Dictionnaire de théologie catholique/JUSTIFICATION : Doctrine dans la Sainte-Ecriture III. Les Evangiles relativement à la justification

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 8.2 : JOACHIM DE FLORE - LATRIEp. 319-320).

III. Les Évangiles. Pas plus que L’Ancien Testament, ils ne nous dirent une doctrine explicite île la justification. La notion spéciale de justice et de justification n’y joue même qu’un rôle de second plan et minime. Les Synoptiques s’attachent plutôt à ridée <'e salut et le quatrième Évangile à celle de vie.

Cependant l'épithète de juste continue d'être appli quée aux bénéficiaires du salut : Matth., x, 41 ; xiii, 43, 49 ; xxv, 37, 46 ; Luc, xiv, 14 ; xv, 7. Le terme : justification se rencontre sept fois seulement, une foi au sens forensique qugement dernier), Matth., xii, 37 ; une fois au sens de rendu juste, Luc, xviii, 14 ; les autres fois en des sens divers et moins techniques. Le mot justice n’est employé que dix fois.

Comme déclarations particulières, l’on ne voit guère à signaler que les suivantes. Matth., v, 19 : « Celui donc qui aura enfreint un de ces moindres commandements et aura enseigné aux hommes à faire ainsi, celui-là sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux ; celui, au contraire qui aura pratiqué et enseigné, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. » Les pharisiens auront goûté cette parole, tout en la jugeant un peu faible peut-être. Il n’en va pas de même pour ce qui suit, v, 20 : « Je vous dis que si votre justice ne l’emporte sur celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. » Suivent un approfondissement et une extension d’un certain nombre de prescriptions anciennes. Mais voici qui porte plus loin et rend décidément un son nouveau : Non enim veni vocare justos sed peccatores. Matth., ix, 13 ; Marc, ii, 17. Nous ne sommes pas au bout. La parabole du pharisien et du publicain, Luc, xviii, 9-14, nous suggère touchant la justification des idées entièrement conformes à celles que saint Paul développera plus tard. Justificatus au t. 14 signifie : devenu juste ou même rendu juste. La seconde partie de la prière du Seigneur : Et dimilte nobis débita nôstra sicut et nos dimiltimus debitoribus nostris, Matth., vi, 12 ; Luc, xi, 4, est dans le même esprit.

Mais la grande nouveauté des Évangiles, c’est la doctrine même de la Rédemption, l’idée du Messie conçu comme Rédempteur. Matth., i, 22 : Et vocabis nomen ejus Jesum ; ipse enim salvum faciel populum suum a peccalis eorum ; Matth., xx, 28 : Sicut Filius hominis non venit minislrari sed ministrare, et dare animant suam redemptionem pro mullis, XÛTpov àvrl rcoXAûv ; cf. Marc, x, 45. Les récits de l’institution de l’eucharistie' mettent cette idée dans un relief saisissant. Matth., xxvi, 27, a, sur la coupe : Hic est enim sanguis meus novi testamenti, (SiaOrjxiQç), qui (tô) pro mullis efjundetur in remissionem peccalorum ; cf. Marc, xiv, 24 et Luc, xxii, 20. Sur le pain, saint Luc, xxii, 19, porte : Hoc est corpus meum quod pro vobis datur, tô ÛTtèp ûu, wv 8186u.svov ; cf. I Cor., xi, 24. Cette idée du Messie-Rédempteur, quoique latente dans les poèmes du Serviteur de Jahvé, Is., xi.u, 1 sq. ; xlix, 1-6 ; L, 4-9 ; lii, 13-Lin, 12, était pratiquement étrangère aux Juifs.

D’autre part, c’est par la foi que l’homme devient bénéficiaire de la Rédemption opérée par le Christ et se dispose au salut. Marc, xvi, 16, est aussi explicite qu’on le peut souhaiter : Qui crediderit et baptizatus fuerit, salmis erit ; qui vero non crediderit condemnabitur. L'Évangile selon saint Jean abonde en déclarations sur la foi en Jésus et sur son pouvoir, Joa., i, 12 sq. : Quotquot autem receperunt cum, dédit eis potestatem filins Dei fleri, liis qui credunt in nomine ejus. Texte auquel on trouverait de multiples parallèles.

C’est ( « Ile doctrine évangélique de la Rédemption et de l’universel état de péché qu’elle suppose, puis de

la foi (et du baptême) comme moyen fondamental et

initial de s’en assurer le bénéfice dans l’union a Jésus Chris ! que saini Paul a développée en théologie inspirée de la justification. Des mots comme celui de Gal., ii, 21 :.le ne liens pas pour nulle la grâce de Dieu ; car si la justice (venait 1) par la Loi c’est donc que le Christ serait mort pour rien. » nous le montrent raisonnant à partir de la mort de Jésus-Christ. Dès le temps de sa première mission, d’après Act., xiii, 38,

il prêchait aux Juifs d’Antiochela Pisidienne : « Sachezle, mes frères, c’est par lui que le pardon des péchés vous est annoncé et de toutes les souillures dont vous n’avez pu être justifiés par la loi de Moïse ; quiconque croit en lui, est justifié : êv toôtw ttôcç ô tcictteûcov 6V xaiouroa. Toujours d’après les Actes des Apôtres, saint Paul n’aurait fait que reprendre l’un des thèmes de la première prédication apostolique, énoncé, par ex., dans le discours de saint Pierre, Act., x, 43 : « Tous les prophètes rendent de lui ce témoignage que tout homme qui croit en lui, reçoit par son nom la rémission de ses péchés. » Le premier cependant, il en a tiré, semble-t-il, cette conclusion explicite que la Loi est sans aucune valeur pour ce qui regarde la justification.