Dictionnaire des Arts et des Sciences/1re éd., 1694/Lentisque

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LENTISQUE. s. m. Arbre fort commun en Italie, & dont on trouve beaucoup aux vieilles ruines & masures, & en la coste de la mer Tyrrhene, tirant vers Gayette & Naples. On en voit de la grandeur d’un demi-arbre, & d’autres qui sont petits, & qui sans avoir un tronc fort gros, poussent à force des rejettons comme les coudres. Plus le Lentisque est massif & a ses feüilles épaisses, plus ses branches s’abaissent contre terre. Les feüilles de l’un & de l’autre, ressemblent à celles des pistaches. Elles sont grasses, fresles, & d’un vert obscur, quoy qu’elles ayent le bout & certaines petites veines rouges. Cet arbre est toûjours verd, & a son écorce roussastre, pliante & gluante. Outre ses fruits qui sont faits en grappe, il jette de petites bourses recourbées comme une gousse, & dans ces bourses il y a une liqueur claire, qui avec le temps se convertit en bestes, semblables à celles qui sortent des vessies qui croissent sur les Terebinthes & les ormes. Le Lentisque a une odeur forte, qui oblige plusieurs à le fuir à cause qu’il appesantit la teste. Le mastic sort du Lentisque par le moyen des incisions que l’on fait à son écorce, & le meilleur qu’on recueille est à Chio, Isle de la mer Aegée où cet arbre croist en abondance plus qu’en aucun autre lieu. Matthiole dit que les Insulaires de Chio l’ont en telle estime, que s’il arrive que quelqu’un arrache un Lentisque portant du mastic, soit sur sa terre, soit sur celle d’autruy, ils le condamnent à avoir la main coupée. On trouve aussi en Candie des Lentisques qui produisent le mastic, mais jaune, amer, & moindre en bonté. On se sert encore de la semence du Lentisque pour faire une excellente huile par expression, mais elle n’est pas beaucoup en usage en France. On fait de son bois des curedens merveilleux, non seulement pour se nettoyer les dents, mais encore pour se fortifier les gencives, & se rendre l’haleine agreable.