buloz, après l’avoir lu en épreuves, signale à l’auteur une hérésie de Béranger qu’il désirait voir relever. On lit en effet dans la Biographie ceci : « À peu près au temps de mes débuts, Henri de la Touche me fit plusieurs fois de judicieuses observations qui m’ont rendu grand service. Aussi suis-je souvent retourné à ce vrai poète, grand faiseur de pastiches. Je l’ai souvent appelé l’inventeur d’André Chénier dans les œuvres duquel il est au moins pour moitié ; car j’ai entendu Marie-Joseph déplorer qu’il y eût si peu de morceaux publiables dans les manuscrits laissés par son frère. Ce qu’il y a de singulier, c’est que les vers placés à la fin du volume et que le geôlier est censé interrompre n’aient pas ouvert les yeux des juges de sang-froid. Tout le monde sait pourtant aujourd’hui que ces vers sont de la Touche[41]. »

François Buloz qui eut, avec toute sa famille, le culte d’André Chénier, ne put en entendre davantage, et écrivit un soir à son chroniqueur :


« Mon cher Montégut,

Votre article est très bien ; cependant j’y voudrais un paragraphe de plus sur le singulier jugement que porte Béranger, page 193, à propos de Latouche inventeur d’André Chénier. Béranger ne va-t-il pas jusqu’à invoquer un souvenir de Marie-Joseph Chénier, pour amoindrir André et faire valoir Latouche ? Nous avons tous connu Latouche, et nous savons ce qu’il était capable de faire.

Il me semble que ceci devrait être relevé comme indice de la vulgarité dans le jugement.

Vous dites dans votre article que Béranger ne dit pas un mot de M. Guizot ; voyez la page 196 : c’est peu de chose, il est vrai, mais il le nomme. Je n’ai lu encore cette Biographie que jusqu’à la page 202 ; que Béranger ne nomme pas Cousin qui faisait profession d’être son ami, de le voir très souvent, c’est grave, cela mériterait une réflexion. Pour moi, c’est encore une preuve que Béranger n’avait pas d’élévation dans l’esprit, car il était attiré par des hommes qui ne valent pas Cousin, malgré tous les reproches qu’on peut faire à celui-ci et vous savez que je ne suis pas aveugle, à l’endroit de ce mobile, mais grand esprit.

Voyez tout cela[42]… »

Voici le paragraphe qu’Émile Montégut ajouta après la lettre de François Buloz : « … La plus étrange des opinions littéraires de Béranger est celle qu’il exprime au courant de la plume sur André Chénier ; il attribue à M. Henri de Latouche, grand faiseur de pastiches et homme d’esprit, la plus grande partie des poésies d’André Chénier. Quand on avance de telles opinions, il faut avoir soin de les prouver. Les fragments d’André ont pu paraître en effet très incomplets, très inachevés au classique Marie-Joseph, mauvais juge en matière aussi délicate, et dont le propos assez vague rapporté par Béranger ne prouve rien du tout. M. de Latouche avait, il est vrai, la rage du pastiche et de la supercherie littéraire, mais il n’était pas homme à laisser à un autre la gloire qu’il pouvait retirer de ses propres compositions, et il était bien plus disposé à confisquer à son profit quand il le pouvait les idées et le talent d’autrui. On sait d’ailleurs ce dont était capable l’auteur de Fragoletta ; nous ignorons si les derniers vers attribués à Chénier sont bien réellement de M. Henri de Latouche, mais ce dont on peut être sûr, c’est que cet homme d’esprit n’a jamais été capable de produire Le Malade, l’Aveugle ou l’admirable fragment intitulé Neère[43]. »

J’ai dit qu’Émile Montégut traversa souvent des crises de découragement : il avait bien des sujets de plainte, car il fournissait une somme de travail énorme et le fruit de son travail était le plus souvent escompté pour le paiement de pauvres dettes. Voici une lettre écrite en pleine révolte contre cette situation inextricable :


« Mon cher monsieur,

Nous voilà au commencement d’un mois, et j’en profite pour vous écrire afin que nous ayons une dernière entrevue qui nous permette d’arranger quelque chose qui ait enfin une base et le sens commun. En même temps que je vous écris, j’écris à ma famille ; si les uns et les autres vous refusez de comprendre, mon parti est bien pris, je renonce atout : j’aime mieux devenir ce qu’il plaira au diable, que de continuer cette vie-là surtout celle que je mène depuis un mois. J’ai assez de tout sauf d’argent dont je n’ai pas l’ombre. Je suis fatigué de travailler perpétuellement, et de travailler mal par-dessus le marché, pour ne pas avoir seulement quinze jours d’assurés : grâce à ce beau système d’un travail incessant et d’une vie sans assises, il m’arrive à chaque instant les affaires les plus désagréables de la terre. Je trouve que c’est suffisant comme cela et qu’il est temps d’y mettre un terme ; je n’ai nulle envie à mon âge de me transformer en Gustave Planche ; je n’ai, pour remplir le rôle, ni assez de lâcheté, ni assez de courage ; je suis absolument à bout, je ne puis faire ni un pas en avant ni un pas en arrière, il ne me reste qu’à crever au milieu, et Dieu veuille que cela soit bientôt, ce sera l’unique service que cet aimable et bienfaisant régulateur du monde m’aura jamais rendu.

Pour double conclusion, je suis arrivé à ces deux résultats : 1o que je suis arrivé à l’âge où les espérances ne remplacent pas les pièces de cent sous absentes, et où l’on se f… de la renommée, pourvu qu’on puisse payer son terme et qu’on soit convenablement chaussé, et 2o que ma coupe déborde, et que j’ai décidé que de toute façon, j’y mettrais ordre cette quinzaine, et que c’était assez d’expérience comme cela.

Mon langage vous paraîtra fort peu académique, mais ma position ne l’est pas académique, et puis j’aime mieux parler avec le cynisme de la réalité[44]

Tout à vous,

EMILE MONTEGUT. »


Je ne sais à quel « parti » Émile Montégut fait allusion ici. S’agit-il d’un projet de mariage ? La lettre, non datée, doit être de 1865 ou 1867. Il s’y révèle véritablement exaspéré. D’ailleurs, l’exaltation dont à plusieurs reprises et pour des causes très différentes il fit preuve, effrayait ses amis ; ils redoutaient ses coups de tête. On trouve dans la correspondance de Baudelaire une lettre adressée à M. Ancelle, dans laquelle il est question d’une disparition d’Émile Montégut.

« Non, Émile Montégut, Dieu merci, ne s’est pas pendu. C’était une fausse nouvelle envoyée par un ami de Paris. Il vient de publier dans la Revue des deux Mondes un article sur la Recherche du Bonheur. La vérité est qu’il a disparu pendant un assez long temps, sans dire à personne où il était. Et comme il a déjà montré quelques bizarreries, on a cru qu’il s’était tué[45], »

Au début des événements de 1870 qui frappèrent Montégut au cœur, cette phrase se retrouve presque identique sous la plume de Victor Cherbuliez : « … Et pourtant que de coups frappés autour de vous ! Ce pauvre Montégut[46]… » Encore une fois on le croyait mort, mais François Buloz rassure Cherbuliez : « Nous avons reçu une lettre de Montégut qui, heureusement, n’est ni mort, ni fou ; il s’est tout simplement réfugié à Limoges dans son pays[47] ».

J’ai entre les mains quelques autres lettres de notre critique ; l’une d’elles, qui est assez curieuse, encourage François Buloz, visiblement inquiet, à publier prochainement un article d’ensemble sur l’œuvre de Richard Wagner. Je m’imagine que le directeur de la Revue s’interrogeait : Scudo, son critique musical, avait été sévère jadis pour le musicien allemand. En 1860, parlant de Tristan et Iseult, Scudo écrivait : « Le compositeur a certainement dépassé tout ce que l’on peut imaginer en fait de confusion, de désordre et d’impuissance, on dirait une gageure contre le sens commun et les plus simples exigences de l’oreille[48]. « Mais neuf ans plus tard, Wagner[49] s’est imposé, on l’a acclamé à Dresde et à Berlin, discuté à Paris… il est l’auteur de Rienzi, du Vaisseau Fantôme, de Tannhaüser et de Lohengrin, n’importe, il semble que le sujet soit brûlant encore — pour la Revue ? — non ; n’est-elle pas une tribune libre ? Mais quel effet fera ici la louange de M. Schuré ? Car c’est M. Schuré qui est chargé de parler de Wagner. Voici l’avis d’Émile Montégut à cette époque (1869) sur Richard Wagner.


« Cher monsieur.

Je n’ai pas entendu les opéras de Wagner, à mon très grand regret. La dernière fois que j’étais en Allemagne on a joué Lohengrin sur le théâtre de Bade, mais j’ai été averti trop tard pour pouvoir prendre le chemin de fer.

Pourquoi un article sur Wagner vous embarrasse-t-il ? Toute la question pour vous est de savoir : 1o si l’article est intéressant ou non ; 2o si l’auteur vous présente quelques garanties de bon sens et de bon goût ; controversé, nié à outrance, applaudi fanatiquement, Wagner se trouve aujourd’hui une personnalité des plus importantes. Vous sentez bien qu’un homme qui partage à ce point, non pas le gros public, s’il vous plaît, mais ce qui est bien plus considérable, les gens du métier eux-mêmes, c’est-à-dire les musiciens, plus le public des dilettantes et des mondains qui ont une admiration musicale sérieuse, ne peut pas être un homme sans valeur.

J’ai entendu environ quinze grands morceaux de Wagner, qui sont presque tous malheureusement d’un caractère symphonique, ouvertures, préludes, chœurs, marches plus (un) ou deux lieds. Ce que je puis dire, c’est que ces morceaux m’ont plu extrêmement, sans me procurer aucune sensation inattendue. Wagner me semble en musique un coloriste excellent, il indique parfaitement aux yeux sous sa couleur propre le spectacle qu’il s’agit de rendre sensible. L’ouverture du Vaisseau Fantôme est sous ce rapport un chef-d’œuvre. J’en dirai autant du prélude de Lohengrin. L’esprit des deux légendes est exprimé avec une netteté, une précision, une absence de vague (je souligne le mot à dessein) qui ne laissent rien à désirer. Ce sont les deux légendes mêmes, et non deux auteurs de nature semblable.

Quant au succès des opéras de Wagner en Allemagne, tenez pour certain qu’il en est trois qui sont acceptés sans résistance aucune, acceptés comme Robert le Diable, les Huguenots ou le Prophète chez nous, le Tannhaüser, le Lohengrin, le Vaisseau Fantôme, mais il semble bien que les Allemands eux-mêmes n’ont pas suivi Wagner dans ceux de ses opéras plus récents où il a poussé son système à outrance, Tristan et Iseult et les Niebelungen.

« Ce système, vous le savez, c’est celui de Glück, ni plus ni moins, en sorte que beaucoup de ceux qui crient et crachent contre Wagner, crient et crachent contre le grand Glück, lui-même. Moi qui n’ai envie de crier ni de cracher contre l’un ou l’autre, je déclare que le système de musique dramatique de Glück me paraît un système absolument faux ; il faudrait trop longtemps pour dire comment : je me borne à exprimer mon sentiment. Quant à l’inspiration musicale de Wagner, elle me semble provenir de Weber plus que de tout autre musicien. . Cependant il me paraît que sa musique est une sorte de métal composite de (mot illisible), résultat d’une fusion d’éléments très divers, fournis par la grande période musicale allemande dont nous avons vu la fin de nos jours ; l’éclectisme de l’abeille me semble prédominer chez Wagner.

« En réalité, Wagner si discuté, si nié, me semble (si j’ose en juger par les quinze ou seize morceaux que j’ai entendus) un musicien supérieur à Schumann, qui ne soulève pas les mêmes antipathies, et Schumann, qui ne me plaît pas beaucoup, est un homme d’une inspiration souvent fort originale et d’un mérite hors ligne.

« Ainsi je crois que vous pouvez vous rassurer sur votre article. D’ailleurs l’auteur ne signera-t-il pas et ne portera-t-il pas la responsabilité de ses opinions ?

« Tout à vous,

EMILE MONTEGUT[50]. »


Émile Montégut écrit : le système de Wagner c’est celui de Glück… Édouard Schuré reprend cette thèse dans l’article de la Revue… « M. Richard Wagner est le disciple fidèle et le continuateur intelligent de Glück… M. Wagner est-il un copiste de Glück ? Ses adversaires n’ont pas manqué de le dire ; mais il suffit d’entendre un de ses morceaux pour être convaincu du contraire. C’est par lui-même, c’est par ses propres efforts qu’il est arrivé au drame musical, il est allé bien plus loin que son prédécesseur[51]… »

François Buloz avait fait précéder l’article de M. Schuré d’une note pour prévenir son public : « Ici, disait-il, la critique n’a point ménagé les avertissements et même le blâme au musicien allemand… Voici cependant l’étude d’un partisan de M. Richard Wagner, etc. . » Ces précautions nous sembleraient aujourd’hui exagérées et nous feraient sourire, si nous ne relisions les journaux de l’époque, et si nous ne nous rendions compte du bouleversement qu’apportait dans le monde musical l’œuvre de Wagner. Pendant les répétitions de Tannhaüser à l’opéra, Berlioz écrivait à son fils : « Wagner fait tourner en chèvres les chanteuses, les chanteurs et l’orchestre… La dernière répétition a été atroce… Liszt va arriver pour soutenir l’école du charivari… Il y a des instants où la colère me suffoque. Wagner est évidemment fou… » Et après la première qui fut orageuse : « les horreurs, on les a sifflées splendidement. » Si Berlioz, musicien d’avant-garde, juge ainsi Wagner, comment le juge le public de la Revue ? Moins sévèrement peut-être : les confrères entre eux, ne sont guère justes. On connaît le mot de Rossini sur Berlioz : « Quel bonheur que ce garçon-là ne sache pas la musique, il en ferait de bien mauvaise[52] ! »

Dans ce même numéro du 15 avril 1869 on lit un article de Blaze de Bury sur Hector Berlioz. Berlioz était mort depuis deux ans et Blaze de Bury, qui l’avait connu et autrefois discuté, lui rend pleine justice ; il rapproche justement ce musicien de Wagner, mais sans le comparer à lui : « Vit-on jamais théories plus opposées que celles de ces deux musiciens de l’avenir également supérieurs, également possédés du démon de l’initiative, et dont l’un pose en triomphateur, tandis que l’autre passe encore aux yeux du plus grand nombre, pour un enfant perdu du romantisme… » Blaze de Bury reconnaissait bien en Wagner le musicien de l’avenir ; mais Blaze de Bury était le critique musical, non pas l’abonné de la Revue et c’est en pensant à cet abonné que François Buloz s’inquiétait.

Une longue et solide amitié unit Blaze de Bury à Montégut. Si sa famille n’avait pas exigé de la fille aînée d’Henri Blaze la destruction de la fin des Souvenirs de son père, nous eussions eu un charmant portrait de Montégut à côté de ceux de Musset, de Planche, de Sand, et de Meyerbeer. Mais nous ne saurons plus rien des Souvenirs de Blaze à l’époque plus récente de Montégut.

Retiré par force à la campagne auprès d’une femme sans cesse malade, Montégut menait en 1888 la vie la plus paisible du monde. Si on l’eût consulté alors, n’eût-il pas regretté sa liberté perdue, et le temps où il courait après quinze francs ? Un grand désenchantement, une profonde mélancolie se devine dans le courant de la lettre suivante, écrite par Montégut à Mme François Buloz à propos de la mort de son frère, Henri Blaze de Bury :


Thias, 25 mai 1888.


« Chère Madame,

J’espère bien que vous n’avez pas accusé ma vieille amitié si vous n’avez pas encore reçu un mot de moi au sujet de la mort de votre frère Henri. Hélas ! telle est la réclusion étroite que nous fait la maladie depuis quelques années, qu’elle nous a fait plus particulièrement cette année, que je l’ignorais absolument, et que je l’ignorerais encore si une amicale lettre de Mazade ne m’en avait informé il y a quelques jours. Cette nouvelle a été pour moi la plus douloureuse surprise. Vous savez dans quels bons rapports d’amitié j’avais toujours été avec votre frère, combien j’appréciais son esprit si curieux, et si plein de fantaisie, sa conversation si gaie et toujours si amusante ; il était une des seules personnes de ma connaissance avec qui je ne me suis jamais ennuyé. Je le regrette de tout mon cœur, et je ne me fais pas à l’idée que je ne le reverrai plus, tant on pensait peu à son âge[53] lorsqu’on causait avec lui littérature, art ou nouvelles parisiennes.

Mazade me dit dans sa lettre qu’il cause quelquefois de moi avec vous, et que vous avez bien voulu garder de votre serviteur un très amical souvenir. Hélas ! depuis le temps que nous ne nous sommes vus, il me semble que je dois être à peu près pour vous comme une mâne, une ombre légère ; aussi cette lettre vous fera peut-être l’effet d’une lettre de revenant. Et qui sait combien cette absence peut durer encore et si même elle finira jamais ? Lorsque j’ai eu l’honneur de vous écrire pour la dernière fois, il n’y avait que moi de sérieusement malade ; depuis lors, je me suis légèrement rétabli, mais ma femme est tombée malade à son tour, et alors, ça (a) été bien autre chose. Nous venons de passer un hiver véritablement enragé. Pensez que depuis le mois de décembre dernier (cinq mois pleins) elle n’est pas sortie de sa chambre, qu’elle est restée couchée au moins les deux tiers des journées, qu’elle mange à peine et ne se soutient que par des tisanes et autres drogues de cette espèce, et vous pourrez vous faire une idée approximative de la vie agréable que je mène. Voici les beaux jours revenus, mais les beaux jours ne changent rien à sa situation, et, au moment où je vous écris, elle est plus malade que jamais. Elle est malade, bien sérieusement malade ; toutefois ce que je redoute pour elle, c’est moins la souffrance que l’affaiblissement graduel qui en est la conséquence. Son caractère se ressent de cet état exaspérant, et maintenant elle ne peut plus supporter l’idée de rester seule même quelques heures. Je suis donc confiné à Thias sans autres nouvelles que celles qui m’arrivent par quelques journaux ou quelques visiteurs, et sans autres distractions, pour passer les longues heures du jour et de la nuit, que de dévorer des montagnes de livres. Mais quelque appétit que l’on en ait, cette nourriture elle-même finit par devenir fatigante, et par produire de véritables indigestions. Ajoutez à cela que je suis souvent malade pour mon compte et lorsque cela arrive, je vous réponds que notre maison est gaie. Heureusement Dieu m’a fait la grâce de pouvoir reprendre un peu de santé et un semblant de force, sans quoi je ne sais comment j’aurais traversé cette interminable et cruelle épreuve[54]. »


MARIE-LOUISE PAILLERON.

  1. Voyez la Revue des 1er février, 1er mars, 15 avril et 1er septembre 1921.
  2. Maxime Du Camp, Souvenirs littéraires.
  3. Scènes de la Vie du Bordj.
  4. Maxime Du Camp : Souvenirs.
  5. Ibid.
  6. P. de Molènes : M. de Balzac, La Comédie humaine, dans la Revue du 1er novembre 1842.
  7. Voyez cet article Les Femmes poètes, dans la Revue du 1er juillet 1842.
  8. V. Notice de Sainte-Beuve aux Poésies de Mlle Desbordes-Valmore, 1842. Charpentier, id. p. V.
  9. De Molènes signa un moment Gaston de Molènes, ce qui explique l’erreur de Sainte-Beuve.
  10. Sainte-Beuve, Correspondance avec M. et Mme Juste Olivier, p. 315.
  11. Inédite. Probablement 3 janvier 1843.
  12. Inédite, 1849.
  13. Inédite, 30 août 1852.
  14. Voyez la Revue du 1er avril 1852.
  15. Inédite.
  16. 16 mai 1855, inédite.
  17. Fondé en 1788.
  18. Émile Montégut. Eugène Melchior de Vogüé. Le Figaro, 20 décembre 1895.
  19. Brunetière, Émile Montégut. Voyez la Revue des Deux Mondes du 15 décembre 1895.
  20. J’ai déjà indiqué qu’au début de la soirée, le critique semblait se recueillir.
  21. M. Laborde Milaâ, Un essayiste : Émile Montégut, 1825-1895. 1 vol. chez Escoffier.
  22. Ibid.
  23. A. Laborde Milaâ, Un essayiste, Émile Montégut.
  24. La grand mère d’Émile Montégut fut guillotinée pendant la Révolution « pour « pinions contre-révolutionnaires. » V. aussi l’Ascendance paternelle d’Émile Montégut, par H. Hugon (Limoges, 1918).
  25. Émile Montégut, Nos morts contemporains, p. 338.
  26. 1848. Inédite.
  27. Émile Montégut, Thomas Carlyle et John Sterling. Voyez la Revue du 1er’juillet 1852.
  28. James-Anthony Froude.
  29. Arvède Barine, La Femme d’un grand homme, Mme Carlyle. Revue des Deux Mondes du 15 octobre 1884.
  30. Carlyle naquit à Ecclefechan en Ecosse en 1797. Jane Welsh, sa femme naquit en 1801, se maria en 1826, et mourut en 1866.
  31. Arvède Barine, La femme d’un grand homme.
  32. Correspondants de François Buloz à Londres.
  33. Un article sur le général Pierce, les Anciens présidents des États-Unis : le général Franklin Pierce. Voyez la Revue du 1er février 1853.
  34. Les Romans de Mistress Gaskell, Émile Montégut. Voyez la Revue du 1er juin 1853.
  35. Sans doute le portrait de Delacroix.
  36. On se souvient que Libri, depuis sa fameuse affaire, était poursuivi pour vol de livres dans nos musées nationaux, avait fui, et avait été, malgré Mérimée et tous ses amis, condamné par contumace.
  37. 26 janvier 1853 (inédite).
  38. L’autre était destiné à Kingsley.
  39. Voyez dans les Portraits contemporains les lettres de Sainte-Beuve à Béranger à propos de ces deux affaires. Sainte-Beuve avait écrit en 1832 un article fort élogieux dans la Revue sur Béranger. On remarquera les restrictions qu’il fait à cet article quelques années plus tard.
  40. Le Moniteur.
  41. Ma biographie. Béranger, p. 194.
  42. Sans date. Sans doute fin décembre 1857.
  43. Émile Montégut : Un dernier mot sur Béranger, Revue des Deux Mondes, 1er janvier 1858.
  44. Inédite.
  45. Charles Baudelaire, Lettres, 1841-1866. Société du Mercure de France, p. 397.
  46. Marie-Louise Pailleron, La Revue des Deux Mondes en 1870-1871, 1er mars 1910.
  47. Ibid.
  48. Scudo. Revue musicale, Les Écrits et la musique de M. Richard Wagner, 1er mars 1860.
  49. L’article dont il est question plus bas a été en effet écrit par M. Édouard Schuré : Le Drame musical et l’œuvre de M. Richard Wagner, 15 avril 1869.
  50. Inédite, s. d., 1869, début de l’année.
  51. Ed. Schuré, Le drame musical de Richard Wagner, 15 avril 1869.
  52. Boschot, Une vie romantique : Hector Berlioz, p. 349.
  53. Henri Blaze de Bury avait 75 ans alors.
  54. Inédite.