Mercure de France (p. 209-210).

CXXI

Il ne faut pas jouer avec le feu.


Le Livre des Juges raconte que Samson prit un jour trois cents renards, attacha à la queue de chacun de ces animaux un brandon enflammé et les lâcha dans les moissons des Philistins. C’est ainsi que jouait avec le feu le Nazaréen terrible. Je rêve parfois d’un Samson moderne qui mettrait le feu au derrière de trois cents bourgeois et les lâcherait au milieu des autres.

Je me demande pourtant si ce petit jeu serait aussi amusant qu’il en aurait l’air. Qui sait si le Bourgeois, même allumé de cette façon, ne deviendrait pas quelqu’un de prophétique ? Car le feu est, en même temps, un mot banal et une réalité des plus mystérieuses, et quand il est annoncé, que ce soit à voix basse ou par la clameur désespérée des tocsins, on dirait que c’est lui qui joue avec l’homme, tant il affole du pressentiment divin les plus lamentables imbéciles !