Esprit des lois (1777)/L26/C7


CHAPITRE VII.

Qu’il ne faut point décider par les préceptes de la religion, lorsqu’il s’agit de ceux de la loi naturelle.


Les Abyssins ont un carême de cinquante jours très-rude, & qui les affoiblit tellement, que de long-temps ils ne peuvent agir : les Turcs[1] ne manquent pas de les attaquer après leur carême. La religion devroit, en faveur de la défense naturelle, mettre des bornes à ces pratiques.

Le sabbat fut ordonné aux Juifs : mais ce fut une stupidité à cette nation de ne point se défendre[2], lorsque ses ennemis choisirent ce jour pour l’attaquer.

Cambyse assiégeant Peluze, mit au premier rang un grand nombre d’animaux que les Egyptiens tenoient pour sacrés : les soldats de la garnison n’osèrent tirer. Qui ne voit que la défense naturelle est d’un ordre supérieur à tous les préceptes ?


  1. Recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la compagnie des Indes, tom. IV, part. I, pages 35 & 103.
  2. Comme ils firent, lorsque Pompée assiégea le temple. Voyez Dion, liv. XXXVII.