Esprit des lois (1777)/L28/C43
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Continuation du même sujet.
Ainsi ce ne fut point une loi qui défendit aux seigneurs de tenir eux-mêmes leur cour ; ce ne fut point une loi qui abolit les fonctions que leurs pairs y avoient, il n’y eut point de loi qui ordonnât de créer des baillis ; ce ne fut point par une loi qu’ils eurent le droit de juger. Tout cela se fit peu à peu, & par la force de la chose. La connoissance du droit Romain, des arrêts des cours, des corps des coutumes nouvellement écrites, demandoit une étude, dont les nobles & le peuple sans lettres n’étoient point capables.
La seule ordonnance que nous ayons sur cette matiere[1], est celle qui obligea les seigneurs de choisir leurs baillis dans l’ordre des laïques. C’est mal-à-propos qu’on l’a regardée comme la loi de leur création ; mais elle ne dit que ce qu’elle dit. De plus, elle fixe ce qu’elle prescrit par les raisons qu’elle en donne : « C’est afin, est-il dit, que les baillis puissent être punis de leurs prévarications[2], qu’il faut qu’ils soient pris dans l’ordre des laïques ». On sait les privileges des ecclésiastiques dans ces temps-là.
Il ne faut pas croire que les droits dont les seigneurs jouissoient autrefois, & dont ils ne jouissent plus aujourd’hui, lui ayent été ôtés comme des usurpations : plusieurs de ces droits ont été perdus par négligence ; & d’autres ont été abandonnés, parce que divers changemens s’étant introduits dans le cours de plusieurs siecles, ils ne pouvoient subsister avec ces changemens.