Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance/Clavain

Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance
VE A. MOREL ET CIE, ÉDITEURS (tome 5p. 278-282).
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CLAVAIN, s. m. Sorte de pèlerine rembourrée couvrant le cou jusqu’aux clavicules. On posait le clavain sous le camail, sous le haubert, lorsqu’on portait le vêtement de mailles ; plus tard le clavain devint une pièce de l’armure terminant le colletin. Le hausse-col du xviie siècle est une dernière tradition de cette pièce d’armure. On donnait aussi le nom de clavain à
la partie du camail de mailles qui couvrait les épaules (voy. Camail.).

« Le clavin li trencha et la broigne treslie[1] »

« Trestot li porfendi le clavain par devant[2]. »

« Vestu ot à son dos .1. bon clavain eslis[3]. »

« Li clavains de son dos derox et dessartis[4]. »

« Vestu ot .1. clavain dont la maile est polie[5]. »

« Elle clavaiu del dos desrompre et desmailler[6]. »


Il est bien évident ici qu’il s’agit du vêtement de mailles qui recouvrait les épaules et qui terminait le camail.

Il y avait aussi les clavains fermés (closeis), qui étaient faits de lames de métal et qui se posaient sous la ventaille :

« Ses cauches li caucha li rois Matusalés ;
D’un clavain closéis, ainc nus hon ne vit tés ;
Les beudes eu sont d’or, si les fist Salatrés,
.1. moult sages Juïs, qui fu des ars perés.
As clox d’argent estoit chascuns claviax rivés :
Ses esperons li cauche l’Amirax Josués ;
Puis vesti .1. haubere, qui fu d’antiquités ;
.XX et .V. ans fu ains que Dex fu aorés,

Dès le tans Israël, et Galans li sénés,
La apristrent la forge dont chascuns fu parés ;
Moult fu riche la broigne, chacuns pans fu saffrés,
De fin or et d’argent menu estincelés,
Et li cors de desore tos à listes bendés.
La coiffe est tote d’or, moult à grans dignetés ;
Ja hom qui l’ait el chief n’ert de colp estonés.
En sa vantaille a perres qui gietent grans clartés ;
A. XXX. las d’or tin fu ses elmcs fermés[7]. »

Ce passage, que nous donnons en entier parce qu’il décrit une
armure à peu près complète du milieu du xiiie siècle, mentionne un clavain fait de pièces de métal rivées, posé sous le haubert.

A la fin du xive siècle, nous voyons de ces sortes de clavains posés sur la cotte d’armes (fig. 1[8]). Cet homme d’armes est vêtu d’une cotte d’étoffe par-dessus un gambison ; un clavain fait de lames d’acier rivées sur un fond de peau couvre son cou et ses épaules. Il est coiffé d’une barbute avec petite bavière en forme de jugulaires.

Au XVe siècle, le clavain n’est qu’une adjonction au colletin (fig. 2[9]). Il couvre le haut du plastron, et est réuni par des courroies à la pointe supérieure de la pansière par devant, de la dossière par derrière. Le colletin, tenant à la bavière, recouvre à son tour le clavain.

On reprit aussi, vers cette époque, le clavain de mailles avec l’armure de plates sous le colletin et la bavière (fig. 3[10]). Cet homme d’armes est vêtu d’une brigantine de deux couleurs, avec lame d’acier sous les omoplates, grosses floches de soie et franges d’or aux épaules ; il porte un clavain de mailles attaché par deux courroies aux lames d’acier de la brigantine ; la bavière et la salade, avec couvre-nuque et ailerons. Les bras sont armés de plates.

Il n’est plus question du clavain vers la fin du xve siècle, le colletin plus ou moins développé le remplace.

  1. Fierabras, vers 1009 (xiiie siècle).
  2. La Conquête de Jérusalem, chant ler, vers 303 (xiiie siècle).
  3. Ibid., vers 333.
  4. Ibid., vers 358.
  5. La Conquête de Jérusalem, chant 1er, vers 375.
  6. Ibid., chant iii, vers 2241.
  7. La Conquête de Jérusalem, chant viii, vers 8234, publi. par M. Hippeau.
  8. Manuscr. Biblioth. nation., Tite-Live, français (1393 environ).
  9. Manuscr. Biblioth. nation., Miroir historial, français (1440 environ).
  10. Manuscr. Biblioth. nation., Quinte-Curce, trad. française, dédiée à Charles le Téméraire.