Foucart - Éléments de droit public et administratif/Partie I/Livre I/Chapitre 1

A. Marescq et E. Dujardin (1p. 59-84).

CHAPITRE PREMIER

du pouvoir en général. — du pouvoir législatif


Sommaire.
60. Il n’y a pas de gouvernement véritablement absolu.
61. Subdivision du pouvoir en législatif et exécutif. — Le pouvoir judiciaire n’est qu’un démembrement du pouvoir exécutif. — Renvoi.
62. But du gouvernement monarchique représentatif.
63. Nécessité pour la France d’un pouvoir monarchique héréditaire.
64. Intervention du pouvoir impérial dans la confection de la loi.
65. Rôle du Sénat et du Corps législatif.
§ Ier. — De l’Empereur.
66. Ordre de transmission de la dignité impériale. — Loi salique.
67. Droit d’adoption. — Succession collatérale. — Vacance du trône.
68. Prérogatives de l’Empereur et de la famille impériale.
69. Droit de convoquer, de proroger et de dissoudre le Sénat et le Corps législatif.
70. Du Conseil d’Etat comme auxiliaire de l’Empereur dans l’exercice du pouvoir législatif.
II. — Du Sénat.
71. Rôle et composition du Sénat.
72. Prérogatives des sénateurs.
73. Organisation du Sénat.
74. Pétitions.
§ III. — Du Corps législatif.
75. Composition du Corps législatif.
76. Prérogatives des députés au Corps législatif.
77. Organisation du Corps législatif.

60. Dans aucune société le pouvoir ne repose sans limites entre les mains du souverain ; on rencontre chez toutes les nations certaines règles qui dominent le souverain lui-même, et sont comme les conditions de l’exercice de la souveraineté. Tantôt ces règles sont confuses, incertaines, variables ; sorties d’événements amenés par la violence, elles sont illogiques et contradictoires comme eux, et consacrent sans distinction les droits et les abus : tel était le droit public de la France avant 1789. Tantôt ces règles, mises en rapport avec les principes du juste et les besoins légitimes de la société, forment un ensemble harmonieux qui dirige les gouvernants et les gouvernés, en déterminant les droits et les devoirs de chacun.

Lorsque la science du Droit public a fait des progrès, la nation éprouve le besoin d’en consigner les résultats par écrit, pour mettre les principes en évidence et leur donner la sanction législative. La loi qui renferme les principes généraux du Droit public a pris successivement en France les noms de Constitution et de Charte constitutionnelle ; on l’appelle aujourd’hui Constitution.

Elle sert de fondement et de base à toutes les autres lois de droit public et de droit privé ; elle en diffère en ce qu’elle ne peut être modifiée que suivant des formes spéciales, de nature à garantir les intérêts supérieurs qu’elle règle.

L’œuvre du Droit public est d’organiser le pouvoir, c’est-à-dire de déterminer sa nature et de le répartir entre différents organes de la manière la mieux appropriée aux besoins physiques et moraux de la nation.

Nous avons donc à examiner :

1o La nature du pouvoir en général ;

2o L’organisation qu’il a reçue dans notre pays.

61. La société ne peut exister sans des lois ; les lois seraient inutiles si elles n’étaient pas exécutées.

Il faut donc un pouvoir qui crée la loi ;

Un pouvoir qui la fasse exécuter.

Le premier reçoit le nom de Pouvoir législatif ;

Le second de Pouvoir exécutif[1].

La répartition de ces deux pouvoirs entre différents organes constitue la forme du gouvernement, et cette forme est plus ou moins bonne suivant qu’elle satisfait plus ou moins aux besoins de la société.

62. Ce qui fait la vie sociale, a dit un publiciste moderne, c’est la sécurité et le progrès. Tout système qui ne procure pas l’ordre dans le présent et le mouvement vers l’avenir est vicieux et bientôt abandonné. (M. Guizot, Hist. de la civilisat. en Europe, t. 2, p. 18.)

Le Droit public de la France satisfait aujourd’hui à ce double besoin. La sécurité a pour base le principe monarchique ; le mouvement vers l’avenir s’opère à l’aide d’un ensemble d’institutions qui le rendent sans danger. Les Droits naturels qui sont le but de la société, sont garantis à tous ses membres ; les Droits politiques, qui ne sont qu’un moyen, sont attachés à des conditions d’âge et de sexe. Tous les intérêts ont des organes, mais ils sont subordonnés à l’intérêt général, et ramenés ainsi à l’unité.

63. La France est une monarchie impériale ; le pouvoir ne repose pas viagèrement sur la tête de l’Empereur ; il se transmet dans un ordre établi par le droit constitutionnel (S.-C. du 7 nov., approuvé par le plébiscite des 21 et 22 du même mois, et par le décret du 2 décembre 1852. — Décr. du 18 décembre 1852.).

En consacrant un pouvoir héréditaire, le Droit public français donne à l’ordre et aux libertés publiques la plus efficace de toutes les garanties. Un État ne peut être heureux à l’intérieur et respecté au dehors qu’autant qu’il est uni et paisible : or il existe en France des causes nombreuses de division. Les intérêts agricoles, industriels et commerciaux varient du nord au sud, de l’est à l’ouest ; s’ils n’étaient pas contenus par une main puissante, et dirigés vers un but commun à l’aide de sacrifices réciproques qu’on leur impose, ils morcelleraient le royaume en plusieurs petits États qui perdraient en force et en bien-être ce qu’ils croiraient gagner en indépendance, et feraient disparaître cette unité que nous avons eu tant de peine à conquérir. On trouve chez la plupart des individus un étroit égoïsme, qui non-seulement les empêche presque toujours de s’élever jusqu’aux considérations d’intérêt public, mais qui leur inspire aussi une résistance habituelle à toutes les mesures utiles, dès qu’elles entraînent pour eux les plus légers sacrifices. Enfin les dissensions politiques et les différentes révolutions qui se sont succédé pendant plus de soixante ans ont laissé dans les esprits de nombreux ferments de discorde. La destruction de l’unité de foi religieuse a entraîné la destruction de l’unité de foi politique ; au milieu de la confusion des idées, les théories les plus dangereuses ont, été professées par des hommes qui s’efforcent de les réaliser avec toute l’opiniâtreté des sectaires, et qui trouvent des instruments dans les masses que le défaut de foi religieuse rend susceptible de céder à toutes les erreurs, que le défaut de fortune met au service de toutes les ambitions.

Qu’on se figure maintenant qu’au milieu de tous ces éléments de désordre, une élection périodique ait lieu pour désigner le chef de l’État : n’est-il pas évident qu’elle amènerait chaque fois une crise si violente que la société elle-même serait compromise ? L’attente seule de cette crise arrêterait longtemps d’avance toutes les spéculations industrielles et commerciales, qui ne peuvent se développer que par la confiance dans l’ordre public ; des milliers d’individus qui n’ont pour vivre que le travail de chaque jour, se trouveraient ainsi, manquant de pain, à la disposition des partis, qui, nous ne le savons que trop bien par notre propre histoire, ne reculent pas devant l’emploi de pareils auxiliaires. Supposons que ces dangers soient surmontés, que, par de savantes combinaisons, l’élection du chef de l’État n’excite pas le plus léger désordre, et voyons quelles seraient les conséquences d’un tel système pour la prospérité publique. Les gouvernants électifs, sortis du sein de la nation pour y rentrer bientôt, ont d’abord une éducation à faire ; elle a lieu aux dépens du pays : ils appartiennent nécessairement à l’un des systèmes politiques, économiques et industriels qui partagent la société ; ils sont aussi les représentants d’intérêts spéciaux et locaux ; ils ont presque toujours eux-mêmes des vues et des intérêts particuliers qu’ils doivent chercher à faire prévaloir : aussi ne peut-il y avoir aucun esprit de suite dans la marche de l’administration ; ce n’est qu’une série d’essais incomplets qui n’ont jamais le temps de produire le bien qu’ils annoncent ; la prospérité publique est entravée, soit par des obstacles présents, soit par la crainte d’obstacles à venir ; et le pouvoir lui-même, faible parce qu’il est précaire, manque de la force nécessaire pour exécuter ce qu’il a conçu.

Avec un chef électif, la France, qui est appelée à jouer au dehors un rôle important, perdrait sa prépondérance, parce que les relations diplomatiques demandent de vastes connaissances et une persistance de vues dont les gouvernements électifs sont incapables ; les nations étrangères s’efforceraient d’anéantir les sources de prospérité que de longues et habiles négociations nous ont ouvertes ; et notre pays, travaillé périodiquement par une crise sociale que l’or étranger pourrait transformer en guerre civile, serait exposé, faible et divisé, à l’invasion toujours imminente[2].

La perpétuité du pouvoir dans une famille garantit l’ordre et la prospérité au dedans, la dignité et la prépondérance de l’État au dehors. Le prince, placé au-dessus de tous les intérêts particuliers, ne les étudie que pour les confondre dans l’intérêt général ; il peut concevoir et exécuter ces grandes mesures qui contribuent à la prospérité publique ; à l’ombre d’un pouvoir incontesté et durable, le commerce, l’industrie, l’agriculture se développent et répandent le bien-être dans toutes les classes de la société. Tranquille au dedans, l’État est puissant au dehors, parce qu’il suit dans ses rapports avec les puissances étrangères une politique héréditaire, et que toutes les forces de la société sont toujours prêtes quand il s’agit de soutenir les intérêts nationaux et de repousser les agressions injustes.

Que l’on ne compare pas la situation politique des peuples modernes avec celle des peuples anciens, dont l’histoire nous raconte la grandeur. Chez les peuples de l’antiquité, la liberté, la gloire, la prospérité publique n’étaient le partage que d’un très-petit nombre d’hommes ; l’immense majorité était courbée sous le joug le plus dur, était privée de l’exercice des droits inséparables de l’humanité. Lorsque des milliers d’esclaves passaient toute leur vie à cultiver la terre, à exercer les arts industriels pour le compte de quelques hommes libres, ceux-ci pouvaient consacrer tout leur temps à perfectionner leur intelligence et à s’occuper des affaires publiques ; toutes les dissensions qui s’élevaient entre eux devaient céder facilement à l’intérêt toujours pressant de conserver leur pouvoir sur la partie esclave de la société : et cependant nous voyons partout s’élever des discordes publiques, et quelquefois le sang des citoyens rougir la tribune et le forum. Quand la république romaine fut devenue riche et puissante, la liberté fut perdue, et le despotisme s’établit comme un besoin social. Partons du principe de la société libre comme le christianisme l’a faite, et tout en garantissant les droits naturels de cette immense partie de la population qui ne comptait autrefois que comme un accessoire du sol, protégeons-la par des institutions qui la défendent, ainsi que le reste de la nation, contre les dangers de bouleversements sans cesse renaissants.

L’exemple des républiques modernes n’a rien de plus concluant ; celles de l’Europe, resserrées sur des territoires fort restreints, ne doivent leur conservation qu’à des circonstances topographiques et politiques toutes spéciales, qui leur assurent la protection des grandes puissances. Quant aux républiques qui composent les États-Unis d’Amérique, on ne peut en rien conclure d’applicable aux États de la vieille Europe. La société américaine a été fondée, il n’y a pas encore deux siècles, par des hommes qui apportaient dans les vastes et fertiles déserts du Nouveau-Monde une civilisation avancée, une doctrine religieuse très-austère ; cette société était et est encore celle où la moyenne de l’intelligence et de l’instruction est le plus élevée ; elle ne peut éprouver de longtemps les angoisses des sociétés de la vieille Europe, où des millions d’hommes sont exposés à mourir de faim, parce que ses vingt millions d’habitants sont épars sur un vaste territoire admirablement propre à l’agriculture et à l’industrie, et que, dans ce pays où la terre appartient encore pour ainsi dire au premier occupant, tout homme peut être propriétaire et peut acquérir une fortune honorable avec moins de peine qu’il n’en aurait pour vivre en France. Enfin les Etats-Unis sont séparés des autres peuples du continent américain par de vastes déserts dans lesquels errent quelques misérables peuplades sauvages, qui reculent chaque jour devant la civilisation : et cependant, malgré tous ces avantages, l’absence d’un pouvoir central, puissant et continu, s’y fait souvent sentir ; l’élection du président est toujours une crise dangereuse : déjà des réclamations violentes se sont élevées, de la part de quelques États, contre des mesures d’un intérêt général, et plus d’une fois l’autorité s’est trouvée sans force pour faire respecter les lois. Plus les richesses et la population des États-Unis augmenteront, plus l’union sera compromise, et nul ne peut prédire quelle sera l’organisation politique de l’Amérique dans un siècle[3].

Concluons donc que le pouvoir monarchique héréditaire est indispensable à la France pour la conservation de sa prospérité à l’intérieur et de sa prépondérance au dehors. Mais le pouvoir du souverain n’est point absolu : s’il a la plénitude du Pouvoir exécutif qui exige l’unité d’action, il partage le Pouvoir législatif avec deux corps, dont l’un, le Sénat, est le dépositaire de la constitution et des libertés publiques ; l’autre, le Corps législatif, discute et vote librement les lois et l’impôt.

64. L’Empereur doit intervenir dans la confection des lois, et cela pour plusieurs raisons : habituellement en rapport avec le pays par l’exercice du pouvoir exécutif, par les renseignements qu’il reçoit de toutes parts sur les besoins de l’empire, il est dans la meilleure position possible pour proposer les moyens d’y satisfaire. Placé au-dessus des intérêts divers qui s’agitent dans la société, c’est à lui qu’il appartient de les concilier et de les faire concourir au bien général ; toutes ses attributions étant fixées par la constitution et garanties par elle, il n’est point obligé de combattre pour les conquérir, ni de lutter pour les défendre ; il n’a donc à s’occuper que de l’intérêt social qu’il résume en lui au plus haut degré. Si le pouvoir qui exécute les lois ne concourait pas à leur confection, il pourrait arriver qu’il serait chargé d’exécuter des lois qu’il n’approuverait pas ou qu’il considérerait comme dangereuses, et l’on sent tous les inconvénients que présenterait cet antagonisme entre la pensée et l’exécution : aussi le concours réel du chef de l’État à la confection de la loi est-il un des caractères essentiels du gouvernement représentatif monarchique.

65. La puissance législative en France s’exerce collectivement par l’Empereur, le Sénat et le Corps législatif

L’Empereur est principalement le représentant du pouvoir. Le Corps législatif, composé d’hommes sortis du sein de la nation, choisis par leurs propres concitoyens, et renouvelés à des époques sagement calculées pour assurer au peuple des mandataires éclairés et impartiaux, représente plus spécialement les intérêts et les besoins des masses. Entre ces deux premiers éléments de la puissance législative, s’en place un troisième, le Sénat. Pouvoir pondérateur, dépositaire du pacte fondamental et des libertés publiques, il a pour mission de contrôler toutes les lois avant qu’elles ne deviennent obligatoires. Tout ce qui se rattache à la sphère élevée des principes constitutionnels rentre aussi dans ses attributions ; il assure la marche du pacte fondamental, et, lorsque les circonstances l’exigent, il prend l’initiative des modifications qu’il convient de lui faire subir. Ses membres, nommés à vie et choisis parmi les illustrations du pays, apportent dans son sein la maturité de jugement, l’élévation de pensée, l’autorité d’expérience qui sont nécessaires à une mission supérieure. (Constit., préambule et art. 25, 26, 30, 31, 32.)

Nous allons faire connaître l’origine et l’organisation des trois branches du pouvoir législatif ; nous verrons ensuite, en traitant de la confection de la loi, quelles sont leurs attributions.

§ I. — De l’Empereur.

66. Il a été établi dans l’Introduction que la souveraineté relative, la seule qui appartienne aux hommes, repose dans la société, et que le pouvoir, dont l’origine est divine, doit être organisé conformément aux besoins et aux vœux de la nation. Ce principe est aujourd’hui la base du droit public français. La Constitution du 14 janvier 1852, le sénatus-consulte du 7 novembre suivant, sont l’œuvre de la volonté nationale, (V. nos56 et 57.)et l’un et l’autre renferment les règles constitutionnelles qui nous régissent.

Les essais de république qui ont eu lieu dans notre pays à deux reprises n’ont servi qu’à prouver combien cette forme de gouvernement est en désaccord avec les besoins et les vœux de la France. Aussi la nation a-t-elle, à la suite de ces deux essais, cherché un refuge dans un pouvoir énergique. En 1852 comme en 1800, c’est le pouvoir impérial qui l’a sauvée de l’anarchie.

La dignité impériale, rétablie en France par le sénatus-consulte du 7 novembre 1852, est héréditaire de mâle en mâle, à l’exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance. C’est la confirmation d’un vieux principe de la monarchie connu sous le nom de loi salique, et que les anciens publicistes formulaient en disant que le royaume de France ne tombe point en quenouille.

La loi salique, dont nous possédons le texte, n’est pas, comme on pourrait le croire, une loi de droit public statuant sur l’hérédité de la couronne ; c’est la législation des Saliens, l’une des peuplades franques qui vinrent s’établir dans les Gaules romaines. Cette législation exclut les filles de l’hérédité des terres saliques, c’est-à-dire possédées par des Saliens, à cause de la nature des services militaires que devait rendre le possesseur des terres et les besoins de l’agriculture[4]. Elle a été invoquée par le Parlement, pour exclure du trône de France la branche anglaise qui, après la mort de Charles IV sans enfants mâles, aurait pu être appelée dans la personne d’Édouard III, plus proche parent du roi défunt par les femmes, que Philippe de Valois, son compétiteur. Depuis ce temps, elle est devenue une des bases de notre droit public, indépendant des transformations du principe monarchique. (Rapport de M. Troplong sur le S.-C. du 7 nov. 1852, no 14.) La dignité impériale est transmise par ordre de primogéniture ; il est nécessaire en effet que le droit à la couronne ne soit pas un instant douteux, pour éviter toute interruption dans l’action du pouvoir, ainsi que les troubles et les guerres civiles occasionnés par des prétentions rivales. Elle est transmise dans la descendance directe et légitime de l’Empereur actuel des Français, Louis-Napoléon Bonaparte[5].

67. À défaut d’un héritier naturel de la dignité impériale, l’empereur Louis-Napoléon a le droit de se choisir un héritier adoptif. Ce droit lui est personnel ; ses successeurs en sont formellement privés ; de plus, il est restreint aux enfants et descendants légitimes, dans la ligne masculine, des frères de l’empereur Napoléon Ier. Un droit illimité se serait trouvé, suivant l’expression de M. Troplong, « en contradiction manifeste avec le vœu populaire du rétablissement de l’Empire… L’Empire est inséparable du nom de Bonaparte, il ne saurait se concevoir sans un membre de cette famille avec laquelle a été stipulée en France la forme nouvelle de la monarchie. » (Rapport de M. Troplong, nos10-14). Les formes de l’adoption sont réglées par un sénatus-consulte.

Si, postérieurement à l’adoption, il survient à l’Empereur Louis-Napoléon des enfants mâles, l’effet de l’adoption est suspendu, et les héritiers adoptifs ne sont appelés qu’à défaut des héritiers légitimes. Si l’empereur Louis-Napoléon ne laisse pas d’héritier direct, légitime ou adoptif, alors s’ouvre le droit de la branche collatérale de la famille Bonaparte. Mais la vocation à la couronne impériale ne suit point ici la loi naturelle, et l’empereur Louis-Napoléon règle par un décret organique, adressé au sénat et déposé dans ses archives, l’ordre de succession au trône dans sa famille[6]. L’effet de ce décret est naturellement suspendu, si postérieurement il survient à l’Empereur un héritier légitime.

Enfin, à défaut d’un héritier direct et légitime et d’un héritier collatéral, le trôné devient vacant, et la souveraineté attribuée par la nation à la famille, qui s’éteint en quelque sorte, retourne à la nation qui la décerne de nouveau. Un conseil de gouvernement, composé des ministres, avec l’adjonction des présidents du Sénat, du Corps législatif et du Conseil d’État, propose au Sénat un sénatus-consulte qui nomme l’Empereur et règle dans sa famille l’ordre héréditaire. Ce sénatus-consulte, adopté par le Sénat, est ensuite soumis au peuple. Jusqu’au moment où la volonté nationale a désigné le souverain, les affaires de l’Etat sont dirigées par un conseil de gouvernement composé des ministres, et les décisions prises à la majorité des voix [7].

68. La famille impériale se compose, outre ses membres naturels, des membres de la famille Bonaparte éventuellement appelés à l’hérédité, et de leur descendance des deux sexes. Le fils aîné de l’Empereur prend le titre de Prince Impérial ; les héritiers éventuels de la couronne, celui de Princes Français. Les Princes Français sont de droit membres du Sénat et du Conseil d’État, dès qu’ils ont atteint l’âge de dix-huit ans ; toutefois ils ne peuvent siéger qu’avec l’agrément de l’Empereur. À côté de ces distinctions légitimes se placent des obligations qui ne le sont pas moins. Les Princes Français ne peuvent se marier sans l’autorisation de l’Empereur. Contracté au mépris de cette règle, leur mariage les prive de tout droit à l’hérédité, eux et leurs descendants ; ils ne peuvent recouvrer leur droit qu’autant que le mariage est dissous par le décès de leur conjoint, et qu’il n’en reste pas d’enfants.

L’autorité de l’Empereur s’étend non-seulement sur la famille impériale, mais encore sur les autres membres de la famille Bonaparte ; il fixe leurs titres et leur condition, règle leurs devoirs et leurs obligations par des statuts qui ont force de loi. (Voir, sur la condition et les obligations des membres de la famille impériale, le statut du 21 juin 1853.)

Les actes de l’état civil de la famille impériale sont reçus par le ministre d’État, et transmis, sur un ordre de l’Empereur, au Sénat, qui en ordonne la transcription sur ses registres et le dépôt dans ses archives.

L’Empereur reçoit sur les biens de l’Etat une dotation et une liste civile destinées à soutenir l’éclat de la dignité impériale, et réglées, pour la durée de chaque règne, par un sénatus-consulte spécial. L’Impératrice a droit à un douaire fixé de la même manière. Une dotation annuelle est affectée aux membres de la famille impériale[8].

69. Considéré comme participant à la confection de la loi, l’Empereur, dans tout ce qui précède la sanction définitive et la promulgation, exerce un pouvoir dirigeant, parfaitement placé dans les mains auxquelles est confié le pouvoir exécutif ; il convoque et proroge le Sénat et le Corps législatif ; il peut dissoudre celui-ci, il fixe par un décret la durée des sessions de celui-là. (Const., art. 24 et 46.)

Dans l’ancienne monarchie, il n’existait aucune obligation de convoquer les états généraux ; aussi les rois ne se résignaient à le faire que lorsqu’ils ne pouvaient s’en dispenser : il y avait en 1789 cent soixante-quinze ans que la dernière de ces assemblées avait eu lieu. L’Assemblée nationale eut soin d’insérer dans la constitution de 1791 qu’il y aurait une réunion annuelle du Corps législatif ; mais elle adopta un mauvais système en décidant que cette réunion aurait lieu de plein droit le premier lundi du mois de mai de chaque année. Il pourrait arriver, en effet, que la réunion, toujours fixée à la même époque, fût quelquefois intempestive ; que, par exemple, des circonstances imprévues n’eussent pas permis de réunir les documents nécessaires aux travaux législatifs ; et réciproquement il pourrait devenir nécessaire de convoquer la Chambre extraordinairement. Il vaut donc mieux que l’époque de la convocation soit déterminée chaque année par le pouvoir exécutif, qui a tous les moyens de préparer les travaux législatifs, et qui est le meilleur juge de l’opportunité des circonstances. La convocation ne peut être indéfiniment prorogée, car, aux termes de l’article 39 de la Constitution, le Corps législatif vote l’impôt, et, depuis 1789, c’est une règle de notre droit public que l’impôt direct est voté annuellement.

La convocation du Sénat et du Corps législatif est faite par un décret impérial qui fixe le jour de l’ouverture de la session. L’Empereur, pendant la session, communique avec le Sénat et le Corps législatif, soit par des commissaires choisis parmi les conseillers d’État pour soutenir devant eux les projets de loi, soit par le ministre d’État. Les communications du Sénat et du Corps législatif avec l’Empereur ont lieu le plus souvent directement, par l’entremise de leurs présidents. Les ministres ne sont plus, comme autrefois, les intermédiaires obligés du pouvoir et de la Chambre ; le préambule de la constitution exprime nettement le but de cette innovation, lorsqu’il dit : « Le temps ne se perd plus en vaines interpellations, en accusations frivoles, en luttes passionnées, dont l’unique but était de renverser les ministres, pour les remplacer. » (Const., 46. — Décr. du 22 mars 1852.)

L’Empereur proroge le Sénat et le Corps législatif, c’est-à-dire détermine l’époque de la cessation de leurs travaux par une proclamation spéciale. Cette proclamation leur est portée par un ministre ou par un conseiller d’État commis à cet effet ; lecture en est faite aussitôt, toute affaire cessante, et ils doivent se séparer immédiatement.

La dissolution du Corps législatif a lieu suivant les mêmes formes ; seulement, dans ce cas spécial, l’Empereur doit convoquer une nouvelle assemblée dans un délai de six mois. Pendant l’intervalle, le Sénat pourvoit, par des mesures d’urgence, et sur la proposition de l’Empereur, à tout ce qui est nécessaire pour la marche du gouvernement. (Const., 33-46. — Décr. du 28 déc. 1852, 31-62.)

70. À côté de l’Empereur, et comme son auxiliaire dans l’exercice de la puissance législative, se place le Conseil d’État. Ce n’est point ici le lieu de développer l’organisation et les attributions générales de ce corps (v. no 119) ; il suffira d’en dire quelques mots de nature à faire comprendre quelle part il prend à la confection de la loi.

Considéré comme auxiliaire du pouvoir dans l’exercice de la puissance législative, le Conseil d’État est une « réunion d’hommes pratiques élaborant les projets de loi dans des commissions spéciales, les discutant à huis clos, sans ostentation oratoire, en assemblée générale, et les présentant ensuite à l’acceptation du Corps législatif. » (Préambule de la Constitution.) Les membres sont nommés par l’Empereur, et révocables par lui. Les ministres y ont rang, séance et voix délibérative[9].

Le Conseil d’État se divise en six sections, dont chacune, à l’exception de celle du contentieux, comprend dans ses attributions les affaires qui ressortissent à un ou plusieurs ministères, savoir : la section de législation, justice et affaires étrangères ; la section du contentieux ; la section de l’intérieur, de l’instruction publique et des cultes ; la section des travaux publics, de l’agriculture et du commerce ; la section de la guerre et de la marine ; la section des finances.

Le Conseil d’État est présidé par un conseiller désigné par l’Empereur, et qui prend le titre de Président du Conseil d’État. L’Empereur lui-même préside le Conseil d’Etat, quand il le juge convenable ; chaque section est présidée par un conseiller également désigné par l’Empereur, et qui prend le titre de Président de section. Le Conseil d’Etat délibère et prononce par sections.

ou en assemblée générale, selon l’importance des affaires. Les projets de loi doivent toujours être soumis aux délibérations de l’assemblée générale[10].
§ II. — Du Sénat.

71 « Une autre assemblée prend le nom de Sénat ; elle sera composée des éléments qui, dans tous les pays, créent les influences légitimes : le nom illustre, la fortune, les services rendus. Le Sénat n’est plus, comme la Chambre des Pairs, le pâle reflet de la Chambre des Députés, répétant à quelques jours d’intervalle les mêmes discussions sur un autre ton. Il est le dépositaire du pacte fondamental et des libertés compatibles avec la Constitution ; et c’est uniquement sous le rapport des grands principes sur lesquels repose notre société, qu’il examine toutes les lois et qu’il en propose de nouvelles au pouvoir exécutif. Il intervient soit pour résoudre toute difficulté grave qui pourrait s’élever pendant l’absence du Corps législatif, soit pour expliquer le texte de la Constitution et pour assurer ce qui est nécessaire à sa marche. Il a le droit d’annuler tout acte arbitraire et illégal, et, jouissant ainsi de cette considération qui s’attache à un corps exclusivement occupé de l’examen des grands intérêts ou de l’application de grands principes, il remplit dans l’État le rôle indépendant, salutaire, conservateur des anciens parlements. » (Préamb. de la Constitution. V. pour la mise en action des attributions du Sénat, Const., 25 et suiv., et hic, no 79.)

Le Sénat se compose des sénateurs de droit que leur position élevée dans l’État appelle naturellement à ces fonctions supérieures, et des sénateurs nommés par l’Empereur. Les premiers sont les Princes Français, quand ils ont atteint l’âge de 18 ans accomplis ; mais ils ne peuvent siéger qu’avec l’agrément de l’Empereur ; les Cardinaux, les Maréchaux et les Amiraux ; le nombre des seconds ne peut dépasser cent cinquante. Les sénateurs sont inamovibles et à vie ; une dotation annuelle et viagère leur est affectée ; elle est incessible, insaisissable et inscrite au grand-livre de la dette publique [11].

72. Malgré le silence des lois nouvelles sur les prérogatives des sénateurs, l’autorité des précédents et l’analogie des dispositions édictées en faveur des députés (v. décr. du 2 février 1852, 9, 10, 11) permettent de penser qu’aucun membre du Sénat ne peut être arrêté ni poursuivi criminellement sans l’autorisation du corps auquel il appartient. La dignité du Sénat, la gravité d’une semblable mesure, l’intérêt de l’État, exigent encore aujourd’hui, comme autrefois pour la Chambre des Pairs, cette dérogation au droit commun ; mais, le Sénat ne pouvant être transformé en corps de justice (v. préambule de la Constitution), les crimes des sénateurs seraient poursuivis devant les tribunaux ordinaires, après que le Sénat en aurait autorisé la poursuite. (Arg. de l’art. 70 de la Const. de l’an VIII. − V. no 173.)

Il convient également et par les mêmes motifs d’appliquer l’art. 121 du Code pénal et la peine de la dégradation civique qu’il prononce aux officiers de police judiciaire et aux magistrats qui auraient provoqué, donné ou signé un jugement, une ordonnance ou un mandat tendant à la poursuite ou à la condamnation d’un sénateur, dans les cas prévus ci-dessus, sans l’autorisation du Sénat, ainsi qu’aux officiers de police judiciaire et aux magistrats qui, hors le cas de flagrant délit, auraient, sans la même autorisation, donné ou signé l’ordre ou le mandat d’arrêter un sénateur.

73. Le président du Sénat est nommé par l’Empereur pour un an et choisi parmi les sénateurs ; il en est de même des vice-présidents. L’Empereur préside lui-même le Sénat, quand il le juge convenable. Le président nomme les employés supérieurs du Sénat, le secrétaire notamment ; il convoque les sénateurs, préside les séances, et représente le Sénat soit dans ses rapports avec l’Empereur, soit dans les cérémonies publiques.

La direction du service administratif et de la comptabilité du Sénat est confiée au grand référendaire, qui est nommé par l’Empereur et choisi parmi les sénateurs. Le grand référendaire est le chef du personnel ; il présente les employés supérieurs à la nomination du président, désigne lui-même les gens de service et veille au maintien de l’ordre intérieur et de la sûreté.

Le Sénat se divise par la voie du sort en cinq bureaux. Ces bureaux peuvent former dans leur sein des commissions spécialement chargées d’examiner les affaires qui leur sont renvoyées. La discussion particulière précède ainsi la discussion générale, et lui fournit des éléments, en même temps qu’elle lui assure l’importance et la gravité nécessaires[12]

74. La Chambre des Pairs avait autrefois, outre ses attributions législatives, des attributions judiciaires ; elle jugeait les ministres qui avaient été mis en accusation par la Chambre des Députés, et connaissait des crimes de haute trahison et des attentats contre la sûreté de l’Etat. « Le Sénat, dit le préambule de la Constitution, ne sera pas transformé en cour de justice : il conservera son caractère de modérateur suprême, car la défaveur atteint toujours les corps politiques, lorsque le sanctuaire des législateurs devient un tribunal criminel. L’impartialité du juge est trop souvent mise en doute, et il perd de son prestige devant l’opinion, qui va quelquefois jusqu’à l’accuser d’être l’instrument de la passion ou de la haine. »

La connaissance des crimes dont il a été parlé appartient aujourd’hui à une haute cour de justice choisie dans la haute magistrature et ayant pour jurés des membres des conseils généraux de toute la France. (Const., 54-55.)

Enfin le Sénat délibère sur les pétitions qui lui sont adressées par les citoyens. Auprès de lui seul aujourd’hui s’exerce le droit de pétition ; le Corps législatif ne peut en recevoir aucune. Les pétitions doivent toujours être faites par écrit ; des commissions nommées chaque mois dans les bureaux les examinent, et font à ce sujet un rapport au Sénat. Le Sénat peut voter ensuite soit l’ordre du jour pur et simple, c’est-à-dire le rejet, soit le dépôt au bureau des renseignements, soit le renvoi au ministre compétent. (Id., 45. Décr. 31 déc. 1852, 30.)


§ III. — Du Corps législatif.

75. « Une Chambre qui prend le titre de Corps législatif vote les lois et l’impôt. Elle est élue par le suffrage universel sans scrutin de liste. Le peuple, choisissant isolément chaque candidat, peut plus facilement apprécier le mérite de chacun d’eux. La Chambre n’est plus composée que d’environ deux cent cinquante membres (un député par trente-cinq mille électeurs). C’est là une première garantie du calme des délibérations, car trop souvent on a vu dans les assemblées la mobilité et l’ardeur des passions croître en raison du nombre. » (Préambule.)

La mission des députés dure six ans. Le Corps législatif, destiné à représenter les besoins essentiellement variables de la population, ne remplirait pas son but, si les membres qui le composent étaient nommés à vie ; l’inamovibilité les isolerait de la nation, dont ils doivent toujours représenter l’esprit. On aurait un corps éclairé sans doute, mais un corps animé d’un esprit qui lui serait propre, et qui dès lors cesserait de jouer le rôle qui lui est destiné dans l’organisation du gouvernement représentatif. La marche des affaires publiques est modifiée par le mouvement des idées ; et tel homme qui aura été trouvé bon pour représenter son pays dans une époque donnée, ne le sera peut-être plus quand les circonstances au milieu desquelles on se trouvait ne seront plus les mêmes. Il faut donc consulter le pays à des époques qui ne soient pas trop éloignées, afin que son vœu s’exprime par le choix de ses représentants, afin que ces représentants eux-mêmes ne perdent jamais de vue leur mission, et aient toujours devant les yeux la sentence d’approbation ou d’improbation que les collèges électoraux seront infailliblement appelés à rendre.

La plupart des constitutions qui se sont succédé depuis 1789 ont imposé des conditions de cens ou de propriété à l’éligibilité et même à l’électorat[13]. Nous sommes entrés depuis 1848 dans une nouvelle phase de droit public ; aujourd’hui l’exercice de ces droits n’est subordonné qu’aux conditions de sexe et d’âge. Fixé à 40 ans par la Charte de 1814, à 30 par celle de 4830, à 25 par la Constitution de 1848, l’âge nécessaire pour l’acceptation du mandat de député a été maintenu à 25 ans par les lois nouvelles. Les sessions ordinaires du Corps législatif durent trois mois ; l’Empereur, par le décret de convocation, fixe lui-même la durée des sessions extraordinaires. Le mandat des députés n’est pas gratuit ; ils reçoivent, pendant la durée des sessions seulement, une indemnité mensuelle. On a considéré qu’ils supportaient toujours une charge, celle des frais de déplacement et de séjour ; que de plus leur mandat était incompatible avec des fonctions publiques salariées ; qu’enfin la loi ne soumettant plus l’éligibilité à aucune condition de cens, la gratuité pourrait éloigner de la législature des hommes utiles et distingués ; en un mot, que les raisons qui précédemment, sous les chartes de 1814 et de 1830, avaient motivé la gratuité, venant à cesser, elle devait cesser avec elle[14].

76. Les membres du Corps législatif jouissent, comme ceux du Sénat, d’une certaine inviolabilité. Ils ne peuvent jamais être recherchés pour les opinions qu’ils ont émises dans le sein de la Chambre. Pendant la session et pendant les six mois qui la précèdent et la suivent, ils sont à l’abri de la contrainte par corps. Enfin ils ne peuvent être, pendant la durée de la session, ni poursuivis ni arrêtés en matière criminelle sans l’autorisation du Corps législatif, sauf le cas de flagrant délit. L’art. 121 du Code pénal les protège aussi bien que les sénateurs. Une fois l’autorisation accordée, ils sont renvoyés devant les tribunaux ordinaires. (V. no 173.) Le Corps législatif ne peut, non plus que le Sénat, se transformer en cour de justice, ni traduire à sa barre soit les personnes qui l’outragent ou troublent ses séances, soit les journalistes qui rendent de ses travaux un compte infidèle et de mauvaise foi. L’autorité judiciaire est seule compétente dans ce double cas[15].

Le président et les vice-présidents du Corps législatif sont choisis par l’Empereur parmi les députés, et nommés pour un an. Les fonctions de secrétaire sont remplies, pour toute la durée de chaque session, par les quatre plus jeunes députés présents à la première séance. Le président a la haute administration du Corps législatif ; il dirige les séances, exerce la police du palais, règle par des arrêtés l’organisation des services, nomme et révoque les employés. Il est assisté dans ses fonctions administratives par deux questeurs nommés annuellement par l’Empereur ; les questeurs sont chargés de la comptabilité ; le président peut leur déléguer tout ou partie de ses pouvoirs administratifs.

77. Les sessions du Corps législatif s’ouvrent au jour fixé par le décret de convocation. Le président, assisté des secrétaires, procède par la voie du sort à la division de l’Assemblée en sept bureaux, qui se renouvellent tous les mois de la même manière. Chaque bureau élit son président et son secrétaire. Si le Corps législatif se réunit pour la première fois, il s’occupe avant tout de la vérification des pouvoirs de chacun de ses membres. Les procès-verbaux d’élection sont répartis par le président entre les bureaux qui les examinent, ainsi que les pièces justificatives d’âge. Après un rapport en séance publique sur chaque élection, le Corps législatif prononce. Lorsque l’élection est reconnue valable, le député prête, séance tenante, s’il est présent, sinon à la première séance où il assiste, ou encore par écrit, s’il est empêché, le serment prescrit par la Constitution. Après cette prestation, le président prononce son admission. Le refus de serment ou le défaut de prestation dans la quinzaine du jour où l’élection a été validée équivaut à une démission. Quand la vérification des pouvoirs est achevée, le président fait connaître à l’Empereur que le Corps législatif est constitué ; ses travaux commencent alors. Les séances du Corps législatif sont publiques ; toutefois une demande signée de cinq membres suffit pour qu’il se forme en comité secret. Il peut y avoir, en effet, des discussions de telle nature que leur publicité présente de graves dangers.

Autrefois il était permis à la presse de reproduire sans contrôle les séances des assemblées ; il n’en est plus ainsi aujourd’hui. « Le compte rendu… qui doit instruire la nation n’est plus livré… à l’esprit de parti de chaque journal ; une publication officielle, rédigée par les soins du président de la Chambre, est seule permise. » (Préambule.) En conséquence, des rédacteurs, spécialement désignés par le président du Corps législatif, dressent pour chaque séance un compte rendu qui contient le nom des membres qui ont pris la parole et le résumé de leurs opinions. Ce compte rendu, après avoir été soumis à une commission composée du président du Corps législatif et des présidents de chaque bureau, est communiqué aux journaux, qui sont obligés de le reproduire textuellement. Toutefois il est loisible à chaque député de publier à ses frais le texte des discours qu’il prononce dans le sein de l’Assemblée, après en avoir obtenu l’autorisation de la commission dont il vient d’être parlé[16].


  1. Quelques publicistes considèrent le Pouvoir judiciaire comme un troisième pouvoir principal ; nous n’adoptions pas cette opinion, et nous espérons démontrer plus loin que le Pouvoir judiciaire n’est qu’un démembrement du Pouvoir exécutif. (Voir no 117.)
  2. La malheureuse Pologne offre un exemple bien frappant des dangers que présente le Pouvoir électif : une royauté héréditaire l’aurait sauvée des dissensions intérieures, et du partage entre les grandes puissances ses voisines.
  3. Voir, sur tout ce qui est relatif aux États-Unis, l’intéressant ouvrage qui a pour titre : De la Démocratie aux États-Unis, par M. de Tocqueville.
  4. De terrâ verò salicâ nulla portio hereditatis mulieri veniet ; sed ad virilem sexum totæ terræ hereditas perveniat. Loi salique, t. LXII, § 6. Baluze, t. 1, p. 321.
  5. Const., préamb. et art. 32. — Décr. du 7 novembre 1852 convoquant le peuple français dans ses comices. — Décr. du 2 déc. 1852 qui promulgue et déclare loi de l’État le S.-C. du 7 nov. 1852, ratifié par le plébiscite des 21 et 22 nov. — S.-C. du 7 nov. 1852, 2.
  6. Décret organique du 18 décembre 1852, art. 1. Dans le cas où nous ne laisserions aucun héritier direct, légitime ou adoptif, notre oncle bien-aimé Jérôme-Napoléon Bonaparte, et sa descendance directe, naturelle et légitime, provenant de son mariage avec la princesse Catherine de Wurtemberg, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, et à l’exclusion perpétuelle des femmes, sont appelés à nous succéder.
  7. S.-C. du 7 nov. 1852, 3, 4 et 5. Rapport de M. Troplong, no 15.
  8. S.-C. du 7 nov. 1852, 6 ; — du 12 déc. 1852 ; — du 25 déc. 1852, 6, 7, 8 et 9. Statut du 21 juin 1853.
  9. Const., 47 à 54. — Décr. org. du 2 janv. 1852.
  10. Décr. du 25 janv. 1852, 10 et 11. — Décr. du 30 janv. 1852, 30.
  11. Const. du 14 janv. 1862, 19 et suiv. S.-C. du 25 déc. 1852, 11. — Décr. des 24 mars et 2 avril 1852.
  12. Const., 23. — S.-C. du 25 déc. 1852, 2. — Décr. du 31 déc. 1852, 6 et 32-40.
  13. V. Const. du 3 sept. 1791, t. 3, ch. 1, sect. 2, art. 2 et 7. — Const. du 5 fruct, an III, 8, 35 — Ch. du 4 juin 1814, 38, 40. L’art. 34 de la Ch. du 14 août 1830 renvoyait sur ce point à la loi électorale. — V. loi du 19 avril 1831, tit. 1 et art. 59.
  14. Const. du 14 janv. 1852, 34, 35, 36, 38. — Décr. du 2 fév. 1852, 26. — Rapport de M. Troplong sur le S.-C. du 25 déc. 1852, no 26. — S.-C. du 25 déc. 1852, 14.
  15. Décr. du 2 fév. 1852, 9, 10 et 11. — Décr. du 31 déc. 1852, 88.
  16. Const., 41, 42, 43. — Décr. du 25 déc. 1852, 46-50, 74, 76, 78, 79, 81, 83, 84, 86. — S.-C. du 25 déc. 1852, 13.