Fables originales/Livre II/Fable 09

Edouard Dentu (p. 42-43).

FABLE IX.

Les Vaches et l’Ane


Des vaches dans l’étable entre elles ruminaient,
Sur le chien du logis, la laitière, le maître,
Les prés où le berger le jour les mène paître ;
Sujets qui, tous, les concernaient.
Le bétail est doué de peu d’intelligence.
Ces sujets épuisés il garda le silence.
Un âne qui tirait au même ratelier,
Et n’aimait discourir en son particulier,

Cherchait des auditeurs. À ce troupeau rustique
Il parla de l’Empire et de la République
En termes éloquents. D’un clubiste meunier
Qu’il servait au moulin quelques mois l’an dernier,
L’âne avait retenu le jargon politique
Bluté sur place à la pratique.
Les vaches l’écoutaient,
Ne le comprenaient pas, mais toujours l’approuvaient.
Le baudet en retour exaltait leur finesse.
L’homme avait, selon lui, moitié moins de sagesse.

Tous ceux qui sont de notre avis
Nous les tenons pour beaux esprits ;
Ont-ils l’opinion quelque peu différente
Ils sont pour nous sots que l’on hante.