Esprit des lois (1777)/L28/C31


CHAPITRE XXXI.

Continuation du même sujet.


Le villain ne pouvoit pas fausser la cour de son seigneur : nous l’apprenons de Défontaines[1] ; & cela est confirmé par les établissemens[2]. « Aussi, dit encore Défontaines[3], n’y a-t-il entre toi seigneur & ton villain autre juge fors Dieu ».

C’étoit l’usage du combat judiciaire qui avoit exclus les villains de pouvoir fausser la cour de leur seigneur ; & cela est si vrai, que les villains qui, par chartre[4] ou par usage, avoient droit de combattre, avoient aussi droit de fausser la cour de leur seigneur, quand même les hommes qui avoient jugé auroient été chevaliers[5] ; & Défontaines donne des expédiens[6] pour que ce scandale du villain, qui, en faussant le jugement, combattroit contre un chevalier, n’arrivât pas.

La pratique des combats judiciaires commençant à s’abolir, & l’usage des nouveaux appels à s’introduire, on pensa qu’il étoit déraisonnable que les personnes franches eussent un remede contre l’injustice de la cour de leurs seigneurs, & que les villains ne l’eussent pas ; & le parlement reçut leurs appels comme ceux des personnes franches.


  1. Chap. xxi, art. 21 & 22.
  2. Liv. I. chap. cxxxvi.
  3. Chap. ii, art. 8.
  4. Défontaines, ch. xxii, art. 7. Cet article & le 21 du ch. xxii du même auteur, ont été jusqu’ici très-mal expliqués. Défontaines ne met point en opposition le jugement du seigneur avec celui du chevalier, puisque c’étoit le même ; mais il oppose le vaillain ordinaire à celui qui avoit le privilege de combattre.
  5. Les chevaliers peuvent toujours être du nombre des juges. Défontaines, ch. xxi, art. 48.
  6. Chapitre xxii, art. 14.