Esprit des lois (1777)/L24/C25


CHAPITRE XXV.

Inconvénient du transport d’une religion d’un pays à un autre.


Il suit de là, qu’il y a très-souvent beaucoup d’inconvéniens à transporter une religion[1] d’un pays dans un autre.

« Le cochon, dit[2] M. de Boulainvilliers, doit être très-rare en Arabie, où il n’y a presque point de bois, & presque rien de propre à la nourriture de ces animaux ; d’ailleurs, la salure des eaux & des alimens, rend le peuple très-susceptible des maladies de la peau. » La loi locale qui le défend, ne sauroit être bonne pour d’autres[3] pays, où le cochon est une nourriture presqu’universelle, & en quelque façon nécessaire.

Je ferai ici une réflexion. Sanctorius a observé que la chair de cochon que l’on mange, se transpire[4] peu ; & que même cette nourriture empêche beaucoup la transpiration des autres alimens ; il a trouvé que la diminution alloit à un tiers ; l’on sait d’ailleurs que le défaut de transpiration forme ou aigrit les maladies de la peau : la nourriture du cochon doit donc être défendue dans les climats où l’on est sujet à ces maladies, comme celui de la Palestine, de l’Arabie, de l’Égypte & de la Lybie.


  1. On ne parle point ici de la religion Chrétienne, parce que, comme on a dit au liv. XXIV, chap. i. à la fin, la religion Chrétienne est le premier bien.
  2. Vie de Mahomet.
  3. Comme à la Chine.
  4. Médec. Statiq. sect. 3. aphor. 23.