Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Saints

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 4 – de « Persécutions » à « Zoroastre »p. 571-584).

SAINTS. — Le culte des Saints, cher au christianisme dès ses origines, est souvent reproché au catholicisme moderne, comme une excroissance morbide, entachée de nouveauté d’abord, et puis de superstition. On trouvera le reproche formulé avec plus ou moins de mesure, par E. Lucius, Die Anfængc des Heiligenkultes (posthume), Tiibingen,

; P, Saintvves, Les Saints, successeurs des

dieux, Paris, [905 ; Salomon Ruinach, Orpheus, etc. C’est au nom de l’adoration en esprit et vérité, qu’on dénonce dans le culte des Saints, soit une revanche du polythéisme, soit l’exhibition d’un grossier fétichisme. Ces reproches ont été rencontrés ci-dessus, notamment dans les articles Mariolatriu, Martyre, Pribrb, Reliques. On ne reprendra point ici les réponses déjà faites ; mais on se propose d’apporter quelques éclaircissements sur des points particuliers.


I. — Béatification et Canonisation.
II. — Les Martyrologes, — Les Acta Sunctor/u :..
III. — La Communion des Saints.

I. Béatification et Canonisation. — Si l’on veut porter sur ces matières délicates un jugement équitable, il importe souverainement de ne pas perdre de vue la discrétion, la prudence, la maturité, avec laquelle procède l’Eglise, quand il s’agit d’honorer publiquement les Saints. Le vaste ouvrage du cardinal Prosper Lambertini — depuis pape Benoit XIV, — codifiant une procédure séculaire, offre à cet égard des précisions édifiantes. Nous y relèverons quelques traits et engagerons le lecteur à consulter l’ouvrage lui-même, De Servorum Dei Beatificatione et Beatorum Canonizatione Libri IV, authore Prospero de Lambertinis, S. R. E. Cardinali tit. S. Crucis in Hierusalem, Anconæ primum episcopo, postea archiepiscopo Bononiae, 1 73/4- 1 "y38, 4 fol.

Le livre I pose les principes généraux dont s’inspire l’Eglise en matière de béatification et de canonisation. Dès la première page, il fait justice de calomnies dont tous les siècles ont redit l’écho et qui représentent les Saints comme les successeurs des anciens dieux, élevés par le fanatisme populaire sur les autels que le christianisme avait renversés. Ces calomnies montrent une méconnaissance totale de l’esprit qui anima le christianisme naissant et qui dirigea sa croissance. Une tradition, recueillie par Tbrtullien, Apol., v, P. L., I, 290-1, et par Eusèbe, H. £., II, 11, P. G., XX, i$o-i, veut que le Christ lui-même ail failli, dès le lendemain de sa passion, trouver place dans le panthéon romain : Pilate. ému de tout ce qu’il entendait raconter sur le supplicié mystérieux, aurait consigné les rumeurs populaires dans un rapport officiel, et Tibère en personne aurait pris l’initiative d’une propositiond’apothéose, qui d’ailleurs aurait été rejetée parle sénat. D’autres initiatives impériales, au siècle suivant, n’obtinrent pas plus de succès : sur celle d’Alexandre Sévère, renouvelée d’Hadrien, voir Lampridk, Alexandre Sévère, xi.in. Il n’entrait pas dans les desseins de la Providence, que le Fils de Dieu fût confondu, même un instant, dans la foule de ces faux dieux qu’il venait abattre ; et ses adorateurs ne songeaient pas à réclamer pour lui un partage, qui eût été un affront. Mais, quoi qu’il en soit du Maître lui-même, ses disciples n’ont-ils pas reçu des hommages qui forment le pendant exact des hommages décernés aux héros païens ? LNullement, pour qui s’attache à l’esprit du culte chrétien, non à telles formules ou à tels gestes extérieurs. Les apothéoses païennes furent d’évidentes supercheries (1). Il pouvait bien se rencontrer des témoins pour jurer qu’ils avaient vu monter au ciel Romulus et Auguste ; parfois même on prit l’ingénieuse précaution de lâcher au bon

(l) Supercheries qui étaient en réalité des actes politiques. Non, renverrons à l’article Etat (Culte o’), au tome I de ce D.ctionnairt. 1131

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moment un aigle, qui paraissait s envoler du bûcher et figurait l’àine du défunt. Ces inventions politiques avaient leur place marquée dans un programme de gouvernement ; si la foule put s’y laisser prendre, les auteurs de la mise en scène ne s’y trompaient pas. Rien de semblable dans les hommages sincères rendus par les chrétiens à leurs grands morts, non pas certes comme à des dieux, mais comme à des amis du seul vrai Dieu. La vraie différence était marquée, avec toute la fermeté possible, par la tradition des Pères ; on n’a que l’embarras du choix entre les témoignages.

Saint Augustin sait que les martyrs ne sont pas des dieux. Civ. Dei, XXII, x, P. L., XII, 772 : Xobis martyres non sunt dii, quia unum eundemque Deum et nostrum teinta » cl marlyrum. Il constate l’imprécision de la langue latine, qui rend volontiers par un seul mot, ctiltus, l’hommage qu’on rend à Dieu et celui qu’on rend aux serviteurs de Dieu ; mais il n’est pas dupe de cette synonymie et rencontre dans la langue grecque un terme pour rendre, sans nulle équivoque, l’idée de l’hommage qu’on réserve à Dieu seul, )%rpîio. C. D., X, 1, 2, 278.

Saint Cyrille d’Alexandhir dit pareillement, Contra lulianum, VI, P. G., LXXVI, 812 : « Nous ne tenons pas les saints martyrs pour des dieux, nous ne leur rendons pas un culte d’adoration (^arp=uztxSii ) t mais d’égard et d’honneur (^rmû ; r.aî rt/j.^n/.&i)… Je le répète, nous ne tenons pas les saints martyrs pour des dieux, mais nous leur témoignons toute sorte de respect, nous honorons leurs tombeaux à cause de leur courage éclatant, leur accordant commeprix et comme récompense une mémoire impérissable ».

Theodoret ne parle pas autrement des anges. Græcarum affeetionum curatio, Serm. iii, De Angelis, P. G., LXXXIII, 889 D : « Nous ne les appelons pas dieux, nous ne leur rendons pas d’honneurs divins, nous nepartageons point entrelevraiDieu et ces anges l’adoration divine ; nous les tenons pour supérieurs aux hommes, mais pour nos compagnons dans le service de Dieu ». — Et des martyrs. Ibid. t vin, De martyribus, 1018 C : « Que nous reprochez-vous, alors que vous divinisez tant de morts, à nous qui nous abstenons de diviniser les martyrs, mais les honorons comme témoins et affectueux serviteurs de Dieu ?… » lb.. 1020 D : « Nous n’offrons ni sacrilices, ni libations aux martyrs, mais nous leur rendons hommage comme à des hommes, divins et amis de Dieu. »

Saint Epipiianb, sur le culte delà sainte Vierge, s’exprime ainsi, H., lxxix, £, P. G., XLII, 7^5 C :

« Le corps de Marie fut saint ; il n’était pas Dieu.

La Vierge était Vierge et comblée d’honneur, mais elle n’a pas été proposée à notre adoration : elle adorait Celui qui naquit d’elle selon la chair, venu du ciel et du sein de son Père… » lb., 7, 7^9 D : Le Verbe a pris chair de la sainte Vierge, mais la Vierge n’était point objet d’adoration ; il n’a pas voulu en faire une divinité ; il ne nous a pas invités à offrir des sacritices à son nom… Il faut honorer Marie ; mais il faut adorer le Père, le Fils et le Saint-Esprit ; quanta Marie, nul ne doit l’adorer. » Etc. (Benoit XIV, De servorum Dei beatificatione et canonizatione, I, 1).

Intervention de l’autorité pontificale. — L’élan spontané des foules chrétiennes, honorant le souvenir de leurs grands hommes, fut souvent encouragé par l’autorité des évoques. Un jour vint où ces initiatives locales durent être consacrées, puis contenues et réglées, par l’intervention personnelle du Pontife Romain. Parmi les cultes locaux directement encouragés par Rome, Benoît XIV cite,

dès le iv siècle, celui de saint Vigile, évoque de Trente, I, vu. 2, p. 52 A ; au v siècle, celui de saint Jean Chrysostome, honoré par ie pape Innocent I", I, vii, 3-6, p. 52-54 ; au commencement du vii p siècle, celui de Saint Maur, disciple do saint Benoit, honoré par le pape Boniface 111 ; I, vu. p. 54 B ; et bien d’autres. On pourrait sans beaucoup de peine, grossir cette liste. Au xn c siècle, les interventions pontificales dans ce domaine se multiplient : l’empereur Henri est canonisé par le pape Eugène III ; VIII, 17, p. OS B ; Edouard III d’Angleterre, Thomas Becket, Bernard de Clairvaux, par le pape Alexandre III, I. ix ; Bruno de Segni par LuciusIH ; d’autres par Clément III, Céleslin III, Innocent 111, Honorius III.

Le pontificat d’Alexandre 1Il marque un changement notabledans les revendications du Saint-Siège. Jusqu’au xne siècle, on avait vu souvent les restes mortels de saints personnages élevés sur les autels par l’autorité privée des évêques. Cette liberté, source possible d’abus et d’erreurs, prit fin, quand Alexandre revendiqua expressément toute initiative « n matière de canonisation. Innocent III, Grégoire IX, affirmèrent de plus en plus la prérogative pontificale. D’ailleurs une tolérance fut accordée aux cultes locaux déjà en possession d’une prescription centenaire. Le terme normal de cette tolérance est l’année 1534< antérieure d’un siècle à la nouvelle discipline inaugurée en IG34 par les décrets d’Urbain VIII.

Il résulte de cet exposé que le terme de béatification s’applique, suivant les temps, à des mesures différentes. Jusqu’au temps d’Alexandre III, il désigne souvent un culte de fait, plus ou moins expressément approuvé par l’Ordinaire local. Après cette date, il implique un acte an moins rétrospectif de l’autorité pontiûcale : acte qui comporte certaines restrictions soit quant au temps, soit quant au lieu du culte, soit quant à la plénitude de l’approbation .

Au contraire, un décret de Canonisation est un jugement définitif et irréformable sur la sainteté d’un personnage proposé par l’autorité pontificale aux hommages de toute l’Eglise. Jugement infaillible, de sa nature. Qu’il puisse avoir ce caractère, Benoît XIV l’établit par plusieurs raisons : i° Le Souverain Pontife ne peut engager l’Eglise dans l’erreur quant à la règle des mœurs, en proposant à sa vénération, par un acte de pleine autorité apostolique, un pécheur. C’est le sentiment de saint Thomas, Quodlih., ix, q. 7, a. 16 : In Ecclesia non potest esse error damnabilis : sed hicesset error damnabilis, si venrraretttr tanquain Sanctus qui fuit peccator ; quia aliquiscientes peccala eius, crederent hoc essefalsum…, etsiita conligrrit, passent aà’errorem perdiici : ergo Ecclesia in talibus cri are non potest. — 2° L’assistance du Saint Esprit doit nécessairement préserver l’Kglise d’erreur en matière si grave. — 3° Le culte des Sainls est une profession active de notre foi ; dans cette profession, l’Eglise ne peut errer. — 4° A posteriori, l’on constate que les objections, soulevées contre les canonisations proprement dites, ne sont pas insolubles.

Qu’on n’objecte pas ici la présence decertainsnonis dans le Martyrologe romain, où des erreurs ont pu être signalées, et parfois ont été corrigées. La présence d’un nom dans le Martyrologe romain n’est pas un indice certain de canonisation, sinon pour la période moderne, dont on peut fixer le début au temps d’Alexandre III (n5g-u81). Pour la période antérieure, la présence d’un nom n’est pas un indice de canonisation formelle, ni même « équipollente ». La question, souvent présentée à la Sacrée Congre1133

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galion des Rites, depuis sa création par Sixte Quint (Constitution du 22 janvier 1 5 3-), n’a jamais été résolueafliriuativemcnt. Telle est lu déclaration expresse de Benoit XIV, parfaitement qualilié par trente ans de services comme avocat consistorial, puis comme promoteur de la foi, pour rendre un témoignage éclairé touchant la tradition de la curie romaine. I, xliii, i’i, p. 394.

Ici une difficulté surgit ; Benoit XIV l’examine sous toutes ses faces. L’infaillibilité de l’Eglise a pour objet propre l’enseignement de la Foi, c’est-à-dire le contenu de la révélation divine. Cependant la gloire de tel ou tel serviteur de Dieu dans le ciel n’appartient pas, manifestement, au dépôt de la doctrine révélée. Dès lors, comment peut-elle être l’objet d’un enseignement infaillible ?

La réponse de Benoit XIV tient compte des différences de langage qui subsistent entre théologiens, par ailleurs d’accord sur le fond des choses. Tous les théologiens catholiques s’accordent à dire qu’on ne peut, sans témérité, révoquer en doute l’infaillibilité du Pontife romain dans les décrets de canonisation, ni la gloire de tel saint canonisé ; mais UMH nes’accordentpas à condamner ce doute comme une hérésie proprement dite. Au reste, la plupart d’entre eux enseignent que l’objet de l’infaillibilité pontilicale déborde le domaine de la révélation divine ; que l’infaillibilité du Pontife romain dans les décrets de canonisation et la gloire de tel saint canonisé appartiennent à l’enseignement de la Foi, non pas directement et immédiatement, mais indirectement et par voie de conséquence. L’objet matériel delà Foi s'étend à de telles vérités, selon la pensée de saint Thomas, Quodlil/., ix, a. 16 ; et Ii a II æ q. 1 a I : Sic i’i fide si considrremus formaient rationem objecti, nikilesi aliud quant Veritas prima… Si vero considèrent us matérialité/ en quibus fides assentit, non solum est ipse Deus, sed etiam multa alia ; quae tamen suit assensu fidei non cadunt nisi secundum quod habenl aliquem ordinem ad Deum, prout se. per aliquos Divinitatis effectua homo adiuvatur ad tendendum in divinam (ruitionem. Telle est la conception à laquelle se rallie Benoit XIV, I, xlv, 28, p. 4 19-4 ao. Elle ne demande qu'à être lue aujourd’hui à la lumière de la définition du Concile du Vatican, touchant l’infaillibilité du Pontife romain. La formule usitée dans les décrets de canonisation est, parelle-mème, assez signiûcative : Ad honorent sanctae et indû-iduæ Trinitatis, ad exallationcm fidei catholicæ et christianac, et religionis augmentum, auctoritati' D.X/C, beatorum Apostolorum Pétri et Pauli ac nos Ira, matura deliberatione præhabita et divina ope sæpius implorata, ac de venerabilium Fratrum nostroium SRE cardinalittm, patriarcharum, archiepiscoporum et episcoporum in Ur.be e.ristentium consilio, lieatum N.sanctum essedecerniniu.s et definimus ac Sanctorum catalogo adscribimut, .</ 'unies ah Ecclesia universali illius memoriam quolibet anno die eius natali… pia desotione recoli debere. In nomine Patris et Filii et Spiritus sancti. Amen.

Les Décrets d’Urbain VIII. — Dans son livre II, Benoit XIV s’attache à la procédure nouvelle, mise en vigueur par les Décrets d’UnnviN VIII, 5 juillet 1**3 4 ; procédure qui consacre le rôle des Ordinaires dans l’examen des causes de béatification, mais l’encadre et le soumet à l’activité centrale de la Sacrée Congrégation des Rites, instituée par Sixte V en 1587. On a parfois rattaché l’origine de ces Décrets à une cause particulière : Urbain VIII avait dû prohiber le culte rendu par le peuple de Venise à la dépouille mortelle du trop fameux Paolo Sarpi, ce

« Luthérien en coule > ; on a supposé que de cette

prohibition sertit toute une législation. Benoit XIV estime que c’est là grossir l’importance de l’incident relatif à PaoloSarpi : l’acte législatif d’Urbain VIII a son histoire, dont on peut suivre le progrès depuis les jours de Clément VIII et de Paul V, il se rattache à tout un ensemble de faits et de pratiques, réprouvées par Urbain VIII dès l’année 16a5. Les Décrets de i<>3/ » prohibent trois notes de culte envers rviteurs de Dieu non encore béatifiés ni canonisés : i° l’exposition d’images avec auréoles, rayons ou gloires ; 2 la publication d'écrits concernant leurs vertus, leur martyre, leurs révélations, leurs miracles ; sauf autorisation de l’Ordinaire et protestation que l’auteur soumet le tout au jugement du Saint-Siège ; 3° l’exposition de tableaux votifs, et les lumières allumées autour des images. II, xi.

Une cause introduite devant la Congrégation des Rites requiert normalement une déclaration de non cultti, faute de laquelle on ne saurait passer outre. D’ailleurs, la législation d’Urbain VIII prévoit des exceptions, en faveur de Serviteurs de Dieu honorés d’un culte immémorial, autorisé par les écrits des Pères ou des saints personnages, par une tradition éclairée, par l’approbation tacite du Siège apostolique ou des évêques. La vaste expérience de Benoit XIV lu : fournit abondance d’exemples pour commenter, selon la pratique du Saint Siège, le sens du casus excepius, II, xvn-xxiv.

Une autre condition requise, pour la poursuite d’une cause, est l’examen officiel de tous les écrits doctrinaux du Serviteur de Dieu. Après cet examen seulement, on pourra solliciter et obtenir la signature pontificale saisissant de la cause la Sacrée Congrégation : Signatuia Commissionis, II, xxxv, sqq.

L’instruction d’une cause comporte essentiellement des procès, accomplis par l’autorité de l’Ordinaire, saper fiante Sanctttatis, Virtutum et Miraculorum ; ou super fanta Martyrii atque Mirac ulor 11m. Puis des procès, accomplis par autorité apostolique, super fantii Sanc/itatis in génère, ou super Virtutibus in specie : super Martyrio, super Miraculis in specie.

A la fin du l. II, Benoit XIV traite de l’audition des témoins.

Le I. III est spécialement consacré au procès De Virtutibus.

Le 1. IV se subdivise en deux parties. La première concerne le procès De Miraculis ; la deuxième, les conséquences de la béatification ou de la canonisation : concession de l’office ou de la Messe ; insertion au Martyrologe ; culte des Reliques.

L’impression qui se dégage de cette lecture est une impression de respect pour l’institution qui applique au discernement de la vertu héroïque des règles si traditionnelles et si exactes. Les précautions prises, quant à la qualité des témoins et à la critique des témoignages, doivent exclure toute supercherie ; l’accueil fait aux explosions de l’enthousiasme populaire, surtout en matière de miracle, doit exclure l’entraînement irréfléchi.

Pour la procédure actuellement en vigueur dans les causes de béatification et de canonisation, voir le récent Codex luris Canonici, can. 1999-2141. — Pour les décrets récents, consulter Y Annuaire Pontifical catholique (éditions de la Bonne Presse).

Avant de quitter ce terrain, nous jetterons très rapidement un regard, d’abord sur le christianisme non catholique, puis sur les religions non chrétiennes.

r* 1. I.c rhiistianisme non catholique. — Parmi les Eglises chrétiennes, l’Eglise russe a manifesté quelques velléités d’entrer dans la voie où l’Eglise catholique marche depuis bien des siècles, en décernant à 1135

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d’illustres morts des honneurs qui rappellent ceux denotre canonisation. Cettehistoireestracontéedans le livre érudit et confus du professeur E. Gobolinskij, Histoire de la canonisation des saints dans F Eglise russe (Moscou, 1903, en russe). Nous le lisons à travers un article substantiel du R P. P. Pbbters, Analocta Bollandiana, t. XXXIII, p. 380-420 (191 4).

L’auteur divise les faits en quatre périodes. La première, depuis l’origine du christianisme russe jusqu’au premier synode de Macaire (1547) : c’est la période préhistorique. Deuxième période : les conciles tenus par le patriarche Macaire en 1 547 el ^^9> lesquels passent pour avoir régularisé lecultedes saints dans l’Eglise russe, par une sorte de canonisation en masse. Troisième période : depuis le concile de 1 5 1 9 jusqu’à l’institution du Saint Synode par Pierre le Grand, en 1721. Les saints de cette période sont répartis en deux groupes : les uns, pour qui la date de canonisation est connue, au nombre de 56 ; les autres, pour qui la date de canonisation estignorée, au nombre de 1 46. Quatrième période : après l’institution du Saint-Synode, 1721. Une section spéciale présente à part les saints de la région de Kiev.

La première conclusion qui ressort de cette loyale enquête, c’est l’extrême difficulté, ou plutôt l’impossibilitépratique, d’undépart exact entre les diverses catégories de « morts honorés », soit qu’il s’agisse de canonisations populaires et locales, soit qu’il s’agisse de ratifications officielles, plus ou moins dûment constatées. Pour les uns, on chante la pani-Lhida, qui est une sorte d’obit ; pour les autres, le molebny, qui équivaut à un Te Deum. Mais il serait illusoire d’introduire ici des catégories tranchées, comme seraient par exemple celles de « vénérables » et de « saints ».

Une deuxième conclusion, c’est l’anarchie profonde à laquelle, depuis des siècles, fut livrée la liturgie byzantine, en matière d’hagiographie. On en prendra quelque idée par les lignes suivantes, traduites de Gobulinskij (p. 227 ; Peeters.. p. 40a) :

La confection des listes des saints était abandonnée par le pouvoir ecclésiastique aux typographes chargés d’imprimor les livres, et à ceux qui avaient le soin de les corriger (aux rédacteurs qui les préparaient pour l’impression) : typographes et correcteurs, d’une part, ne savaient pas assez exactemenldansquelle classede saints, les universels ou los locaux, les dillérents saints étaient rangés par* leur canonisation ; d’autre part et surtout, ils donnaient beaucoup trop libre jeu à leur appréciation et à leur caprice personnel.

La Réforme de Pierre le Grand, en remettant au Saint-Synode l’administration des choses religieuses, endigua le mouvement des canonisations populaires et introduisit dans le culte un élément de régularité. Depuis deux siècles, on n’a enregistré que six canonisations :


i" Dimitri, évoque de Rostov, -|- 28 oct. 1709, canonisé 27 avril 1757.

2 Innocent, premier évêque d’Irkoutsk, -|- 26 nov. 1731, canonisé i cr déc. 1804.

3° Métrophane, évêque de Voronèze, -|- a3 nov. 1703, canonisé a5 juin 1832.

4° Tykhon, évêque de Voronèze, -’13 août 1783, canonisé aojuin 186i, à l’occasion du couronnement de l’empereur Alexandre.

5° Théodose Uglitsky, archevêque de Tchernigov, | 5 fév. 1696, canonisé par « définition » du Saint-Synode, les 26 juin et 5 Juillet 1896, lors du couronnement de l’empereur Nicolas II.

6° Le P. Séraphin, moine de Sarov dans le gouverment de Koursk (né 19 juillet i"^<j, y 2 janv 1833), canonisé, sur rapport du Saint Synode en date du a6 janvier 1903, par oukase du tsar Nicolas II, 39 jan vier igoii. — Surcedernierpersonnage.voir PEETKns, Analecta Bollandiana, t.XXXVIU (1920), p. 172-176. Les cinq premiers, tous évêques, jouissaient d’un renom de thaumaturges, et l’on assure que leurs restes mortels furent trouvés sans corruption. Le P. Séraphin passait, de son vivant, pour un guérisseur d’àmes. Après sa mort, on raconta l’histoire de nombreux malades guéris sur son tombeau. Mais son corps n’avait point échappé à la corruption, et ce fait, tardivement constaté, faillit entraver la procédure. Le Saint-Synode passa outre, et l’oukase impérial fixa à l’anniversaire du 19 juillet l’ostension solennelle des reliques du thaumaturge de Sarov.

L’intention d’imiter l’Eglise romaine, dans les enquêtes préliminaires à la canonisation et dans le décret qui la consomme, est visible, et constitue un hommage à la sagesse exemplaire du contrôle usité, depuis des siècles, dans cette Eglise.

Ailleurs, on procède avec plus de désinvolture. La Chambre du Clergé (House 0/ Clergy) de l’Eglise anglicane agita en juillet nja.’i la question de l’introduction de nouveaux saints au calendrier liturgique : rien de plus curieux que son éclectisme. Voici les principaux noms proposés : John Wesley (1703-1791) : John Keble (1792-1866) ; Florence Nightingale (182^1910) ; JohnVycliffe(1324-1384) ; l’archevêque Laud (1573-1645) ; Tertullien (iGo-2/, 0 ?) ; l’archevêque Parker (150’|-1575) ; Catherine de Sienne (1347*1380) ; l’archevêque Cranmer (1489- 1 556) ; le roi Charles I" (1600-1649) ; le roi Henry VI (1421-1 471). — Voit J. Wadoux, dans la Documentation Catholique, 23 mai 1925. — La mémoire de Charles I er est depuis longtemps honorée par une sorte de canonisation populaire. Dès le règne de son fils, un service religieux fut célébré annuellement à la date du 30 janvier ; le 30 janvier 1926, la statue de Charles I er à Whitehall était ornée de verdure et de fleurs, avec une banderolle portant ces mots : Santé Carole martyr béate ora pro nobis.

Le problème général delà sainteté hors de l’Eglise catholique a été posé naguère et discuté sur un exemple concret, dans les JRechei-cites de Scietice religieuse, t. XII (1922), p. 1-39) : Le Sadhu Sundar Singh et le problème de la sainteté hors de l’Eglise catholique, par L. de Grandmaison. Nous ne pouvons nous engager ici dans le détail de cette suggestive élude. Mais la question principale qu’elle soulève et la solution qu’elle suggère méritent de retenir l’attention.

Nous avons fait allusion naguère à des miracles observés hors de l’Eglise catholique. L’hypothèse peut paraître troublante, et l’on se récriera : Quoi, le miracle n’est-il pas le sceau de la vérité divine ? D’où cet impérieux dilemme : ou les prétendus miracles observés hors de l’Eglise catholique ne sont pas de vrais miracles, ou l’Eglise n’a pas le monopole de la vérité divine.

Pour impérieux qu’il soit, le dilemme paraît simpliiier outre mesure les éléments de la question. Il suppose en effet que le sceau divin du miracle tombe sur tous les faits et gestes de la personne ou de la société en faveur de laquelle il est supposé se produire. Cette supposition n’est pas nécessaire. Une personne baptisée.une société qui possède le baptême et l’eucharistie — c’est le cas de l’Eglise russe orthodoxe — Se trouve, de par sa relation auChrist, dans une situation privilégiée. Le miracle lui sera-t-il refusé toujours ? Cela n’est pas évident. On lit dans l’article cité, p. aa-23 :

Les seules limitations iniposéos aux dons divins sont celle » que nous suggérèrent deux principe » théologiques 1res assurés. Lo premier revendique pour l’Eglise catholique, à 1137

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1 exclusion de toute autre, la plénitude dos dons divins pro mis par Dieu aux fidèles de la Nouvelle Alliance et par le Christ à ses disciples. Sur cette terre sacrée tombe et sur elle seule ordinairement, l’effusion des grâces qui rendent agréable à Dieu. L’épouse rentable a, seule, la disposition de tous les biens de sou Epoux. Il suit du ces thèses, qu’il sutlit ici de rappeler, que les dons suprêmes de la libéralité divine, hors de 1 Eglise, garderont toujours — si nombreux qu’ils puissent être absolument — un earactère d’exception, de privilège et de condescendance extraordinaire : Nam et catelli edunt de micis tjuæ cadmil de nieiisa dominoi nm suorum (Mail, xv, 27).

Le second principe exige que la splendeur de ces dons se manifeste dans des conditions qui n’autorisent pas les parties erronées de la croyance des amis de Dieu ainsi gratifiés, ou qui [ne] tendent d’elles-mêmes à fermer, devant eus ou devant d’autres, la route de la vérité intégrale… (texte rectifié par l’auteur.)

Il suffit d’ouvrir ces horizons, dont on entrevoit l’ampleur, pour indiquer dans quelle voie on peut chercher la réponse à l’objection proposée, sans qu’il y ait lieu de récuser le fait du miracle, ou de la vertu héroïque, hors de l’Eglise. Le lecteur désireux d’approfondir lira tout l’article des Recherches ci Science Jieligieuse.

a. Religions non chrétiennes. — Dans les religions non chrétiennes, le parallélisme dit rite chrétien de la canonisation se laisse beaucoup plus difficilement poursuivre. D’ailleurs, il n’en est aucune

— ou presque aucune — qui n’honore ses grands hommes, selon son propre génie.

Les Juifs s’appellent Dis d’Abraham et gardent jalousement la mémoire des anciens patriarches : Jacob, Moïse ; du roi David ; des prophètes Isaïe, Jérémie, Daniel… ; des martyrs tels que Zacharie. Ils gardent aussi, consigné dans des martyrologes locaux, le souvenir de leurs anciennes et multiples tribulations. Citons le Midrush des dix martyrs, dont le principal héros est le fameux Aqiba ben Joseph (50-130). Pour une période plus récente, le Mémorial de Nuremberg, commencé en 1296 par Isac ben Samuel de Meiningen, publié de nos jours (Berlin, 1898). On trouvera des textes en abondance chez Edmond Flbg, Anthologie juive, 2 vol., Paris, :  ;  ; i ! 3. Voir également ci-dessus, l’art. Juifs kt Chrktibns.

L’Islamisme n’est pas seulement tout entier suspendu à la pensée de Mahomet ; il a, de nos jours surtout, une tendance à multiplier les cultes locaux autour du tombeau de quelque antique saint (ira//) ou martyr (shahid). Les nombreuses confréries musulmanes se réclament généralement d’une telle origine. Le wali est considéré comme un ami de Dieu, investi de pouvoirs miraculeux, avant et après sa mort. Un exemple typique de canonisation populaire est étudié dans le monumental ouvrage de Louis Massignon, Al-Ilallaj, maitjrr mystique de l’Islam, exécuté à Bagdad U- Qlj mars. r’22. Paris, - in-8. Noter que les jurisconsultes musulmans sont loin de s’accorder sur la procédure de canonisation. Voir, dans cet ouvrage, t. I, p. 359. Sur l’esprit de l’Islam, consulter, dans ce Dictionnaire, les articles Islamis.mb kt sbs skctes, et Mahomkt.

Les Sémites ont leurs héros, que la légende dispute à l’histoire. A première vue, le culte babylonien se distingue par une quasi-adoration de la force : la sainteté des rois paraît s’affirmer surtout par l’énergique déploiement de la volonté dans l’exercice du pouvoir suprême. Le caractère plus moral de certains textes, telle code d’Hammourabi, eorrigecette impression. Voiries articles Babylo.ni ;

BT BlBLB.et SÉMITKjCBS (llELIGIONS).

L’Egypte, prosternée devant ses rois et les divinisant tous, avec moins de discernement que Babylone, porte du moins dans ce culte plus d’égard à la

force intellectuelle qu’à la force brutale. Voir ci-dessus, dans l’article Egyptk, la section relative à la religion égyptienne, surtout col. 13ai-l331.

La Grèce pratiqua, comme on le sait, le culte des héros, qui s’épanouit dans le mythe, à l’époque homérique. Voir ci-dessus Grecs (Religion dbs), col. 400 sqq.

L’Inde bouddhique n’est plus guère qu’un souvenir, si l’on excepte le Népal etCeylan. Mais, hors de l’Inde, le bouddhisme demeure fidèle au culte du Bouddha et de ses premiers disciples, sans se préoccuper beaucoup de retrouver dans la légende un élément historique. Voir ci-dessus Inde (Religions de i.’), col. 654 s qq, 68 ; sqq. L’existence de martyrs bouddhiques, mis à mort par les brahmes, n’appartient réellement pas à l’histoire.

La Perse mazdéenne voit dans Zoroastre l’apôtre du bien universel, non un ascète ni un serviteur de Dieu, mû par une pensée religieuse. Mais que savons-nous sur Zoroastre ? Sur ce personnage mystérieux et la théologie abstraite qu’on rattacheà son nom, théologie que n’échauffe aucun rayon d’amour, voir Iran (Religion de l’).

La Chine voit dans Confucius le dernier venu et le plus fameux des sages, un bienfaiteur de l’espèce humaine, sans connexion spéciale avec la divinité. Voir art. Chine, col. 5 1 4-5

Le shintoïsme japonais ne connaît pas précisément de saints, mais compte par myriades les héros ou plutôt les dieux. Voir art. Japon, col. 1200-1.

En général, sur la notion de sainteté dans les diverses religions, voir Christus, manuel d’histoire des Religions. — Encyclopædia of Religion and Ethics (Hastings), art. Saints, t. XI, p. ^9-82 (1920).

II. Les Martyrologes. — Les noms des Saints honorés par l’Eglise figurent au Martyrologe. Ce terme désigna primitivement la liste des martyrs d’une Eglise ; par la suite, il fut étendu à divers recueils, de provenance disparate et d’autorité inégale.

Il y a les martyrologes locaux, renfermant les anniversaires de martyrs propres à une Eglise — natalicia, depositiones marlyrum ; — telle la Depositio martjrum de l’Eglise romaine, dès le 111e siècle ; plus tard aussi les anniversaires des évêqucs demeurés en vénération, et consignés primitivement dans la Depositio opiscoporum. Le calendrier philocalien de l’année 35/| montre déjà ces deux listes rédigées parallèlement pour l’Eglise romaine. Voir P. L., XIII. D’autres souvenirs encore vinrent ultérieurement enrichir les martyrologes locaux : anniversaires des grands ascètes, dédicaces d’églises ou translations de reliques. Entre Eglises sœurs ou voisines, des échanges devaient se produire : dès le ive siècle, Rome avait accueilli dans son calendrier des saints de l’Afrique romaine ; au vie siècle, Carthage, de son côté, honorait des saints de Rome.

Il y a les martyrologes généraux, résultant de la fusion méthodique des martyrologes locaux. Comme type de ces martyrologes, citons le Martyrolog dit hiéronymicn qui, au cours du cinquième siècle, groupa les éléments d’un martyrologe général des Eglises d’Orient, d’un martyrologe local de l’Eglise de Rome, d’un martyrologe général d’Italie, d’un martyrologe général d’Afrique, et devait s’enrichir ultérieurement par l’apport des martyrologes de Gaule. Document hautement vénérable, mais hérissé de fautes innombrables par l’inconscience des rédacteurs et la maladresse des copistes. Edité avec des soins infinis parG.-B. di : Rossi et L. Duchbsni [Acta Sanctorum novembris, i. ii, 189/i), il nous livre, sur la tradition des Eglises, des données sin1139

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gulièrement précieuses, mais pose devant la sagacité du lecteur une foule do problèmes insolubles. Voir II. Dbleiiaye, Le témoignage des Martyrologes, dans Anulecta JioUnndiana t. XXVI, 1907, p. 99, résumant cesobservationssousune forme pittoresque :

Le martyrologe hiéronymien est pour nous comme un vaste champ de ruinas, couvert autrefois de palais et de tombeaux. Les tremblements de terre ont secoué les églises sur leurs bases et bouleversé les monuments ; les barbares ont retourné les débris, dissipé les matériaux, fouillé les sépultures ; la négligence des générations nouvelles a achevé l’œuvre de destruction. Le touriste jette à peine un regard sur ce spectacle de désolation : l’archéologue ne se laisse arracher qu’avec peine à la contemplation de l’amas informe de décombres qui pour lui recouvre tout un pa » sé. Et il s’arme courageusement de la pioche avec le vague espoir de le faire revivre, avec la certitude de faire sortir du sol des restes d’un haut pris, un nom. une date, un fait nouveau, qui éclairent tout un ensemble. On fouillera longtemps encore le sol aride de Phiéronymien, et si l’on ne peut se promettre de relever des temples et des portiques, on en retirera beaucoup de débris d’une valeur incontestable.

Sur un exemple particulier, on pourra prendre quelque idée des surprises et des erreurs auxquelles s’expose le chercheur, en s’aventurant sans guide et sans préparation à travers ce champ de ruines. H. Dblehaye, Saint Expeditet le Martyrologe Hiéronymien, Anal. Boll., XXV, 1906, p. 90-98.

Consulter par ailleurs G.-B. db Rossi et L. DociiKSNR, Les sources du Martyrologe Hiéronymien, Rome, 1885 ; H. Acdelis, Die Martyrologien ; ihre Geschichte und ihr Wert, Berlin, 1900.

Les martyrologes mentionnés ci-dessus n’étaient guère que des listes de noms, disposées selon l’ordre du calendrier Plus tard, on s’occupa de les enrichir par des emprunts à diverses sources hagiographiques ou littéraires : passions de martyrs, vies de saints personnages, histoires ecclésiastiques. Telle est l’origine des martyrologes historiques.

Le travail de Bèdb (-j- 735) qui, au commencement du vme siècle, compila son précieux Martyrologe, est à la base de toute cette littérature. Dans le cadre d’un martyrologe préexistant, Bède fit entrer divers éléments puisés dans une cinquantaine de Passions et dans une douzaine d’auteurs ecclésiastiques. Nommons parmi ces auteurs : saint Cyprien, Busèbe-Rufin, saint Jérôme, Gennade, saint Augustin, Possidius biographe de saint Augustin, Paulin biographe de saint Ambroise, saint Prosper, saint Grégoire le Grand, le Liber Pontificalis, le Martyrologe hiéronymien. Bède ne s’était point préoccupé d’assigner à tous les jours de l’année un souvenir. Le désir de combler cette lacune inspira des rédacteurs anonymes, qui distribuèrent, plus ou moins arbitrairement, entre les jours dépourvus d’anniversaires, le butin par eux recueilli, soit dans le Martyrologe hiéronymien, soit ailleurs. Ce travail, accompli dès le premier tiers du ix’siècle, passa aux mains de divers reviseurs, parmi lesquels il convient de nommer : Flohus, diacre de Lyon, particulièrement versé dans la connaissance de l’ancienne littérature chrétienne ; Adon, évêque de Vienne, longtemps en possession d’une réputation usurpée, mais dont la contribution semble avoir été particulièrement néfaste, car il existe de fortes raisons de croire qu’il ne recula pointdevant un faux, pour accréditer es remaniements arbitraires ; Usuahd, moine de Saint-Germain-des-Prés, qui résuma l’œuvre d’Adon vers 87.5, et dont l’oi’uvre, très répandue au moyen âge, est à la base de notre Martyrologe romain.

— Voir Dom II. Qufntin, O.S.B., les Martyrologes hiêtoriques du Moyen-âge, Paris, 1908.

Ile » Martyrologes historiques, il faut rapprocher

les Synaxaires grecs ; Toir Anal, ta Bollandiuna, t. XIV, 1895, p. 396-434 : Le Synaraire de Sirmond ; H. Dkliïhayb, Synaxarium Ecclesiæ Coristantinupnlitanae, Propylæum ad Acta Sanct’trum Novembris, 190a.

La première édition du Martyrologe romain parut

; i Home en 1583, sous ce titre : Martyrologium Romanum

ad nnvam Kalendarii ratiuuem et ecclesiaslicae historiæ veritalem restitutum, Gregorii XIII Pont. Max. iussu editum. Elle ne porte aucune approbation. Une nouvelle édition, parue en 1 584, reçut l’approbation pontificale et fut imposée à l’Église universelle. En 1.J86, Baronius mettait au jour une édition revue, avec des Notatimes et une Traclatin de Martyrologio Itomano. De nouvelles révisions curent lieu sous Urbain VIII en 1630 et sous Benoît XIV en 1 748. La Bulle de Benoit XIV, adressée à Jean V, roi de Portugal, etplacéeen tête de la récente édition, expliquait la portée des modifications introduites dans le texte ; depuis lors, ce texte est resté immuable quant à la substance, sauf les additions requises par les canonisations récentes. En 1902, Léon XIII institua une commission historicoliturgique pour la révision du Martyrologe de Benoit XIV. Une édition parut en 1910, retouchée sur quelques points (voir au 22 juin, à propos de saint Paulin de Noie, la mention du transfert de ses reliques, par autorité de PieX). L’édition typique fut publiée en 1914 sous les auspices de Benoit XV. Si l’on ne veut se méprendre entièrement sur son caractère, il importe de ne pas perdre de vue la différence entre le vieux fonds procédant des Martyrologes historiques et ne prétendant pas à plus d’autorité que n’en peuvent avoir des martyrologes eux-mêmes, et les insertions opérées par ordre pontifical, au fur et à mesure des canonisations, où 1 Eglise engage son autorité doctrinale. L’édition de 1922, dite prima post typicam, n’a pas réalisé les espérances qu’on avait pu concevoir. Sur les desiderata provoqués par cette publication, voir Dom H. Qcentin, InalectaBollandiana, t. XLII, lya.’i.p. 387-406.

Le nom de saint ( « yieç, sanctus), après avoir traduit, dans la langue chrétienne, l’idée assez peu définie de quelque spéciale appartenance à Dieu, évolua vers un sens précis et technique, résumant tous les titres qui désignent à la vénération des fidèles les martyrs d’abord, puis d’autres personnages éminents par leurs vertus. Un saint est proprement nn personnage en possession d’un culte homologué par l’Eglise. Dans le cas de saints canonisés, le culte naît de la canonisation même. Dans les autres cas, la preuve du culte reste à faire ; elle résultera de divers indices : célébration ancienne de la fête, témoignage du martyrologe local, panégyriques, actes de martyrs, érections de tombeaux, dédicaces de basiliques, invocation par les fidèles. Pour les personnages entrés au martyrologe par voie de témoignage littéraire et non de tradition liturgique, ces critères feront défaut ; pour les autres même, ils pourront offrir certaines dillicultés d’interprétation, dont le détail nous entraîneraitlrop loin. Voir, à ce sujet, il. Dki, kh, we, Sam lus, dans Analecla Bollandiuna, t XXVIII, 1909, p. 145-200. De plus, H. Thurston, article Saints and Martyrs (élu istian), dans Encyclopædia 0/ Religion and Ethics (1920).

Les rédacteurs de Martyrologes historiques ne pouvaient prétendre à aucune infaillibilité. Le développement légendaire qui, dès le 11* et le m » siècle, avait produit des Actes apocryphes d’Apôtres (Acta Pétri, Pauli, foannis, Thomae, etc.) donne une idée de » dillicultés qu’ils rencontraient, dès qu’ils voulaient faire œuvre littéraire ; et les confusions commises dès le iv* siècle par saint Grégoire de Nazianze (Or. 1141

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xxiv) entre l’illustre mémoire de ( vprien de Carthage et la légende de Cyprien d’Antioche, donnent un échantillon des erreurs possibles. Voir Antdectu BoUantiana, t. XXXIX, nji, p. 31’r.î : 5a. Le nom de Juan Mkmhjcvnh (Saint ; voir cet article) .1 pu de même couvrir des souvenirs relatifs à divers personnages, sans détriment pour la réalité historique du personnage canonisé.

Mais pour généraliser de telles observations, il faudrait avoir des raisons positives.

On a parfois supposé trop facilement que l’emploi de Pépithète sunctus, dans les inscriptions et dédicaces païennes, a pu donner lieu de confondre les dieux de l’Olympe avec les héros chrétiens, et d’admettre dans les colonnes du Martyrologe toute une population exotique ; de ce fait, supposé gratuitement, on a voulu tirer un argument triomphant en faveur de la thèse qui présente les saints comme les successeurs des anciens dieux. Construire un pareil système est facile ; mais il faudrait relayer de faits dûment constatés. Il n’en existe pas. Un seul paraît résister quelque peu à la discussion : c’est la mention, rencontrée dans tel manuscrit du Martyrologe hiéronymien, d’un certain saint Silvain, honoré à Livroux au territoire de Bourges, àla datedu22 septembre. La leçon propre à ce manuscrit peut suggérer que la fête naquit d’une ancienne dédicace au dieu Silvain. El c’est tout. Il n’y a pas, dans une observation aussi précaire, de quoi fonder une théorie. Notons par ailleursque l’Eglise honore en divers lieux plusieurs saints Silvain, parfaitement authentiques. Voir H. Dblkhayb, Sa ne lus Silvanus, dans Analectu Bollandiana, t. XXV, iyoG, p. 158-if>2.

Une bizarre aventure a pu introduire dans les éditions de saint Jean Damascène et dans le Martyrologe romain. les héros d’un roman bouddhique, nullement désignés pour un tel honneur. Les origines de cette légende remontent au sixième ou au septième siècle ; si elle a jamais servi de fondement à un culte, ce serait là, tout au plus, un accident .ocal et de faible conséquence. Le fait, aujourd’hui très connu, mérite d’être signalé, pour aider à mesurer la distance qui sépare le culte vivant des saints honorés par 1 Eglise et la tradition littéraire des Martyrologes. Voir J. Van den Ghbyn, art. Barlaam et Josaphat, dans Dict. de Théolog. Cath. (io, o5) ; A. d’ALÈs, /.’Apologie d’Aristide et le romande Burlaain et Josaphat, R.Q.H., t. CI (<yi(), p. 354"9-Noter de tels accidents n’est pas déprécier la liturgie de l’Eglise, mais dégager de toute contingence l’élément de Foi, contenu dans le culte des saints, et parfaitement reconnaissable dans toute la trame de nos Martyrologes ; avant tout, le caractère profondément humain, moral et sérieux, de ce culle, essentiel au vrai christianisme. Comme il nait du culte rendu à Dieu même et tend à honorer Dieu dans la personne de ses vrais amis, il forme l’antithèse exacte des aberrations païennes, qui prostituaient à la créature l’hommage du au Créateur.

Les Acta Sanctorum. — Nous traiterons ici, par manière d’appendice, des Acta Sanctorum, publication monumentale à laquelle l’illustre Société des Bollandistes a attaché son nom. Rien ne montre mieux, que cette œuvre méthodique et savante. les pensées dont s’inspire l’Eglise catholique dans le culte des Saints. Nous empruntons les principales données à l’ouvrage du 11. P. II. Delahayb : A travers trois siècles. L’œuvre des ftollandistes ( 1 6 1.">- 1 y 1 5). Bruxelles, Kjao.

Par delà Jkan Bolland, dont le nom demeure indissolublement lié à l’entreprise des Acta Sunctui um. la justice veut qu’on remonte jusqu’à Hkrmirt Roswey, qui avait ouvert la voie.

En iGo3, le P Olivier Manare, originaire de Tournai, envoyé parle P. Claude Aquaviva. général de la Compagnie de Jésus, visitait les maisons de la province belge. Un jeune religieux l’entretint des rechercbesqu’il poursuivait, depuis une douzaine d’années, dans les bibliothèques de Belgique, sur la vie des saints, et lui exposa l’opportunité d’entreprendre une collection hagiographique. Il lui remit à ce sujet un mémoire, qui obtint l’approbation d’Aquaviva.

Iléribert Roswey, né à Utrecht le ai janvier 156g, jésuite en 1588, avait été reçu maître es arts à l’Université de Douai en 15<ji. Dès lors il avait commencé, à travers les bibliothèques, la chasse aux manuscrits. L’enseignement le retint à Saint-Omer jusqu’en 160*J. Fixé alors à Anvers, il traça le plan

« le sa future publication clans un petit volume, intitulé : 

Fasli sanctorum quorum vilæ iu belgicis biblio-Ihecis mantis- ! iptac. Les manuscrits hagiographiques par lui découverts 6’élevaienl au chiffre de i.300 ; de la plupart il s’était procuré des copies. Quant à l’œuvre projetée, elle était de proportions grandioses, ne devant pas comprendre moins de 18 volumes in-folio, dont 3 de préliminaires et’.' de compléments ou de tables.

Le projet ne rencontra pas que des encouragements. Le l’uturcardinalBellannin.qui avaitenseigné à Louvain, écrivait, le 7 mars 1608 : à quoi bon un tel effort ? que de temps il faudra, et que d’argent ? Et puis, n’y a-t-il pas, dans ce fatras hagiographique, beaucoup de pages négligeables, moins propres à édifier les lidèles qu’à rendre la religion ridicule ? Mais la ténacité flamande ne reculaitpas devant l’objection. A travers mille occupations qui le tiraient en divers sens, Roswey sut réaliser une partie au moins du plan qu’il avait conçu. En 1613, il mettait au jour son édition du Martyrologe d’Adon ; en 1616, ses Vilæ Patrum, où il fait revivre l’épopée monastique de l’Egypte et de la Syrie, et qui demeurent son meilleur titre de gloire. La pierre fondamentale des Acta Sanctorum était posée. Le 5 octobre 1629, Roswey expirait, d’une maladie contagieuse, contractée au chevet d’un mourant.

Son héritage littéraire fut remis aux mains d’un homme digne de le recueillir, le P. Jean Bollandus, alors préfet des études au collège de Malines et déjà connu dans le monde savant par son application à l’étude de l’antiquité. Invité à mettre en valeur les trésors amassés par Roswey, Bollandus se montra prêt à entrer dans cette voie, mais crut devoir marquer les conditions nécessaires : on le laisserait libre de son plan ; on mettrait à sa disposition exclusive leslivres utilisés par l’éditeur des Vitoe Patrum. En 1630, il quittait Malines pour s’installer à Anvers et se consacrer tout entier à l’œuvre.

Entre ses mains, le programme primitif allait encore s’élargir. Il décida de ne pas restreindre la collection aux saints dont on possède les Actes proprement dits. Il adopta une disposition extrêmement nette : le dossier de chaque saint formerait un tout. Il engagea.de toutes parts, une vaste correspondance. Bientôt l’on put prévoir qu’il succomberait à la tâche ; il fallut lui donner un assistant ; pour la réalisation de ce projet, Antoine de Winghe, abbé de Liessies, qui avait été pour Roswey un ami de la première heure, constitua un fonds de Soo florins.

A une juste appréciation des conditions requise » par toute coopération intellectuelle, Bollandus joignait le don de comprendre les hommes et de se les attacher. La Providence lui ménagea d’admirables collaborateurs, en la personne des PP Godefroid Henscheniuset Daniel Papebroeh ; l’un et l’autre formés, de bonne heure, à son école Les générations de Bollandistes qui. depuis près de trois sièeles, se pas1143

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sent de main en main le flambeau de L’hagiographie, comptent plus d’un nom illustre ; on n’y rencontre par de groupe mieux fondu, plus puissant, que celui de ces trois grands hommes : Bollandus (15g61 665) : Henschbnius (1601-1681) ; Papebroch (1628 La coopération entre Bollandus et Henschenius commença dès l’année 163J. Elle aboutit en 16/|3 à la publication des deux énormes in-folio comprenant les Acta Sanctorum de janvier. Ce fut un événement. Bonne part des éloges devaient, dans l’œuvre indistincte, aller au travail personnel d’Hensclienius ; Bollandus voulut qu’on lui rendit pleine justice, et décida qu’à l’avenir les articles seraient signés des initiales de leurs auteurs respectifs. La modestie d’Hensclienius se défendit, et l’anonymat fut gardé jusqu’à l’achèvement des volumes de mars.

En 1658, parurent les trois volumes de février. Le pape Alexandre VU qui, durant sa nonciature à Bruxelles, avait connu Bollandus, voulut le voir à Borne. Bollandus s’excusa sur l’état de sa santé, et lit partir à sa place Henschenius et Papebroch. Le voyage avait par ailleurs bien d’autres buts ; il durera 29 mois (22 juillet 1660-ai décembre 16<>2) et marque une date dans l’existence de la société bollandienne. C’est la première de ces expéditions mémorables entreprises par les hagiograpb.es pour la chasse aux manuscrits et la conquête d’utiles relations.

Expédition préparée de longue main. Quatre mois avaient été employés à dresser l’indexalphabétique des piècesdéjàreprésentées dans les collections bollandistes ; index dont les hagiographes ne se séparaient pas, le portant sur leur dos, avec bien d’autres colis, même au passage des montagnes. Bollandus accompagna les voyageurs jusqu’à Cologne, et leur ût promettre d’écrire souvent. Ils n’y manquèrent pas ; au cours de ces 29 mois, plus de 140 lettres furent adressées à Anvers.

Le journal de route, tenu à jour par l’apebroch, nous renseigne sur l’itinéraire suivi : Coblence. Mayence, "SYorms, Spire, Francfort, Asschaffenbourg, Wurzbourg, Bamberg, Nuremberg, Eichstiidt, Ingolstadt, Augsbourg, Munich, Inspruck, Trente jalonnent la route. Partout l’accueil empressé témoigna du prestige qui s’altachaitdès lors aunom de Bollandus. A Trente, on perdit huit jours, à cause d’une crue de l’Adige. Puis on traversa Vérone, Vicence, Padoue, Venise, Ferrare, Bologne, luiola, Fænza, Ravenne, Forli, Césène, Rimini, Pesaro, Fano, Sinigaglia, Ancône, Osimo, Lorette, Recanati, Macerata, Tolentino, Foligno, Assise, Pérouse, Spolète ; partout visitant les hommes de lettres, fouillant les bibliothèques. Rome les retint du 23 décembre 1660 au 3 octobre 1661. Durantcesneuf mois, lafaveurd’Alexandre VII les entoura ; toutes les excommunications qui attachaient à leurs rayons les volumes précieux des bibliothèques italiennes furent levées en leur faveur ; Uolstenius, préfet de la Vaticane, leur rendit toutes sortes de bons offices. Tout à coup ce protecteur et cet ami fut enlevé par la mort ; Allalius, qui lui succéda, crut devoir se montrer extrêmement méticuleux. Il fallut recourir au Pape pour vaincre ses scrupules. Papebroch souffrit de ces procédés ; mais en déplorant la tyrannie du bibliothécaire, ne laisse pas de rendre hommage au mérite du savant.

Après un riche butin non seulement à la Vaticane, mais à la Vallicellane, ouverte largement par les Pères de l’Oratoire, à la bibliothèque de la reine de Suède, puis à Grolta-Ferrata, au Mont-Cassin, à N’a pi es, il fallut repartir, laissant force ouvrage aux copistes. Le copiste grec travaillera plus de sept ans. Pour mener à bonne On leur tâche, les hagiographes

s’étaient interdit toutes visites aux monuments de Rome.

Le retour se fit par Viterbe, Sienne, Florence qui retint les voyageurs quatre mois entiers, Pistoie, Lucques, Gênes, Milan, où l’Ambrosienne faillit leur refuser le droit de copie, Xovare, Verceil, Turin. Et puis la France. Chambéry, Grenoble, la Grande Chartreuse, Tournon, Vienne, Lyon, Màcon, Cluny, Citeaux, Dijon, Auxerre, Pontigny, Sens, Paris, où le P. Labbe se constitua guide des Bollandistes, le- » PP. Cossart et Vavasseur tirent les honneurs de la bibliothèque du Collège de Clermont. La bibliothèque du chancelier Séguier s’ouvrit devant eux ; le dominicainCombéfis leur rendit de signalés services. Après trois mois à Paris, on regagnait la Belgique par Rouen, Jumièges, Fontenelle, Le Bec, Eu, Abbeville, Arras, Saint-Vaast.

Cet épisode nous a retenu longtemps : il nous semble caractéristique. Rentrant au musée bollandien, chargés de dépouilles opimes, les deux pèlerins de l’hagiographie avaient donné unexemple qui ne sera point perdu.

Pour une raison très différente, un autre de ces voyages mérite d’être rappelé. C’est celui que fit, de 16117 à 1700, le bollandiste Janninck, envoyé à Rome pour défendre l’honneur de sa Société. Voici à quelle occasion.

Le P. Daniel Papebroch, homme de critique incisive et de franc parler, avait publié, en tête du tome II des Acta Sanctorum d’avril, son célèbre Propylæum antiquarium circa veri et falsi discrimen ir : vêtus lis memùranis, qui est un magistral traité de critique diplomatique. L’ouvrage n’était pas parfait ; il provoqua sur quelques points la contradiction de Mabillon, à qui Papebroch, avec une bonne grâce empressée, rendit les armes. Ce fut alors, entre les deux illustres religieux, un assaut de courtoisie et d’humilité ; Mabillon déclarant qu’il tiendrait à plus grand honneur d’avoir écrit la rétractation de Papebroch que son propre traité De re diplomatica. Mai : d’autres juges, qui n’étaient pas Mabillon, intervinrent pour souligner, cette fois, dans le Propylæum maii, certaines propositions malsonnantes. Le livre fut mis à l’index par l’Inquisition espagnole, et arec lui toute la collection des Acta Sanctorum, de mars à mai. Tandis que Papebroch tentait vainement de savoir quelles hérésies lui étaient imputées en Espagne, ses ennemis travaillaient à faire confirmer la sentence par l’Inquisition romaine. Ils n’y parvinrentjamais ; toutefois le l’ro/nla eu m maii fut atteint le 22 décembre 1700 par une condamnation de l’Index. La censure ne devait être rapportée qu’après deux siècles, dans le nouveau catalogue de l’Index publié sous Léon XIII, en 1900. Quant à la sentence espagnole, elle fut retirée dès 1 7 1 Tj, six mois après la mort de Papebroch. Le P. Cassani. professeur à Madrid et qualiiicateur du Saint-Office, avait travaillé neuf ans à cette réhabilitation.

La publication des Acta Sanctorum avait été conduite jusqu’au mois d’octobre, quand la Compagnie de Jésus fut supprimée en 1773. L’œuvre des Bollandistes ne fut pas entraînée immédiatement dans cette ruine ; elle vécut encore vingt ans, d’une vie ralentie, pour achever de mourir dans les guerres de la Révolution française.

L’année 18 : 17 a vu sa résurrection, et au cours du dernier siècle ses fastes ont enregistré plus d’un glorieux souvenir, avec les noms des PP. Victor De Buck et Charles De Smedt, pour ne citer que des morts. L’œuvre s’est faite plus large, les enquêtes plus profondes, la méthode plus sévère ; l’esprit demeure ce qu’il fut dès le commencement. Quand on pénètre aujourd’hui dans cette bibliothèque du col[145

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îège Saint-Michel, à Bruxelles, qui a recueilli tant île débris précieux, groupé dans un ordre parfait tant >le réponses, préparé tant de conquêtes nouvelles, poussé jusqu’au io c jour de novembre l’imposante collection des Acta Sanctoruin, on éprouve une impression de respect, et l’on croit sentir l’àme des vieux saints planer dans le sanctuaire où leur gloire est l’objet d’un culte si pieux et si éclairé. A loucher ces reliques, et l’image de Bollandus, et le

  • iège de Papebrooh, on revit des jours lointains qui

furent des jours de foi et d’ardent labeur. Et la parole de l’Ecriture monte naturellement aux lèvres : Lochs in quo stas terra sancta est.

III. La communion des Saints. — La communion des Saints, fondement d’un commerce affectueux entre les chrétiens qui vivent sur terre et .eux qui sont morts dans la paix de Dieu, est un dogme de notre foi. Consciente de la solidarité surnaturelle qui relie les uns et les autres, l’Eglise de la terre se tourne avec confiance vers l’Eglise du ciel, pour éprouver le bienfait de cette solidarité ; les croyants cherchent, dans la gloire, où ils espèrent parvenir avec le secours de la grâce divine, des modèles et des intercesseurs. Leur attitude n’a évidemment aucun sens pourct, ux qui rejettent en bloc toute croyance surnaturelle ; àceux-là, nous n’avons rien à dire, sinon qu’ils feraient bien de reviser le ondement de leur incrédulité, ou plutôt d’ouvrir une âme docile aux sollicitations de la doctrine révélée. Mais des âmes nourries d’Evangile se font quelquefois du dogme de la Communion des Saints une idée fausse, ou n’estiment point à leur juste prix les ressources qu’il nous offre pour atteindre notre lin. A ceux-là, nous devons présenter le dogme, sinon dans toute son ampleur, du moins en ce qui touche les relations de l’Eglise militante avec l’Ejrlise triomphante. Des perspectives plus larges ont été ouvertes à diverses pages de ce Dictionnaire, notamment aux articles Rédemi-tion, Prikrk. Pour les conséquences spéciales du dogme à l’égard de l’Eglise souffrante, voir les articles Pcr ATOIRE, iNOl’LGBNCKS.

Dans l’Encyclopédie des Sciences Religieuses, de P. LicHTBXBRRr.BR, art. Communion des Saints (1878), A. ViGt’ié écrit :

Un des articles du symbole des Apôtres, dont l’importance dogmatique grandit surtout en Occident. Dans la formation progressive du symbole des Apôtres, cet article est le plus récent. On ne le rencontre pas avant le cin|uième siècle (voir mon rapport sur le symbole des Apôtres, et surtout létude complète et substantielle de M, -Michel Nicolas, Le Symbole des Apôtres, Paris, Michel Lévy, 1867)… Cet article… ne pouvait, pas d’ailleurs venir avant cette époque, puisque l’idée qu’il exprime prend naissance seulement au cinquième siècle. Au cinquième siècle, en elfel. il se fait un revirement complet dans la notion des rapports existant entre les saints, les martyrs glorifiés, et’es chrétiens vivait sur la terre. Pendant les quatre preniers siècles, les docteurs de l’Eglise enseignent qu’il faut

; rier pour les martyrs, les saints, en vue de la rémission

ies fautes qu’ils auraient pu commettre.. A partir du cinquième siècle, au contraire, de semblables prières semblent -ine injure. Il ne faut pas prier pour eux, mais bien se recommander à leurs prières, à leur intercession, comme à 1 intercession des anges. Augustin dit : Injuria est prn martyre o r arc. cujus nos debemut orationibus contmtnrlari [Sermo n~). A partir de ce moment, l’idée de la nunion et de l’intercession des saints devint générale et

rit place au symbole comme article de foi. Primitivement idée ne manque ni de grandeur ni de poésie, elle exprime

union organique et vivante de toutes les âmes, qui dans lescieax et sur la terre, ont été pénétrées de Jésus-Christ. Mai* insensiblement elle tourne a l’idée catholique et puremécanique de l’intercession des saints… L’Eglise

romaine et 1 Eglise protestante oui suivi leur tendance naturelle, l’une en matérialisant de plus en plus l’idée de la Communion des Saints, l’autre en la spiritualisant.

Nous ne prétendons pas relever toutes les erreurs contenues dans ce jugement, Bien de moins exact que la présentation de l’enseignement ofticiel de l’Eglise au IV siècle, d’après laquelle on aurait alors prié Dieu pour les martyrs !

Très différent est le jugement porté sur le dogme de la « Communion des Saints » par nombre de protestants, parmi lesquels nous aimons à compter un éminent théologien de la confession anglicane, H.-B. Swbte (y 1 9 1 7). Dans un volume paru peu avant sa mort fous ce titre : The Ifoly Catholic Chnrch. The Communion 0/ Saints, London, 191"), >" éd., 1919, il rend hommage à la pensée profondément religieuse qui s’épanouit dans cet article du Symbole, et s’il ne rejoint pas sur tous les points les positions catholiques, du moins y reconnaît-il quelque bien.

Nous étudierons successivement :

1. Les fondements scripluraires du dogme. a. Le développement patristique.

3. La pénétration de la formule Communia Sanctorum dans le Symbole.

1. Fondements scripturaires du dogme. — Le dogme de la Communion des Saints a son fondement en Dieu même, qui appelle et attire tous les hommes à l’unité de la vie en Dieu. Le Christ dit à son Père, dans sa prière sacerdotale, /o., xvii, 9. 19-21 :

« Je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que

vous m’avez donnés, parce qu’ils sont vôtres… Et je me sacriûe pour eux, afin qu’eux aussi soient consacrés dans la vérité. Je ne prie pas pour etix seulement, mais encore pour ceux qui, par leur parole, croiront en moi, aûn que tous soient un, comme vous, Père, êtes en moi, et moi en vous, alin qu’eux aussi soient un en nous… » Il propose la condition de cette unité en Dieu, lo, , xiv, 13-17, 23 :

« Ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, 

alin que le Père soit gloriûé dans le Fils. Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai. Si vous m’aimez, gardez mes commandements. Et je prierai le Père, et il vous donnera un autre Consolateur, pourqu’il soit avec vous à jamais, l’Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit point et ne le connaît point ; mais vous le connaissez, parce qu’il est avec vous ; il sera en vous… Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera et nous viendrons à lui et nous ferons en lui notre demeure. » Il en explique l’économie, sous la figure de la vigne mystique, lo., xv, i-5 : « Je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron. Tout sarment en moi qui ne porte pas de fruit, le Père le retranche ; et tout sarment qui porte du fruit, il l’émonde, afin qu’il porte plus de fruit. Déjà vous êtes purs, à cause de la parole que je vous ai dite : Demeurez en moi, et moi en vous. Comme le sarment ne peut pas porter de fruit de lui-même, s’il ne demeure dans la vigne, ainsi vous, si vous ne demeurez en moi. Je suis la vigne, vous les sarments ; celui qui demeure en moi et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit : sans moi, vous ne pouvez rien faire. »

Saint Paul a repris les mêmes enseignements, sous la figure du Christ mystique, dont les fidèles sont les membres. Rom., xii, 4-5 : « De même que dans un seul corps nous avons plusieurs membres, et que ces membres n’ont pas tous la même fonction, ainsi, tous tant que nous sommes, formons un seul corps dans le Christ, et chacun pour sa part 1147

SAINTS

1144

est membre des autres. » Ailleurs, avec référence concrète aux Sacrements de l’Eglise, I Cor., x, î G— 1 7 : « Le calice de bénédiction que nous bénissons, n’est-il pas une communion au sang du Cbrist ? Le pain que nous rompons, n’cst-il pas une participation au corps du Christ ? » xii, 12-27 :

« Comme le corps est un et a plusieurs membres, et

les membres du corps, tous tant qu’ils sont, ne forment qu’un seul corps, ainsi le Cbrist : car tous nous avons été baptisés en un seul Esprit, pour former un seul corps, Juifs ou Gentils, esclaves ou libres. Et tous nous avons été abreuvés d’un seul Esprit. Car le corps n’est pas un seul membre, mais plusieurs. Si le pied dit : « Je ne suis pas la main, Jonc je ne suis pas du corps », il n’en est pas moins du corps Si l’oreille dit : « Je ne suis pas l’œil, donc je ne suis pas du corps », elle n’en est pas moins du corps… Dieu a placé les membres, cbacun avec sa fonction, dans le corps, comme il a voulu… Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui : si un corps est glorifié, tous les membres se réjouissent avec lui. Or vous êtes le corps du Christ, elses membres, chacun pour sa part… » Epli, iv, 7-16 : « A chacun de nous la grâce a été donnée, selon la mesure du don du Christ. C’est pourquoi il est écrit :

« Ilest monté en haut, emmenant captive la captivité, 

il a accorde des donsaux hommes… Il a fait les uns apôtre », les autres prophètes, les autresévangélistes, les autres pasteurs et docteurs, en vue de l’aclièvementdes saints, pour l’œuvre du ministère, pour 1 édification du corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’homme parfait, à la mesure de la stature parfaite du Christ, afin que nous ne soyons plus des enfants, flottants et ballottés à tout vent de doctrine, par la légèreté des hommes, par leur fourberie habile à tromper ; mais que, confessant la vérité dans la charité, nous croissions de toute manière en Lui qui est le chef, le Christ. Par lui tout le corps, uni et accordé par les liens de tous les membres qui se prêtent un mutuel concours, collabore pour sa part à la naissance de l’organisme, pour l’édification dans la charité. » Col., , 19-20 : « Il a plu [a Dieu] de faire habiter en lui toute plénitude ; de réconcilier par Lui toutes choses avec Luimême, pacifiant par le sang de sa croix la terre et le ciel. » ii, n ;  ; ni, |5, etc…

Saint Pierre donne une expression singulièrement forte à l’activité salvifique du Christ, II Pet., 1, 3, 4 :

« Sa divine puissance nous a tout donné pour la vie

et lu piété, en nous faisant connaître Celui qui nous appela par sa propre gloire et sa propre vertu, par là nous mettant en possession de précieuses et incomparables promesses, pour nous rendre participanlsde la naluredivine… »

La participation de la nature divine, accordée à tous ceux qui s’approprient le fruit de la Rédemption, voilà le fondement de la Communion des Saints. Quiconque tient la Rédemption du Christ pour un bien objectif, doit être préparé à comprendre qu’il s’agit d’une réalité très haute et très certaine. Entre tous les participants de la nature divine, la grâce sanctiliante forme un lien puissant et sacré

L’alliance de mots y.ovuviy. r-j iv « /< « , ne se rencontre pas. toute formée, dans le NT. Mais les éléments préexistent, et certaines de leurs acceptions confinent au sens que l’évolution de la pensée chrétienne attache à l’expres, sion : Communion des Saints.

Le mot xctvuvia — (non étranger à l’AT., voir Sa p., vin, 8), — se rencontre dans le NT. 19 fois, Art., ii, /i> ; Rom., x 26 ; I Cor., 1, 9 ; x. 16 (bis) ; Il Cor., vi, 4 ; viii, h ; iv, i.î : xiii, 13 : Gal., 11, 9 ; Util., I, 6 ; n

I ; iii, 10 ; Philem., 6 ; Hb.. xiii, iG ; l Io, 1, 3 (bis). 6. 7. Sans nous attarder à classer les diverses acceptions, notons que celle de participation commune y est très marquée ; par exemple, I Cor., x, 16, relatif à la communion eucharistique : t© nmfpiw rtfc -j/cyicti t lùivfoûfxsi, o’-iyt xetraivia itriv toj ou/xotri ; toù X^ittoj ;

IsTiv ;

Les mots oi r/’oi, très fréquents dans les écrit* apostoliques, n’impliquent — cela va sans dire — aucune sorte de canonisation, mais désignent le-. fidèles, avec spéciale référence à la sainteté qui doit être la règle de leur vie. Voir Act., ix, 13. 3a. 4> ; xxvi, 10 ; Rom., 1, 7 ; viii, 27, xii, 13 ; xv, 25. 26. 31 ; xvi, 9. 15 ; I Cor., 1, 2 ; vi, 1. 2 ; xiv, 33 ; xvi, 1. 15 ;

II Cor., 1, 1 ; vm. /J ; ix, 1. 12 ; xiii, 12 ; Epli., 1, 1. 15 18 ; n. 19 ; 111, 8. 18 : iv, 12 ; v, 3 ; vi, 18, etc ; Ap..’< ; viii, 3’* ; xiii, 7.

xiv, 12 ; xvii, 6 ; xix, 8 ;

xx, 9. Ces derniers textes montrent la terre et le ciel unis dans une même prière.

L’idée de solidarité, qui est au fond de lacommu nion des Saints, s’éclaire bien par le rapprochement de textes tels que II Cor., vi, 14-15 : T<s x « tvuy*31 foni Ttpb : ar.oxci : ri ; M tVftf ûvr, eii XpsroO Ttpc : Mùttr.p : /j tc’ ; fttfit

7t « ttû ii « rà i ni’t nw, … — De cette solidarité, une relation commune à Dieu est le fondement et la mesure. La mort même ne peut la rompre, selon la doctrine de l’Apôtre, Rom., viii, 38. 39.

2. Développement patristisque. — L’idée de solidarité chrétienne, amorcée en maint endroit du NT., devait trouver une expression chez les Pères les plus anciens. Nous ne pouvons que planter quelques jalons dans un champ immense.

Saint Clément de Romk invite, avec insistance, les fidèles à lever les yeux vers le ciel, pour y contempler les héros de l’AT. et du NT., qui les y ont précédés, et leur montrent la voie. I Cor., v. ix-xh. lv etc.. L’intercession des morts pour les vivants est une donnée plutôt rare dans l’Ecriture. Pourtant, l’on se rappelle la vision de Judas Macchabée, II Mac, xv, 12-16. Il a vu le grand prêtre Onias, les mains étendues, priant pour tonte la nation des Juifs. Il a vu paraître, aux côtés d’Onias, un autre personnage vénérable, et Onias lui a dit : « Celui-ci est l’ami de ses frères, qui prie beaucoup pour le peuple et pour la ville sainte, Jérémie, le prophète de Dieu. » Et Jérémie lui a mis en mains une épée d’or, pour briser les ennemis d’Israël. On se rappelle encore les peintures de l’Apocalypse, vi, 9-11 :

« Quand l’Agneau ouvrit le cinquième sceau, je vis

sous l’autel les âmes de ceux qui avaient été égorgés pour la parole de Dieu et pour le témoignage qu’ils gardaient. Et ils crièrent d’une voix forte : « Jusqu’à quand, Seigneur saint et véridique, tarderez- vous à faire justice et à venger notre sang de ceux qui habitent la terre ? » Et à chacun d’eux fut donnée une robe blanche, et il leur fut dit de se tenir en repos quelque temps encore, jusqu’à ce que fût complet le nombre de leurs compagnons de service et de leurs frères, qui devaient être mis à mort comme eux. » Les Alexandrins furent les premiers à reprendre et à développer ces enseignements.

Ci.kmknt d’Alexandrie montre dans l’Eglise du ciel un idéal auquel doit se conformer l’Eglise de la terre, Slrom., IV, viii, P. G., VIII, 1277 B. Il montre le gnostique occupé de saintes pensées, l’âme toujours pure pour la prière, priant avec les anges et déjà l’un d’entre eux, vivant sous leur sainte garde ; même quand il converse seul avec Dieu, environné parlechœur des saints anges. Strom., VII, xii, P. G.,

IX,. r » o8 C : MîT’àyyOwv finirai, toi àv r, 6r, « ai iiayyeio : , oiiài tfu 7rtT£ t ?, : ày<V ; optupRç "/ « V*T « te, kkv pùvo ; i’jy-r^a.i, riv zCi" v/i’ou X&pov or « VWTKtt « » 9 » $X*t, 11’*9

SAINTE

1150

Origbnb ouvre plus largement les mêmes horizons, et s’y meut avec une prédilection marquée.

U, Oraiione, xi, /’. G, XI.’|'|SB-’|5alt, après avoir parlé de riuiercesiion du Christ :

Le Grand l’retre n’est pas seul à prier avec ceux <(ui prient bien, mais ou outre les anges qui, au oiel.se réjouissent sur un pécheur qui fait pénitence, plus que sur quatre vingt dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de pénitence l.uc, xv, 7/ ; et eneoi les urnes des saints qui sont morts. La preuve en est que ftaphac-1 offrit à Dieu un culte raisonnable pour Tobio et Sara [Tob., lit, « 4j ni, ta, |5. S)… 1-s preuve en est encore que.lérémie intervint pour le peuple et la ville sainte, selon les livres des Macchabées [Il Mac, xv, 13-ii, … Impossible do croire, quand la science se montre présentement aux saints comme dans un miroir et en énigme, mais au ciel se révèle face à face, qu’il n’en soit pas de même des autres vertus, alors quoles apprêts de cette vie atteignent leur plein achèvement. Or l’une des plus excellentes vertus, selon la parole divine, est la charité envers le prochain, qu on doit attribuer aux saints morts envers ceux qui peinent en cette vie, beaucoup plus qu’à ceux qui sont exposés la faiblesse humaine et associés à de durs combats ; car là s’applique encore cette loi [ Cor., iii, s6 ; X ! , 28)… Imaginons un médecin soucieux de la justice, à qui un malade demande la santé ; sachant les remèdes propres à guérir le mal pour lequel on l’implore. Evidemment, il sera porté à guérir celui qui l’implore, d’autant qu’il présumera sans doute que telle est la volonté de Dieu, qui a exaucé la prière du malade pour sa guérison. Ou bien, imaginons un homme abondamment pourvu des choses nécessaires à la vie et disposé a en faire part ; qu il entende la prière d’un pauvre qui implore Dieu pour ses nécessités. Evidemment il accomplira la prière du pauvre, se faisant le ministre de la volonté du l’ère icéleslei, qui. au temps de la prière, aura amené vers le nécessiteux un bienfaiteur capable de l’assister et disposé à satisfaire son besoin Eh bien ! comme il v a lieu de < roire que rien de tout cela n’arrive par hasard, car celui qui a compté tous les cheveux de la tête des saints [Ht., x, 31) amène au temps d>^ la prière le ministre de ses bienfaits, disposé à exaucer la priè>e confiante ; ainsi doit-on supposer que les anges, inspecteurs et serviteurs pour Dieu, assistent parfois ceux qui prient, pour conspirer à l’effet de la prière…

De même xxxi, 553.

Exhort. ad Martyr, x <x. /’. G., XI, 601 AB : De même que les ministres de l’autel, selon la Loi de Moïse, semblaient procurer par le sang des taureaux et des boucs la rero’ssion des péchés (aux enfants d’Israël), ainsi les .unes de ceux qui ont cpiré sous la hache pour le nom de Josus, ne sont pas en vain ministres de l’autel céleste, pour procurer la rémission des péchés à ceux qui prient

Contra Celium, VIII, lxiv, /’. G., XI, 161aC-16134 : Il nous faut donc gagner la bienveillance du Dieu toutpuissant et implorer ses faveurs ; on gagne sa bienveillance fiar la pété, par toute vertu. Veut-on, après la bienvoilan e de Dieu, en gagner d’autres encore, il faut considérer que, comme les mouvements du corps sont accompagnés par les m invements de son ombre, ainsi la bienveillance de Dieu attire la bienveillance de tous les amis de Dieu, antres, âmes, esprit ». < lar ils connaissent ceux qui sont dignes de la bienvei lance divine ; et non seulement eux-mêmes leur deviennent bienveillants, mais ils assistent ceux qui veulent servir Dieu, leur gagnent sa bienveillance, ap Îiuient leurs prières et leurs deinan les : j’oserais dire que es hommes fermement résolus à bien faire et priant Dieu, sont, sans même l’avoir demandé, appuyés lans leurs prieras par d’innombrables puissances relestes, qui font écho à notre race mortelle et, pour ainsi dire, lui prêtent mainforte, voyant les démons armés et acharnés pour la perte de ceux-là surtout qui se consacrent à Dieu…

/n fait., ut, r. G., XIII, 160 A : On peut bien dire que ies saints disparus de cette vie ayant encore la charité pour ceux qui demeurent en ce monle, s intéres*ent à leur salut et le* assistent de leur prière et de leur intervention auprès de l » ien.

Tbrtulubn parle, à maintes reprises, de commune (cum Ecclesia). Apol., xxxix., sur les assemblées chrétiennes : ludicatur magno cum port. ut apud Dei coiispcctu, summumque

futur 1 iudicii prveiitdieium est, si qui s il » drliqur ni, ut r coinmtinictitioiic orationis cl convoita omnis sancti commerça relegetur. — De Baptismo, xv : Hurretici nulliini ha lient consortium nostræ dis cipliiuie. quos extrnneos utiqite testatur ipsa ademp tio communication^. — De præacr. Iiæret., xliii : Ubi metus in Deum, ibi… adlectio e.rplorntit et communicatio délibérât »… — De Pudicitia, tu : Adsistit pro foribus (Ecclesiae), et de notæ suac eiemplo ceteros admonet. et lacrimas fratrum sibi quoqne advocat, et redit plus inique negotiata, compassionem sr. t quam coin munie » tionem. — Voir A. n’Aies, I.Edit de L’altiste, p. 176.376, Paris, 191^-La Passio S. l’rrpi-tuae, — document carthaginois de l’année ao3, vraisemblablement attribuai » ! » à Tertullien lui-même, — fait allusion, dans son prologue, à la communion des saints, avec une surprenante précision dans les termes : Quodaudivimu et conlrectavimus anniuitiamits et vobis, fratres é filioli ut et vos, qui inter/uistis, rememoremini gloriur Domini, et qui nunc cognoscitis per and tum communionem habeatis cum sanctis martyribu > et per illos cum Domino les » Chrislo… — P. /-., III, 16 ; Tcits and Studies, I, 2, p. 62. Cambridge, 1891. Saint Cyprirn, s’il ne parle pas expressément de communie sanctorum, parle en revanche de communio mrilorum t comme d’un danger et d’une faute, Ep., lxix, 9 p. 768 : Participes poenis destinari, ni s se a communione malorum separaverint, … poena statimpm impiacommunione persolveret. Cf. i/>irf., 6. « 

Il parle couramment de comnuinicutio, par où il sous-entend la communion eucharistique et exprime directement la communion avec l’Eglise. Laps., xv xvi. xxxiii ; Epp., xv, 1 ; xvi, 2 ; xvii, 2 ; Xix, 2’i.v. 17. 19 ; i.vii, f ; lxviii, 1, etc. Il escompte l’intercession des martyrs et des saints auprès de Dieu ; mais, comme autour de lui la croyance à la réversibilité des mérites engendrait parfois la présomption, il s’applique à prévenir l’illusion ; Laps xvii, p. 2/19 : Dominas erandus est, Dominus nosiru sattsfaclione placandus est… Credimus quidem passe apud ladicem pliirimnm martrrum mérita et opéra iustorum ; sed cum iudirii dies venait. Voir notre Théologie de saint Cyprien, p. 283.290.

Firmilibn écrit, Ep., lxxv, 24 : Communio ecclesia stic ne uni ta lis.

Il n’est donc pas nécessaire de dépasser le m’siècle, pour rencontrer de multiples allusions à la communion des saints et des alliances de mots qui amorcent la formule du dogme. Au ive siècle, les allusions surabondent, soit chez les Pères Grecs soit chez les Pères Latins. Le lecteur en quête d’une documentation complète pourra consulter J. P. Kirsch, Die L.ehre von der Gemeinschajt der Ileiligen im chri.stlichen Allerthum, c. m. Mainz, 1900 ; ou encore deux bons articles du Dict. de Tbéol. Calh., Aspect dogmatique et historique, par P. Bernard ; Monuments de l’antiquité chrétienne, par II. S. Bodr (1908) ; G. Rabkau le culte des Sain ! dan* l’Afrique chrétienne, d’après les inscriptions et les monuments figures, Paris, igo3. Nous produirons seulement quelques textes de Pères grecs et de saint Augustin.

Saint CrniLLB dr Jkrusai.iîm constate que l’Eglise, en offrant le saint sacrifice, a coutume d’invoqnei le3 saints de Dieu. Cat., XTin(Mystagog., v), q, P.’., XXXIII, 1 1 16 B : « Ensuite, nous faisons encore mémoire des défunts, à commencer par les patriarches les prophètes, les apôtres, les martyrs : afin que Dieu, par leurn prières et leurs intercessions, accueille notre demande. Puis, nous prions encore pour les es saints pères et évoques, et en un mot pour tous nos défunts : persuadés que leurs âmes. 151

SAINTS

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pour qui se fait la demande, recevront grand bien de la sainte et redoutable victime, présente (sur l’autel). » Ce passage distingue très nettement les intercesseurs, de ceux qui ont encore besoin d’intercession.

Saint Basilk se plaît à montrer dans le Saint Esprit le principe de toutes les opérations divines pour le salut et de l’unité vitale dans l’Eglise. De Spir. S., xxvi, 6 1, P. G., XXXII, 180-1 : « Tous les membres constituent le corps du Glirist dans l’unité de l’Esprit ; et tous doivent procurer les uns aux autres le bienfait des charismes divins… Comme les parties dans le tout, nous sommes un dans l’Esprit ; car tous nous avons été baptisés dans un seul corps, en un seul Esprit. » — Cette unité embrasse la cité céleste, Nom. in Ps., xlv, 4, P- G., XXIX, 4^2 C : « Le fleuve divin arrose toute la Cité de Dieu, je veux dire l’Eglise de ceux qui habitent le ciel. Toute créature, depuis les puissances supraterresties jusqu’aux âmes humaines, constitue la cité que réjouit le flot de l’Esprit. On appelle cité un ensemble d’édiflces, régi par des lois. A la Jérusalem d’en haut, cité céleste, s’adapte cette définition de la cité. Là est l’ensemble des premiers nés, inscrits dans les cieux : édilice immuable, de par la conduite des saints, et régi par la loi céleste. »

Saint Grégoire dr Nysse donne la formule exacte des hommages dus aux saints, dans son deuxième panégyrique de S. Etienne./’. G., XLVI, 732 C : « Nous qui avons le bonheur de célébrer la mémoire de ces grands hommes, rendons-leur grâces, non pas autant que nous le devons — cela ne se peut, — mais autant que nous le pouvons : ils s’en contentent. Les saints attendent de nous ces hommages, non pas pour en tirer quelque bien, mais pour nous faire part de leurs bienfaits. »

Saint Augustin écrit, au sujet des hérétiques Patripassiens, Serm., lii, 3, C, P. L., XXXVI11, 067 : Removit istos Ecclesia catholica a communione sanctorum, ne aliquem deciperent, utëeparati htigarent. — Beaucoup plus souvent, il parle de communia sacramentorum, comme étant, de droit, le partage des amis de Dieu, mais étant, de fait, provisoirement accordée à plusieurs qui n’auront point part à la gloire des saints. Civ. Dei, I, xxxv, P. /.., XLI, 5(j : Dei c : vitas habet secum] qaandiu peregrinatur in mundo, connexos communione sacrante nlorum, nec secum futuros in aeterna sorte sanclorum. Serm., ccxiv, 11, P. L., XXXVIII, 107 1 : Ecclesia Dei vivi, columna et firmamentum verilalis, malos in fine separandos, a quibus intérim discedit disparilitate morum, tolérât , Il communione sacramentorum. Comparer Ep., CXLI, 5, P. L., XXXIII, 579 : Communio malorum non maculai aliquem participatione sacramentorum, sed consensione fuclorum. Retract., II, xvii, P. L., XXXII, 63} : In tribus libris contra Epistolam Parmeniam Donatislarum Carthaginensis episcopi successorisque Donati, quæstio magna versatur et solvitur : utrum in iinitate et eorundem communione sucramentorum muii contaminent bonos. Serm., c.xvn, 4, 6, P. L., XXX.VII1, 665, il expose la doctrine arienne, et poursuit : Hoc respuit /ides, respuunt aures catholicæ ; aiiathematur, extra est //ni hoc sapit, non perlinet ad participationem societatemque sanclorum. Ailleurs, il cite le décret d’un conciliabule donatiste, tenu au plus tard en 3a3 : In Pi., xxxvi, Enarr., >o, P.L. XXXVI, 37g : Decrevimuê omnes sacerdotes l)ei, præsenleSpiritu sancto, hune eundem Primianum, primo quod super eiVos episcopos altos subrogarit ; quod inceslos cum sanctorum communione miscuerit, etc..

— Parmi les innombrables allusions d’Augustin lui-même à la vraie communion des saints, l’une des plus remarquables se lit, Enchirid., i.vi, |5, P. L., XI, 258.

Nous détacherons quelques lignes : Quidquid de homine Christo dictum est, ad unitatem personæ Unigeniti perlinet. Rectus itaque confessionis ordo poscebat ut Trinitati subiungeretur Ecclesia, tanquam habilatori domus sua et Deo templumsuum eteonditori ch’itas sua. Quæ tota hic accipienda est, non solum ex parte qua peregrinatur in terris, a solis ortu usque ad occasum laudans nomen Domini et post captivitatem vetuslatis cantans cauticum novum, verum etiam ex illa quæ in cælis semper, ex quo condita est, cohæsit Deo, nec ullum malum sui casus experts est. Hæc in sanctis angelis beata perstitit, et suae parti peregrinanli sic ut oportet opitulatur ; quia utraque una erit consortio aeternitatis, et nunc un a est vinculo carilatis, quæ tota instituta est ad colendum unum Deum…

3. Pénétration du Sanclorum Communionem dans le Symbole des Apiitres. — Les considérations précédentes laissent ouverte la question de l’introduction des mots Sanctorum Communionem au Symbole. A quelle date et sous quelles influences s’est faite cette introduction ? Il faut probablement désespérer de donner une réponse de tous points satisfaisante. Essayons de faire quelques pas vers la vérité.

On a déjà rencontré le Sanctorum Communionem dans un texte donatiste, non postérieure l’année 30, 3. Il leparait dans un autre texte, donatiste, la lettre adressée par les évêques de la secte lors de la conférence de Carthage (41 1), au tribun FI. Marcellinus, i.l-., P.L., XLI1I, 835-7.

Si Apostoli in Ecclesia zizania, i.e. filios diaboli pullulantes in sanctorum communione dimiltendos esse didicisscnl, nunquam Simonem, Erastum, Filetum, Alexandrum, Deman, llermogenem ceterosque construites Ecclesiæ liminibus eiecissent. …lubenlurpolluti e medio sanclorum, sacerdotum diligentia separari. .. tanquam pisces mali, a sanctorum consortio separantur… Contra hæc et alia, quibus Ecclesia Dei (i contaminatione permislorum immundorum de/’enditur, clarum est adversarios qua conscientia patrocinantes erroribus malos nolint a bonorum communione discerni… Inveniuntur iidem prophetæ a malorum communione se absli/tnisse.,. dæmoniorum communioni misceri.

Parmi les textes catholiques, l’un des plus anciens sûrement est ce texte d’un concile de Ximes, 3y/J, c. 1, que nous reproduisons d’après Dom G. Morin, R II.I..R., l. IX(i(jo4), p. 223, — sauf particularités orthographiques :

In primis quia multi de ultimis Orientis partibus tenientes presbyteros et diaconos se esse confmgunt, ignota cum suscriptiotie epislolia ignorantibus se inger entes, qui dum specie fidelium sum ptum stipemque captantur, sanctorum communione speciem simulatac religionis imprimant : placu.it nobis, si qui fuerint eiusmodi, si tamen communis Ecclesiæ causa fuerit, ad ministerium altaris non admiltantur.

Mais ce texte ne provient pas d’un symbole. Parmi les symboles catholiques, le témoin le plus ancien du Sanclorum Communionem pourrait être le symbole édité par Dom G. Morin, d’après quatre mss., sousre titre : De Fide sancti Ilieronymi Presbyteri ; Anecdota Maredsolana, III, 3, p. 199 (1903) ; cf. Rev. Hénéd., uj<>4, p. 1-9. L’éditeur de cette pièce très curieuse n’ose l’identilier avec le symbole que saint Jérôme (Ep., xvii, 4) atteste avoir adressé, avant 377, à saint Cyrille de Jérusalem. Mais sa provenance Iiiëronymienne est plausible, et son antiquité hautement vraisemblable, selon d’excellents juges (Harnack, Kattrnbusch, Svvbtk). Voir R.U.L.R., igo4, p. 227.

A la fin du iv « siècle, peut appartenir également anatio Symboli de Nicbta db Riîmesiana, cv1153

SAINTS

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que en Dæie, publiée pour la première foii par Ca » pari, Kirchenhistoriscke Anecdota, t. I, p. 355-7.

On y lit :

In hac una Ecclesia credo te communionem consecuturum esse sanctorum. Scito unamhanc esse Ecclesiam catholicam in omni orbe terme constitutum, cuius communionem debes firmiter retinere. Sunt quidem et aliæ pstudo-ecclesiae, sed nihil iibi commune cum illis…

On remarquera ici un trait fort intéressant : l’orientation particulière du texte vers la communion en perspective avec les saints dans la gloire, terme normal de la communion conservée en terre avec l’Eglise.

Après le milieu du v « siècle, on rencontre Sanctorum Communionem dans une série de symboles gallicans. Tel celui de Falstb db Riez, d’après Caspari, Anecdota, p. 338 :

Credamus et sanctorum communionem ; sed sanctos non tain pro Dei parte quam pro Dei honore vénère mur.

Tels probablement aussi les symboles constituant les sermons pseudoaugustiniens ccxl à ccxliv de l’appendice bénédictin.

Serm.. ccxl, 1, P. L, , XXXIX, 2189 : Sanctorum communionem : quia dona Sancti Spiritus licet in hac diversa sint in singulis, in aeternitale tamen eriint communia in universis ; ut quod quisque sanctorum minus habuit in se, hoc in aliéna virtute participet.

ccxli, 4, 2191 : Credentes ergo sanctam Ecclesiam catholicam, sanctorum habentes communionem, quia ubi est /ides sancta, ibi est et sancta communia, credert vos quoque in corpore resurrectionem et remissionem peccatorum oportet.

ccxlii, 4> 2193 : Sanctorum communionem : i. e., cum illis sanctis qui in hac quam suscepimus fide defuncti surit, societate et spei communione teneamur.

ccxliii, 4, 2194 ; ccxliv, i, 219").

Puis le symbole de saint Cbsairb d’Arles (503543) V. Haiin, Bibliothek der Symbole, p. 72.

De Gaule, le Sanctorum Communionem passa dans les Iles Britanniques. On le retrouve au vne siècle dans l’antiphonaire de Bangor ; au viue, dans le Dook of Deer. A Rome, il semble avoir pris pied sous le pape Niolas I er (808-867), avec la forme gallicane du Symbole : mais son acceptation ne devint générale qu’à la (in du xn" siècle, Swetb, op. cit., p. 160.

Parmi les témoins de cette acception générale, citons saint Bernard, Tract, de Caritate, xxxiii, 10 r, P. f.., CLXXXIV, 533 C. On trouvera la doctrine, sans le mot, chez Pierre Lombard, IV d., 45, 7, P-L., CXGII, cpo.

Ces textes, et ceux qu’on y pourrait joindre, présentent pour la plupart l’acception des mots Communio Sanctorum à laquelle nous a habitués la récitation du Symbole, c’est-à-dire que le mot Sanctorum est un masculin, et qu’il s’agit, mot à mot, de

« communion avec les saints «.Néanmoins, une autre

acception n’est pas sans exemple, où sanctorum est un neutre, et où il s’agit, mot à mot, de « communion aux choses saintes ». Les deux acceptions ne se contredisent nullement, et il n’est pas toujours facile d’opter entre deux.

Yves os Cha.ktrbs autorise l’une et l’autre, Serm, , xxiii, De Srmb. Ap., P. L., CLXII, 60f) C : Sanctorum communionem, i. e. ecclesiasticorum sacramentorum i’' ; t/>m, cui communicaverunt sancti, qui in unifidei de hævita migraverunt. De même, et plus nettement, Arélard, Expositio Symb. Ap., P. /,., LXXVIII, 629-630 : Sanctorum communionem^ h. e., illam quo sancti c/ficiuntur vel in sanctitate confir Tome IV.

mantur, divini se. sacramenti participatione ; vel communem Ecclesiæ fidem, sive caritatis unionem. Possumus et sanctorum dicere neutralité/-, i. e. sanctificati punis et vini in sacramentum altaris. Une version franco normande du Credo, citée par Hburtlby, Ilarmonia Symbolui, p. 93, porte : « la communion des saintes choses ». Th. Zahn montre pour cette acception une prédilection marquée Dus Apostolische Symbolum, p. 90-93, Leipzig, 1893.

L’auleur de l’art. Communion des saints, dans le Dict. de Théol. cath., col. 446, retrouve ce sens chez saint Thomas. « C’est au neutre du mot sanctorum que s’arrête le docteur angélique ». Je ne puis partager cet avis. Le texte du docteur angélique réunit bien les deux idées, et l’on trouve dans son texte un neutre, mais c’est bonorum, non sanctorum ; une formule brève, pour résumer sa pensée, serait : Communicatio bonorum inter sanctos. Voici le texte :

S. Thomas, Opusc, vii, In Symbolum Apostulorum. Art. 10. Sanctorum communionem, remissionem peccatorum :

Sicut in corpore naturali operalio unius membri cedit in bonum totius corporis, ila in corpore spirituali, se. Ecclesia. Et quia omnes fidèles sunt i/iium corpus, bonum unius alteri communicalur.Apostolus, Rom., 12, 5 : Singuli autem aller alterius membra. Unde et inter alia credenda quæ tradiderunt Apostoli, est quod communio bonorum sit in Ecclesia ; et hoc est quod dicitur : Sanctorum communionem. Inter alia vero membra Ecclesiae, principale membrum est Christus, qui est caput. Eph., 1, 22 : Ipsum dédit caput super omnem Ecclesiam, quæ est corpus ipsius. Bonum ergo Christi communicatur omnibus Christianis, sicut virtus capitis omnibus membris ; et hæc communicatio fit per sacramenta Ecclesiae, in quibus operatur virtus passionis Christi, quæ operatur ad conferendam graliam in remissionem peccatorum…

Sciendum est ctiam quod non solum virtus passionis Christi communicatur nobis, sed etiam meritum vilæ Christi ; et quiquid boni fecerunt omnes sancti, communicatur in caritate existentibus, quia omnes unum sunt. Ps. 118, 63 : Parliceps ego sum omnium timentium te. Et inde est quod qui in caritate vivit, particeps est omnis boni quod fit in toto mundo, sed tamen specialius illi pro quibus specialius fit aliquod bonum : nam unus potest salisfacere pro alio, sicut patet in beneficiis ad quæ plures congregationes admittunt aliquos. Sic ergo per hanc communionem consequimur duo : unum se, quod meritum Christi communicatur omnibus ; aliud, quod bonum unius communicatur alteri, unde excommunicati, per hoc quod sunt extra Ecclesiam, perdunl parlem omnium bonorum quæ fiunt ; quod est maius damnum quam damnum alicuius rei temporalis.

Le Catéchisme du Concile deTrenle dit pareillement I, x, 24 :… Omnium enim sacramentorum fructus ad universos fidèles pertinet ; quibus sacramentis, veluti sacns vineulis, Christo eonnectuntur et copulantur, et maxime omnium baptismo, quo, tanquam ianua, in Ecclesiam ingrediuntur. Hac autem sanctorum communione, sacramentorum communionem intrlligi debere, Patres in Symbolo significant illis verbis : Confiteor unum baptisma…

Arrêtons ici l’audition des témoignages, et recueillons les conclusions d’ensemble qui paraissent s’en dégager, quant à la période primitive.

L’accord semble fail aujourd’hui sur la réalité de la pénétration du Sanctorum Communionem dans certains symboles catholiques, non pas seulement au déclin du v c siècle, mais dès le début du même siècle ou la lin du siècle précédent. Et l’on conteste de moins en moins que cette formule exprimait une doctrine traditionnelle. Ce que l’on discute encore,

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SALUT DES INFIDELES

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c’est le lieu et la cause prochaine de cette pénétration. Sans passer en revue toutes les hypothèses, notons quelques-unes des plus caractéristiques.

En 1893, M. Harnack rattachait l’adoption du Sanctorum Communionem au développement du culte des saints et à la réaction contre l’hérésie de Vigilantius. Il attribuait à Xiceta de Remesiana un rôle prépondérant dans cet épisode : le Sanctorum Communionem, introduit par lui au symbole, sous une influence orientale, aurait rayonné de Dacie en Gaule, puis sur tout l’Occident. Das Aposiolische Glaubensbehenntniss, p. Si, sqq.

En 189^, H.-B. Swbtb soulignait l’importance du Sanctorum Communionem dans la littérature donatiste du ive siècle, où il apparaît comme un mot d’ordre contre l’Eglise catholique. Il admettait qu’au déclin du v" siècle, l’Eglise reprit à son compte ce vocable usurpé ; il plaçait le centre de rayonnement en Gaule, autour de Fauste de Riez, The Apostles Creed 2, p. 82-88. En io15, après la découverte de lu Fides Hicionymi par Dom Morin, il retouchait le système quant à la date, et plaçait l’origine du mouvement toujours en Gaule, vers l’an 400. The Communion of Saints' 1, p. j 58 sqq.

En 190^, Dom G. Morin remontait plus haut encore, jusqu’aux controverses déchaînées au 111" siècle autour de Novatien. Dans la Fides llieronymi, par lui récemment découverte, il croyait reconnaître l’influence d’un symbole arménien antérieurement édité par Gaspari (1869), et dont il faisait remonter la genèse jusqu'à l’antique Firmilien de Césarée. Par saint Basile et par saint Cyrille de Jérusalem, la tradition arménienne aurait agi sur saint Jérôme, sur Nicéta, et sur toute la tradition occidentale. R. //. L.R., 190^, p. 226 235.

Il est plus facile de signaler, dans ces divers systèmes, des points faibles, que d’en proposer un nouveau, qui les remplace avec avantage. Le lien par lequel on a voulu rattacher le Sanctorum Communionem, soit à la réaction contre Vigilantius (voir cidessus, art. Reliquks, col. 926), soit à la réaction contre Novatien, paraîtra sans doute bien fragile ; surtout le lien avec Novatien ; d’autant que le document arménien, dont on a cru pouvoir faire état, n’est pas même daté à quelques siècles près. On estimera peut-être que les antécédents donatistes méritent plus de considération. Du moins est-il incontestable que, dès le ive siècle, la secte parlait de sanctorum communionem, comme d’une chose qui n’appartenait qu'à elle. Que des controversistes catholiques se soient avisés de lui arracher ce mot, capable d’un sens très beau et très pur, cela se comprend aisément. L’histoire des hérésies fournirait divers exemples semblables. Mais où la revendication se serait-elle produite ? Pas dans l’Afrique latine, berceau du donatisme ; car ni saint Augustin, ni les héritiers de son esprit ne prononcent ces mois au symbole. Pas non plus à Rome, où on ne les prononce pas davantage, et où on ne commencera de les prononcer, nous l’avons vu, qu’au déclin du ixe siècle, lorsqu’ils y reviendront d’au delà des monts. Nous sommes donc orientés, soit vers la Gaule, soit vers la péninsule des Balkans. Le nom de Nicéta. souvent mentionné dans cette controverse, renferme peut-être le mot de l'énigme. Mais tout ce qui touche à Nicéta et au christianisme balkanique demeure enveloppé de grandes obscurités, même après les recherches de M. A. -E. Hurn et de M. J.Zeiller. L’hypothèse d’une initiative anonyme se produisant dans la Gaule méridionale, un peuavanll’année qoo, peut se réclamer, nous l’avons vu, d’un canon conciliaire de Nîmes, 39/1. Elle n’exclurait pas toute connexion avec les frasques de Vigilantius. Elle a séduit Mgr

Kirsch, auteur d’une vaste enquête sur La Doctrine de la Communion des saints (fans l’antiquité chrétienne, et, plus récemment, le Professeur Swetr. C’est l’hypothèsedéjà présentée dans ce dictionnaire par M. l’abbé Vacandard, à l’article Apôtrks (Symbolb dus), t. I, col. 287. Nous n’en savons pas de meilleure.

Mais l’antiquité du dogme de la Communion des Saints, n'étant pas liée à l’antiquité de la for ; uule, ne dépend pas de cette hypothèse, ni d’aucune autre ; elle appartient à l’histoire des premiers siècles chrétiens. Telle est la conclusion sur laquelle il convient d’insister avant tout. Nous croyons que les pages précédentes l'éclairent suflisamnicnt.

Bibliographie. — C. P. Caspari, Quellen zur Geschiclite des Tau fsrm bols inid der Glaubensregel, Christiania, 1866. 1869. 18^5. 1872. — Aug. Hahn, Bibliothek der Symbole und Glaubensi cgeln der Apostol. Kirche, Breslau, 1917. — Ad. Har nack, Das Aposiolische Glaubensbekenntniss. Berlin 189J. — Th. Zahn, Das Apostolische Symboiiim 2, Erlangenund Leipzig, 1893. — F. Kallenbusch, Das Apostolische Symbol, Leipzig, 1894. — H.-B. Swete, The Apostles Creed : ils relation to primitive Christianily 2 ; Cambridge 1894. — The Hoir Catholic Church ; tlie Communion of Saints, London, 1919.

— A.-E. Burn, An Introduction to the Creeds and to the Te Deum, London, 1899. — J.-P. Kirsch, Die I.ehre von der Gemeinsclioft der Ileiligen im Christl. Alterthum, Mainz, 1900. — Dom G. Morin, Sanctorum Communionem, dans Rev. d /fis !. et de Litt. Religieuses, t. IX, p. 2(>9-23."> (1904). — Art. Communion des Saints, dans le Dictionnaire de Théologie catholique, par P. Bernard et R.-S. Bour (1908). — Voir d’ailleurs ci-dessus, Apôtres (Symbole des) par M. l’abbé Vacandard. — Enlin, nous recevons : Sanctus, par le R. P. Delehaye, Bruxelles,.927. A., /Alks.