Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Instruction de la jeunesse

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 2 – de « Fin justifie les moyens » à « Loi divine »p. 465-534).

INSTRUCTION DE LA JEUNESSE ET L’ÉGLISE. — L’EgIise a reçu de son divin Fondateur mission pour enseigner la doctrine chrétienne ; à raison de cette mission, elle revendique sur l’instruction de la jeunesse un droit de surveillance et de direction, même dans le domaine profane. Marinier les fondements de ce droit, indiquer comment l’Eglise l’a exercé au cours des âges, tel est l’objet du présent article, où l’on ne se propose ])as d’épuiser nu sujet immense, mais seulement de toucher quelques points principaux.

I. Principes.

II. Maîtres et écoliers chrétiens sons l’empire romain,

I ! I. L’Eglise et l’instruction au Moyen Âge. IV. L’Eglise éducalrice en regard de la lienaissance

et de la ftéforme.

V. L’école lilire en France.

VI. L.es institutions complémentaires de l’école primaire.

VU. Les universités catholiques.

I. — LES PRINCIPES

A. La famille et l’enfant. — B. L’Eglise et l’enfant. — C. L’Etat et l’enfant.

Trois sociétés font valoir des titres à diriger l’instruction et l’éducation de l’enfant : la société <lomeslique, la société religieuse et la société civile ; la Famille, l’Eglise et l’Etal. Nous déterminerons, à la lumière des principes, la part qui, dans cette tâche, revient normalement à chacun des prétendants.

A) La Famille et l’Enfant. — La famille étant, dans l’ordre logique et chronologique, antérieure aux autres sociétés, se présente la première pour faire ei.tendre ses revendicalions.

Les parents sont les auteurs de l’enfant : « Filius enim naluraliter est aliquid piitris. Le lils est par nature quelque chose du père, n (S. Thomas, It-i II’ « , q. 10, a. 12, in c.) a II est en quelque sorte une extension de sa personne. » (Léon XllI, Encycl. Herum noiarum, )Le droit des parents, leur autorité qus a uctoritatis) a donc, comme l’étyraologie elle-uièmc l’indique (anctnritas, de auctor, qui donne accroissement), le fondement le plus solide : il « prend sa source là où la vie prend la sienne » (Léon XIII, Ihidein). Or n’est-ce pas un principe évident que l’efTet dépend de la cause qui le produit, puisqu’il tient d’elle son existence ? Conséqueninient, si l’eflet ne reçoit pas, du premier coup, toute sa perfection, c’est à celui qui donne l’être (lu’incombe l’obligation de le perfectionner. Les parents ont donc le devoir strict de développer la vie débile et imparfaite qu’ils ont communiquée à l’enfant ; ils ont à le munir du viatique intellectuel et moral, qui lui permettra d’affronter les dillicullés de l’existence. Autrement, la fin principale du mariage, qui est la propagation de l’espèce, ne pourrait être atteinte. Ainsi, la responsabilité de l’instruction et de l’éducation de l’enfant tombe d’abord et avant tout sur ceix qui lui ont donné naissance. C’est l’ordre pro identiel. Rien ne saurait suppléer le père et la mère d.ans les délicates

fonctions de l’éducation première. Sans doute, pour achever la tâche commencée, surtout pour compléter l’instruction, les loisirs et la compétence manqueront à la plupart des parents. De là l’impérieuse nécessité des écoles et des maîtres, auxquels les familles empêchées puissent, en toute sécurité et confiance, déléguer leur autorité, afin tjue l’œuvre éducatrice soit conduite à terme. De là aussi pour les parents le droit absolu de surveiller et de contrôler un enseignement qui est donné en leur nom et à leur place. Nous verrons dans quelles conditions ces écoles doivent s’établir et fonctionner.

15) L’Eglise et l’Enfant. — Ce qu’est la famille dans la nature, l’Eglise catholique l’est dans l’ordre surnaturel. L’Eglise aussi est mère : elle enfante les âmes à la vie de la grâce par le baptême ; elle a donc autorité surtous les baptisés. A elle, par conséquent, la charge de leur éducation religieuse, le souci de développer et de défendre la vie surnaturelle qu’ils en ont reçue : ce sont ses enfants. Voilà le titre fondamental de ses droits :

1° L’Eglise a un pouvoir direct sur la formation surnaturelle des baptisés. — Jésus-Christ, son divin Fondateur, a conféré à l’Eglise la mission d’instruire l’humanité entière jusqu’à la fin des temps : « Allez donc, dit-il à ses Apôtres et, en leur personne, à leurs successeurs, et enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père cl du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tous les préceptes que je vous ai donnés ; et voici que je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles. » {MuttJi., asLWU, ig-20.) Pour bien remplir cette difficile mission, l’Eglise a été divinement dotée d’aptitudes surnaturelles et amplement fournie des ressources nécessaires. Le dépôt de la vérité sans mélange lui a été remis, pour qu’elle puisse éclairer les esprits. Le trésor des sacrements lui a été confié, pour qu’elle puisse produire, alimenter et faire renaître la vie de la grâce. Son autorité maternelle, infaillible en matière de foi et de mœurs, a donc à sa disposition les moyens ellicaces pour préserver ses fils de l’erreur, qui est le mal de l’intelligence, et du vice, qui est le mal de la volonté. Voilà comment Jésus-Christ l’a rendue capable d’exercer son pouvoir direct sur la formation surnaturelle des chrétiens, c’esl-à dire sur leur instruction religieuse et leur éducation morale. Sans doute, les parents chrétiens ont aussi le droit et le devoir d’inculquer à leurs enfants les premières notions de la foi, avec le plus grand soin, mais sous la direction et avec le concours de l’Eglise.

1" L’Eglise a un pouvoir indirect sur la formation naturelle des hripirsés. — Les fondements sur lesquels s’appuie ce pouvoir sont manifestes :

a) En instituant l’Eglise, en la chargeant d’instruire toutes les nations, Jésus-Christ lui a en même temps imposé l’obligation de conserver intact le dépôt sacré de sa doctrine, et conséquemment de le défendre envers et contre toutes les attaques, fût-ce au prix de la mort. De là dérive pour l’Eglise le droit de surveiller l’enseignement tout entier, afin d’en bannir ce qui serait de nature à blesser la pureté de la foi ou des mœurs. « L’Eglise qui a reçu, avec la mission apostolique d’enseigner, l’ordre de garder le dépôt de la foi, tient aussi de Dieu le droit et la charge de proscrire la fausse science, afin que nul nesoit trompé par la philosophie et par une vaine sophistique. » Concile du Vatican, Const. de fide calholica, cap. 4 et can. 2, cf. Drnz. B., n. 1798(1645)61 1817 (1664).l

h) Cette surintendance, exercée par l’Eglise sur l’enseignement, n’est que la conséquence nécessaire de son pouvoir direct sur la formation des baptisés. 919

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Ce pouvoir serait illusoire et inelTicace, si l’Eglise n’avait le droit et les moj’ens d’empêcher que l’enseignement des sciences profanes et l’exemple de l’immoralité ne viennent compromettre lescroyances et gâter les mœurs de ses enfants. Si l’on excepte les mathématiques, est-il une science, qui, par quelque côté, ne touclie aux questions religieuses ? Ce pouvoir de l’Eglise est d’ailleurs indirect, car il ne s’applique qu’aux matières mixtes, c’est-à-dire à celles où l’élément religieux et l’élément profane se trouvent mêlés. En dénonçant aux parents chrétiens les écoles hostiles ou simplement dangereuses, en interdisant les livres animés d’un esprit anticatliolique, les évêques ne font donc que remplir un devoir rigoureux de leur charge pastorale (cf. la Déclaration de l’E piscopat françiiis aux pères de /"a m/7/e, lue en chaire le 20 septembre 1908). Us peuvent, en conséquence, porter des pénalités ecclésiastiques contre les parents rebelles à leurs avertissements, car ces parents se rendent grandement coupables en exposant leurs enfants au danger de perdre la foi.

L’Eglise se montre d’ailleurs très respectueuse du droit des familles. C’est ainsi qu’elle défend de ba[)tiser les enfants des juifs et des inQdèles sans le consentement de leurs parents. L’une des raisons apportées se fonde sur le droit naturel ; c’est précisément celle que nous avons déjà mentionnée : < Filiiis enim naturuliler eit aliijiiid patris. » Il n’y a qu’un cas. où l’on doive passer par-dessus la volonté de la famille, le cas de danger de mort, car alors le salut de l’enfant prime tout. Mais si, par imprudence ou erreur, le baptême a été conféré à l’insu des parents, le baptisé est devenu par le fait même lils de l’Eglise. S’il y a pour lui péril d’apostasie à rester dans le milieu familial, l’Eglise peut être amenée à se charger elle-même de son éducation, lorsque les circonstances de temps et de personnes, jugées d’après les principes de la prudence chrétienne, autorisent cette conduite. Tel fut le cas du petit juif Mortaha (voir ce mot).

Il est étrange d’entendre certains rationalistes et libres penseurs rappeler avec ostentation aux catholiques l’existence et la valeur du droit de l’enfant.

« Ce droit de l’enfant, comment le contesterions-nous, 

nous qui savons qu’il n’est entré dans le monde occidental qu’avec le christianisme ? qu’aujourd’hui même il n’existe que dans les sociétés chrétiennes ? » (F. Brunf.tii’ : uk, /.es droits de l’enfant, discours prononcé à Lille, le 18 janvier igoS. Cf. Les Débals du ujjanvier.) Platon ne recommande-t-il pas, dans sa Képublique idéale, de laisser périr les individus mal conformés et d’abandonner les enfants mal venus ? (1. V, p. 459). Ces conseils si brutalement cruels ne révoltaient pas les beauxdiseursde la Home antique, ((ui se contentaient de répéter du bout des lèvres ces maximes bonnes en poésie : lies sacra miser, Maxiina dehetur puero rexcrentia. Car, o au temps des Césars et des Antonins, dans cet éclat de civilisation et d’humanité, on a trouvé tout simple qu’un père exposât son enfant devant sa porte et l’y laissât mourir de faim et de froid, quand il ne lui plaisait pas de l’élever. Cet usage a pourtant duré jus([u’à Constantin, sans (]u’aucune conscience honnête se soit soulevée d’indignation, et Sénêque lui-même n’en paraît pas étonné. » (G. Boissmn, l.a pn du Pujiiinisiiie, t. 1, p. ^og-^io.) ("es abominations païennes sont toujours en honneur parmi les inlidèles. L’Eglise. au contraire, s’est imposée les plus ruiles sacrifices pour sauvegarder les droits de l’enfant : elle a multiplié les œuvres de préservation physique et morale, elle a couvert les deux mondes de ses écoles, de ses asiles et de ses ouvroirs ; elle a recueilli les abandonnés et soigné les inlirmes, elle a créé, pour

les pays de missions, cette admirable ligue de la Sainte-Enfance, qui a sauvé tant de victimes innocentes, vouées à la mort par la barbarie paienne.

3° liaison d’être des écoles confessionnelles. — Du double pouvoir, qui appartient à l’Eglise, de donner l’instruction et de surveiller l’enseignement à tous les degrés pour en écarter les éléments nuisibles auxcroyances et aux mœurs de ses enfants, résulte clairement la nécessité d’avoir des écoles dites confessionnelles, c’est-à-dire propres à chaque confession religieuse. C’est évidemment le moyen le plus apte à préserver la foi et la moralité de la jeunesse catholique. .ussi l’Eglise a-t-elle fréquemment condamné les écoles mixtes ou neutres. Cette condamnatior^ ressort d’abord des propositions 4" et 48 du Syllahns (Denz., i^^’-S [15g5-6]). La neutralité scolaire décrétée par la loi belge, sous le ministère Frère Orban, en 187g, a été réprouvée par Lkon XIII dans son Dis~ coHrs au Sacré-Collège, du 26 août 1880. Dans sa LeUre Nohilissima Gallorum gens (8 février 188/i> aux évêques de France, il disait formellement :

« Il faut absolument que les pères et mères, digne ; » 

de ce nom, veillent à ce que leurs enfants, parvenus à l’âge d’apprendre, reçoivent l’enseignement religieux et ne rencontrent dans l’école rien qui blesse la fui ou la pureté des mœurs. Cette sollicitude pour l’éducation de leurs enfants, c’est la loi divine, de concert avec la loi naturelle, qui l’impose aux parents ; cL rien ne saurait les en dispenser. L’Eglise, gardienneet vengeresse de l’intégrité de la foi, et qui, en vertu de la mission qu’elle a reçue de Dieu, son auteur, doit appeler à la vérité chrétienne toutes les nation* et surveiller avec soin les enseignements donnés à la jeunesse placée sous son autorité, l’Eglise a toujoui-t condamné ouvertement les écoles appelées mixtes on neutres et a maintes fois averti les pères de famille, aQn que, sur ce point si important, ils demeurassent toujours vigilants, toujours sur leurs gardes. » Même réprobation dans sa Lettre Officio sanctissimo (22décembre 188-) aux évê((ues de Bavière ; dans sa Lettre (ig mars 18g4) aux évêques polonais ; dans l’Encyclique J/fari vos (8 décembre iSg^) aux évêques canadiens.

Il faut soigneusement distinguer entre la neutralité scolaire absolue et la neutralité scolaire relative. Dans aucune hypothèse, lEglise ne peut accepter ni même tolérer la première. Léon XIII, dans le Discours déjà cité, où il ré|)rouve la loi belge, en montre les dangers : « Cette loi a exclu des écoles publiques toute ingérence des pasteurs sacrés et la vigilance de l’Eglise, et, séparant totalement la religion des études, elle veui que l’ordre et la discipline des écoles publiques éliminent tout enseignement religieux de l’instruction des enfants ; et il est facile de voir quel péril en résulte pour la foi et les mœurs des générations croissantes. »

Péril pour la foi d’abord. Si l’enseignement de h » religion est complètement banni de l’école publique^ cette abstention donne aux élèves la plus pernicieuse leçon d’indillérence doctrinale, car c’est <t traiter la doctrine et la morale chrétiennes en objets inutiles > (Lettre aux évêques polonais) ; c’est insinuer que,

« pour ce qui regarde Dieu et les choses divines, il

imiiorte peu d’avoir de saines doctrines, d’adopter la vérité ou l’erreur » (Encyclique J/fari vos). Péril pour la morale ensuite. Si, en effet, elle n’est pas présentée à l’enfant comme ayant pour principe nécessaire le suprême législateur, Dieu, qui seul peut obliger la conscience d’une façon souveraine et elfective, la morille reposera sur un fondement ruineux et forcément inellicace. L’accroissement des délits et des crimes dans la jeunesse, depuis qu’elle est soumise, eu France, au régime de la morale indépendante, qui 921

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est enseignée dans les écoles sans Dieu, est la conlirmation eiîrayante de la gravité du péril signalé par Lkon XIII. Voir Enfance (Criminalitk de l).

On opposera sans doute ces paroles du méine pape, qui reconnaît ailleurs la légiliniité de la tolérance : Il L’Eglise ne condamne pas les princes qui, eu vue d’un liien à atteindre ou d’un mal à empêcher, tolèrent dans la pratique que divers cultes aient chacun leur place dans l’Etat » (Encyclique Imntortulc Dei). Fort bien ; mais il n’y a aucune parité entre les deux cas. Si l’Eglise peut admettre en fait, quand un pays est divisé en plusieurs confessions, la tolérance de leurs cultes divers, c’est, entre autres motifs, parce que ces confessions contiennent des éléments de vérité et prescrivent à leurs lidèles d’adorer Dieu et de le servir. Mais l’Eglise ne peut tolérer à

; iucun prix la neutralité scolaire absolue, parce que

vette neutralité consiste à exclure de l’école tout <’nseignemenl religieux, même d’ordre naturel, à I>asser complètementsous silencel’exislence de Dieu et les devoirs euvers Lui. Une pareille altitude est absolument immorale et injurieuse à l’égard de Dieu, < : ar c’est tenir la balance égale entre Lui et sa négation. Pratiquement, c’est le méconnaître et le supjirimer ;

« c’est l’athéisme, moins le nom. Istud ait

allieismo, si nomiiir atiquid di/fert, re nihil differtn <I.KON XIII, même encyclique). L’Eglise ne saurait

« lonc, en aucune hypothèse, regarder comme toléral

>le la neutralité absolue, ou, comme l’on dit actuellement, areligieuse, parce qu’elle est une violation outrageante des droits divins et la méconnaissance scandaleuse du devoir qu’a toute société d’honorer l>ieu publiquement. Sans doute, la diversité des croyances, dans un pays, peut l’empêcher d’avoir une religion d’Etat, c’est-à-dire de professer olUcielleinent une religion positive déterminée. « Mais rien ne saurait dispenser une nation, représentée par ses lu’inces ou ses magistrats, de remplir d’une certaine façon le devoir du culte envers la Divinité ; car c’est là une obligation de droit naturel qu’aucune circonstance contingente ne saurait rendre caduque. El, <le fait, nous voyons en Europe une petite républi<iue, la Suisse, et, de l’autre coté de l’Océan, une jirande république, les Etats-Unis, allier sans embarras le respect de la liberté de conscience avec la manifestation officielle et nationale du sentiment religieux. » (Mgr d’Hulst, Conférences de Notre-Dame, 1895, III conférence, p.’}li--^b.)

Plus loin, en parlant des devoirs de l’Etal envers l’école, nous verrons dans quelles circonstances et sous quelles conditions la neutralité scolaire rehitne est tolérable.

C) L’Etat etl’Enfant. — L’Etat peut prendre trois attitudes par rapport à l’enseignement : l’Etat enseigne seul, c’est le monopole : l’Etat n’enseigne pas, c’est Vahstenlion ; l’Etat enseigne en même temps <|ue les particuliers, c’est la concurrence. De ces trois

« onceptions, la première, le monopole, est illégitime ; 

la seconde, l’abstention, est légitime : la troisième, qui est mixte, la concurrence, peut être légitimée en certains cas. Prouvons cette triple assertion.

I" Illégitimité du monopole. — Distribuer l’enseignement n’est point pour l’Etat une fonction normale, car :

a) Pour justilier sa prétention à élever la jeunesse <lans les écoles ouvertes par lui, l’Etat ne peut, comme la Famille et l’Eglise, exhiber un titre indiscutable, celui d’auteur de la vie de l’enfant. Pourquoi conlisquerail-il à son profit les droits des parents et delà société religieuse fondés sur la fonction auguste et primordiale de la génération naturelle ou surnaturelle ? La famille peut encore montrer un

autre titre : n’est-elle pas, logiquement et en fait, antérieure à la société civile et politique, puis(pie celle-ci n’est, en délinilive, qu’une réunion de familles associées pour la poursuite d’un l)ut commun ? L’enfant appartient donc à la famille et non à l’Etat, comme le veut la doctrine révolutionnaire de Dan-To. N, renouvelée du paganisme (cf. Platon, République, 1. V et VI).

On olijectera que l’Etat est l’auteur de la vie sociale et que, comme tel, il a des revendications à faire valoir ainsi que la Famille et l’Eglise. — Cette objection repose sur une équivoque. La vie sociale et l’Etat, qui est l’un de ses organes, sont postérieurs (on vient de le noter) à la constitution familiale : ils résultent de la ratilication, le plus souvent implicite, de telle ou telle forme de gouvernement par des groupes de familles, que des traditions antécédentes ou des circonstancesfortuitesont rapprochées. De plus, l’homme n’entre dans le courant de la vie sociale qu’à sa majorité, c’est-à-dire à un âge où il n’est plus enfant ni adolescent ; jusque là, il n’est pas émancipé, il n’est pas encore sorti du cercle restreint de la vie domestique. Ce qui est vrai, c’est (pie, l’enfant étant un citoyen futur, l’Etal est intéressé à sa fornialion. On déterminera bientôt la part d’influence qui, de ce chef, peut revenir légitimement aux pouvoirs publics.

b) La mission d’instruire et d’élever la jeunesse ne rentre pas dans les attributions normales de l’Etat. Son rôle essentiel et primaire consiste à garantir, au besoin par la force, la sécurité des citoyens, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, alin qu’ils puissent exercer en paix tous leurs droits. Son rôle essentiel aussi mais secondaire et variable dans ses applications d’après les circonstances changeantes de temps et de pays, c’est de promouvoir la prospérité publique, non pas directement par lui-même, mais en mettant les familles et les associations dans des conditions qui favorisent leur progrès physique, intellectuel et moral (cf. Ch. Antoine, Cours d’Economie sociale, ch. iii, /|’édit., Paris, 1908 ; G. Sortais, Etudes philosophiques et sociales : II. Les fonctions de l’Etat moderne. ]>. ^7-70. Paris, 1907). En remplissant cette double fonction, l’Etat poursuit une tin sociale, qui vise le bien général, le bien commun des associés. L’éducation, au contraire, ayant pour but la formalion des inilividus, tend à leur procurer un bien personnel. Or Il le pouvoir civil n’est |ias chargé de départir à ses sujets ce qui esl leur bien particulier, comme la nourriture, le vêtement, l’habitation ; mais uniquement de développer un milieu où chacun des citoyens pourra plus facilement se ])rocurer ces biens. Rien de plus particulier, rien de plus individuel que la doctrine, nourriture ou vêtement de l’intelligence ; il n’entre donc pas dans le rôle de l’Etal, de la distribuer. » (J. Grivet, L’Eglise et l’Enfant, dans les Etudes, 1910, t. CXXIII, p. 484-485.)

Objection. — De même, dira-t-on, que l’Etat a le droit de constituer des juges et de former des officiers, ainsi peut-il ouvrir des écoles et les conŒr à des maîtres spéciaux dont il a cimstalé les aptitudes.

— Je réponds en niant la similitude des cas rapprochés. En effet, le principe, qui sert à délimiter les fonctions de l’Etat, peut se formuler de la sorte : le gouvernement, n’existant qu’en vue du bien général, ne doit s’occuper directement que des choses qui, intéressant la vie collective de la nation, exigent une autorité supérieure à toutes les autres pour être menées à bonne (in. « Il en résulte que l’Elal est chargé de pourvoir aux besoins communs de la nation, c’est-à-dire à ceux qui ne peuvent être satisfaits convenablement sous le régime de l’initiative individuelle, qui réclament le concours absolu et préalable 923

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de tous les citoyens. » (P. Lkroy-Bkaulieu, l’Etat moderne et ses fonctions, 1. III, cli. i, p. g^- 3’édit., Paris, lyoo.) L’adiuinistratioii de la justice et l’organisation de l’armée rentrent, d’un consentement unanime, dans cette catégorie de besoins communs, qui nécessitent l’intervention d’une autorité centrale s’imposant à tous. L’instruction est assurément, elle aussi, un « besoin commun » ; mais il peut y être convenablement pourvu, en tout ou en partie, selon les circonstances contingentes de temps ou de pays, par l’initiative privée. L’Etat ne doit donc intervenir que pour suppléer à l’insullisance des particuliers, comme nous l’établirons plus bas. Les seules écoles que l’Etat — pourvu qu’il respecte la liberté de conscience — ait, en toute hypothèse, le droit de fonder et d’entretenir aux frais des contribuables, ce sont les écoles spéciales nécessaires pour recruter les auxiliaires dont il a besoin en vue d’assurer le bon fonctionnement des services publics : par exemple, écoles militaires, écoles d’ingénieurs.

Instance. — L’Etat est directement intéressé à l’éducation des enfants, puisque ce sont des citoyens en germe. Nous ferons droit, bientôt, à cette instance.

c) Des arguments de fait militent aussi contre le monopole de l’Etal. En matière d instruction, comme dans les autres branches de l’administration, le système centralisateur est détestable : c’est une machine lourde, lente, coûteuse, routinière, impersonnelle. Privé du stimulant énergique de 1 énmlation, l’Etat enseignant tombe dans la somnolence ; puis, quand le vice du système apparaît trop criant, il se met, pour y remédier, à bouleverser brusquement méthodes et programmes, ce qui achève de compromettre le succès des études. Aussi a-t-on pu dire, eu toute vérité, qu’il oscille « entre la routine prolongée des méthodes et leur soudain et radical changement » (P. Lehoy-Beauliei-, op. citV, ch. iii, p. 278-^74). Les expériences lamentables auxquelles, depuis trente ans, l’enseignement officiel en France s’est livré ont prouvé, une fois de plus, la malfaisante incompétence de l’Etat au point de vue pédagogique. C’est une contre-épreuve décisive apportée par les faits aux raisons théoriques que nous avons avancées ci-dessus (cf. C, 1°, a, h). Concluons donc avec M. Emile Faguet que l’Etat ne doit pas se mêler des choses de l’enseignement, « parce (lu’il n’est ni un professeur, ni un philosophe, ni un père de famille », et aussi’( parce que, quand il s’en mêle, il est le plus souvent très maladroit, et assez souvent ridicule » (l.e l.iliéralisme, p. lOi-iGa, Paris, 1902) ; et avec M. Clemenceau s’écriant en plein Sénat : « L’Etal a trop d’enfants pour être un bon père de famille ! » (Discours du 30 ocl. 1902.)

2° Légitimité de Valistention. — L’Etat doit s’abstenir d’enseigner : voilà l’altitude normale. C’est la conséquence logique de ce qui vient d’être exposé. Les parents commencent l’éducation de leurs enfants ; mais la plupart, faute de temps et de science, sont dans l’impossibilité de la conduire à terme. Dans ce cas, ils délèguent leur autorité à des personnes ayant leur confiance, afin qu’elles achèvent l’ccuvre ébauchée par eux. Quelques-uns peuvent se payer le luxe d’un précepteur, qui poursuivra l’éducation sous les yeux mêmes et le contrôle immédiat de la famille. Les autres sont contraints de recourir à des maîtres du dehors. Puisque l’Etat n’a i)as mission pour donner l’enseignement, il appartient à l’initiative privée de pourvoir à ce service. C’est donc aux particuliers ou aux associations, soit laïques, soit ecclésiastiques, formées librement, que reviennent la charge et l’honneur d’olfrir au choix des parents leurs écoles, collèges et universités, c’est-à-dire l’enseignement à

tous les degrés, primaire, secondaire et supérieur, sous la garantie de leur honorabilité, dont ils auront fourni des gages, et sous la surveillance des pouvoirs publics, dont nous déterminerons l’étendue (cf. infru, 4").

Celle situation comporte naturellement la liberté des programmes et des méthodes, ainsi que la faculté pour le dirccleurde chaque établissement de recruter, sous sa responsabilité personnelle, des auxiliaires appropriés. Au début, quand un établissement se fonde et, partant, n’a pu encore faire ses preuves, l’Etat pourrait exiger du directeur certaines garanties de capacité, comme la présentation d’un diplôme décerné par le jury d’une autre maison d’enseignement. A l’issue des classes ou des cours, les divers établissements feraient passer les examens à leurs élèves et délivreraient les eerliûcats ou diplômes en rapport avec leur propre enseignement. Les maisons concurrentes seraient les premières inléressées à fournir une instruction solide et à conférer des certificats ou des diplômes mérités, car promplement, à l’expérience, iine sélection s’opérerait entre les universités, collèges et écoles en rivalité. Nous en avons pour garants, d’une part, la vigilance des familles qui, d’ordinaire, ne placent leur confiance qu’à bon escient, et, de l’autre, la perspicacité toujours en éveil de ceux qui ont un intérêt majeur à n’utiliser pour leurs entreprises que des auxiliaires leur offrant toute sécurité.

3° Légitimation de la concurrence. — La troisième et dernière hypothèse est celle de l’Etat qui enseigne concurremment avec les particuliers. Cette attitude est anormale en soi, puisque, on l’a vii, l’Etat régulièrement doit se renfermer dans l’abstention. Mais il est des époques où semblable intervention de l’Etat peut être nécessitée et régularisée par des circonstances impérieuses et rentrer ainsi, accidentellement, dans ses attributions. C’est un pis-aller provisoire. Là où l’initiative ])rivée (individuelle ou collective) est impuissante, l’Etal doit la remplacer ; là où elle est insullisanle, il doit la compléter. Partout où celle initiative sullil à la lâche, l’Etat n’a point à s’en mêler, car l’homme n’entre en société que pour jouir tranquillement de ses droits naturels et il ne doit consentir à leur limitation qvie dans la mesure où ce sacrifice est nécessaire au bon fonctionnement de la société, dont i)rolitenl tous ses membres. Le rôle de l’Elat par rapport au bien à faire est donc supplétif. Par destination, le gouvernement n’est pas l’agent direct du progrès, mais seulement son auxiliaire. Son intervention devient légitime quand ceux qui doivent remplir un service social en sont incapables ou empêchés. Alors l’Etat, par la force des choses, est substitué à l’agent naturel : l’individu, la famille ou les associations. C’est un agent accidentel, un « subslilut provisoire », qui devra donnersa démission, dès que les circonstances nécessitant son immixtion passagère auront disparu. Ce qui faisait direà Jules Simon, parlant au Congrès des sciences sociales à Gand : « L’Etat enseignant doit [)réparer son abdication. »

Or il peut arriver que les simples particuliers et les associations, laïques, ecclésiastiques ou religieuses, soient dans l’impossibilité d’assurer complètement et convenablement le service scolaire d’un pays. En cette occurrence, le gouvernement a le droit et le devoir de procurer aux citoyens les moyens qui leur manquent pour l’éducation de leurs enfants. Il ouvrira donc des écoles, collèges et universités en proportion des besoins à satisfaire.

Dans quelles conditions l’Etat devra-t-il fonder CCS établissements oincielsd’inslruclion ?La réponse dépendra des circonstances :

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[NSTRUCTION DE LA JEUNESSE

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a) Si le pays a conservé l’uiiilé de croyances, c’est-à-dire si la grande nmjorilé des cilojens continue de professer la relij^ion catholique, renseignement du catéchisme doit nécessairement faire partie des programmes scolaires. C’est ce qui se pratiquait en France avant les réformes de J. Ferry. Mais il est clair que les membres des cultes dissidents peuvent ouvrir des écoles confessionnelles et que, là où cette ouverture n’est pas possible, leurs enfants ne sauraient être contraints à suivre le cours d’instruction religieuse donné aux élèves catholiques.

0) Si, au contraire, le pays est profondément divisé au point de vue des croyances, la situation devient plus complexe. Tout d’abord, l’Etat doit laisser aux représentants des cultes reconnus la faculté d’ouvrir des écoles confessionnelles en libre concurrence avec les écoles publiques. Dans les communes où, à défaut d’écoles libres, les écoles olUcielles sont fréquentées par des enfants appartenant à des cultes différents, la neutralité confessionnelle s’impose, c’est-à-dire l’abstention au sujet des points de doctrine qui opposent entre elles deux ou plusieurs confessions chrétiennes. Mais, là même, un temps convenable doit être réservé à l’instruction religieuse, elles ministres des différentes confessions doivent avoir libre accès à l’école publique pour y faire à leurs fidèles un cours de religion approprié. En outre, l’enseignement commun à tous les élèves donné par l’instituteur doit s’inspirer des principes de la religion naturelle et de la philosophie spiritualiste, qui sont la base indispensable de l’édifice social. Ces principes fondamentaux sont : l’existence d’un Dieu |)ersonneI, infiniment parfait, la liberté de l’homme, l’immortalitéderàmeet les sanctions de la vie future. Nous l’avons prouvé plus haut (B, 3") en montrant que la neutralité absolue, areligieuse, autant dire athée, est inadmissible et d’ailleurs, on va le voir, impraticable. Le Conseil supérieur de l’instruction publique sembla l’entendre ainsi, car il maintint, surles programmes de 1882, les devoirs envers Dieu. Jt’LES Ferry lui-même, en pleine Chambre, le 28 décembre 1880, a formellement déclaré qu’il repoussait la neutralité absolue ou philosophique, qui consiste précisément à bannir de l’école le Dieu qu’enseignent la religion naturelle et la philosophie spiritualiste :

« Il y a deux sortes de neutralité ou, si vous voulez, 

deux manières de comprendre la neutralité dont il s’agit : il y a la neutralité confessionnelle et la neutralisé ^/H/o.so^A/f^Ke. Et c’est résolument que je dis : il ne s’agit, ici, dans cette loi, que de neutralité confessionnelle », c’est-à-dire la neutralité entre les diverses religions positives. Il a répété la même déclaration, au Sénat, le 10 juin 1881. Nous enregistrons ces déclarations réitérées comme des aveux bons à retenir. Mais il semble bien que la neutralité confessionnelle fut acceptée par J. P’erry, parce qu’elle était à ses jeux une transition habile pour préparer les esprits à l’idée de l’école purement laïque.

D’ailleurs, la neutralité absolue, si elle n’était condamnable en soi, parce qu’elle est un outrage à la majesté divine, serait encore à repousser, car elle est :

a) Nuisible à l’école. — Un enseignement neutre est irrationnel et stérile : sans une direction déterminée il piétine sur place et ne mène à rien. « On n’est pas neutre entre la vérité et le mensonge. Il faut choisir, il faut dire où l’on va, quand on se charge de conduire les autres. » (J. P.4.YOT, dans la revue Ae Volume, 27 juin 1908.) Bien avant le recteur de l’Académie de Chambéry. Jules Simon avait formulé cet arrêt de condamnation : « L’école neutre, c’est l’école nulle. »

b) fmpralicahle. — Nous emprunterons nos cita tions à des personnages qui ne sont pas suspects de cléricalisme. Entendons d’abord M. Clkmbnckao : .( Enfin, dans cet enseignement, il faudra bien que le professeur dise quelque chose. Il faudra bien qu’il l)renne parti, il faudra qu’il dise s’il approuve ou s’il blâme. Quand il arrivera à l’histoire de Tibère et quand il lui faudra raconter certain drame de Judée, quelle opinion aura-t-il ? Que dira-t-il ? Est-ce que Jésus-Christ sera Dieu ou homme seulement ? » (Discours au Sénat. Cf. Journal officiel, 18 novembre igo3, p. 13^1.) M. Payot est plus explicite encore : ’< On arrive aujourd’hui à cette situation qu’il est impossible à un esprit afTranchi des religions confessionnelles de prononcer un mot qui soit vraiment neutre. » (Correspondance de la /.ii ; ue de l’enseignement, 12 avril 11J08.) M..ulard va jusqu’à dire :

« La neutralité est une blague, un trompe-l’œil, un

mot vide de sens… Un instituteur laïque, s’il est honnête homme, ne peut faire autrement que d’y manquer, sous peine de ne rien enseigner, ni en morale ni en histoire, sous peine de renoncer à son rôle d’éducateur. » (Article dans Le Matin, 14 septembre 1908.)

La loi du 28 mars 1882 sur l’enseignement primaire était équivoque. Dans la séance du /j juillet 1881, J. Simon avait fait voter par le Sénat un amendement qui maintenait l’obligation d’enseigner la religion naturelle à l’école. Mais la Chambre le repoussa pour voter le texte suivant : « L’enseignement primaire comprend l’instruction morale et civique. )’Tel quel, cet article proclame la neutralité scolaire absolue, c’est-à-dire la neutralité et philosophique et confessionnelle, puisque tout enseignement religieux, même du simple point de vue naturel et spiritualiste, se trouve banni. Néanmoins, on l’a noté plus haut, les programmes conservèrent la mention de Dieu et des devoirs envers Lui.

Cette situation de l’enseignement était pleine d’ambiguïté. Pendant quelque temps, on maintint, conformément aux programmes, le souvenir de Dieu, que la loi passait sous silence. Peu à peu, nombre d’instituteurs, forts de la légalité, laissèrent tomber dans l’oubli les devoirs envers Dieu. Mais, comme la neutralité absolue est un état d’équilibre instable, ils en vinrent assez vite à l’hostilité déguisée,.aujourd’hui, c’est l’hostilité ouverte : un ministre de l’instruction publique, M. Steeg, n’a-t-il pas déclaré, sans réticence ni ménagement, que l’école laïque est a l’école sans Dieu « ? Voilà l’aboutissement logique d’une neutralité fondée sur une équivoque et peut-être sur un calcul hypocrite. C’est du moins l’avis de M. Jaurès : « L’hypocrisie de ses origines suffirait à condamner la campagne pour la neutralité scolaire. » (ftetue de l enseii ; nement primaire et primaire supérieur, Il octobre iyo8 : Revue sociale, p. 21.) Cf. Yves DE LA Brière, Jules Ferry et l’école laïque, dans Etudes, 1910, t. CXXV, p. 720--28.

Etant donné qu’en cas d’insullisance de l’initiative privée, l’Etat doive fonder un certain nombre d’établissements scolaires, quelle situation légale faut-il leur accorder ? Ces écoles ollicielles seront-elles avantagées ? Recevront-elles des subsides spéciaux ?

— Elles doivent être traitées sur le pied des écoles libres. La justice distributive exige en effet que les subventions, alimentées par l’argent des contribuables, soient équitablement réparties entre les divers établissements, d’après le nombre des élèves qui les fréquentent ; elle réclame, en outre, que les récompenses et encouragements soient distribués selon les mérites des maîtres qui concourent à l’œuvre nationale de l’éducation. Autrement, les citoyens, dont les préférences sont pour l’enseignement libre, seraient injustement frappés d’une charge onéreuse, 927

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payant deux fois, d’abord pour faire élever leurs enfants à leur gré, ensuite pour l’instruction de ceux qui sont aux écoles de l’Etat, o C’est comme si de Taris à Bordeaux il y avait deux chemins de fer, l’un par Chartres, l’autre pai- Orléans, exploités par deux compagnies difTérenles, et que j’eusse le droit <le me rendre à Bordeaux par Orléans, mais à la condition de payer ma place à la Compagnie d’Orléans et aussi à la Compagnie de Chartres. Dans ce cas, la Compagnie de Chartres ne ferait pas autre chose <[ue lever sur moi un impôt, sans aucune espèce de droit et de raison. Plus qu’un impôt ; car un impôt n’est pas autre chose qu’une rémunération donnée il l’Elat pour un service qu’il rend ; et, dans le cas susdit, la Compagnie de Chartres ne m’en rendrait iiucun. Ce qu’elle lèverait sur moi ce ne serait donc pas un impôt, mais un tribut, comme un vainqueur impose à un vaincu l’obligation d’en payer un. C’est exactement ce que fait l’Etat en faisant payer ses professeurs par des gens qui en ont d’autres. Il les taxe d’une contribution de guerre. C’est un peu barbare. » (Em. Faguet, Le Libéralisme, p. 13 : 5-135.) . L’Etat enseignant se rend coupable de bien d’autres vexations ; par exemple, rjuand il contraint les fonctionnaires à fréquenter les écoles ollicielles, sous jieine d’encourir sa disgrâce. Pour être les serviteurs du gouvernement, ils n’en restent pas moins hommes, pères de famille et citoyens ; par conséquent, leur liberté et leurs droits doivent être lidèlement respectés.

4° Droits de l’Etat. — Les droits de l’Etat sont réels, mais limités par la nature même de sa mission, qui doit se borner, comme nous l’avons établi, à sauvegarder la justice et à aider les particuliers dans la ])OUrsuite du progrès. C’est pourquoi, sans lui accor<ler le pouvoir d’inspecter l’enseignement des écoles libres, qui par le fait même cesseraient de l’être, nous lui reconnaissons, là comme ailleurs, le droit de haute police : que les lois constitutionnelles ne soient pas attaquées par les instituteurs, que la morale publique ne soit pas outragée, que l’ordre social ne soit pas troublé, que les règles essentielles de l’hygiène ne soient pas transgressées, l’Etat a le droit de veiller à tout cela. Mais il est bien entendu qu’avant de pénétrer dans les établissements libres, comme avant de forcer la clôture de la vie privée, le gouvernement doit avoir, non de simples présomptions, mais uri commencement de preuve, car c’est un principe fondamental du droit naturel que personne n’est jirésumé mauvais..emu præsumitur malus. Au cas où un fait de notoriété publique ou un indice sûr vient détruire cette présomption favorable, il faut agir, mais avec prudence.

S’il est vrai, d’ailleurs, que l’autorité paternelle ne doive pas être absorbée par le pouvoir civil, qui est souventtentédemellre en pratique cette monstrueuse doctrine : o Les enfants appartiennent à l’Etal avant d’appartenirà leurs parents >., il estcertain aussi que le pouvoir du père de famille n’est ])oint absolu, inconditionné. L’enfant n’est pas la chose des parents ; sans doute, ceux-ci en sont les auteurs, mais il ne leur est pas loisible d’en disposer à leur guise, comme fait un artiste de la statue qu’a créée son génie. C’est qu’ici l’œuvre produite n’est pas un objet matériel, ni même un simple animal ; c’est unélre raisonnable, une personne morale en puissance, qu’il s’agit de faire passer en acte. L’enfant a droit à l’éducation. Les parents se rendent donc gravement coupables s’ils maltraitent leurs enfants, s’ils les élèvent mal ou ne les élèvent pas du tout. C’est pourquoi ils ont d’abord le devoir d’entretenir leur vie physique et de les corriger, quand c’est nécessaire, avec fermeté, mais une fermeté dont la bonté ne soit jamais absente.

Aussi, en cas de sévices et de mauvais traitements légitimement présumés, la police doit enquêter et, si les faits sont avérés, la magistrature doit punir les délinquants ; elle peut même, s’ils se sont montrés cruels ou corrupteurs, les déclarer indignes et déchus de la puissance paternelle ou maternelle. Ensuite, les parents sont tenus de développer la vie intellectuelle et morale de leurs enfants, en leur donnant ou leur procurant une éducation proportionnée aux ressources et à la condition de la famille. Aussi, lorsqu’ils faillissent grièvement à leur tâche, l’Etat, tuteur civil, doit intervenir pour rappeler au devoir ces tuteurs naturels de l’enfance et leur subroger, au besoin, dans leur fonction éducalrice.un autre membre de la famille moins avare ou plus diligent. Mais, ici encore, alin de préserver le foyer domestique d’intrusions policières intempestives, faut-il que le délit soit notoire ou prudemment présumable (cf. TAPAnKLLi u’AzKGLio, Essai théorique de droit naturel basé sur les faits, I. IV, cli. iv, n. 919). Bref, si des parents dénaturés sont assez durs pour refuser le nécessaire à leurs enfants, la puissance civile doit intervenir.

Mais ici une question délicate se pose d’elle-même : l’instruction primaire renlre-t-elle dans ce nécessaire, dont les parents ne peuvent priver leurs descendants ? Cette question ne semble pas comporter de réponse uniforme, mais dépendre de circonstances contingentes. Il peut exister des époques où l’instruction primaire ne soit pas, pour telle ou telle catégorie d’enfants, un viatique indis|iensable pour faire, comme on dit, convenablement leur chemin(cf. Costa-Rossbtti, Pliilosuphia morulis, p. "36). Mais, de nos jours, la réponse doit être allirmative, car celui qui est dépourvu d’une instruction élémentaire se trouve dans une infériorité nianifeste, qui le rend incapable de soutenir avantageusement la lutte pour la vie (cf. T. KoTUE, Traité de droit naturel théorique et appliqué, t. III, n. SyS. — A. Castelein, Ae Droit naturel, p. 719 sqq.).Il semble donc que l’Etat ait le droit de décréter l’instruction obligatoire, pourvu, évidemment, que la laïcité ne le soit pas, mais que les parents aient toute liberté et facilité pour leclioix des maîtres.

On peut aller plus loin et se demander : quel est le fondement de ce droit ? L’Etat, répondent habituellement les i]artisans de l’obligation, a le droit d’imposer à tous l’instruction, parce que, d’une part, les enfants devant être un jour citoyens, et, d’autre part, étant donnée la dilfusion actuelle des connaissances élémentaires, il a un intérêt majeur à ce que les futurs membres de la cité n’y entrent que suflisamment éclairés. Autrement, ces ignorants seraient un poids mort, qui ferait obstacle au progrès social.

A cette assertion j’opposerai que l’intérêt même général n’est pas plus la source du droit qu’il ne l’est du devoir, car il est variable et contingent, tandis que l’essence du droit et du devoir est d’être immuable et nécessaire. Toutes les injustices et toutes les tyrannies ont cherché à s’abriter derrière cette maxime de l’utilité publique. En s’appuyant sur elle, que ne pourrait-on justilier ? Par exemple, la prospérité d’un pays est singulièrement intéressée à ce que la race se maintienne saine et robuste. Dès lors, l’Etat aurait le droit d’édicter des règlements pour obtenir, par voie de sélection entre les futurs conjoints, une descendance excellente et nombreuse ; il l)Ourrait imposer certaines mesures relatives au genre de nourriture, de vêtement, etc. Sur tous ces points, des conseils sont de mise ; mais qui voudrait tolérer des lois matrimoniales et somptuaires ? Est-ce qu’un très grand nombre de citoyens ne sont pas intéressés à une répartition i>lus égale delarichesse ?

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L’Etal serait, en conséquence, autorisé à établir le collectivisme. On voit où mène le principe invoqué.

La légitimité de la loi, qui rend l’instruction obligatoire, ne vient donc pas de l’utilité que la société en peut retirer. N’on ; mais, comme actueUenienl l’instruction primaire rentre manifestement dans le nécessaire que les parents doivent fournir à leurs

« Mifants, l’Etal prend acte de ce devoir et en urge

l’application, en cas de négligence coupable de la part des familles.

Celte façon de procéder me paraît légitime. Mais on peut se poser une dernière question : est-ce, pour l’Etal, le moyen le plus expédient et le plus elTicace d’atteindre son but : la plus grande diffusion possible de l’instruction ? On en peut douter. Combattant le monopole, M. CLKMBNciiAU interpellait ainsi les radicaux qui en étaient partisans : « L’entreprise de contrainte est un terrible engrenage. Vous ne sauriez dire vous-mêmes où vous pourrez vous arrêter, et vous vous lancez dans cette aventure sans issue, quand vous n’avez même pas pu appliquer votre très modeste loi d’obligation ! Vous avez fait l’instruction obligatoire et vous n’avez pas pu l’appliquer ! » (Discours au Sénat, Journal officiel, 18 nov. igoS, p. 871. Cf. G. GoYAU, Le péril primaire, dans Revue des Deux Mo/tdes, 1" janv. lyoô, p. 177-185.) Celte lamentable expérience semble prouver que l’Etat parviendra plus sûrement à ses uns par des voies plus suaves que le régime coercilif, c’est-à-dire en ouvrant des établissements supplémentaires, quand la pénurie des écoles libres l’exigera ; en mettant, par des subsides équilablement distribués entre les maîtres concurrents, l’instruction à la portée des fortunes modestes ; en fournissant même l’instruction gratuite aux indigents. De la sorte, si les maisons d’éducation sont en nombre suflisant, si elle est à bon marché, si elle ne coûte rien aux nécessiteux, il sera inutile de la rendre obligatoire. Car la grande majorité des familles, constatant qu’aujourd’hui 1 instruction est un moyen indispensable de réussite, la désireront pour leurs enfants, parce que, à défaut même d’affection, elles sont les premières intéressées à préparer l’avenir de ceux en qui elles doivent se survivre.

Ce système me paraît préférable : il a d’abord l’avantage de concilier dans une juste mesure les droits des familles (parents el enfants) et les intérêts de la société ; puis, il écarte l’odieux d’une coercition érigée en mesure géfe’-ale. D’autant qu’il admet, comme correctif, rinterVntion de l’Etat pour assurer l’avenir de l’enfant contre l’avarice sordide ou la prévarication de parents dénaturés.

Il y a entre les deux thèses plus qu’une différence verbale,.utre chose, en effet, est d’ajouter, à l’obligation naturelle qu’ont les parents de bien élever leurs enfants, une prescription légale qui, comme une mesure permanente, l’applique, sans le tempérament nécessaire de distinctions multiples, à tous les cas individuels ; autre chose de laisser à l’Etat le pouvoir d’urger l’accomplissement de cette obligation, quand les parents s’y dérobent d’une façon grave. Car, dans ce second système, ce n’est qu’à titre exceptionnel, comme redresseur des torts notoires et notables, que l’Etat aura la faculté de pénétrer dans l’intérieur des familles, tandis que, dans le premier, ce sera à titre journalier, comme exécuteur d’une loi universelle, qu’il pourra franchir, à tout moment, le seuil du foyer domestique el s’y livrer à des inquisitions vexatoires. L’inviolabilité du sanctuaire familial est l’un des plus fermes obstacles qu’on puisse opposer à l’invasion chaque jour plus menaçante du socialisme d’Etat. Serait-il sage et opportun de lui ouvrir, à deux battants, la porte du foyer ?

Tome II.

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Gaston Sortais.

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II. — MAITRES ET ECOLIERS CHRETIENS AU TEMPS DE L’EMPIRE ROMAIN

Quel fui, relalivemeut à l’enseignement public et privé, le rôle des chrétiens pendant les picniiers siècles, et particulièrement à l’époque des persécutions ? Comment, en ce temps, les maîtres chrétiens purent-ils professer ? Comment les élèves chrétiens purent-ils apprendre ? Et dans quelle mesure, par quels moyens, dans quel esprit l’enseignement et l’étudede ce qu’on appelait dès lors « les humanités », hiimaniores litterae, furent-ils possibles aux uns et aux iiutres ?

La question ne se poserait pas en ces termes, ou même ne se poserait pas du tout, si les premiers chrétiens avaient composé une secte de réfraclaires, hostiles aux institutions et aux lois romaines, ou s’étaient uniquement recrutés dans les classes inférieures de la population, indifférentes à la culture de l’esprit et préoccupées surtout du pain quotidien. Mais on sait

— et les études les plus récentes le démontrent chaque jour davantage — qu’une telle vue de leur histoire, inspirée par les calomnies de Celse, est tout le contraire de la vérité. A part qjielques esprits excessifs, et plus ou moins séparés de l’Eglise, les chrétiens des premiers siècles ont tout accepté de la civilisation romaine, excepté l’idolâtrie et les mauvaises mœurs : ils se montrent en toute occasion les loyaux sujets de l’Empire, paient exactement les impôts, accomplissent le service militaire. exercent tous les métiers honnêtes, gèrent même les magistratures quand ils le peuvent faire sans trahir leurfoi. El cette altitude, que révèle chaque page de leur histoire, montre bien qu’ils ne se composent pas seulement de petites gens, d’illettrés : ceux-ci étaient accueillis fraternellement dans l’Eglise, mais ils y rencontraient aussi des riches, des nobles, des savants : de très bonne heure la plus haute aristocratie romaine y fulreprésentée. La société chrétienne, même à l’aurore de la prédication apostolique, n’avait donc rien de réfractaire ou de barbare ; ses membres éprouvaient les mêmes besoins intellectuels que leurs compatriotes païens ; appelés à vivre de la vie de tous, les enfants des chrétiens ne pouvaient être privés de l’éducation commune.

Mais comment y participaient-ils sans danger pour leur moralité ou pour leurs croyances ? Tel est le problème que nous devons examiner.

Pour le faire bien comprendre, il convient de dire en quelques mots comment était organisé l’enseignement dans le monde romain.

I. Liberté et organisation de l’enseignement.— Deux traits le caractérisent.

L’un est la complète liberté dont il a joui depuis la fin de la République. Les premières leçons des rhéteurs grecs et latins avaient soulevé les protestalions du Sénat d’abord, des censeurs ensuite, gardiens sévères de l’antique simplicité (Slétone, De Claris rhetorihus, i). Mais ces protestations étaient demeurées à peu près sans effet. Dans une page, malheureusement incomplète, de son traité De In /{<publique, Cicéron constate que, à la différence de ce qui se passait chez les Grecs, l’éducation des enfants n’était à Rome réglée par aucune loi, soumise à aucune direction de l’Etat, et astreinte à aucune uniformité : il considère cette liberté et cette diversité comme l’effet d’une sage prévojance et voit en elles une des causes de l’heureuse paix dont jouissent ses concitoyens. Considerate mine cetora qiiam sint protisa sapienter ad illam civium lieate et lionesle vivendi societatem… Principio disciptiimin pueritcni…niillam cote mit desliiuilam legibus, aut publiée expositam,

aut unain omnitnn esse yoluerunt…{De llepublica^W, iii). La liberté de l’enseignement ne reçut aucune atteinte jusqu’au jour ou Julien l’Apostat, au milieu du IV siècle, essaya sans succès de la restreindre.

L’autre trait earaclérislique est la division de l’enseignement romain en trois ordres : primaire, secondaire et supérieur. Celle division est si raisonnable, si bien apjjropriée aux besoins des esprits, qu’elle a traversé les siècles, et se retrouve à peu près identique dans la société moderne.

Le premier degré a même conservé le nom dont on le désignait sous lesRomains.car l’instituteur chargé de donner aux enfants du peuple l’instruction dont ils se contentaient alors et se contentent encore aujoiu’d’hui, s’appelait l’instituteur primaire, primus magister (ou encore ludi mcigister, ou même litterator, dans le sens de celui qui enseigne les lettres de l’alphabet). Dans ces écoles, qui paraissent avoir été mixtes, c’est-à-dire fréquentées à la fois par les deux sexes (il s’agit ici des écoles primaires, car il n’est pas probable que les jeunes filles aient eu accès à l’école du grammairien ou du rhéteur), on enseignait à lire, à écrire et à compter. Les écrivains latins, et même quelques peintures, nous permettent de nous faire une idée de la diseii>line qui y régnait : cette discipline était rude, et le fouet y jouait son rôle. Elle n’était point, d’ailleurs, sans résultats, car, bien que nous ne possédions sur ce sujet aucune statistique (les anciens n’en faisaient guère), cependant nous pouvons constater que l’instruction primaire était fort répandue, et qu’un grand nombre de gens savaient lire et même écrire. On n’aurait pas multiplié dans le monde romain les inscriptions officielles ou privées avec une extraordinaire profusion, si les foules n’avaient été capables de les comprendre : el la multitude d’inscriptions incorrectes, tracées grossièrement, pleines de soléeismes ou de fautes d’ortliograpUe, qui se voient à Pompéi et ailleurs, montre que beaucoup de gens du peuple et même d’enfants étaient capables d’écrire. Dans les armées romaines, le mol d’ordre, au lieu d’être donné de vive voix, était inscrit sur des tablettes que l’on passait de rang en rang : cela ne se serait pas fait si le plus grand noud)re des soldats n’avait pas su lire. Peutêtre les illettrés étaient-ils moins nond)reux dans l’armée romaine que dans nos armées modernes, bien que l’instruclion obligatoire établiechez nous n’existât pas à Rome. En réalité, le développement de l’inslruction dépend des mœurs, et non des lois.

Beaucoup s’arrêtaient à ce premier stade : mais les enfants de la noblesse et de la bourgeoisie. — même de la très petite bourgeoisie, comme celle à laquelle appartenait le père d’Horace — recevaient l’enseignement secondaire. Celui-ci était donné dans les écoles des grammairiens ; c’est sous ce nom qu’étaient connus ses professeurs. Il consistait surtout dans lu lecture et le commentaire des écrivains classiques grecs et latins, c’est-à-dire des poètes, deshisloriens et des moralistes : on y joignait quelques éléments de géométrie et de musique. Non seulement les exercices oraux, mais encore la rédaction, les devoirs écrits, entraient pour une grande part dans les études de cet ordre.

Cette formation un peu factice, et à laquelle manquaient beaucoup des notions que nous considérons maintenant comme nécessaires, conduisait les étudiants plus ambitieux jusqu’à l’école de rhétorique. Celle-ci avait principalement pour but la préparation inuuédiate à la vie publique par l’apprentissage pratique de l’éloquence. On s’élonnera qu’elle ait duré pendant tout l’Empire, époque oii précisément on s’imagine qu’il n’y avait plus de vie publique. Mais c’est là une idée très inexacte. Si les empereurs 933

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avaient usurpe la ilireclion de toute la politique, il restait encore aux ambitieux, surtout en province, une large carrière. La vie provinciale el municipale ne fut jamais aussi active que sous l’Empire, et elle offrait à chaciuc instant l’occasion de beaux discours. Ceux mêmes qui demeuraient les plus étrangers aux affaires publiques trouvaient l’occasion de se faire entendre, car en aucun temps on ne fut plus amateur de la parole, et il sullisait de l’annonce d’une lecture, d’une déclamation ou d une conférence pour faire accourir toute une ville. On était donc aussi porté ([ue par le passé aux études de rhétorique. Les écoles où elles se poursuivaient étaient tout oratoires. On s’y exerçait à parler sur des sujets imaginaires proposés [larb^ maître, quifaisait ensuite lacritiqueet donnait pour ainsi dire le corrigé des discours. Les Coiilro%(’rses de Sénèque et les Di’clainatioiis de Quintilien nous ont gardé un écho probablement tidcle des discussions qui retentissaient autour de la chaire du rliéteur(Ies textes juridiques lui donnent indilVéremment le titre de rlietor ou i.Vorator ; dans les villes grecques il porte celui de sophiste) et faisaient de sa classe un tribunal ou un forum en miniature.

L’école de rhétorique était le degré suprême de l’enseignement romain : ses professeurs, nous apprend Ausone, occupaient un rang social très supérieur à celui des grammairiens (et les grammairiens eux-mêmes un rang supérieur à celui du maître primaire, à qui les lois interdisaient de prendre le titre de professor). Non seulement ils préparaient les futurs chefs de la cité, mais encore ils devenaient au besoin les représentants de celle-ci, car, dès qu’elle avait besoin d’un député auprès du gouverneur de la province ou de l’empereur, c’est le plus souvent parmi les rhéteurs en renom qu’elle le choisissait.

Disons cependant que cette forme assez creuse de l’enseignement supérieur, bien que la plus répandue, n’était pas la seule qui existât dans l’Empire romain. En quelques villes il y avait des cours de philosophie, quiétaientdistincls des écoles de rhétorique ; en d’autres, on enseignait la jurisprudence ; beaucoup possédaient des écoles de médecine. Parfois les mêmes étudiants fréquentaient à la fois ces divers cours : si bizarres qu’elles soient, les causes imaginaires plaidées dans les écoles de rhétorique supi)Osent le plus souvent quelque connaissance du droit et quelque habitude des procès réels ; on voit au IV’siècle un des plus brillants élèves des rhéteurs d’Athènes s’asseoir sur les bancs de l’école de médecine.

Jusqu’au ii* siècle, les écoles de tout ordre paraissent avoir été privées. Les empereurs des dynasties Flavienne et Antonine commencèrent à rétribuer celles de Rome, et à transformer ainsi en professeurs publics les hommes qui y enseignaient. A leur exemple et avec leurs encouragements, beaucoup de villes fondèrent des chaires municipales de grammaire, de rhétorique, de médecine, et accordèrent un traitement aux professeurs. Mais, en concurrence avec cet enseignement public, qui était largement rétribué (vingt mille francs à Rome, neuf mille francs en province), exista toujours l’enseignement privé. Tout citoyen que sa conduite n’avait pas disqualifié pouvait ouvrir une école de l’un ou l’autre degré, et, à défaut du traitement odiciel, recevoir une rétribution de ses élèves. Parfois la lutte fut assez vive entre l’un et l’autre enseignement. Souvent la concurrence faite au premier par le second demeura victorieuse. L’autorité ollicielle, quelles que fussent ses préférences, n’intervenait jamais en faveur de celui qui pouvait se réclamer d’elle. On voyait alors telle chaire de l’Etat ou des villes délaissée, et la chaire rivale du professeur libre entourée de la foule des

élèves. On connaît l’histoire du sophiste Libanius, qui, s’étant vu préférer ()ar les autorités de Gonstanlinople un autre professeur, ouvrit une école, et lit aussitôt le vide dans celle de son concurrent. « C’est l’empereur qui le nourrit, disait-il ; moi, ce sont les parents de mes élèves qui me font vivre. » (Libanius, De fita : éd. Reiske, t. 1, p. ag.) En réalité, c’était la valeur des professeurs, ou la vogue qu’ils avaient su acquérir, ou même un simple caprice de la mode, qui faisait le succès et assurait selon les lieux et selon les moments la prédominance de l’un ou de l’autre enseignement. Mais les empereurs accordaient aux représentants de tous deux, sans distinction, une même exemption des plus lourdes charges publiques : ce privilège apparteiuiit aux professeurs libres aussi bien qu’aux professeurs qui touchaient un traitement de l’Etat (ciim salaria vel sine salaria. MoDESTiN, au Digeste, XXVII, i, 6, § ! 1 1).

L’instruction, on le voit, était fort répandue et l’enseignement donné à tous ses degrés dans les villes importantes de l’Empire romain. Des textes juridiques prévoient trois rhéteurs ou soj)liistes et trois grammairiens dans les petites villes, cinq rhéteurs et cinq grammairiens dans les grandes. Mais ce nombre était parfois très largement dépassé. En certaines cités, le groupement des écoles de toutes les catégories était assez considérable pour former de véritables universités. Il en est ainsi, pour la Gaule, à Bordeaux, à Toulouse, à Autun (ces universités avaient un chef, correspondant à ce qu’est chez nous le recteur ; mais il était beaucoup plus chèrement payé : celui d’Autun recevait par an 600 mille sesterces, équivalant à 120 mille francs), à Poitiers, à Vienne, à Trêves, pour l’Italie à Rome, à Milan, à Crémone, à Bergame, pour l’Afrique à Cartilage, pour l’Egypte à.Alexandrie, pour la Grèce à Athènes, par la Tlirace à Constantinople. Certaines universités, tout en donnant un enseignement général, avaient une célébrité particulière pour une branche de l’enseignement : les étudiants en droit fréquentaient de préférence Arles en Gaule ou Beyrouth en Syrie, les étudiants en philosophie trouvaient les meilleurs maîtres à Athènes, l’enseignement médical donné à Alexandrie avait une réputation universelle. A Athènes, les étudiants se divisaient par nations, comme dans le Paris du moyen âge, et leur turbulence effrayait les gens paciiiques. A Rome, on dut les mettre sous la surveillance de la police et exiger le départ de ceux qui étaient âgés de plus de vingt ans (Cade Théodosien, XIV, iv, 1, année 870). En Orient, la tolérance était plus large, car on vit des travailleurs tels que saint Grégoire de Nazianze prolonger leur séjour jusqu’à la trentième année, et fréquenter même successivement plusieurs villes universitaires.

Ces rnpides détails suffisent à montrer quel fut le régime de l’enseignement supérieur jusqu’au V siècle. En 4^5, on aperçoit une tentative pour le changer. Théodose II essaie de fonder à Constantinople une véritable Université d’Etat, composée de trente et un professeurs, qui auront le monopole de l’enseignement : l’ouverture d’écoles privées est désormais interdite, et les professeurs libres ne pourront plus donner de leçons que dans les familles des particu liers (Code Théodasien, XIV, ix, 3). Mais cette réforme est bornée à la seule ville de Constantinople : la liberté de l’enseignement paraît avoir subsisté dans le reste de l’Empire. Au moins en fut-il ainsi de l’Occident : ce que nous savons des études qui se faisaient dans les pays latins à la veille des invasions barbares nous montre un régime resté tout semblable à celui que nous avons décrit. On peut dire qu’en Occident, et particulièrement en 935

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Gaule, la liberté de l’enseignement durera autant que l’Empire romain.

II. Les professeurs chrétiens â l’époque des persécutions. — Rien ne s’opposait à ce que les chrétiens donnassent cet enseignement. Sans doute, ri n’est pas probable que l’Etat ou les villes aient, avant le iv= siècle, choisi des prol’esseurs parmi les adorateurs du Christ ; cependant, le fait a pu se produire, et ce que nous savons maintenant de l’exlrcine liberté, de la prédominance même, dont le christianisme a joui, en dehors des moments de persécution déclarée, dans certaines réjfions de l’Asie Mineure (voir mes Dix leroris sur le iiiiirlyre, p. 28-33), nous rend possible de l’admettre. Mais la facilité d’ouvrir, sans avoir besoin d’en demander l’autorisation, des écoles privées, la complète liberté d’enseignement qui dispensait celles-ci de toute inspection officielle, permettaient certainement aux chrétiens de se faire instituteurs à tous les degrés. Et, de fait, on a le souvenir de quelques professeurs qui furent martyrs, mais aucun ne le fut pour avoir enseigné : ils périrent comme périssaient alors d’autres iidèles, pour avoir refusé de renier leur foi.

Le rhéteur Arnobe, qui lui-même est un converti, cite parmi les hommes marquants qui à la fin du m" siècle embrassèrent le christianisme « des orateurs de grand talent, des grammairiens, des rliéfeurs, des médecins, des maîtres de philosophie » {Adtersus génies, II, lv). Il n’est point probable que tous ces lettrés, en embrassant le christianisme, aient abandonné le professorat. L’iiistoire, d’ailleurs, nous a conservé le nom de professeurs chrétiens appartenant à l’époque des persécutions. On a trouvé dans une des catacombes de Home l’épitaplie d’un modeste magister priiniis (cimetière de Calliste. De Rossi, Homa sollerranea, t. II, tav. XLV-XLVI, n" 43). Cassien, martyr pendant la dernière persécution, était maître d’école à Imola (Prudence, Péri Stephanôn, ix). Ouioêne débuta par être grammairien, et gagna ainsi, pendant quelque temps, sa vie, celle de sa mère et de ses frères (EusÈBB, Hist. eccL, VI, xv). Flavien, martyrisé en Afrique au milieu du m » siècle, avait aussi été grammairien (Passio SS. Montani, Lucii, Flaviani, etc., 19, dans Rl’iNART, Acta mariyrum sincera, 1689,

! >. 2^0). A la lin du même siècle, le clirétien Anatole, 

futur évêque de Laodicée, était non seulement chef du Sénat d’Alexandrie, mais aussi avait été désigné par ses concitoj’ens pour professer la philosophie et commenter Aristote (Eisèbe, Hisi. eccl., VII, xxxii, 6, 7).

Peut-être quelques professeurs chrétiens dirigèrent-ils des écoles exclusivement composées d’enfants de leurs coreligionnaires. Nous n’en avons point cependant la preuve. Le contraire est certain pour plusieurs de ceux qui viennent d’être nommés. Cassien, l’instituteur d’Imola, n’avait probablement que des païens pour élèves, puisqu’il fut martyrisé par ceux-ci, qui lui gardaient rancune de sa sévérité. Les élèves de Flavien étaient, sans doute, aussi des paieiis, car, aussi dévoués à leur maître que ceux d’Imola seront hostiles au leur, ils s’elTorcent par tous les moyens, même parie mensonge, de l’arracher au supplice. L’école de philosophie dirigée par Anatole à Alexandrie est certainement ouverte à tous, puisque le professeur a été choisi par la ville.

Quelques-uns s’étonneront peut-être que des chrétiens, et parmi eux des hommes assez fervents pour affronter le martyre, aient consenti à donner à l’enfance et à la jeunesse ime éducation qui consistait presque tout entière dans l’explication des classiques pa’iens, et où les fables mythologiques, considérées comme l’une des principales sources de beautés

littéraires, jouaient un grand rôle. Le grammairien grec ne pouvait lire ou commenter Homère et Pindare, le grammairien latin Virgile et Horace, sans décrire à chaque instant les aventures des dieux et des déesses, auxquelles, à leur tour, les devoirs écrits des élèves devaient sans cesse faire allusion. Mais il semble que, devenues ainsi matière de littérature, les fables mythologiques perdaient leur sens religieux. D’objet de foi qu’elles avaient pu être autrefois, elles étaient passées à l’état de lieu commun, d allégories familières et de sujets de narration. Traitées de la sorte, elles n’offraient guère de danger pour les écoliers chrétiens. Ils sentaient vite la différence entre la manière dont à l’école on parlait de la mythologie et dont à l’église on parlait de la religion, et n’étaient point tentés de confondre l’une et l’autre. C’est pourquoi l’étude des classiques païens, nécessaire alors au perfectionnement de l’esprit et à l’étude du beau langage, ne fut point défendue. Inconséquent selon son habitude, Tbrtulliex déclare qu’un chrétien n’a pas le droit de professer, mais qu’un chrétien a le droit d’aller à l’école, parce que l’enseignement littéraire qui y est donné est indispensable à la conduite de la vie (De idolulatria, 10). Mais les chefs légitimes de l’Eglise se gardèrent toujours des exagérations et de l’illogisme de TertuUien : pas plus qu’ils n’interdirent aux chrétiens d’apprendre, ils ne leur défendirent d’enseigner On ne trouve nulle trace d’une telle défense, et les exemples cités plus haut montrent qu’elle ne fut jamais portée.

A part quelques intransigeants, les chrétiens des premiers siècles eurent toujours, en ces matières, l’esprit fort large, parce qu’il était réellement éclairé. Souvenons-nous des peintures ou des sculptures allégoriques qui se rencontrent dans les catacombes : l Amunr et Psvclié, Ulrsse et les Sirènes, les Saisons, les (lénies ailés, les Fleuies, le Ciel, /’Océan, personnifiés par des formes humaines. Souvenons-nous encore de la curieuse histoire des quatre sculpteurs chrétiens de la Pannonie, qui consentirent à fabriquer des Victoires et des Amours, en qui ils voyaient d’inoffensives allégories, ou encore le Soleil sur son char traîné par des coursiers, et souffrirent le martyre plutôt ([ue de sculpter un Esculape destiné à être adoré dans un tenqile. Cette largeur d’idées qu’ils portaient dans l’art, les chrétiens la gardaient dans les choses de la littérature et de l’enseignement.

III. L’enseignement après la paix de l’Eglise.

— Celui-ci ne gênait donc pas plus la conscience des maîtres qu’il ne mettait en jiéril la foi des élèves. L’influence de la famille venait d’ailleurs corriger aisément ce qu’aurait eu de dangereux l’atmosphère de l’école : n’oublions pas que l’internat n’existait pas chez les Romains. On voit, par le récit de l’éducation d’OniGÈNE, comment un père chrétien pouvait suppléer, par une précoce formation religieuse, aux lacunes de l’enseignement littéraire. Origène enfant suivit exactement « le cycle de cet enseignement « , mais chaque jour, « avant de donner son soin aux études païennes », Léonide (c’est le nom du père d’Origène) lui faisait étudier l’Ecriture sainte. Il l’obligeait à réciter de mémoire les passages de la Bible qu’il avait lus, ou au moins à lui en faire le résumé (Eusèbe, Hist. ecc/., VI, 11, 12). Ainsi préparc et comme prémuni, l’enfant pouvait ensuite écouter sans danger les passages d’Homère ou d’Hésiode que commentait devant lui le grammairien. Tous les pères de famille n’étaient sans doute pas capables de diriger l’éducation de leurs fils avec l’autorité du futur martyr Léonide, également instruit dans les lettres humaines et dans les lettres sacrées, et qui avait peut-être été grammairien lui-même ; mais on jieut 937

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croire que soit directement, soit par rinterraédiaire d’un pédagofïueclirélien, sorte de répétiteur ail’ranchi ou esclave, qui dans les maisons riches accompagnait l’enfant en classe, beaucoup de parents suivaient de plus ou moins loin cet exemple.

Cependant, là où manquait l’inlluence de la famille, le paganisme dont l’enseignement était tout imprégné pouvait avoir ses dangers. Le père de saint Augustin n’était pas cbrétien ; son admirable mère, Monique, ne comprit que peu à peu l’étendue de ses devoirs, et dirigeaimparfaitemenl la jeunesse de l’étudiant. Ainsi livré sans contrepoids aux leçons du grammairien, puis du rhéteur, Augustin s’excuse d’avoir pris un plaisir trop vif aux impuretés de la mythologie et aux vanités de réloquence. Cependant, quand on regarde de près les passages de ses Confessions où il raconte ainsi ses études, on reconnaît que celles-ci ne produisirent dans son âme que des trjfcbles passagers, et que ni ses grandes erreurs d raëes, ni ses coupables écarts de conduite, ne leur sont dus. C’est même en faisant connaissance, à l’école du rhéteur, avec V/Iortensiiis de Cicéron qu’il commença à rentrer en lui-même et à désirer une vie meilleure. L’exemple de saint Augustin ne va donc pas contre ce qui vient d’être dit. Le milieu dans lequel il avait grandi était trop imparfaitement chrétien pour corriger et purifier l’enseignement public. Mais dans les familles plus com|)lètement réglées par la loi évangéliquc, celui-ci, à l’époque surtout où vécut saint Augustin, ne pouvait être bien dangereux.

Il l’était d’autant moins qu’après la cessation des persécutions et le triomphe de l’Eglise le nombre des maîtres chrétiens avait beaucoup augmenté. Parmi eux, il y avait des’chrétiens fervents, dont les leçons, bien que prenant leur texte dans les classiques païens, devaient tourner plutôt à l’apologie de la vraie religion. Tel fut certainement le père de saint Basile, qui enseignait la rhétorique à Césarée de Gappadoce, en même temps qu’il plaidait au barreau de cette ville ; tel fut Basile lui-même, que les habitants de Césarée appelèrent, après son retour d’Athènes, à la chaire de rhétorique oùavait professé son père ; tel fut son frère Grégoire de Nysse, qui, lui aussi, sera quelque temps rhéteur ; tel paraitavoir été pendant quelque temps aussi leur ami Grégoire DB Nazianzb ; tels les deux Apollinaires, dont l’un enseigna la grammaire, l’autre la rhétorique. On comprend quel était l’enseignement de tels hommes : à la fois très littéraire ettrès chrétien ; très littéraire, car ils avaient le sentiment de leur devoir envers leurs élèves, et d’ailleurs ils aimaient passionnément les lettres et l’éloquence ; très chrétien, puisque eux-mêmes étaient des chrétiens de premier ordre, engagés déjà dans la voie delà sainteté. Basile a d’ailleurs tracé le programme de cet enseignement dans son admirable homélie Sur ta manière de lire les auteurs profanes. Il apprend à ses auditeurs et à ses lecteurs comment on peut tirer des grands écrivains de l’antiquité non des leçons de volupté ou d’orgueil, mais celles de la plus haute morale, en faisant servir la sagesse humaine à commenter les préceptes ou les conseils de l’Evangile. C’est cet accord de la raison et de la foi qui doit être le but suprême et le fruit le plus précieux de l’éducation.

Non seulement à cause du grand nombre des professeurs chrétiens, mais plus encore peut-être à cause de la nature de leur enseignement, Julien l’Apostat essaya d’en restreindre la liberté. Il incrimine, dans son édit de 302, les gTammairiens, les rhéteurs et les sophistes qui expliquent les auteurs classiques sans en partager les croyances. Il leur reproche les propos qu’ils tiennent, dans leurs leçons, au sujet d’Homère, d’Hésiode et des autres poètes ouécrivains

du paganisme. Il les montre taxant ces auteurs (I d’impiété, de folie et d’erreur religieuse ». Ces reproches nous font juger delà nianièredont beaucoup de professeurs chrétiens faisaient leur classe. Ou a découvert un devoir d’élève, qui réfute la fable d’Adonis ; c’estévideinmentrécho de leçons de ce genre (voir Emile Jullien, Les Professeurs deliitéruturedans l’ancienne Home, iSSb, p. 305). Acette manière d’interpréter les classiques, Julien va déclarer la guerre. Il le fait d’abord d’une manière détournée, par une loi reconnaissant aux villes le droit, qu’elles ont toujours eu, de nommer les professeurs municipaux, mais exigeant que leurs choix soient soumis à sa ratification (Code Théodosien, XUl, iii, 5). Et il le fait ensuite ouvertement dansl’édit de 36a (Julien, /Tp. xlii), qui interdit l’enseignement aux professeurs qui persisteront à demeurerchrétiens.Cet édil fut réellement exécuté, car on voit après sa promulgation beaucoup de professeurs descendre de leurs chaires, et parmi eux des hommes illustres comme le rhéteur Victori-Nus, à Rome, et le sophiste Proh.4.eresius, à Athènes. On sait avec quelle éloquence saint Grkgoihb DE Nazianzk a llétri cette blessure portée à la liberté de l’enseignement : « Sur aucun point, dit-il, Julien ne s’est montré plus haïssable : qu’avec moi s’indigne quiconque aime l’éloquence et appartient comme moi au monde de ceux qui la cultivent 1 » (Oralio IV, loo.)

La loi de Julien eut un double effet : elle montra une fois de plus la nécessité des classiques pour les études des élèves chrétiens, et elle prépara un nouveau triomphe de la liberté de l’enseignement.

Voyant les maîtres chrétiens privés du droit de commenter désormais dans leurs chaires les auteurs qui avaient fait, jusque-là, le fond de l’éducation, deux anciens professeurs, dont nous avons parlé, Apollinaire le père et Apollinaire le fils, entreprirent de les remplacer, à l’usage des chrétiens des pays grecs (car une tentative de ce genre ne fut pas faite dans le monde latin), par une littérature nouvelle. Ils s’associèrent pour mettre en odes les Psaumes, en épopée les livres de Moïse, en dialogues à la manière de Platon l’Evangile, et emprunter aux sujets sacrés la matière de tragédies et de comédies dans le style d’Euripide et de Ménandre. Mais ils apprirent à leurs dépens qu’une littérature classique ne s’improvise pas, qu’il y faut la consécration du temps et le suffrage de l’admiration universelle. Leurs essais furent vite oubliés : il faut lire sur ce sujet les belles et sages rélle-xions de l’historien ecclésiastique Sochate (Hist. eccL, III, xvi).

Vingt ans après la loi de Julien et la tentative des Apollinaires, saint Jérôme déclare que la lecture des comédies antiques, c’est-à-dire surtout de Térence, et celle des poèmes de Virgile est « nécessaire à l’éducation des enfants ii, in jiueris necessilatis est (saint Jérô.me, £/ ?. XXI, ad Damasum). Quand lui-même, en 386, fonda une école annexée à son monastère de Bethléem, il y commenta à ses élèves les poètes latins, et spécialement Virgile. Il y avait longtemps que la loi de Julien avait disparu. Elle ne dura qu’un an, et la mort de l’empereur apostat l’abrogea de fait. En 364, Valentinien la retira otriciellement.

« Quiconque, écrit-il, est par ses mœurs et son talent

digned’enseigner la jeunesse aura le droit, soit d’ouvrir une école, soit de réunir à nouveau son auditoire dispersé. » (Code Théodosien, XIII, iii, 6.) Il n’y eut pas de réaction : on laissa aux païens le droit d’enseigner ; mais on le rendit aux chrétiens. Et, en S’jô, l’empereur Gratibn rappela aux villes qu’elles avaient le droit de choisir librement leurs grammairiens et leurs rhéteurs, sans soumettre ce choix à la ratification impériale (Ihid., ii). 939

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IV. L’enseignement supérieur chrétien. — Le christianisme s’accommoda facilement, on le voit, des modes d’enseignement en usage dans le monde romain. Il en usa sans peur. Comme les autres, l’intransigeant Tertullien reconnaissaitdans l’étude des classiques, c’est-à-dire dans la préparation générale de l’esprit selon les mclhodes de son temps, la base nécessaire de toute étude, même religieuse.

« Gomment, écrit-il, repousserions-nous les connaissances

du siècle, sans lesquelles est impossible celle des choses divines : Quomodo repudiamus secularia studio, sine quibiis divina esse non pussunt : ’» (De idololairui, lo.) A plus forte raison parlait-on de même à Alexandrie. ClkmentvoîI dans la culture des sciences étrangères, c’est-à-dire de la littérature classique, un moyen de familiariser l’esprit du chrétien avec les différents modes de pensée, et de lui permettre ainsi de distinguer plus facilement la vérité et’eTreur(Stroniata, 1, ix).

Le nom de Clément d’.lexandrie me conduit à un autre ordre d’idées. Il rappelle l’usage le plus fructueux et le plus neuf fait par les chrétiens de la liberté de l’enseignement. A l’enseignement païen manquait une partie essentielle : l’enseignement du paganisme lui-même. On ne prêchait pas, on ne catéchisait pas dans les temples. Les adorateurs des dieux ne connaissaient ceux-ci que parles récits des poètes, par les tragédies ou les comédi’es, qui les présentaient quelquefois dans les plus bizarres postures, par des statues et des peintures qui n’étaient pas toujours fort édifiantes. Le paganisme n’avait [)as de doctrines, et ce que l’on enseignait de la morale l’était par les philosophes ou par les poètes, non par les prêtres. Julien l’.Vpostat avait été si frappé de cette lacune, qu’il essaya de faire prêcher dans les temples : mais cette réforme, imitation visil)le du christianisme, eut aussi peu de succès que de durée : on connaît un seul sermon païen, résumé par Liba-Nius. C’est même ce défaut complet de substance doctiinale qui rendit l’élude des écrivains païens relativement inotfensive aux écoliers chrétiens. Or, ce qui manquait tout à fait au paganisme est précisément ce qui lit la force de l’Eglise, grâce à l’enseignement spécial qui y fut donné.

Il y eut d’abord les instructions longues, méthodiques, que devaient suivre les catéchumènes avant d’être admis au baptême, et dont nous trouvons un si remarquable exemple dans les catéchèses de saint Cyrille db Jkrusalem. Mais il y eut autre chose encore : des cours de religion chrétienne destinés aux esprits cultivés, et professés dans des écoles qui furent de vrais établissements d’enseignement supérieur, œuvre originale du christianisme, et sans analogue en dehors de lui.

Le type le plus connu, mais non le seul, de ces établissements est l’école d’Alexandrie. Celle ci avait été fondée avant le m’siècle, et durait encore au iv’. L’enseignement, tout entier consacré à la philosophie relig.ieuse, était donné par un maître célèbre par sa doctrine et son éloquence, que désignait l’évêque d’Alexandrie. Tels furent Pantène, Clément, Ohi-GÈNE. Les ouvrages de Clément et probablement en partie ceux d’Origène redètent les idées qui avalent cours dans cette école, et la manière originale, parfois subtile, dont elles étaient exprimées. L’auditoire était fort mêlé : sur ses bancs venaient s’asseoir non les simples aspirants au christianisme, auxquelsctait donné ailleurs un enseignement plus élémentaire, mais ceux qu’attirait vers la profondeur de ses doctrines nne intelligence plus ouverte et une curiosité plus avide : on y voyait des hommes et des femmes, des auditeurs de tout âge, des savants, des philosophes, des gens élevés en dignité. Plusieurs se con vertissaient, parfois jusqu’au martyre, tous au moins se retiraient après avoir reçu une grande idée du christianisme. Moins qu Alexandrie, mais à un degré éminent encore, Ccsarée de Palestine devint un foyer de hautes études chrétiennes. Origè.ne y expliqua l’Ecriture sainte, l’exégète Pamphile y fonda une école et une bibliothèque : celle-ci possédera un jour trente mille volumes.

Tel est l’usage que tirent les antiques chrétiens de la liberté de l’enseignement. Dans les circonstances en apparence les plus défavorables, ils se servirent d’elle avec une énergique conliance. Ils étudièrent ou enseignèrent les sciences et les lettres selon les méthodes employées autour d’eux. Mais ils enseignèrent aussi, selon de nouvelles méthodes, les sciences religieuses qui n’existaient pas avant eux. Ils greffèrent ainsi sur le vieux tronc de l’enseignement romain une branche nouvelle, qui lui rendit peu à peu une nouvelle vie. Ils firent cela au milieu même des persécutions, sans s’inquiéter de savoirsi professeuis ou écoliers n’iraient pas grossir un jour le nombre des martyrs. Et ainsi ils triomphèrent.

Paul Allard.

III. — INSTRUCTION EN FRANCE AU MOYEN AGE

L’on a beaucoup répété, pendant tout le xix’siècle, et l’on répète encore dans certains Manuels d’histoire, mis entre les mains des enfants du peuple, que l’instruction, spécialement l’instruction populaire, ne date guère que de la Révolution, et l’on jette sur le Moyen Age l’accusation d’ignorance et d’obscurantisme. Et comme ce fameux Moyen Age était soumis à l’influence de l’Eglise, c’est jusqu’à l’Eglise même que l’on prétend faire remonter celle accusation. Elle ne s’est point préoccupée d’instruire le peuple, dit-on ; il lui suflisait de lui enseigner les rudiments de la foi.

Les auteurs et propagateurs de cette calomnie étaient pour la plupart suggestionnés parla passion politique et religieuse : ces sentiments de partialité percent sullisamment à travers levu-s allirmations, pour qu’elles soient dès l’abord frappées de suspicion. De plus, ils montrent une ignorance des faits historiques, qui n’était déjà guère pardonnable après les travaux des Bénédictins du xvii’et du xvui’siècle et qui ne 1 est plus du tout, après les études plus récentes, qui. sur tous les points de la France, ont révélé plus en détail le grand mouvement intellectuel qu’à toutes les époques, quoique à des degrés divers, l’Eglise a suscité dans les différentes classes de la société. L’enquête sur l’instruction en France avant la Révolution n’a pas encore été poussée partout aussi profondément qu’il est possible : mais elle est sullisamment avancée pour que déjà l’on puisse affirmer que l’instruction n’a jamais manque, même au peuple, pendant le Moyen.ge, comme on a bien voulu dire, et que l’Eglise l’a toujours donnée à ses clercs, à ses moines, à ses fidèles, dans la mesure que comportaient les progrès du temps et les besoins de tous. C’est ce qui résultera clairement de l’histoire sommaire de l’instruction au Moyen Age, telle qu’on peut la résumer d’après les travaux les plus récents.

I. L’instruction, de la chute de l’empire romain d’Occident à Charlemagne Ci^G-’jGiS). — Tant que l’empire ronuiin subsista, il assura l’instruction |)ubliqvie dans les grands centres surtout ; il y eut de plus, à coté des maîtres nommés et payés par lui, des maîtres libres qui enseignaient pour la 941

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gloire cl la fortune. Mais lorsqu’il eut succombé sous les coups (les barljares, ce Cul l’Eglise qui, par la force des clioscs, reprit ce service. Elle était la seule société morale, intellectuelle, organisée. Elle avait à sa tête ou Jans ses cloîtres, connue évêqvies, prêtres ou moines, des hommes qui, durant leur jeunesse, avaient reçu la culture romaine, et pouvaient par conséquiMit la transmettre. Aussi la vit-on de suite, comme par un instinct naturel, recueillir des livres, ouvrir des écoles et instituer des maîtres. Certes, elle fut conditionnée dans sa tâche éducatrice, par les circonstances heureuses ou malheureuses qu’elle dut traverser : mais dans les époques les plus barbares, elle garda le flambeau de la science et ne laissa jamais les siens dans une ignorance complète, qui d’ailleurs aurait été inconqiatible avec l’enseignement même des vérités élémentaires de la foi.

Les écoles mnnastiques apparaissentles premières : car elles existaient déjà du temps de la domination romaine et lui survécurent surtout dans le Midi. Même avant l’arrivée des moines bénédictins au VII" siècle, il se forma des communautés d’hommes et de l’emmes sur le modèle des monastères basiliens de Constantinople, où se trouvaient des écoles pour les moines, les jeunes oblats et même les enfants du dehors. Tels furent les monastères de S. Victor de Marseille, où vécut Cassien (-j- ! ibo), de Lérins, fondé par S. Honorât d’Arles (-j- ^29), où enseignèrent HiLAiRB d’Arles (~ 44y)i Vincent de Liïrins (-]- av. libo), EucHEH, archevêcpie de Lyon (-{- 450), Loup, évêque de Troyes {— 47’.l), Salvien de Marseille {-f v. ^Sii), F.usTE de Kiez ([- v. ^go), et où parurent comme élèves un grand nombre d’évêquea du Midi qui instituèrent ensuite chez eux un enseignement semblable à celui qu’ils avaient reçu,.insi CiisviRE, évêque d’.rles, au vi’siècle (-J- 5.’|2), fonda dans cette ville deux communautés, l’une d’hommes, l’autre de femmes. Cette dernière sous la direction de sa sœur Ste Cksarie (- ; v. 029) s’occupait spécialement de copier les manuscrits, et servit de modèle au couvent fondé par Ste K.degoni)e (~ 58-) à Poitiers. On y transcrivait les poètes chrétiens, les Pères grecs cl latins. Les autres règles monastiques de ce temps, celles de S. Aurélien et Fehheol, de Tarnat, etc., comme celles de S. Césaire, prescrivirent de consacrer quelques heures de la journée à la lecture et d’abord d’apprendre les lettres. La même prescription se retrouve dans la règle de S. BenoIt.

Non seulement on lisait dans les monastères, mais on y enseignait : et l’enseignement n’élaitpasréservé aux religieux : il était donné aussi aux laïques, et pour eux, vu leur nombre, on fut amené à créer une école extérieure à coté de l’école intérieure. V Histoire tilléraire (lU, 429) signale un grand nombre de ces foyers d’étude pour le vi* et le vu’siècle, à S. Claude, à Luxeuil, à Jumièges, à Fontenelle, à S. Riquier, à S. Valer}’, à S. Vincent de Laon, à S. Taurin d’Evreux, à Mici, à S. Hilaire de Poitiers, à Ligugé, à S. Denis, à Ferrières en Gàtinais, à Issoire, — et l’on pourrait en désigner [ilusieurs autres. Un moine instruisait gratuitement tous ceux qui se présentaient, et il en venait non seulement des envi.rons mais de très loin. L’on ne craignait pas alors de faire de grands voj’ages pour se mettre à l’école des religieux célèbres par leur science des choses intellectuelles et morales.

Les évêques entretenaient aussi près d’eux des écoles pour leurs clercs, appelées écuhs épiscnpales. Dès le’siècle, Sihoine Apollinaire (-[- v.488) montre auprès d’un évêque de ce temps une caterva schotasticorum. .Vu vie siècle, à l’arrivée des Francs, on signale un grand nombre de ces écoles. Outre celle

de S. CÉSAIRE, dans l’Eglise d’Arles, d’où « sortirent S. Cyprien, évêque deToulon, Firmin, évêque d’Uzès Vivence, autre évêque, le prêtre Messien, le diacre, Etienne, Téridc ou Tétrade, neveu de S. Césaire, tous hommes de lettres », il y en avait dans le Centre et dans leNord ; à lleiius et àMousson, près de S. Ké.my, (|-553), à Rouen près de Puktextat (-j- 586), à Paris, près de S. Gbk.main (-7 5’j6), à Clermont, près de S. Gall (-j- 553), à Tours, près de.S. Gri’ ; goirk(-j- SgS), à Poitiers, près de Fortunat(-î- ap. 600), au Mans, près de Domnol (-7 581), à Chartres, près des évêques Solemne, Lubin (-j- v. 556), Calf.tric (-f v. 567), Be-THAiRE (- ; - av. 514) et Lancégesil. Ceux-ci avaient confié l’école chartraine au prêtre Ciiermir ; ailleurs, les évèqucs enseignaient eux-mêmes, ou avec l’aide de prêtres ou diacres que l’on appelaitsoit primiciers soit scolastiques ou écolàtres.

Ces écoles épiscopales sesoutinrentencore pendant le vu’siècle. Les Bénédictins (Hist. litt., III, ! ih) citent celles de Paris, Chartres, Troyes, le Mans, Lisieux, Bcau^ais, en Xeustrie ; de Poitiers, Bourges, Clermont, en Aquitaine ; d’Arles, Gap, Vienne, Chalon-sur-Saône, dans le royaume de Bourgogne ; d’Utrecht, Mæstricht, Yvois, au diocèse de Trêves ; de Cambrai, Metz.Mouson, en Austrasic.

Toutes ces écoles furent d’abord sans doute des catéchismes et des séminaires, où l’on lisait de préférence l’Ecriture et les Pères, mais, dans plusieurs, surtout après la chute des écoles impériales, au milieu du v’siècle, et plus tard, on enseigna, dans une certaine mesure, les arts libéraux, c’est-à-dire le Trivium et le Quadrivium, le Trivium comprenant La grammaire, la rhétorique et la dialectique, le Quadrivium composé de l’arithmétique, de la géométrie, de l’astronomie et de la musique. L’évêque de Vienne, DiniKR (- ; - 608), S. SuLPicE, évêque de Bourges ("T 644)> S. M.VRTiN, abbé de Vertou (-}- 601), comme Gri’ : goire de Tours, et surtout Fortunat les avaient certainement étudiés (Roger, Alcitin, 163).

Comme dans les cloîtres et les évèchés, il y avait des écoles dans les preshytères. Le premier canon du 2" concile de Vaison, tenu en 5-29 sous la présidence de S. Césaire d’Arles, statua que conformément à ce qui se pratiquait avec fruit dans toute l’Italie, tous les prêtres de la campagne recevraient chez eux de jeunes lecteurs qui ne seraient pas mariés, qu’ils les élèveraient comme de bons pères, leur faisant apprendre les Psaumes, lire l’Ecriture, et les instruisant dans la loi de Dieu, afin de se préparer de dignes successeurs ; que cependant, lorsqu’ils seraient venus en âge, si quelqu’un d’eux voulait se marier, on lui en laisserait la liberté » (Maassen, Concilia aevi merovingici, p. 56).

Ces écoles de campagnes sont signalées dans un bon nombre de Vies de saints, par exemple dans celles de S. Laumer et de S. Rigomer : elles furent donc assez répandues. Leur programme était essentiellement religieux, mais comportait nécessairement la lecture, l’écriture, le chant d’église, et l’Ecriture sainte, c’est-à-dire les connaissances indispensables aux prêtres. L’élude qui dominait était celle des Psaumes. Le concile de "Tours de 567 recommandait de les faireapprendre. Cesécolcs semblent avoir été ouvertes, sinon à tous les enfants du peuple, du moins à un grand nombre : elles furent l’origine des écoles paroissiales.

On a pu signaler une véritable école dans le palais même des rois mérovingiens. Elle avait pour élèves les fils de famille qui devaient remplir plus tard les grandes fonctions militaires el civiles, et que, conformément à un usage germain, ces rois réunissaient autour d’eux. Ils groupaient aussi pour la garde de leur chapelle et l’exécution des chants lilur943

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giquesdes clercs distingués auxquels ils préposaient des maîtres instruits. Tous y étudiaient au moins les éléments des lettres, et les uns y ajoutaient les chartes et l’art de la guerre ; les autres, quelque chose des sciences sacrées. C’est là que parurent avec le titre de maîtres ou d’archichapelains, le romain Bk-TUAinE, plus tard évêque de Chartres, Rustique de Gahors, Suu’Icb de Bourges, et à titre d’élèves les plus grands noms du temps.

Au VII’siècle, sous les rois fainéants, commence la décadence de l’enseignement. Quelques écoles épiseopales subsistent encore, à Autun avec S. Légeh, (f 678), à Paris avec S. Cehaune (f av. 626), à Bourges, au Mans, à Angers, à Chartres, à Verdun, à Metz, à Noyon, à Clermont, à Issoire, à Gap.

Mais l’école palatine tombe, les écoles presbytérales disparaissent. Un concile condamne un prêtre qui ne sait plus correctement la formule du baptême. Les écoles monastiques elles-mêmes végètent : plusieurs des hommes qui entrent dans les cloîtres le font par dégoût du monde et font peu de cas des études. Les monastères nouveaux fondés par S. Co-I. OMBAN (v. 590), à Annegray, Luxciiil, Fontaine, au début s’applitiuent plus à l’ascétisme cju’aux lettres.

Ce fut une obscurité profonde qui dura du premier quart du vii" siècle au dernier du vin’. Gukgoire dk "Tours, effrayé, s’écriait : « Malheur à nous : car l’étude des lettres a disparu de chez nous. » Il se demandait qui pourrait plus lard raconter l’histoire de son tenq)s à la postérité. Il se disait lui-même sans grammaire, sans rhétorique, sans lettres (Htst. Fr., I, préf.). Il est vrai qu’il écrivait déjà dans un latin bien incorrect : pourtant il exagérait son inhabileté. Dans son jeune âge, sous l’évêque de Clermont, son parent et son maître, ou du moins dans son âge raùr, il avait fréquenté les poètes romains et spécialement’Virgile dont il intercale beaucoup de réminiscences dans ses écrits, et Forlunat avait quelques raisons de vanter son éloquence et son érudition. FoBTCNAT lui-même, élève jadis des écoles de Ravenne, les dernières de l’empire romain en Occident, s’accusait de manquer de poésie et de ne connaître qu’à peine Platon, Aristote, Chrysippe, Pittacus.

« Je n’ai lii, disait-il, ni Ililaire, ni Grégoire, ni Anihroise, 

ni Augustin. » Il exagérait aussi son ignorance, comme le témoignent ses relations poétiques avec S" Kadegonde.

Mais les hommes qui suivirent à partir du second quart du vu’siècle, méritèrent à peu près complètement les reproches que ceux-ci s’inlligeaient avec trop d’humilité. Fbédégaire, le continuateur de Grégoire de Tours, écrit dans un style tout à fait corrompu. Rares sont devenus les chroniqueurs. Les diplômes royaux, les chartes, qui émanaient povirtant de personnages élevés, reflètent l’ignorance générale et ne se rédigent plus en latin classique mais en latin populaire. Le clergé lui-même corrompt la langue sacrée : c’est la transformation progressive, sous l’influence barbare, des langues anciennes dans les langues romanes qui commence.

Quelles furent les causes de cette décadence ? Faut-il en accuser un certain courant ascétique hostile aux études profanes ? II est certain qu’à toutes les époques il se rencontra des esprits qui furent, à certains moments de leur vie, frappés de la frivolité et aussi de l’immoralité des auteurs profanes et en regrettèrent ou même en dissuadèrent la lecture. Saint Augustin disait qu’ils avaient failli lui faire perdre la piété. Au v » siècle, Paulin de Nole, qui les connaissait bien aussi, écrivant à Ausone, taxait de perdu le temps qu’on leur consacrait. Sidoine Apollinaibr rougissiiit de faire un poème nouveau et déclarait la poésie indigne d’un clerc. En.nodius

DE Pavie ne voyait que fables et sottises dans les lettres antiques auxquelles il disait adieu. Cassien pleurait d’avoir été dès sa jeunesse imbu de ces fables et trouvait qu’elles avaient gêné son âme dans ses élans vers Dieu.

Ces sentiments prirent encore plus de force au vï’= siècle. Alors Grégoire le Grand blâmait Didier, évêque de "Vienne, de ce qu’il enseignait la grammaire, sous prétexte que mêler les louanges de Jupiter à celles du Christ était indigne d’un évêque et ne conviendrait même pas à un laïque (Episl. xi). CÉSAiRE d’Arles, comme avant lui S. Jérôme, comme plus tard Alcuin, fut averti en songe, s’il faut l’en croire, de ne plus se livrer à l’étude des païens.

Mais ces hommes, tous instruits, ne signalaient que le danger des lettres profanes et n’en condamnaient que l’abus. Us les avaient cultivées et enseignées dans leur première jeunesse avec amour, et ils ne s’étaient retournés contre elles qu’à la fin de leur vie et sous le coup des malheurs publics, qui leur avaient inspiré des pensées et des soucis plus graves. Le soin qu’ils prennent de mettre leurs disciples en garde contre elles prouve que ceux-ci ne se privaient pas d’en goûter les charmes.

Pourtant ce mouvement de répulsion s’accrut pendant les guerres des Mérovingiens, quand la faiblesse des rois fainéants, les rivalités des maires du palais et enfin la rapacité de Charles-Martel, qui donna les évécUés et les abbayes à ses soldats, eurent absolument troublé les sanctuaires de l’étude. S. Lubin avait été jalousé par ses confrères de Chartres parce qu’il lisait, et dut s’éloigner d’eux. De même au vu’siècle, S. Leufroy (-j- 788), venu d’Evreux à Chartres pour y étudier, fut aussi poursuivi par l’envie et dut repartir. Mais, de retour en sa patrie, il y fut entouré d’élèves qu’il formait aux lettres et à la piété. A la même époque, l’évêque de Lisieux, Etiierius, ouvrait une école à tous les enfants de la cité. Grégoire de Tours, //is/. Franc, VI, xxxvi. Beaucoup répètent, disait Ambroise AirrERT (~ 778), que ce n’est plus maintenant le temps de disserter sur les Saintes Ecritures. Mais ces exemples, en prouvant qu’il y avait un courant contre l’étude, montrent que, même dans les pires époques, il n’était pas unanime et que quelques-uns s’y adonnaient toujours.

Heureusement pourtant, un mouvement tout à fait favorable aux lettres régnait depuis longtemps et se maintenait toujours dans des pays voisins de la Gaule, qui, situés hors de l’empire romain, avaient échappé aux premières invasions des Barbares, c’est-à-dire en Irlande et en Angleterre. Il florissait aussi en Germanie et en Italie.

En Irlande, dès le vi’siècle, les abbayes de lly, Lismore, Bangor, Clonfert, Clonard, Armagh, étaient des foyers intellectuels qui attiraient de nombreux élèves, non seulement d’Angleterre mais du continent, et envoyaient des légions d’apôtres et de lettrés en Gaule, en Italie, en.llemagne. On connaît surtout S. CoLOMBAN, qui en 690 passa le détroit avec S. LiÉviN qu’il laissa dans le lirabant, poussa jusque sur les terres deGontran, roi de Neustrie où il fonda les monastères d’Annegray, de Fontaine et de Luxeuil, et chez les Allemands où ses disciples établirent les monastères de Saint-Gall, de Reichenau, de Regensburg, de Freisingue et de Salzbourg

— et enfin jusqu’en Lonibardie où il créa lui-même le monastère de Bobbio. On sait que ce moine extraordinaire était fort cultivé et que ses établissements devinrent un peu plus tard des centres d’étude où enseignèrent des savants comme Virgile, évêque de Salzbourg (-j- 784), et Dobdan surnommé le Grec, évêque de Chierasée. Ces hommes ne connaissaient pas seulement l’Ecriture et les Pères, mais 945

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aussi les aVts libéraux et les poitcs : quelques-uns savaient la langue grecque.

L’Eglise il’Anglelerre, déjà cultivée par son voisinage avec les monastères d’Irlande, fut encore instruite par les envoyés du pape S.Grégoire, d’abord à latin du vi' siècle, puisdans la seconde moitié du vu' par les autresenvoyés de Rome, TuiioDOBE uk Tabse (-f 690) et le moine Auhien (- ; 710), des environs de Naples, dont l’un fut ai-clievèque et l’autre abbé de Saint-Pierre de Cantorbéry. Tous deux établirent une école épiscopale et monastique, où les arts libéraux étaient enseignés et que fréquentaient de nombreux élèves du pays et même d’Irlande. Leur ami, Benoit Biscop (-j- 690), fonda l’abbaye, l'école et la bibliotlièquedeSVearmoulli, laquelle eut pour filiale l’abbaj’e de Jarrow, au nord de l’Angleterre. A Jarrow grandit et vécut, dans l'étude et l’enseignement, le vénérable Bkoe (-j- ^35), qui fut avec Bokce, Cassiodoub, Isidore de Skville, l’un des grands maîtres du Moyen Age. Avec les monastères d’hommes, ceux de femmes rivalisaient pour l'étude des arts libéraux : car dans les uns et les autres, on le sait par le catalogue de la bibliothèque d’EoDERT, archevêque d York (y ; 66), que nous a laissé son élève Alcuin, se trouvaient l’Ecriture, les Pères latins et grecs, les auteurs classiques, surtout les poètes et les historiens, les manuels des arts, en un mot les lettres divines et humaines.

De ces différents foyers partirent sur le continent de savants apôtres, tels que S. Wilibrord (-J- 789), qui évangélisa les Frisons et fonda l’cvèché d’Utrecht, et surtout S. Bonifacb (y 755), qui, sur l’ordre du pape Grégoire II, pénétra jusque chez les Allemands à l’est du Rhin. Là, il réforma les monastères d’hommes et de femmes selon la règle de S. Benoit, en leur adjoignant des écoles, où toute la noblesse envoya ses lilset ses filles. II les dirigeait lui-même ou par des collaborateurs et collaboratrices, qu’il faisait venir d’Angleterre et qui enseignaient les lettres sacrées et profanes comme dans leur pays. De même, il réforma tous les Chapitres selon la règle de S. Ghrodegang, qui obligeait tous les chanoines à la vie commune et régulière, sous la conduite de l'évéque, et leur confia la direction d'écoles de jeunes enfants destinés au service de l’Eglise et formés aux lettres et notamment au chant par un maître spécial. Cette organisation, commencée au concile de Leptines en 7^3, fut encouragée par le concile de Aernon en 755 et adoptée dans beaucoup d'églises.

La Bavière surtout suivit ce mouvement. Un concile tenu sous le duc Tassilo, en 77^, ordonna que, pour donner aux prêtres le moyen de lire et comprendre les Saintes Ecritures, chaque évêque érigerait près de son siège une école, à laquelle il préposerait un maître honnête et savant, capable d’instruire les enfants selon la tradition des Romains.

De même l’Espagne avait gardé l’impulsion que bii avait donnée S. Lsidobr de Skviixe ({- 636), le brillant élève de l'école fondée par S. Léandrk(-J- 599) en cette ville, le maître de S. Ildefo.nse de Tolède (7 667), de Bhaulion de Saragosse ( ; - v. 65 1) et de beaucoup d’autres. Ceux-el fondèrent à leur tour ou développèrent les grandes écoles de Saragosse, de Tolède, deBraga, illustrées par de grands noms. Les évéques espagnols, d’après le II^ et le lY^ concile de Tolède, réunissaient autour d’eux pour les instruire de jeunes clercs sous un maître commun.

L’Italie avait aussi gardé ou rétabli presque partout ses écoles. L’exarchat de Ravenne et la Haute Italie, préservés des Barbares par la présence des représentants de Constantinople, conservèrent longtemps les écoles impériales. Fohtinat, mort en 606,

chantait dans ses vers l'école de Ravenne, où il passa quelques années de sa jeunesse, vers 535.

Les autres parties de la péninsule virent disparaître les leurs durant les invasions d’Alaric, d’Attila, de Genséric. Mais quand les Ostrogoths se furent établis solidement sur les ruines des Ilérules avec l’empereur Théodoric (^lyS-ôaô), il se fit une restauration de ces écoles publiques sous l’influence de cet empereur et de ses ministres Boèck ("1- 52^) et CassioDORK (-[- 575). Celui-ci tenta même, de concert avec le pape Agapet, en 535, de fonder des écoles purement chrétiennes et théologiques ; mais la mort de ce pape et les guerres l’empêchèrent de réussir.

Cependant, peu de temps après les guerres de Totila et de Bélisaire, la lecture solennelle du poème de 'Virgile soulevait les acclamations du peuple réuni pour l’entendre au forum de Trajan. En 551, on relisait jusqu'à sept fois dans une église devant le pape Vigile (-J- 555) la traduction en vers latins par le diacre Arator des Actes des apôtres. Cassiodore, retiré vers 550 à Viviers en Calabre, y créait pour ses moines une école de théologie, un atelier de copistes pour les manuscrits, et y rédigeait des ouvrages littéraires qui, avec ceux de Boéce, furent les mannels du Moyen Age. Pendant ce temps, S. Benoît qui, après avoir passé aux écoles durant son jeune âge, s'était enfui (539) au Mont-Cassin, jetait le germe de toutes les écoles qui s’ouvrirent plus tard dans les monastères bénédictins, en décidant d’accepter des oblats et en prescrivant dans le chapitre 48 de sa règle la lectio difina. De leur côté, les évéques groupaient des enfants autour d’eux : Grkgoire le Grand (+ 604) leurdonnait l’exemple en dirigeant lui-même la schola cantonim. S’il réprimandait l'évéque Didier DE Vienne qui abusait dans sa prédication des lettres païennes, il n'était pas hostile à l’instruction, puisqu’il était lui-même fort cultivé, comme le témoignent ses ouvrages. Ses successeurs l’imitèrent. (Juand Charlemagne vint secourir le pape Adrien (-j- 795), il fut reçu par une foule d'écoliers portant des branches d’olivier, que le pape avait envoyés à sa rencontre. Les autres évéques de la Péninsule créèrent aussi des écoles. S. Anselme en fonda une à Naples. A Lucques, les prêtres Gaudentius et Deusdedit tenaient la leur sur le parvis de l'église. Au vin' siècle, l'évéque de Milan, Benoît Crispin (f 725) enseignait les Sept arts. Pavie, vers 700, posséda sviccessivement les grammairiens Félix et Flavien, et c’est à Pavie que Charlemagne trouva ceux qui devaient l’aider dans son œuvre de restauration en France : Pierre de PiSB (v. 776), Paul Diacre (]- v. 797), et Paulin d’Aquilke (y 802).

Des auxiliaires, Charlemagne n’en découvrait guère dans les Gaules, où les écoles étaient tombées en décadence surtout depuis Charles Martel ; il devait en rencontrer non seulement en Italie, mais encore dans les autres pays voisins où nous avons vu les lettres continuer de fleurir. L’Angleterre lui donnerait Alcuin (-j- Soi, ), l’Espagne Théodulpub (-j- 8ai), et l’Allemagne les grands exemples de Boniface.

II. L’instruction, de Charlemagne au XI= siècle. — C’est à Charlemagne ipie revient l’honneur d’avoir, avec l’Eglise et par l’Eglise, restauré les études en relevant l’instruction des clercs et même des laïques. Il reprit les essais déjà tentés par son jjère PÉriN (- ; - 768) et son frère Carloman, de concert avec S. BoNirACE, et les amena à une plus complète réalisati(ui. Si le moine d’Angoulênie put dire : « Avant Charles, on ne s’appliquait plus aux lettres >, celui de S. Gall put ajouter, avec quelque exagération, il est vrai : « sous Charles, les Francs étaient comparables aux Grecs et aux Romains ». 9'17

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Pépin avait envoyé des clercs à S. Jean Je Latran pour y apprendre le chant et les arts libéraux : il avait reçu du pape Paul V des livres tels que l’Antiphonale, e Ilcsponsate, l’art graninialical, des traités d’Aristole et de Denys l’Aréopagite, une Geoinetria, une Orthographia, et omîtes greco eloquio scrif/tores.

Charles, à l’exemple de son père, mena de front la réforme liluri ; ique et la réforme intellectuelle du clergé, et fut amené peu à peu à créer des écoles où l’on enseignerait quelques-uns des arts libéraux, le chant, l’art de bien écrire cl la théologie.

Il avait été frappé, dans ses voyages en Italie, des laïques et des clercs cultivés comme des vestiges de l’art antique qu’il y avait rencontrés, et non content d’en rapporter des colonnes, des mosaïques et d’autres objets d’art pour son palais et son église d’Aix-la-Chapelle, il en avait ramené des hommes

« habiles dans la grammaire et le comput » : c'était

ceux que nous avons nommés plus haut : l’helléniste Paul Diacre, plus tard patriarche d’Aquilce, le grammairien l’iERRI ! DE PiSE, Ic poCtC CSpagUol TuiiODl’L PHE, plus lard évêque d’Orléans : c'était surtout l’anglo-saxon Alci’in, qu’il avait rencontré une première fois à Pavie en 781 et qu’il lit venir un peu plus tard près de lui. C’est avec ces hommes qu’il lit renaître l'école palatine, les écoles cpiseopales, monastiques et presbytérales.

L'école du Palais, qui déjà sous Pépin avait reçu de nobles élèves, comme Benoit d’Aniank (-i-821) et Adalard de CoRiiiE (-]- 826), comprit comme autrefois les clercs de la Chapelle et les futurs dignitaires, et fut présidée par Alcuin de ^82 à -96, par l’iiibernien Clément, le grammairien Smaragde de S. Mihiel (]- 819) ; elle eut pour archicliapelain Angelran, évêque de Metz (-j- 791)' 1"^ '^ pape dispensa de la résidence, et Angelbert, plus tard abbé deS. Riquier (i-8.8).

Au nombre de ses élèves fut le roi lui-même, durant les loisirs que lui laissaient la guerre et le gouvernement. « Il se perfectionna sous Pierre de Pise <lans la grammaire, s’appliqua longuement à la rhétorique, à la dialectique et surtout à l’astronomie dans la compagnie <rvlcnin. » Il se croyait assez théologien pour s’occuper de l’adoptianisme et du cvilte des images et vouloir diriger le concile de Francfort. Sa correspondance avec ses maîtres dénote un esprit curieux ; ses fds et ses tilles, toutesa cour, se piquaient d'élégance enproseet en poésie latines et dialoguaient sous des noms empruntés aux antiquités grecque, latine, hébraïque : ilsformaient une petite académie. A côté d’eux, les élèves clercs et laïques travaillaient, sous l'œil de Charles, qui leur distribuait les encouragements ou les reproches et les menaces.

Non content de corriger ou de faire corriger les manuscrits liturgiques et les exemplaires de la Bible, il recommanda, par une eircidaire de 786, auxévêques et aux abbés, d'étudier pour remplir plus décemment les fonctions liturgiques et mieux conqirendre les figuresde rhétorique, lestropes et les aulresdillicullés des Saintes Ecritures. En 789, il alla plus loin cl fil rendre par le concile d'.ix-la-Cliapelle une ordonnance portant qu' « en chaque cloître et cathédrale il y aurait des écoles oii les enfants apprendraient les Psaumes, les lettres, le chant, le comput et la grammaire ». Ces écoles étaient pour la jeunesse lévitique. Quant aux prêtres déjà versés dans le ministère, il leur recommanda de compléter leursconnaissanccs théologiques, et pour les y obliger établit vers 802 des programmes et des examens et statua qu’ils ne seraient appelés à des dignités qu'à lacondition (l’avoir subi ces épreuves. Ils devaient répondre sur l’Ecriture sainte, le Psautier, le Baplcme,

le Pénitentiel, le Conquit, le Chant : en 805, il ajouta la Médecine.

Pour mieux assurer l’exécution de ses prescriptions, il nomma aux évcchés et aux abbayes ceux qu’il savait capables de veiller à l’instruction du clergé : il les choisit parmi les élèves d’AIcuin. Ainsi AnivoN fut archevêque de Salzbourg, le Bavarois Leiurad, archevêque de Lyon, Théodulpue, évêque d’Orléans.

Fidèles aux désirs de l’empereur, ceux-ci entretinrent chez eux de brillantes écoles. Leidrad vantait les siennes à Charlemagne. « J’ai, disait-il, des écoles de chanteurs dont la plupart sont si instruits qu’ailleurs ils pourraient enseigner les autres. J’ai, de plus, des écoles de lecteurs, qui, non seulement sont exercés aux leçons des olllces, mais encore cueillent dans la méditation des livres divins les fruits de l’intelligence spirituelle : quelques-uns peuvent déjà saisir en partie le sens spirituel des Evangiles. Laplupart comprennent le livre des Prophètes… Ils transcrivent aussi les manuscrits. >> Murbacii était une académie où l’on ne parlait que latin, où l’on étudiait la liturgie, la Règle, les Ecritures et les arts. A Osnabruck, l'évêque devait entretenir des élèves assez forts en grec pour déchilTrer, dans les relalions politiques avec l’empire byzantin, les pièces diplomatiriues.

Parmi ces écoles, quelques-unes furent chargées de former des maîtres pour les autres.

Telle fut celle de Saint-Martin de Tours, où Alcuin fut abbé depuis 796. Les évèchés et les monastères y envoyaient leurs meilleurs sujets, et les plus savants personnages du ix<' siècle en sortirent, entre autres Rahan Maur : telles furent aussi celles de Metz et de Soissons, où Charles plaça les maîtres qu’il avait fait venir de Rome et qui étaient versés dans le chant et la musique : toutes les cathédrales durent y envoyer leurs chantres pour s’y exercer au chant romain.

Pour le peuple, Charlemagne ouvrit aussi des écoles. Les monastères durent en tenir non seulement pour leiirs moines mais aussi pour les élèves du dehors. Tliéodulphe, en 801, promulgua une ordonnance de l’empereur, commandant aux prêtres d’envoyer les enfants de leurs paroissiens, soit à l'école de la cathédrale, soit à celle du monastère le plus proche, même s’ils ne devaient pas se faire moines. Lui-même fonda des écoles à Sainte-Croix, Saintvignan, à S. Li[)hard et à Fleury.

De même Charlemagne ressuscita les écoles presbytérales, en remettant en vigueur les prescriptions du concile de Vaison. « Tout prêtre, dit-il, doit avoir des écoliers assez instruits pour chanter lollice divin, c’est-à-dire tierce, sexle et none, avec mesure, et pour servir la messe. » Celte instruction était réclamée de la ])hipart des enfants. En ell’et, en pronnilguant l’ordonnance de Charlemagne, Tliéodulphe disait : « Les curés dans leurs paroisses et leurs maisons tiendront une école, et si un lidèle veut leur conlier ses enfants pour les instruire dans les lettres, ils ne doivent pas les refuser, mais les instruire avec grande charité. Pour cela, ils ne recevront aucun salaire, à moins que les parents ne leur olTrent quehpie chose par reconnaissance. » L’enseigneuient était donc gratuit.

Il est évident qu’outre ses connaissances, chaque prêtre devait coiumuniqucr au peuple comme aux enfants les vérités élémentaires de la foi : le Symbole de saint Athanase ou des Apôtres, le Pater nosler : c’est ce que rappellent les Capilulaires de 789 et 79/4. Vers 800, il fut défendu d’accepter personne à la communion, sans qu’il eût récité au prêtre ces deux formules : ceux qui ne les apprendraient pas, seraient <149

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l’oueltés et contlamiiés au pain et à l’eau. Il fallait <ral)ord les savoir en lalin, mais on se contenta pour les personnes âgées de leur langue maternelle. (Juaul

; iux enlanls, l’ohlisalion du latin siil)siste et en 813

on réitéra l’ordre de les envoyer à l’éeole pour y Apprendre leSymhole et l’Oraison dominicale. Cliarleniaj, ’ne favorisait l’instruction religieuse en même temps que l’instruction profane ; il obtenait la seconde par la première.

Son lils Louis le Débonnaire ne comprit pas d’al)ord toute sa pensée. Théologien par goût, très porté pour les moines, ennemi du monde et de sa sagesse,.il voulut qu’on étudiât les sciences ecclésiastiques seules et pour elles-mêmes, et l’on put se jdaindre de son temps même que les arts n’étaient plus cultivés comme sous son auguste père. Sur son ordre, Benoit d’.

iane soumit tous les monastères

de France à une règle unique qui en excluait tout ce qui ne se rapportait pas à la vie monacale. Ainsi l’on décida qu’au lieu de deux il n’y aurait plus <]u’une école, celle des oblats. Le concile d’.ix-la-ChapcUe de 817 ralilia cette mesure restrictive. On avait constaté sans doute que les écoles extérieures troublaient la vie religieuse et dissipaient les maîtres et les no ices.

Il fut fait de même pour les chapitres et les écoles cpiscopales ou cai>itulaires. Le concile d’Aix-la-Chapelle ol)ligea tous les chanoines à suivre la règle de S. Clirodegang, à n’accepter pour leurs élèves que les futurs lévites ou chanoines, et à ne leur enseigner que les sciences ecclésiastiques. Par suite <le cette double mesure, inspirée par une réaction d’ascçtisnie exagérée, les arts libéraux, au dire de Skrvat Loup, ne furent plus cultivés, les enfants du peuple ne trouvèrent plus d’accès dans les écoles paroissiales, puisque les curés eux-mêmes ne purent plus demander l’instruction aux écoles capilulaires.

Mais une réaction en sens contraire ne se lit pas attendre. Cinq ans après le concile d’Aix-la-Chapelle, les évêques réunis au concile d’Attigny déclarèrent (pi’on s’occupait trop peu depuis quelque temps de l’instruction populaire et cherchèrent le moyen de donner à ceux qui ne voulaient être ni prêtres ni moines la facilité de s’instruire. Après bien des hésitations, ils décidèrent d’abord que

« lans tous les évêchés il y aurait pour quiconque

voudrait être prêtre des établissements où se trouveraient des maîtres instruits. Les parents et les seigneurs au besoin fourniraient aux élèves les moyens d’y subsister. Si le diocèse était trop grand pour <pron pût réunir tous les élèves en un seul lieu, on érigerait des écoles dans deux ou trois endroits, ou même plus s’il le fallait.

C’était un commencement. En 828, Louis le Débonnaire lui-même rappela aux é^ cques le projet qu’ils avaient conçu à Attigny de mettre l’instruction à la portée des fils et serviteurs de l’Eglise. Au concile de Paris en 824, les Pères reconnurent que le devoir de chaque évêipie était d’entretenir des écoles : car il importait à l’Kglise d’avoir des défenseurs éclairés, et ils statuèrent que les écolàtres seraient appelés aux conciles provinciaux pour y être examinés. Le pape Eugkne II (824-82’ ;) écrivait : cGn doit s’efforcer d’établir des professeurs capables <renseignerles arts libéraux et la foi catholique dans tous les évêchés et dans toutes les paroisses, u

Continuant ce retour aux idées de Charlemagne, le concile de Paris en 829 demanda de nouveau à Louis le Débonnaire d’instituer, à l’exemple de son glorieux père, trois écoles modèles dans les villes les plus importantes du royaume. Les fonda-t-il ? On sait que l’école du Palais florissait encore de son

temps, sous Claude, évêque de Turin, sous Aldehic et .V.MALAiHE DE Metz. Mais la renaissance fut arrêtée, senible-t-il, par les guerres ci^ iles d’alors. Le diacre Florus, Paschase Radisebt, Lot p dk Feiihièues, tracent un triste tableau des lettres en Gaule de 830 à 842.

Sous Charles le Chauve, il y eut un nouvel essai de restauration. L’école du Palais reçut comme jadis une troupe d’Irlandais, parmi lesquels on cite le fameux philosophe ScoT Erigène, qui savait le grec, M.vnnon, qu’on venait entendre d’Utreeht, Hélih, évcque d’Angouléme. Cette école fut fort vantée par Ilerric d’Auxerie et Paschase Hadbert.

Les autres écoles jouirent-elles de la même prospérité ? En tout cas, les conciles de Meaux, 8^5, de Paris en 846, de Valence, Hérard, archevêque de T0IUS en 858, Gauihier, évêque d’Orléans, HI.^< ; -MAR, évcque de Reims, rappelèrent instamment aux prêtres les règles ([ui les concernaient. Le concile de Saponniéres en 85g renouvela encore les prescriptions législatives sur ce sujet : (Jue partout, dit-il, soient constituées des écoles publiques, atin que le fruit de la double instruction divine et humaine puisse toujours croître dans l’Eglise. » (Labbe, Coucil. , Vin, j42, 037, 674.)

C’est le dernier édit de ce genre que l’on possède jusqu’au xii’siècle. La chose dut entrer dans les mœurs ; évidemment, les invasions des Arabes et des Normands en entravèrent plus d’une fois l’exécution : mais elles ne supprimèrent pas le droit qui, chaque fois que les circonstances devinrent favorables, tendit à se retrouver dans les faits. Odon de Cluny (-J- g43), Adbox de Fleury, Gerbert de Rei.ms, dès le second quart du triste.x’= siècle, et dans la suite, apparaissent à la tête d’écoles monastiques. Dès la seconde moitié du x* siècle, on trouve des écoles épiscopales florissantes à Reims, à Chartres, et ailleurs. Entin les écoles presbylérales elles-niênies semblent avoir subsisté. Elles sont signalées à Soissons avec Uiculphe, à Verdun avec l’évêque Dadon, à Trêves avec l’évêque Heracle. Et dans le premier quart du xi" siècle Burchard de Worms, dans son recueil canonique, insère une prescription qui les concerne, comme faisant partie de l’ancien droit qu’il codifie : « Que tout prêtre, qui gouverne le peuple, ait un clerc qui chante avec lui l’épître et la leçon et qui puisse tenir l’école : qu’il avertisse ses paroissiens d’envoyer leurs enfants à l’église pour y apprendre la foi et qu’il la leur enseigne en toute chasteté. » Ce canon semble être une reproduction, mais plus extensive, du canon du concile de Vaison, 529.

III. L’instruction, du XI* au XIII’siècle. — Les invasions des Normands, a^ons-nous dit, et les autres misères du x « siècle ne firent « pie suspendre pour quelques années l’élan donné par Charlemagne aux écoles. Dès la fin du x" siècle jusqu’à la fin du xii^ siècle, ce mouvement ne cessa de prendre de la force et de l’étendue.

L’enseignement primaire continuait d’être donné dans les écoles presbylérales, comme en font foi les textes de droit canonique que répètent, après BuRchard de Won.MS, les compilateurs, entre autres Yves de Chartres.

Il l’était aussi dans un grand nombre d’écoles monastiques et épiscopales, comme préparation à l’enseignement secondaire qui était leur objet le plus direct.

Ces écoles épiscopales et monastiques se voient presque par toute la France dès l’aurore de la dynastie capétienne. La plupart se soutiennent et même, surtout dans les monastères dépendant des 951

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abbés de Cluny et de CIuillaume de S. Bénignb de Dijon, grandissent pendant près de trois siècles. Leur apogée s’étend >fénéralemcnt du milieu du xi « au milieu du xii= siècle jusqu’à l’époque où les écoles de Paris et de quelques autres villes centrales commencent à attirer vers elles les meilleurs maîtres.

Dans le Nord, on voit dès le x" les écoles épiscopales de Cambrai, Laon, Reims, auxquelles s’ajoutent dès le xie celles de Lille, an xii « , celles d’Arras.

Et à c6té d’elles, dans la même région, fleurissent les écoles monastiques suivantes : dès le x^ celles de S. Amand, Corbie, Abbeville ; au xi « celles de S. Bertin, S. Riquier. S. Vaast d’Arras, de S. Rémi, de S. Nicaise et S. Thierry à Reims.

Elles avaient pour voisines les grandes écoles épiscopales deGand, Liége, Tournay, el les écoles monastiques non moins fameuses de S. Trond, Slavelot, Gembloux, Lobbes.

Dans l’Ouest, la Normandie, à partir du début du XI" siècle, se couvrit d’écoles. Elle en eut d’épiscopales ou canoniales, à Bayeux.Gæn, Lisieux, Avranches, et au xii’à Rouen et à Séez. Elle en eut de monastiques fondées ou réformées par Guillaume, abbé de S. Bénigne de Dijon, à Fécamp, Jumièges, S. Ouen de Rouen, au Mont Saint-Michel. Il y en avait encore à Sainte-Catherine de Rouen et surtout au Bec, et l’on peut affirmer que, dans les autres monastères très nombreux de cette province, il y avait des écoles intérieures pour les moines et extérieures pour les clercs et les laïques : c’était une règle que Guillaume de S. Bénigne imposait à tous ces couvents.

La Bretagne, le Maine, l’.Anjou, le Poitou avaient aussi leurs écoles épiscopales à Rennes, au Mans, Angers, Poitiers, et leurs écoles monastiques à S. Florent de Saumur, à Maillezais, à S. Gildas, à Fougères au XI" siècle, à la Porte de fer d’Angers, à Laval, à Chàteau-Gontier, à Savigny au xii*, à S. Cyprien et S. Hilaire de Poitiers et à Loudun au xi" siècle, au Dorât, à Déols, un peu plus lard.

Le Centre était de toutes les régions la plus fertile en écoles : Paris, Chartres, Orléans, Sens, Auxerre, avaient leurs écoles épiscopales dès le x’siècle ; Troyes, Bourges, Tours, eurent les leurs dès le xi’ainsi que Soissons, Noyons et Chàlons-sur-Marne. On en voit au xii’à Beauvais et à Meaux ; de même à Melun, Corbeil, Blois, il y avait des écoles ecclésiastiques.

Les écoles monastiques ou collégiales apparaissent dès le x" siècle à Aurillac, à Mici, près d’Orléans, à Marinoutiers près de Tours, et en général dans la plupart des dépendances de Cluny.

Elles fleurissent à Paris, à S, Germain-des-Prés, à S. Victor, à S" Geneviève, à S. Denis ; dans l’Orléanais, à Fleury et Meung-sur-Loire ; en Touraine, à Cormery, Bourgueil, Chinon ; dans le Berry, à Bourg-Dieu ; dans le paj-s de Sens, à S. Rémy et S. Pierre-le-Vif de cette ville, à Vézelay ; autour de Paris à Clermont-sur-Oise, S. Germain-de-Flaix, à S. Quentin, à S. Médard et S. Crespiii de Soissons, à Lagny, à Argenteuil ; du côté de la Champagne, à Moutier-la-Celle, au Paraclel ; près de Chartres à Thiron, à Vendôme, à Blois.

L’Est, voisin des grands évèchés et monastères du Rhin, ne le cédait guère au Centre. Les cathédrales de Metz, Toul, Verdun, Strasbourg, dès le x’siècle ; de Langres, Besançon, Dijon, Autun, Chalon-sur-Saône, dès le XI’ ; les églises de Chaumont et de Chàlillon-sur-Seine, au xii* siècle, avaient de brillantes écoles capitulaires ou ecclésiastiques. De même les monastères de Metz, Gorze, S. Mihiel, Mouliers-en-Der, Moyen-Moiitiers, Luxeuil, Cluny, Tournus, Lyon, au x’siècle : ceux de S. Evre de "Toul, de

S. Etienne et S. Bénigne de Dijon, de Vassor de Metz, au xiii^ siècle.

Enfin dans le Midi, l’on voit des écoles à Narbonne au xe ; à Limoges, Angoulême, Périgueux, le Puj-, Carcassonne, Maguelonne, Avignon, au xi"" ; à Saintes, Bordeaux, Saint-Flour, Montpellier, au xii « siècle ; de môme près des monastères d’Aurillac et de Castres au xe siècle ; de la Sauve-Terre, de S. Augustin et S. Martial de Limoges, de la Chaise-Dieu, de S. Gilles de Niines, de S. Ruf près d’Avignon, de Montniajour, de S. Victor de Marseille, de S. Pons, au xK siècle.

Ce ne sont là que des énuméralions, mais qui pourtant ne manquent pas d’éloquence ; surtout si l’on pense qu’elles sont très incomplètes.

Il faudrait parler plus au long de quelques-unes de ces écoles. Toutes ou presque toutes ont une histoire, mais les principales sont celles de Reims, de Chartres, du Bec, de Laon, de Paris.

L’école de Reims, qui apparaît dès la fin du x’siècle, fut développée par l’évêque Foulques (882-goo) etpar deux grands maîtres Rémi d’Auxerre et Huc-BALi > DE S. Amand (898-901), et elle compta parmi ses disciples l’historien Flodoard (900-960) et surtout Gkrbert, le futur pape Silvestre 11 (966-99.5). Gerbert eut pour élèves deux princes, le roi Robert le Pieux et l’empereur Otton III. L’historien Richer, l’évêque de Chartres Fulbert, l’abbé de Fleury Abbon, sortirent des écoles de Reims. On sait que Gerberl s’acquit une grande réputation dans les mathématiques,

Abbox donna de l’éclat aux écoles d’Orléans en j’cultivant spécialement le comput, la liturgie et la géométrie. Ces écoles produisirent entre autres Hel-GAUD, historien de Robert le Pieux, et les moines qui fondèrent l’école de Cambridge.

Fulbert fut la gloire des écoles de Chartres, qui existaient déjà avanllui. Ses élèves, dont plus de 60 sont encore connus par leurs noms, venaient de tous les pays : citons entre autres Adklman, de Liège, plus tard évêque de Brescia, Fra.nçox de Cologne, .scELiN, Raoul Mala Coroxa, et surtout Berengeb. A Chartres, on faisait de la théologie selon les Pères et même un peu de philosophie platonicienne ; on y cultivait aussi les lettres, la musique et la médecine : c’était une véritable académie.

Les écoles charlraines brillèrent d’un nouvel éclat au xiiiî siècle sous l’évêque Yves de Chartres elplus tard encore sous des maîtres tels que Bernard db Chartres, Thierry, Gilbert de la Porréb, etc. : elles étaient alors presque rivales de celles de Paris.

Après l’école de Chartres, la plus glorieuse au xi< ! siècle fut celle du Bec, illustrée par Lanfranc de Pavie, plus tard archevêque de Cantorbory, et par Anselme son successeur. Nombreux furent leurs élèves dans toute la Normandie et jusqu’en Italie. La controverse de Lanfranc avec Bérenger et les grands essais de théologie rationnelle tentés par S. Anselme sont bien connus dans l’histoire des idées et des méthodes dogmatiques.

Deux élèves de l’école du Bec, Anselme et Raoul, rendirent célèbre l’école de Laon par leur enseignement scripturaire. Ceux-ci virent au pied de leur chaire Abélard, Gilbert de la Porrée, Guillaume DE Champeaux, Hugues Metel, Ai.beric db Reims, etc. et d’autres que l’on retrouve dans les écoles de Paris.

Ces écoles, qui brillaient dès le xi’siècle, furent très florissantes au xii’siècle. Les unes se tenaient près de la cathédrale, lesautres près de Sainte-Geneviève : il y en avait aussi de très courues chez les Victorins. On connaît les grands noms de Roscblin, d’Abê-LARD, de Guillaume de Ch-^mpeaux, plus tard de Pierre Lomb-vrd, Jean de Salisburv, etc. C’est 953

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parmi eux que s’agitent tous les grands problèmes

« le la scolastique ; c’est autour d’eux que viennent, 

de tous les pays de l’Europe, les esprits avides de culture. C’est de leur mouvement que sortira, sur la lin du siècle, ce qui fut la grande Université de Paris.

Outre CCS groni>enu’nls de maîtres, il y avait en <lilïcrents pays, mais surtout près des princes, des comtes, des seigneurs, une foule de précepteurs particuliers, à titre de chapelains, de chanceliers. Ces lioniuies avaient pour mission non seulement de rédiger les pièces publiques, mais encore de surveiller les écoles du voisinage et d’instruire les lils de leurs maîtres et de leurs principaux serviteurs. On en trouve près des comtes de Blois, de Dreux, d’Angers, etc.

En général, le Trivium et le Quadrivium restaient le cadre de l’enseignement secondaire, comme au temps de Charlemagne, mais on l’avait fort étendu. Le Trivium comprenait la grammaire, la rhétorique et la dialectique, c’est-à-dire l’explication des poètes et des prosateurs latins ; quelques-uns savaient admirablement la langue de Rome et même un peu de grec ; on avait qvielques traités <le logique.

Les sciences composant le Quadrivium, c’est-à-dire rarillimélique, la géométrie, l’astronomie et la musique, n’étaient qu’à leur début, parce qu’on se bornait au commentaire des vieux auteurs et l’on ne pratiquait point les méthodes expérimentales. Les esprits étaient alors tournes de préférence vers les questions spiritualistes et religieuses.

Au-dessus de cet enseignement secondaire qui formait la culture générale, se donnait en différents endroits un enseignement supérieur spécial. A Paris, l’on enseignait surtout la dialectique et la théologie, mais aussi le droit canon, le droit civil, et la médecine. Le droit civil était cultivé de préférence encore à Angers, à Toul et à Montpellier ; le droit canon à Orléans et à Auxerre. Mais comme on se jetait sur CCS études lucratives au détriment de la théologie, plusieurs conciles défendirent l’étude du droit dans les cloîtres et dans certaines Universités : tels les conciles de Reims i 131, de Latran i iSg, de Tours 1 163. L’étude de la médecine prit une vogue extraordinaire à Montpellier dès le xii’siècle, comme celle du droit canon à Bologne.

Les femmes elles-mêmes n’étaient pas dépourvues des moyens de s’instruire. Il y avait en général dans les monastères de femmes, comme dans ceux d’hommes, deux écoles, l’une pour les novices et l’autre pour les jeunes filles du monde. Les éludes des premières étaient fort élevées : on se souvient du saoir extraordinaire des abbesses et religieuses appelées d’Angleterre en Allemagne par S. Boniface. On avait pour coutume, sans doute à cause de l’otTice, de n’admettre à la profession que celles qui savaient le latin Les abbayes d’Argenteuil et du Paraclet, où Ton vit la fameuse Héloïse, formaient de véritables savantes en latin, en grecethébreu, capables défaire des vers latins, délire les Pères et de composer des traités de théologie. On cite un certain nombre d’alibesses fort lettrées, comme Matiiilde, abbesse (le Fonlevrault.CÉcii.R, fille de Guillaume le Conquérant, abbesse de la Trinité de Cæn.

Les jeunes filles du monde, du moins celles qui appartenaient à des familles nobles ou aisées, recevaient chez elles, de précepteurs particuliers, comme Héloïse chez le chanoine Fulbert, une instruction assez complète. Nombreuses sont celles dont on cite le savoir. Quant aux jeunes filles du peuple, qvii n’avaient pas de monastères de femmesàleur portée, elles ne restaient pas complètement illettrées, parce qu’elles recevaient les enseignements de la foi.

En principe, l’enseignement était gratuit. L’Eglise recommandait, comme elle l’avait fait sous Charlemagne, de ne recevoir d’autre salaire que les dons de la reconnaissance et de l’amitié. Les moines, soumis au vœu de pauvreté et assurés de leur subsistance, ne demandaient et ne recevaient rien. Guillaume de S. Bénigne avait fait une loi de la gratuité dans ses monastères. Les écoles épiscopales n’exigeaient rien des clercs pauvres, elles en soutenaient même un certain noml>re à Chartres, du temps de Fulbert ; mais leurs professeurs séculiers acceptaient volontiers, même après convention, quelques rétributions en nature ou en argent de ceux qui étaient plus riches. Plusieurs, comme Tuierry ne Chartres et d’autres à Paris, se firent des fortunes avec leurs leçons.

IV. L’instruction, du XIll<’siècle au XVI". — L’enseignement supérieur, dont nous avons vu le développement au xii^ siècle, s’affermit, sur la lin de ce siècle, en devenant une institution officielle sous le patronage des papes et des rois. Les nombreux maîtres qui le distribuaient, sous la surveillance du chancelier de Notre-Dame et du chancelier de Sainte-Geneviève, suivant l’esprit et l’usage du temps, se constituèrent avec leurs élèves en corporation. Le pape Alexandre 111, en i 181, chargea un cardinal, l’archevêque de Rouen, et l’évêque de Paris de leur élaborer des règlements. Le légat Robert de CouRçoN, en I215, revit leurs statuts. Et depuis lors les papes ne cessèrent de protéger l’Université de Paris, qui se déclarait leur fille, en même temps que les rois lui accordaient des privilèges.

Il serait trop long d’énumérer ses fameux professeurs et ses plus illustres élèves. La gloire des uns remplissait le monde entier et les autres accouraient encore plus qu’autrefois de tous les pays. Au xiii" siècle, ceux-ci n’étaient pas moins de 20.000 : au xve siècle leur cortège s’étendait des Mathurins à S. Denis. Ils se distribuaient en 4 Nations selon leurs origines, celle de France, celle de Normandie, celle de Picardie, et celle d’Angleterre. Selon leurs études, ils se partageaient en quatre Facultés : celles de Théologie, de Droit et de Médecine, et au-dessous de ces trois supérieures, celle des Arts. Si la première n’acceptait que des ecclésiastiques, les autres admettaient des laïques.

Au début, les différents maîtres de l’Université de Paris n’avaient pas de siège commun et donnaient leurs leçons partout où ils pouvaient, en pleine rue ou dans des chambres. De même les clercs vivaient comme ils pouvaient à leurs frais, dans des chambres louées aux bourgeois, s’ils étaient riches, ou bien en se faisant serviteurs ou mendiants s’ils étaient pauvres. La triste situation de ces derniers suggéra l’idée de fonder pour venir à leur secours des bourses dans les hôtelleries spéciales où ils trouveraient le gîte, le couvert, la discipline sous la direction d’un proviseur ou principal : ce fut là l’origine des collèges qui se créèrent à partir du xii" jusqu’au xv^ siècle autour de l’Université. On en compte plus de 78, érigés successivement par des bienfaiteurs ecclésiastiques ou laïques à l’intention d’un certain nombre de boursiers appartenant à des pays désignés ou réunissant certaines conditions déterminées. Les plus famejix furent, après le collège des Pauvres écoliers, celui de Sorbnnnc fondé par Robert de Sorbon, confesseur de saint Louis, en 1250 et celui de Harcourl en lySo, de Navarre en lioli, de Montaigu en iSi^, du Plessis en 1822 ; signalons encore ceux des Dix-huit, XII siècle, des Trésoriers en 1268, de Caivi en 1271, des Chollets en 1291, de Treguier en 1325, des Lombards en 1334, de Beauvais, de Lisieux 955

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en 1336, des Trois Evêques en 1348, de Bayeux en 13^o, de Narbonne, etc.

Parallèlement aux séculiers, les grands Ordres, dont deux étaient nés en nièiue temps que l’Université, c’est-à-dire les Franciscains et les Dominicains, puis les Cisterciens et les Bénédictins, établirent près de leur monastère des maisons d’étude pour leurs maîtres et leurs étudiants.

Et il arriva promptement que les maîtres, surtout ceux qui étaient séculiers, au lieu de faire leurs cours en n’importe quels lieux, obtinrent d’établir quelques-unes de leurs chaires dans les collèges, comme les religieux dans leurs monastères. En tout cas, il s’y trouvait des répétiteurs qui se chargeaient de reproduire leurs leçons. Et ainsi ces collèges devinrent non plus seulement des refuges ou des abris, mais aussi des foyers tréuule et même d’enseignement. Vers le milieu du xv^ siècle, ils obtinrent en grand nombre de donner l’enseignement complet, depuis les Arts jusqu’à la Théologie. A la fin du XV* siècle, il y avait à Paris 50 collèges, dont 18 de plein exercice. Les chaires s’étaient donc transportées dans les collèges : partout l’on enseignait les lettres et les sciences, qui rele^ aient de la Faculté des Arts. La Théologie avait son centre au collège de Sorbonne, mais était aussi enseignée dans les collèges de Navarre et de Montaigu. Seules, les Facultés de droit et de médecine avaient une existence indépendante des collèges.

Mais les grandes villes voulurent avoir chez elles, des Universités comme celles de Paris, et en sollicitèrent l’érection des papes et des rois.

Toulouse en obtint une de Grégoire IX en 1223 ; Montpellier de Nicolas IV en 1289 ; Orléans (droit civil) de Philippe-Ie-Bel en 131a ; Cahors de Jean XXU en 1332 ; Perpignan de Pierre d’.ragon en 1346 ; Angers de Louis, duc d’Anjou, en 1364 ; Aix de Louis, comte de Provence, en 140y ; Poitiers d’Eugène IV et Charles VII en 1431 ; Gæn d’Henri VI d’Angleterre en 1432 ; Valence du dauphin Louis en 1442 ; Nantes de Pie II et Charles VII en 1460 ; Bourges de Pie II et Louis XI en 1465 ; Bordeaux de Louis XI en 14"3.

Ainsi, l’enseignement supérieur se décentralisait et se dispersait dans toute la France ; des collèges ou bourses comme à Paris, fondés autour de ces Universités, en facilitaient l’accès aux étudiants pauvres.

L’enseignement secondaire suivait une évolution semblable.

Les écoles épiscopales, qui le distribuaient jusqu’alors comme dans la période précédente, virent une partie de leurs élèves les quitter après s’être initiés chez elles aux éléments, pour se rendre aux Universités et surtout à celles de Paris, où ils pouvaient prendre des grades donnant droit à des bénétices. D’autre part, il se créa autour d’elles, dans les villes et les centres moyens, de petites écoles de quartier, qui donnèrent aux enfants du voisinage l’enseignement élémentaire et leur ravirent encore des élèves.

Elles se trouvaient ainsi atteintes par en haut et par en bas, et par les Universités et par les petites écoles. Elles subsistèrent cependant jusqu’au xvi= siècle, à l’usage des jeunes clercs, sous la direction des chanceliers et des écolàtres, qui pour la plupart avaient achevé leurs éludes dans les Universités. Mais leur diminution indique moins une raréfaction de l’instruction qu’une plus grande diffusion.

A l’usage des clercs qui voulaient recevoir le sacerdoce et ne pouvaient cei)endant aller jusqu’à Paris appren(lr<’la théologie, il y avait dans chaque cathédrale un chanoine appelé théologal, chargé de faire des cours d’Ecriture sainte à tous les ecclésiasli(iucs I de la ville. C’était le concile de Latran en iijS I

qui avait exigé la création de cette chaire dans toutes les églises épiscopales. Il y avait de même des cours de théologie près des grands couvents de Dominicains et de Franciscains, à l’usage de leurs religieux et novices.

Les écoles monastiques secondaires furent atteintes comme celles des cathédrales et par les mêmes causes. .u xiii= siècle, l’accroissement des monastères (près de 300) en augmente d’abord le nombre. Mais les guerres du xiv’siècle, en fermèrent beaucoup. La commende, qui ruina leurs ressources morales et matérielles, vint en précipiter la chute au xv « siècle. Elles étaient d’ailleurs, comme nous l’avons dit, sullisamment remplacées.

Les petites écoles s’ouvrirent un peu partout, dans les villes surtout. Les statuts synodaux, les procèsverbaux des visites épiscopales ou archidiaconales, recommandent ou constatent ta création d’écoles dans la plupart des villages,.insi l’évêque de Carcassonne, Pierre de la Ch.a.pklle, en 1297, ainsi Gersox {~ 1429) dans son traité des visites des évoques. Dans beaucoup de provinces ou de départements l’on a fait le relevé des écoles signalées dans les campagnes : la lecture de ces études, encore incomplètes et qui mériteraient d’être achevées, donne l’impression que pendant tout le moyen âge, sans excepter le. temps de la guerre de Cent ans, il y eut dans tous les villages des maîtres et des maltresses d’écoles. L’enquête faite pour la Normandie par M. L. Delislk et M. Gh. de Beaurei’airk renferme de nombreux détails pour cette province : il y en a beaucoup d’autres ; par exemple celle de M. Allain pour la Gujenne, de M. Mkrlkt, pour l’Eure-et-Loir, etc. A Paris en 1292, il y avait douze écoles, dont une de liUes, pour une population de 40.ooo habitants. Sous Louis XI, les registres du Chapitre de Notre-Dame racontent que l’on comptait les écoliers par milliers à une procession d’enfants, le 19 octobre 1449- Déjà, dans beaucoup de villes, des maîtres libres, avec la permission du chancelier, ouvraient des écoles dans différents quartiers. A Chartres, il y avait les petites écoles de S. Pierre, de S. André, de S. Jean, de S. Chéron ; quelques-unes faisaient aux écoles capitulaires une telle concurrence qu’en 1461 le chancelier dut leur imposer un nombre fixe d’élèves.

Dès le milieu du xv’siècle, il y eut tendance, chez les magistrats de villes, à prendre sous leur [)rotection les petites écoles. Ils les amenèrent à se constituer en corporations, et les encouragèrent à donner, outre l’enseignement primaire, une bonne partie de l’enseignement secondaire. Après un moment de crise, causé par la concurrence que le nombre de leurs élèves et l’étendue de leur programme faisait aux écoles ecclésiastiques, il se lit peu à peu un accord à leur sujet entre l’autorité civile et l’autorité épiscopale. Les écoles, qui se faisaient ainsi concurrence entre elles, furent entraînées à se fusionner en un seul grand établissement, fourni de régents par le clergé, soutenu matériellement par la ville et l’évêque ; ce fut là l’origine des collèges. Ce mouvement se produisit presque partout dans la seconde moitié du xv’siècle et au xvi’siècle. Ainsi l’enseignement secondaire, avec l’enseignement primaire pour base, descendait dans les masses et se répandait de plus en plus.

Les campagnes gardaient leurs écoles presbytérales, selon les prescriptions du droit canonique depuis le concile de Vaison, du moins tant que les guerres et la situation économifpic des peuples le permettaient. En Normandie, dit le chroniqueur Guili. au.mkdeNangis, il y avait desécoles primaires jusque dans leshameauxe.t leschàteauxauxiii’et au xiv’siècle. L. Dblisle en signale un certain nombre dans 9 :

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son mémoire sur la condition de la classe agricole en Normandie. On y enseignait à lire et à écrire, car on en avait besoin ponr les divers contrats d’un usage journalier même dans les dernières classes de la société. On trouve des actes de cette époque antérieurs à la Renaissance avec la signature des paysans. Nous avons ]ilusieurs pièces signées de Jeanne d’Arc.

Dans les unes et les autres de ces écoles, on apprenait plus ou moins bien, tant à cause de la négligence des maîtres que de celle des discii>les. Guil-LALMK DE Macon, évèipic d’Amiens, par une lettre circulaire à ses doyens, de 1305, se plaignait d’avoir constaté dans sa tournée pastorale que, dans beaucoup d’endroits, les écoles étaient tenues par des maîtres ignorants, et ordonnait qu’à l’avenir nul ne jiourrait enseigner sans avoir été d’abord examiné par lui ; il défendait même aux parents d’envoyer les enfants près de maîtres qu’il n’aurait pas éprouvés. Cette lutte contre l’insullisance des maîtres dans les campagnes n’est pas un cas particulier dans l’histoire de l’instruction et ne peut pas être spécialement reprochée an moyen âge. Au contraire, elle prouve qu’alors il y avait des écoles même dans les ^ illages, et que l’Eglise les voulait bonnes et s’ell’or-Vait de les bien pourvoir (A.a vie paroissiale en France au XIII’sièc/e, d’après les actes épiscopaux, parOLGA’UOBIACHE UoJDESTVENSKV, p. l65).

r Nous arrêtons cette étude au seuil du xvie siècle. A partir de la Renaissance, il n’est pas douteux, pour quiconque connaît quelque peu le mouvement intellectuel des derniers siècles, qu’il n’y ait eu partout, non seulement des Universités dans les grands centres, des collèges dans les villes grandes ou petites, mais encore des petites écoles dans toutes les campagnes. L’organisation de l’instruction fut moins centralisée qu’après la Révolution, et de ce fait elle put souffrir, selon les circonstances de temps, de lieux, de personnes, quelques imperfections. Mais très généralement, l’école était moralement obligatoire, vraiment gratuite parce qu’assurée par des fondations, religieuse, patriotique et libérale, parce qu’elle enseignait les éléments nécessaires à la vie matérielle, sociale et morale. Nombreuses étaient les congrégations qui s’étaient fondées pour l’enseignement ; vigilante était la surveillance de l’Eglise sur ce point. Il serait à souhaiter que, pour cette dernière époque, il y eut un inventaire des documents déjà publiés, et uneindication des sources où l’on » ourrait trouver ceux qui restent.

Nous ne tirerons d’autre conclusion de tout ce travail que celle-ci : à toute époque l’Eglise assura, non seulement à ses clercs et religieux ou religieuses, une instruction religieuse et profane comparable à ce que nous appelons l’instruction secondaire et supérieure : mais elle assura ce même bénéfice à une élite nombreuse de laïques ; et à tous les enfants du peuple, elle offrit, par des curés, des vicaires, ou des clercs, surtout à partir de Gharlemagne, un minimum de connaissances religieuses d’abord (ce qui implique déjà un minimum de vie intellectuelle et de pensées morales appréciable), puis un minimum de connaissances élémentaires utiles à la vie pratique, comme la lecture, l’écriture, l’arithmétique, le chant et l’histoire sainte. Les différentes vicissitudes subies par l’enseignement, en raison des circonstances générales ou particulières, ne le compromirent jamais essentiellement — et l’on peut dire que constamment et malgré tout l’Eglise a bien rempli le rôle que les peuples lui avaient confié : d’institutrice de la France.

BinLioGRAruiE.

La Bibliographie du sujet est

très abondante. M. A. Silvy a publié en 18y2 VKssai d’une bibliographie historique de l’enseilinenient secondaire et supérieur en France avant la Révolution, en l’iQ pages, qui, bien qu’excluant l’enseignement primaire, est très précieuse. Elle a paru danse Bulletin de la Société générale d’éducation et d’enseignement. Nous y renvoyons ceux qui vovulraient surtout connaître les monographies d’écoles ou d’universités. Elle mériterait d’être continuée depuis qu’elle a paru. Nous renvoyons aussi aux listes importantes données par M. l’abbé U. Cuevalieh, dans sa Topo-hibliograpltie, sous différents titres.

Nous nous contenterons d’indiquer ici quelques ouvrages généraux des plus sérieux sur la matière : pour les établissements d’instruction locaux, il faudra recourir aux listes citées plus haut, ou aux catalogues biljliographiques intéressant particulièrement chaque pays.

L’Histoire littéraire de lu France est l’ouvrage capital, avec ses 32 volumes : les Discours sur l’état des sciences et des lettres, qui précèdent chaque siècle, sont à consulter d’abord, parce qu’ils sont de larges et complets résumés sur l’état de l’instruction dans une période donnée. Pour les quinze premiers volumes, qui vont jusqu’au xiii’siècle, C. Rivain a fait une Table générale par ordre alphabétique, qui est très utile ; y voir surtout le mot : Ecoles. Demème, les préfaces de Mabillon aux Annales Ordinis Sancti Jienedicti, qui sont aussi distribuées par siècle, sont importantes, comme l’ouvrage entier, Paris, i ^031739, 6 V. in-fol. ; Vallct de Viriville, Histoire de l’instruction publique en Europe et principalement en France, depuis le christianisme jusqu’à nos jours, Paris, 18^9, in-^o ; Théry, Histoire de t’éducation en France depuis le Vle siècle jusqu’à nos jours, Paris, 1858, 2 v. in-8° ; Ampère, Histoire littéraire de la France avant Charlemagne, Paris, 1867, 2 v. in-S" ; Ozanam (.. F.), Œuvres complètes, t. IV : J.a civilisation chrétienne chez les Francs, Paris, 1872, in-12 ; Pitra (dom). Histoire de S. Léger, évéque d’Autan, au vu’siècle (voir l’introduction), Paris, 1846, in-8° ; Ebert (..), Histoire générale de la littérature du Moyen Age de l’Occident, trad. franc, 3 v., Paris, 1883 ; Roger (M.), L’enseignement des lettres classiques, d’Ausone à Alcuin, ^ars, uj05, in-S" ; Bourbon (G.), I.a licence d’enseigner et le rùle de l’écolàtre au Moyen Age (Revue des questions historiques, 1876, p. 513) ; AUain, l’Instruction primaire en France avant la Hévolution, Paris, 1881, 1 v. in-12 ; Bernard (R. P. C), De l’enseignement élémentaire en France aux XI" et XII’siècles, Paris, 1894 ; Maître (Léon), Les écoles épiscupales et monastiques de l’Occident, depuis Charlemagne jusqu’à Philipjie-.luguste, Paris, 1866, in-8° ; Montaleml )ert(Cli. de). Les moines d’Occident, b vol., Paris, 1863-1868, in-8° ; Monnier (Kr.), Alcuin et Charlemagne, Paris, 1864, in-32 ; Robert (G.), Les écoles et l’enseignement de la théologie pendant la première moitié du XII’siècle. Paris, 1909, in-8° ; Jourdain (Charles), De l’éducation des femmes au Moyen Age (Mémoires de V Académie des inscriptions et belles-lettres, 187^, t. XXXVIII, p. 131) ; Denifle, IJie Universitiiten des Mittelalters bei l’iOO, Berlin, 1885 ; du Boulay, Ilistoria l’niversitates l’arisiensis, 6 vol. Paris ; Kéret (P.), La Faculté de théologie de Paris et ses docteurs les plus célèbres, Paris, 6 premiers vol. 1900 ; Lavisse et Rambaud, Histoire de l’^rance, voir les chapitres consacrés à l’instruction aux différentes époques ; Le Ménestrel (Charles), L’instruction en 959

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France dale-i-etle de la Réolution ? Paris, igia, in-32 ; Guiraud (Jean), Histoire partiale, histoire vraie, 1. 1, i). 189 et 3ag, Paris, 191 1.

A. Clkrval.

IV. — L’ÉGLISE ÉDUCATRICE, EX REGARD DE LA RENAISSANCE ET DE LA RÉFORME

<i La Renaissance n’allait pas être seulement un élargissement du savoir, mais une transformation delà culture. Elle prétendra s’opposer au moyen âge, s’attaquer aux idées qu’ilafaites siennes, comme aux pratiques qu’ila développées.enun mot, renouveler la religion comme la pensée. » (Imuart de laToir, Les Orig. de la Réforme, t. II, p. Sog.) On sait commentles

« réformés « interprétèrent le mouvement dit

de la Renaissance. A ses jeunes compatriotes, le <i réformateur », Luther, apparaît comme le représentant de la civilisation et du progrès, le précurseur d’une ère nouvelle et pleine de promesses (cf. Hergenroether, Histoire de l’Eglise, t. V, p. 234-2cS5). Toute question de dogme mise à part, est-il vrai que la Réforme ait eu cette vertu ? Doit-on, en un mot, lui attribuer tous les progrès réalisés par l’éducation dans les pays chrétiens ?

Voici, à ce sujet, l’antinomie de principe posée par le protestantisme : a Le protestantisme proclame, d’une part, le droit de l’individu à l’instruction et à l’éducation morale et religieuse, et, d’autrepart, l’obligation de la société à ses différents degrés (famille, commune. Eglise et Etat) de pourvoir à l’éducation et à l’instruction de tousses membres. Ce droit de l’individu et cette obligation de la société envers lui, le catholicisme ne les reconnaît pas. L’homme, à ses yeux, est un mineur et doit rester sous tutelle. Il est incapable de penser et de saisir la vérité, incapable de vouloir et de diriger sa conduite. L’Eglise, représentée par sa hiérarchie sacerdotale, pense et veut pour lui. Il n’est donc pas nécessaire de lui fournir les moyens de s’éclairer et de se guider. Mais l’Eglise n’est pas seulement l’autorité suprême, elle est, en même temps, le bien suprême, et son triomphe est le but auquel tout et tous doivent constamment tendre. Aussi l’école et la famille ont elles pour première tâche de façonner la jeunesse à l’obéissance envers l’Eglise et de la préparer au service de l’Eglise. » [F. Buisson. Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, i’" partie, t. II, 1887, p. a^ôi (article Protestantisme ).]

Les faits corroboreraientces déclarations. « L’école populaire ou primaire est… une création du protestantisme, elle appartient plus particulièrement aux protestants et s’est surtout développée dans leur sein. » (Ibidem, p. 2467 ; cf. dans F. Buisson, Nouveau Dictionn. de pédag.et d’instr. prim., 191 1, p. 858 (article Instnielion publique) une assimilation de fait de l’Eglise catholique et de l’Eglise réformée à ce point de vue : comme l’Eglise du moyen âge, la Réforme a créé ses écoles populaires avec une pensée et dans un but avant tout religieux ; quelque importance qu’elles aient eue, si utiles qu’elles aient été à la cause de l’éducation populaire, les écoles de la Réforme, pas plus que celles de l’Eglise romaine, n’ont constitué un système général d’instruction publique.) Aussi bien Luther ne voulait-il pas qu’il y eût, « dans chaque localité, les meilleures écoles possible pour les garçons et pour les filles " ? (Luther, /.e(<re circulaire aux bourgeois et conseillers des villes.) la Réforme, encore, les plus beaux succès dans l’ordre de l’enseignement secondaire et supérieur.

Les faits vont répondre. En Italie, en France, en

Allemagne, notamment, l’Eglise catholique a accompli de grandes choses aux trois degrés de l’enseignement, et l’instruction féminine surtout a reçu une extension sans précédent.

1. Italie. — Deux points de vue s’olfrent ici : la protection accordée par les Papes aux humanistes ; l’œuvre du concile de Trente, de saint Charles Borromée, et les congrégations enseignantes.

i" {.es Papes et l’Iiumanisme. — A l’avènement de Nicolas V, le mouvement intellectuel agitait tous esprits. Doué d’une intelligence vive et très cultivé, le nouveau Pape se plaça à la tête de la Renaissance artistique et littéraire. Ses libéralités sont connues, A bon droit on l’a appelé le premier des Papes protecteurs des lettres et des arts. Dès le début de son pontificat, il fit des démarches de toute sorte afin de réunir autour de lui le plus grand nombre possisible de savants et de littérateurs.

Citons : le pieux Manetti, des profanes tels qu’Alberti, Poggio et Valla. Détail frappant : presque tous ces humanistes étaient étrangers à Rome et la trouvèrent à peu près dénuée de toute activité savante. Grâce à Nicolas V, elle devint un centre artistique et littéraire. La connaissance du grec était alors peu répandue. En demandant surtout aux humanistes des traductions d’auteurs helléniijues, il rendit d’immenses services. Il est enfin, tant il l’enrichit, le véritable créateur de la Bibliothèque Vaticane. Parmi les manuscrits qu’il fit venir à grands frais, nous noterons ceux des Pères de l’Eglise, objet de sa prédilection (Pastor, Hist. des Papes, t. II, p. 151, 179, 180, 183, 190, 198).

Poète, historien, humaniste. Pie llrendit auxlettres un service nouveau, qu’appelait en quelque sorte la conduite même suivie par son prédécesseur : il se montra d’un goût très dillicile. Il craignait pardessus tout la fausse Renaissance et jusqu’au simple soupçon d’un retour au paganisme : la composition de sa bibliothèque, ses écrits en témoignent (Pastor, llisi. des Papes, t. III, p. i- et 34-3 ;). « L’œuvre pédagogique la plus considérable entre celles des humanistes chrétiens du xv’siècle, est due â la plume d’un ami du Pape Pie II, Maffeo Vegio. Dans ses six livres sur l’éducation, imprimés pour la première fois à Milan en 149’, il ne perd pas un instant son temps â l’exposition d’idées stériles… S’il trace les règles d’une éducation conforme â la raison, il cite les philosophes de l’antiquité ; s’il traite de l’éducation chrétienne, il emprunte ses règles aux vérités révélées, â l’Ecriture sainte, aux écrits des Pères, aux exemples des saints. » (Ibid., t. V, p. 30.)

Auprès de Paul II, nombre de savants trouvèrent appui ; il favorisa de tout son pouvoir l’introduction et la diffusion de l’imprimerie en Italie (B-vudrillart, L’Egl. cath., la Renaiss., le Protestantisme).

Sixte IV, son successeur, reprit la tradition de Nicolas V. Treize ans durant, à travers les troubles politiques et religieux, il la poursuivit. Il est resté un des Papes les plus populaires. La Bililiothèque Vaticane compte à sa mort plus de 3.500 >olumes ; plus volontiers encore que les auteurs classiques, il y a amassé les auteurs religieux et c’est à lui que les hommes d’étude doivent d’être admis â y travailler. Rome voit alors un cercle d’humanistes des plus brillants. Tandis que Pomponius Lætus s’adonnait à peu près uniquement à l’enseignement, Plalina écrivait son Histoire des Papes. La poésie n’est pas moins en honneur. Pie II avait écrit l’histoire de son époque. Parmi ses imitateurs. Sigismond de Conti mérite d’être cité en première ligne, avec une Histoire du T’émis (Pastor, t. IV, p. 40’-404, iSio, ’1’Bav DRILLART, p. g^-gS).

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Le nom de LiioN X s’identilie aec celui luêiue de la Renaissance. « La nomination des célèbres latinistes Ucmlio et Sadolet an secrétariat particulier du Pape, l’appel fait à l’illiislre helléniste Jean Lascaris, la fondalion d’un collège pour les études fjrecques, enfin la réortfanisation de l’Université romaine jetèrent toute la société littéraire dans un joyeux entiioiisiasme. De tous côtés, poètes, littérateurs et savants accoururent vers ce Pape qui distribuait l’arprent et lesfaveurs avecunelibéralité inouïe. >(PASTOK, t. VIII, p. 86.) Au premier rang de cette republique de savants, se placent Bembo et Sadolet, tous deux célèbres par leurs poésies et leurs œuvres en prose. Léon X nomma ces deus. disciples autlien tiques de Cicéron aux postes de secrétaires particuliers et de prélats de la maison papale (ibid., p. gi). Une mention est due aussi aux élégants poètes Vida et Sannazar, le premier d’une valeur morale comparable à celle de Sadolet (p. <j8, loo, y6). A côté des poètes originaires d’Italie, se trouvaient, en outre, beaucoupd’étrangers, les uns simples étudiants, les autres à la poursuite de la fortune (p. iio). Les historiens, ceux mêmes qui écrivaient en italien, ne subirent pas moins l’inlluence de l’antiquité. Léon X connut personnellement les trois plus grands, dont les œuvres allaient paraître après sa mort : François Guichardin, Machiavel, Paul Jove (p. 126-ii ! 9). Les erreurs qui s’étaient glissées dans les esprits sur l’àme, sa nature, son immortalité, le préoccupaient : au concile de Latran (1513), il recommanda aux maîtres de philosophie de les combattre avec énergie (Baudrillart, p. gS). Quant à l’Université romaine, réorganisée par lui et comblée de ses faveurs, elle compta, sous son pontilicat, 88 professeurs, et presque toutes les branches du savoir humain y avaient alors plusieurs interprèles (Pastoh, t. VIII, p. 152-155).

Grégoire XIH devait couronner l’œuvre de ses prédécesseurs, en fondant le Collège romain (15^3), dont la direction fut conliée aux Jésuites. Il est aussi le restaurateur, ou plutôt le véritable créateur, du Collège germanique (Hbrqenrotukr, ohvv. cité, p. ôaô-ôa’j).

2° Le concile de Trente, saint Charles Burromée et les congrégations enseignantes. — Le concile de Trente, dans sa session cinquième (17 juin 1546), a posé un ensemble de règles relatives à la création et au fonctionnement des écoles primaires. La première de ces prescriptions porte qu’auprès de chaque église il y aura an moins un maître, chargé d’enseigner gratuitement la grammaire aux clercs et aux enfants pauvres, « qui clericos aliosque scholares pauperes grammaticam gratis doceat » (Concilium Tridentinum, sessio v, Decretuni de lectione et prædicatione, 17 juin 1546, t. V, p. 241, lignes 4’-r-’. édition de la Gôrresgesellschaft, 191 1). « Ces maîtres, est-il décidé ensuite, dépendront de l’autorité ecclésiastique seule, c’est-à-dire de l’évcque (Concil. Trident., iliid, p. 2^2, 1. 15-16). Le concile veut, de plus, qu’on leur assure un traitement : le revenu de quelque bénédce ou bien, dans les localités pauvres, des appointements honnêtes et raisonnables prélevés sur la mense de l’évêque ou du chapitre (i^’^.. 1- 28). Chaque année, enûn, les maîtres prêteront un serment attestant leur obéissance au Saint-Siège et leur renoncement aux hérésies.

Contre la Réforme, l’Eglise entendait lutter en établissant partout des écoles élémentaires gratidtes, dont les maîtres jouiraient d’une silnati(m décente et présenteraient toutes garanties d’honorabilité, de capacité et d’orthodoxie,.insi serait reprise la grande œuvre de l’instruction populaire, si brillamnienl inaugurée au un’siècle, et du même coup assuré le recrutement des clercs.

Tome II

Le nom de saint Charles Borromke se rattache étroitement au souvenir du concile. Nommé à la suite archevèqne de Milan, il contribua à la mise en application des règles relatives à l’école primaire : c’est ainsi qu’on lui doit une école dominicale ouverte à Milan en 156/| (cf. de Fontaink de Kesukoq, f/ist. de l’enseignement primaire ai’antl~tSii…, p. 33). Dans une sphère toute ditlérenle, il s’est signalé par la création, au Vatican, d’une académie composée d’ecclésiastiques et de laïques et destinée à favoriser les études. Des cardinaux, un pape, Grégoire XIII, des cvèques célèbres en sortiront.

En 1537, sainte Angèle de Brescia avait institué les Ursulines, religieuses consacrées à l’instruction gratuite des jeunes tilles. Saint Charles Borromée réforma la congrégation et l’établit à Milan (1672). Ce n’est pas la seule congrégation enseignante de femmes que cette époque ait vue naître en Italie. Déjà vers 1537, Louise Torblli, comtesse de Guastalla, avait fondé à Milan, en les rattachant aux Barnabites, les religieuses Angéliques, dites aussi Guastallines (Rousselot, //ist. de l’éduc. des femmes en France, t. 1, p. 819). A Rome, tout à la lin du siècle (1697), Joseph de Calasknz s’emploie à propager l’ordre des Piaristes, qui se répandit surtout en Italie, en Espagne, en Hongrie, en Pologne (ibid.).

Cependant, les changements que la Renaissance apportait dans l’éducation féminine, les dangers que les nouvelles tendances présentaient aussi à cet égard, n’échappaient pas aux représentants de la pédagogie chrétienne. Nombreux sont les traités qui s’ell’orcent alors d’y parer. Il faut signaler, parmi eux, les avertissements donnés par Vespasiano da Bis-Ticci aux mères dans ses Vies de femmes ittnstres (//ist. des Papes, t. V, p. 31) IL France. — Nous envisagerons : les écoles primaires ; les collèges d’enseignement secondaire ; les études supérieures ; l’éducation féminine. Un tableau des congrégations enseignantes d’hommes et de femmes terminera cet aperçu.

1" Ecoles primaires. — Dans la France du xiii" siècle, l’instruction primaire était très répandue. La guerre de Cent-ans a brusquement interrompu le progrès commencé (Brunetière, L’enseignement primaire ayant llHO : Hev. des Deux Mondes, 1 5 octobre 187g, p. 935). D’autres événements en retardèrent encore la marche. « Je ne nie pas…, écrit Brunetière, qu’il y ait une lacune dans l’histoire de l’instruction primaire. Que si vous ajoutez à la guerre de Centans les dernières guerres féodales et les guerres de religion, vous comprendrez aisément qu’il y en ait une et i]u*il faille attendre jusqu’à la fin du xvi* siècle ou même jusqu’au commencement du xvii’siècle, pour voir l’enseignement commencer à se relever de ses ruines. » (Ihid., p. 986.)

Doit-on cette résurrection au seul protestantisme ?

Voici quelle était la situation chez les réformés.

« Dans les pays de langue française…, dès le xvi’siècle, 

de grands efforts furent faits en faveur de l’instruction du peuple. A Genève, il y avait de bonnes écoles publiques, ainsi que des classes spéciales de catéchisme… En France, depuis les premiers temps de la Réforme jusqu’à la Révocation de l’édit de Nantes, on trouve, à côté des établissements fondés pour les hautes études et pour l’instruction secondaire, des écoles i)opnlaires où l’on enseignait, outre le catéchisme, la lecture, l’écriture et les premiers éléments du calcul. » On les appelait petites écoles

« et chaqtie église en possédait au moins une et quel([uefois plusieurs » (F. Biisson, Ùictionn., article cité, 

p. 2468-2469).

Cette citation appelle deux remarques. Tout

31

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a’abord, abstraction faite des matières enseignées, on remarquera le caractère éminemment confessionnel Ue ces écoles protestantes : elles sont la propriété de chaque église et l’on sait qu’une église réformée était alors, eu France, un petit monde fermé ayant sa vie à part. Condition bien peu favorable à un rayonnement sur les catholiques des alentours, surtout depuis les prescriptions édictées par le concile de Trente au sujet des écoles primaires. Or les < : atholiques formaient toujours l’immense majorité de la population. Le développement des « petites écoles » se trouvait donc forcément cantonné dans une aire restreinte. D’autre part, et ceci est la seconde observation, nous allons assister à la diffusion des écoles primaires catholiques.

Répondant aux prescriptions du concile, les diverses provinces de France se mirent à en créer. Par ce qui se passa en Flandre, nous pouvons juger du zèle et de l’aclivile déployés dans tout le pays (v. à cet égard l’excellente monographie de M. de Fox-TAiNK DK Rhsbecq, sur l’flistoirc de renseignement primaire a^ant t7<S9 dans les communes qui ont formé le département du jXord, Lille-Paris, 1878). Aux approclies du xvi’siècle, comme ailleurs, nombre d’écoles avaient disparu et, au milieu du même siècle, les évêques de Flandre sont uuanimes à le déplorer. Ils ordonnent de relever les écoles et d’en créer de nouvelles. Dans cette entreprise, lepouvoir communal agit en parfaite entente avec l’autorité religieuse ; l’ensemble des documents en fait foi. De nombreuses écoles s’ouvrirent donc au temps de Gliarles-Quint et de Philippe II, et quelques-unes rcçm-ent quantité d’élèves, n Dans la suite, l’instruction lit de réels progrès et dépassa, contrairement à ce que l’on croit généralement, les leçons de catéchisme. Il semble même que, là où les écoles étaient le mieux suivies, avant la Révolution, ileneslencore de même actuellement. » (Diî Fontaine de Ri ; sbecq, p. 20.) Les programmes comportaient le plus souvent l’instruction religieuse, la lecture et l’écriture, auxquelles fréquemment on ajoutait la grammaire française ou 112mande suivant les régions, ainsi que l’histoire sainte et l’arithmétique. Après la réunion de la province à la France, c’est-à-dire sous le régime établi par les déclarations royales de 1695, 1698, 1700 et 172/1, chaque paroisse y a son école de garçons et son école de filles, avec des maîtresses et des maîtres touchant respectivement un traitement de 100 et de 150 livres. Les can<li(lals à ces fonctions sont toujours l’objet d’un examen des plus attentifs. Fait à noter, si saint Charles Uorromce a ouvert à Milan une école dominicale en iTii’) ! (v. plus haut), le concile de Candirai (1565) est le premier à propos duquel aient été relevées des traces de celle sorte de fondation (Multos inopia prohihcl ne jilios in scholis lilterariis enutriaiit : nE Fontaine de Rusbhcq, omit, cité, pièces justificatives, i’" partie, n" G). Dans quelques localités il se tenait aussi des cours du soir. Cepend.ant les écoles s’étaient multipliées dans toute la France. Un témoignage particulièrement significatif à cet égard est celui du président Rolland d’Ercevili.i :, dans son l’iaii d’éducation, publié en lyS/j : « Il est peu de curés, écrit-il, peu de seigneurs de paroisses qui ne s’aiiplaudissent s’ils sont parvenus à soudoyer un mafy’ister, et si ce magister peut s’élever jusipi’à donner les principes du latin, c’est un triomplie. » (Le Président, observons-le, trouve excessif le nombre des écoles de villages ; mais ceci n’enlève rien à la valeur de sa constatation.)

Pendant tout le xvirsièdeles évêtpies du royaume avaient travaillé de toutes leurs forces à la création d’écoles populaires. Ceux de Grenoble, de Boulogne, de Laugres exhortent leurs curés à faire en sorte

qu’il y en ail dans toutes les paroisses. « Inspirez, disent les statuts synodaux de Toul et de Chàlons, inspirez à ceux qui veulent faire des fondations au profit de l’église, de les attribuer à cette bonne œuvre » de rétablissement des écoles.

ta Correspiindancc des Inteitdans nt’ec las contrôleurs généraux nous signale, en ellct, dans tel village de So feux et de 30u âmes environ, des « fondations considéridjles » en favem* des écoles (Uuune-TiÈuE, article cité, p. 93()). Pour la seule province de Flandre, on retrouve une quantité considérable, de ces « fondations » (de 1onïaine UElliiSHECQ, ouvrage citt^.

Tous ces efforts eiuent 1cm-couronnement dans la création de l’institut des Frères des écoles chrétiennes, dit primitivement des Frères de Saint-Yon, du nom de la petite ville où son fondateur l’avait établi. JKAN-B.irxisTE de la Salle, chanoine de Reims, implanta son institut dans cette ville et dans plusieurs autres. Paris le recul à son tour. Les statuts de l’œuvre datent de 1717, et peu de temps après saint J.-D. de la Salle mourait. Il avait entendu procurer une éducation chrétienne aux enfants du peuple, spécialement aux enfants pauvres, trop souvent négliges par les institutem-s. « La gratuité était une des conditions fondamentales de ll’^cole chrétienne à son origine… » Quelques modifications y onl été faites depuis lors, notamment celle qui demande une rétribution scolaire à la fraction fortunée des élèves. « Une méthode simple et régulière, une discipline égale et douce, des habitudes polies et non familières, une surveillance constante, des châtiments rares, … tels étaient leurs moyens d’action. » (V. Jlefiles et constitutions des Frères des écoles chrétiennes, Paris, 1835 ; cf. A.-F. TniiuY, Jlist. de l’éducation en France depuis le ye siècle juscju’à nos jours. t. II, Paris, 1808, p. 169-17/1.) En 1789, l’inslilul de^ Frères dirigeait déjà 120 maisons, qui < : omptaient en tout 36.O0Û élèves (de Fontaine de Kesuecq, ouit. cité).

2° Collèges. — Rabelais, Montaigne : ces deux noms personnifient plus oumoinsles ju’cocciqiations pédagogiques de l’épofiuc. Plus près encore du mo.yen âge, Rabelais critique laméthode scolastique. Il s’en prend aussi aux Universités. Comme tant de ses contemporains, la passion de sa oir le possédait ; aussi exigc-t-il de son élève un tiav.iil intense et continu. Mais l’éducation reste religieuse. Son pupille invoque Dieu chaque matin comme avant de s’endormir. Son programme d’études est bien celui des humanistes : il embrasse les lettres et les sciences. AvecMonlaigiie, nous assistons à une véritable réaction. Cette culture si complète, il la repousse. Il veut une édu( ation générale et humaine, qui aura pour effet de développer toutes nos facultés. Les science^ et les lettres sont des moyens, non un but. Avant tout, l’enfant doit connaître le monde qui l’environne : il verraàrœuTeet questionnera le bouvier, l’artisan, le commerçant. Bref, il prendra des « leçons de choses » (CoMPAVitÉ, Ilistoire critique des idées de lu Renaissance : v. la table alphabétique du t. II : Habelais, Montaigne).

Unissez ces deux tendances si différentes, conciliez avec de solides études les nécessités d’une éducation vraiment humaine ; les méthodes pédagogique^ modernes en résulteront. On remarque cette alliance féconde dans la pédagogie des iiongrégalions enseignantes, des Jésuites en particulier.

Un inslrument faisait défaut : les lexiques et les manuels. Guillaume Fichet, le professem’de.Sorbonne, et son disciple Robert Gaguin payèreiil d’exemple et, à leur suite, les humanistes français se mirent à l’œuvre. « Dictionnaires, grammaires, traité ; 965

INSTRUCTION DE LA JEUNESSE

966

savants ircIo(iucnic, travaux d’Iiistoirc, de vrrsi(icalion on de criliqui’, tout l’outillage iiitellcitucl ro<laiii(- ]), ir le n’ijinii : nouveau va sortir de leurs mains. L’écolier n’a qu’à elioisir. « (Imii.vkt oh la Toiu, iiiivr. cité, p. iî58.)

M. Vau.ut i)i< Vluivii.i.K larætérise ainsi le pro^’raniuio d<-s Jésuites : ci Kn des temps de routine, où l’Kislise cnseifîiiante tremblait devant les lanf^ues aneiennes, K-s Jésuites prescrivirent liardiineiit l’étuile ilii latin, du jïri’c, de l’Iiélircu. L’enseif^iieuiciil lies autres langues, mortes ou vivantes, nationales cl ctrani, ’cres. bien loin d’être néj, ’lij, ’é, fut érigé par eux en faculté nouvelle. » (llist. de l’inslnirtiiiii inihlif/iie, p. 2l13.) Rien de sacramentel dans li’s ]irescriptions relatives au choix des livres : I. Si dans la suite îles temps un auteur paraissait plus utile pour les étudiants, on pourrait l’adopter. » (Cuiistituùuiis, IV partie, xiv, i.) Ht ailleurs : « On doit embrasser, dans chaque faculté, la doctrine la plus sftre et la mieux suivie, ainsi que les auteurs qui l’enseignent. » (Cunsliliit., ibid., V, 4.) Quoi de plus sage et de plus sensé que de telles prescriptions, et combien l’Université était en arrière de vues aussi intelligenlcs ! Ajoutons qu’elles furent exécutées avec une rare habileté par les Jouvancy, les Gretzer, les de la Uni’, les V.iniére, cpii ne cessèrent de rajeunir et de perfectionner les livres de classe… Je passe rapidement sur d’autres dispositions excellentes, comme de ne pas astreindre à des mesures uniformes pour la durée des cours et des épreuves, des intelligences inégales (Ihiil., -vv..).

La réussite fut immense. « Leurs écoles, à peine ouvertes, rc(, ’urent de nombreux auditeurs, même protestants (KiiiTz, lîxrjiiisse d’un systcino coniplet d’inslrnrlinn et d’édiicatidii, t. III, p. f(>S). Dans les pays catholiques, elles furent tout d’abord comme assiégées [)ar la faveur publique. Chefs et membres de la sixûétc ne négligèrent rien d’ailleurs pour exploiter, soutenir et accroître de tels résultats. » (VAr.i.ur Diî ViuiviLLH, p. 23/1-235.)

Les Jésuites fondèrent leur premier collège à IJillom. p. lili’ville d’Auvergne qui avait possédé une Université (iTiSG). L’établissement devint llorissant (KouoiiKiiAV, Hist. de la cunipns^nie de./ésiis, t. I, p. 1718 ss.). l’armi ceux qui s’élevèrent dans la suite, liions les collèges de Trévoux, de l’Are à Dôle, des Go(lir, ns à Dijon, de la Flèche, etc. En 1762, ils en possédaient Odij, dont 80 siU’le sol de France.

Insliluc’e par Pi !  ; ni ; ii du ISiiitui.i.i ; en iGi 1, la congi’cgation <h ; s Oraloriens s’adonna bientôt elle aussi à linstruction de la jeunesse (Tmiuv, (iHcr. cilr, p. loo ss.). « On ri-connaît sans peine, écrit M. Thérv, les souries du système d’enseignement de l’Oratoire. Ce sont d’abord les écoles de l’ort-Royal, les ouvrages des s.ivants solitaires ; le nom même de Lancelot est invoipié. C’est ensuite la méthode… des Jésuites, qui.1 modilic les levons de l’Oratoire et les a rendais, comme on l’a remarqué justement (S.mnti ; -BRUvr. ffisl. de /’ort-Hoynl. t. II, p. i^>Sh), plus ornées, plus aeadémi(pies. > (Tni’aiv, p. idS-iOr).) Deux de leuis collèges ont acquis une ; particulière eéléhrilé : Juilly près de l’aris, et le Mans.

Une.inlrc congi-cgation fonda dans le nu ; me siècle

des collèges rc|)nlés : ce fut la congrégation de.Jésus’de Marie, dite plus tard des Kuilistes, du nom de

ilibé I, i ; drs, frèie de l’historien Mczeray, qui l’avait tnblie en iG43 (TniiiîV, p. loO).

3* /’Indes xu/iérii-iires. — « Kn Italie comme en Allem.igne. la diffusion de la culture classique avait été l’ieuvre des Universités. Uien de semblable en France. Seul, Paris est une exception. De bonne heure, la faculté des arts s’y était ouverte aux idées

nouvelles. Mais la i)éncliation avait été favorisée par ce partieulaj’isniedi^s nations cl îles collèges qui rendait com[dète la liberté des maîtres et possibles les changements deméthode.u (Immaut nii laTouu, nui>r. cité, p.’iUi ; cf. l’nuROT, De Vorj^anisoliun ilc l’en— sei^ncincnl dans l’CiiiiCr.silé de l’tiris, p. 108.)

« Savoy.ird d’origine, bien Français de r ; i<e, d’espril

et de langue », (Inillanme Ficliet, le premier, se fait l’apôtre de la culture lettrée et, grâce à lui, Paris entend « rélo(]uenc(^ de Kome » (ibid., p. 3’|N). « Sa lettre du j" janvier 1/171 à Gagiiin sur les Oi-ii(ines de Viinprimerie en J<’riiiice et l’iitiliié de L’orltiiif^ruphe est bien le manifeste de l’esprit nouveau. Pour rendre f.iniilicrc la connaissance du lalin, Fichcl a fait inquimer aussitôt l’ « Ortliograidiia « ûc Gasparino Ua/.izza.Ie Ic.xiqiie de Dathi et les a Flégaïues » de Valla. Pour donner un niodcli^ d’édiliou cl.issique, il presse Heyniin de publier le De 0//iciis. Son traité De la llliéturitjue, conqiosé en juillet 1/171, sera enlln destiné à enseigner aux Français l’art de bien dire. Lui-même prêche l’exemple. Il professe à la fois la théologie à la Sorbonnc et, chaque soir, aux écoles de la rue du Fouarre, la littérature. Dans sa bibliothèqvK’, à côté des.mciens prennent pl.icc des modernes : Pétrarque, Pier-Paolo Vergerio, Guarino de Vérone. Il devient l’ami, puis le correspondant de liessarion et quand, à l’appel de ce dernier, il aura quitté la France (i/p^S), en deux ans, l’élan aur.i été donné ; pour continuer son œuvre, voici un ami et un disciple, Koberl Gag-niu. » (// « ’(/., p. [S^iSS^iQ.)

L’enseignement d’Aléandre devait être l’occasion d’un progrès plus retentissant encore. Les collèges de la Marche et d<^ Cambrai en furent témoins (i.’iog, 1511, ir)13). Tour à tour il y commente Ausone, les Dialogues de Platon, la grammaire grecque de (-aza, les traites de Cicéron. « Je voudrais, écrivait le /i août 151 1 Jean Kurher à Iluinmelberg, que tu oies cette foule. On dirait une armée innond>ral>le. Quoi plus’.' On croit qu’Aléandre nous est tombé du ciel, et, comme pour Faustus, on ne cesse de crier : — Viv.atI vivat ! » (PAQinmt, Jérôme Aléandre, p.."^i ; I.mrart iik L.V Touu, j). 352.) Hicntôt le triomphateur abandonne son auditoire. Sous Charles VIII, sous Louis Xll surtout, nombreux furent les Mécènes ecclésiastiques qui., à l’exemple du cardinal d’And)oisc (cf. la lettré du cardinal relative aux réformes du collège deMonlaigu, i’i février 15d2 : Fkubikn, ///.((k/y’</e Zu V’.ile l’aris. Pièces jusl., t. V, p.’jiH), se tirent s : loire d’encourager les belles lettres. Evëipie de Paris, Ktienne Poncher fut, parmi ces prélats humanistes, l’un des plus brillants. C’est lui qui fut leprotecliur d’Aléandre. Déjà il l’avait fait revenir de Paris en 1511. Il le garda auprès de lui comme secrétaire, de ilécembre 1513 à la lin de 151/|. Dans la suite, Aléandre devint cardinal (Imisaut dp. la Toub, p, 5/|2 ; Bauduillai.t, l.’Ei ; K calhoL, lu llenaif sauce, le Proteslanlisnte,

p. O") Du reste, Etienne Poncher est « en rapports avec tous les érudits de son temps : Ilermonyme, Hudé, Lefèvrc, Guillaume Co]). Dans ce tourbillon d’alTaircs, politiques ou religieuses, qui absorbent sa vie, il trouve encore le tem])S d’écrire, de réunir des manuscrits ovi des livres, de seconder l’essor des éludes grecques » (Imraut i>h la Toun, p. 5/(2), De même, un peu plus tard, on verra le cardinal Charles de Lorraine fonder l’Université de Ueims : là, comme à Paris, sont enseignés lo grée et le latiu^ l’hébieu et le cliald.aïqne (P>AiM)niLLAUT, p. rjo).

C’est un autre prélat, Giustiniani, évêque de Nebbio, qui introduisit l’humanisme à la.Sorbonnc : en 1517, il y enseigne riiébrcu(A.LKi-ltANC, ///.< ; /. daColli’He de France, yt.’15 ; Imuart dk la Toun, p. 35a).

Dans la sphère des hautes éludes elle aussi, les 967

INSTRUCTION DE LA JEUNESSE

968

Jésuites allaient jouer un rôle important. Le 22 février 1564 (Fou<jUEHAY, oin’r. cité. p. 305), s’ouvrait le Collège de Clermonl. « Le recteur même de l’Université, en leur accordant des lettres de scolarité, les plaça sous la protection universitaire. » (Théry, oavr. cité.)

L’heure était favorable ; le concile de Trente venait de se clore (iôG3). Très vite, le collège obtint un brillant succès (ibul.). Un nom y contribua dès la première heure, celui du P. Everard JMercurian, puis ceux des PP. MaldonatetVenegas (Fouqueray. p. ibj et 365). Le xvw siècle verra son plein épanouissement : sous la direction de maîtres tels que le P. Jacques Sirmond et le P. Pelau, il préparera « à la France la furie génération qu’on vit fleurir trente ou quarante ans plus lard, aux plus beaux jom-s du règne de Louis XIV » (Gh.DA.MEL, les Jésuites instituteurs de la jeunesse française, p. 18 ss.).

U reste à signaler les collèges des Bénédictins de Saint-Maur dits collèges de plein exercice. Ceux de Sorèze (Tarn), Ponllevoy et Vendôme (Loir-et-Cher) ont eu une véritable célébrité. Fameux aussi furent l’Académie des Bénédictins et leur plan d’études

(VaLLET de VlRIVILLK, OHIT. cité.p. 2^0 SS.).

4" Education des femmes. — L’éducation des femmes, selon une opinion assez courante, n’existait pas au moyen âge. Œs faits comme le suivant contredisent, au moins en partie, cette allégation. En i^ga, dans un village de Normandie, à la Haye-du-Theil (350 habitants), nous voyons « que les parens et amis de Marion Bouclier, qui vient de perdre son père, la baillent à sa mère et à son tuteur à garder, nourrir et gouverner pendant trois ans, pendant lequel temps ils seront obligés la tenir à l’école et lui traîner livres à ce nécessaires » (de Beairepaire, Recherches sur l’instruction puliliijue dans le diocèse de Rouen : Mémoires de la.Société des antiquaires de.Xormandie, t. XX et XXVI). La véritable situation parait être celle-ci : en France, au xv* et au xvF siècles, un très grand nombre de femmes sont notées pour leur instruction plus qu’ordinaire, mais la grande majorité des personnes de leur sexe restait dans l’ignorance (IloLssELOT, Hist. de l’éducat. des femmes en France, t. I, p. 18y).

L’instruction des femmes avait-elle du moins ses avocats’? Consultons nos deux moralistes. Rabelais

« ne paraît pas avoir une haute idée de la nature

féminine, ni se mettre en peine de l’éducation qui lui convient > (ibid., p. io5). Pour Montaigne, a-t-il « à s’exprimer sur le compte des femmes, c’est avec quelque sévérité, et il ne dissimule nullement qu’il les juge inférieures à l’homme » (ibid., p. loO). « L’instruction des femmes n’est pourtant pas tout à lait sans apologistes en France, au xvi* siècle, mais les apologistes sont fort rares. On enest réduit à leschercher parmi les écrivains de second ordre. » Témoin Jean Bouchet et l’Allemand Henri-Corneille Agrippa. Encore leur plaidoyer ne va-t-il pas sans de graves restrictions (ibid., y>. io8 s.). « Deux écrivains seulement, parmi ceux qui comptent, ont pris en main cette cause, mais deux écrivains dont on peut dire que la valeur supplée au nombre, Erasme et Vives. Luther aura son tour… » D’après Erasme et Vives, le latin et le grec conviennent aux femmes comme aux hommes (p. lai). Quant à Calvin, il jiarail moins préoccupé que Luther de l’instruction féminine

(p-’gg) La cause était gagnée, lorsque Fénelon écrivit son traité De l’éduciition des filles. Il s’y révèle le vrai maître de la pédagogie féminine au xvii" siècle : sous l’ignorance, un danger psychologique se cache ; l’éducation morale est inséparable de l’éducation intellectuelle ; aux femmes il convient d’apprendre

l’histoire, la littérature, même la philosophie ; on devra former aussi la maîtresse de maison (p. 38^ ss.). Passons aux faits. « L’instruction des tilles a été l’un des objets de la Renaissance religieuse et l’instruction des lilles pauvres l’une des formes de la charité eu acte. Les écoles séculières tenues dans quelques grandes villes et notamment à Paris étaient loin de sullire. Il n’y a qu’une voix, au commencement et dans le cours du xvii’siècle, sur l’abandon où était laissée « la moitié du genre humain ». Les bulles de Clément VIII, autorisant en France l’institut des Ursulines en 151j8, lui assignent pour but « de remédier à l’ignorance des enfants et du petit peuple, et à la corruption des mœurs » ; celles d’Urbain VIII, autorisant les Auguslines en 1628, déclarent expressément que « l’instruction publique des jeunes lilles n’avait pas encore été entreprise comme elle devait l’être… ». En 1666, M. Démia, ecclésiastique du diocèse de Lyon, adressait aux magistrats de la ville des Remontrances (Remontrances à MM. les Prévosts des marchands. Echevins et principaux habitants de latille de Lyon, dans la Me de M. Demia, p. 487) sur la nécessité d’instruire gratuitement les enfants pauvres de l’un et de l’autre sexe dont l’éducation est totalement négligée, quoiqu’elle soit la plus importante de l’Etat, puisqu’ils en fontle plus grand nombre », et il ajoutait : « Si la bonne instruction est nécessaire dans les pauvres garçons, elle ne l’est pas moins dans les pauvres filles… »

« Les congrégations enseignantes sont nées de

cette pensée ; leurs fondateurs ont voulu que l’école fCit la raison d’être des couvents nouvellement créés… la religieuse devait être avant tout institutrice. Dans la pratique, on dévia assez vite de la ligne initiale, mais tel était à l’origine l’esprit des communautés qui surgirent après la Réforme. » (Rousselot, p. 31^319.) Deux d’entre elles méritent une mention toute particulière : ce sont les Ursulines et les Augustines. CÉSAR DE Bus introduisit les premières en France en 15g2. Sous la direction de sa nièce, Cassandre, et de Françoise de Brémon, elles s’établirent d’abord à Avignon. Plus tard, au xviie siècle, elles eurent 320 maisons en France. A la date de 1657, le seul couvent de Saint-Denis avait déjà vu passer plus de 4.000 jeunes lilles des meilleures familles de Paris.

« Elles recevaient des pensionnaires, mais tenaient, 

en outre, des écoles publiques, où toutes les filles

« étaient admises gratuitement… » (Ihid., p. 31g-320 ; 

P. DuMAS, /.a vie du vénérable César de BHS, p.238 ss.)

Ce que César de Bus avait fait dans le Midi, saint Pierre Fourier l’accomplit dans l’Est. La congrégation des clianoinesses régulières de Saint-Augustin fit ses débuts à Mattaincourt en 1600. « Fourier leur enseignait à elles-mêmes une méthode de lecture,

d’orthographe et de calcul (RorssELOT, p. 321.)Les

Augustines eurent, comme les Ursulines, des internats payants et des externats gratuits (E. de Baze-LAiRB, Le bienheureux Pierre Fourier. p. 35-36, 62, 64 ; Rousselot, p. 320-321).

Quelques chiffres indiqueront le développement pris par les écoles congréganisles de filles. En l’jSg, la congrégation, peu connue d’ailleurs, des Filles de la Providence, dirige 116 maisons d’instruction, renfermant 1 1.660 élèves. A elles deux, celles des Ursulines et des Filles de Saint-Vincent de Paul possèdent alors plus de 800 maisons (Brunbtikhb, article’cité, p. 944-945).

5'> Tabtfliiii des congrégations enseignantes d’hommes et de femmes. — Cf. Vallet de Viriville, ouvr. cité, p. 245 (congrégations d’hommes et de femmes), Rousselot, t. I, p. 31g-323 (congrégations de femmes), etc.

909

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970

A) Congrégations enseigna nies d’hommes

Malliiirins, fondés en 1 20g

Dominicains, curi’nl une chaire en 1 22(j

Franciscains i "i’io

Prémontrés 1 25-2

Val des Ecoliers 1 253

Iternardins 1 266

Cannes i aSg

Augustins 1261

Cluny 1 269

Moines de Marraoutier 1829

Jésniies, constitués vers 1534

Prêtres de la doctrine chrétienne ou Doctrinaires lôg’j

Rénédictins, réformés en 1 600

Barnabites, introduits en France en 1608

Oratoriens.. 1611

Kudisles b’i

Frères des écoles eliréliennes et charilaliles de l’Enfant-Jésus, institués par le P. Barre,

Eudiste iO ;  ; i

Frères des écoles chrétiennes (saint J.-B. de

la Salle) 1679

Frères de Saint-Antoine 1 7 1 i

B) Congrégations enseignantes de femmes

Sœurs de Notre-Dame de l’Observance ou du

Sacré-Cœur i SgS

Chanoinesses régulières de Saint- Augustin,

dites Auguslines 1 600

Ursulines (avec de nombreuses ramiûcations

successives), fondées en 1610

Visitandines, fondées à Annecy par Mme de

Chantai en iGio

Religieuses de Port-Royal des Champs 161 3

Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame. … 1616

Filles de la Croix 1 626

Sœurs du Bon Pasteur 1625

Religieuses de la Présentation de Notre-Dame. 1626

Filles de la Providence iG30

Religieuses de Saint-Vincent de Paul 1633

Nouvelles-Catholiques iGS^

Filles de la Charité 1635

Filles de Sainte-Geneviève’1636

Filles de Saint-Joseph 1 638

Demoiselles, ou Sœurs de l’Instruction, dites

Béates, fondées au Puy vers 1650

Sœurs de Saint-Lazare on de la Charité 1651

Sœurs des Ecoles charitables, instituées à

Rouen en 1 655

Filles de l’Instruction chrétienne 1667

Filles de Saint-Chauniont ou de l’Union chrétienne 1661

Sœurs de la Sainte-Famille, dites aussi Miramiones, du nom de Mme de Miramion, leur

fondatrice 1661

Filles de l’Enfance, fondées à Toulouse en… 1662 Filles charitables de la Providence, fondées à

Rouen en 1662

Sœurs du Saint Enfant-Jésus, établies à Reiras

avant 1672

Filles de Sainte-Marthe, instituées à Paris

avant 1672

Sœurs de Sainte-Avoie, instituées à Paris

avant 1672

Quelques communautés séculières, les Régentes des écoles île Troyes, à l’institution desquelles Nicole eut une part, et celles

d’Auxerre, instituées par l’évêque en 1672

1. Unies aux.Miramiones en 1605.

Filles de la Sainte- Vierge, de Rennes 167.’ !

Filles de la Sagesse. 1674

Sœurs de Saint-Charles de Lyon 1675

Dames de Saint-Louis, à Saint-Cyr 1C86

111. Allemagne. — Une activité intellectuelle générale avait oaractérisé la seconde moitié du xv « siècle et le commencement du xvi’. Universités et écoles en hénclicicrent également (Jansskn, /.’Allemagne et la Hcforme, trad. franc, t. VII, p. 5). A dater de la Réforme, on constate, à tous les degrés de l’enseignement, un changement radical. La doctrine de l’inelhcacité des bonnes œuvres pour le salut, en particulier, a une influence désastreuse : plus de fondations scolaires ; c’est à qui s’ajipropriera celles qui existent (Jansskn, ibid., p. 9). D’ailleurs tout zèle pour l’instruction a disparu. Luther, dans sa lettre circulaire aux bourgmestres et conseillers des villes, écrivait en 15a4 : ’< Nous faisons de plus en plus une triste constatation dans nos pays allemands, c’est qu’on laisse partout dépérir les écoles. Les Universités diminuent d’importance, les couvents disparaissent. Là où les abbayes et les collégiales sont relevées, personne ne se soucie de faire instruire les enfants. Puisque l’état ecclésiastique est aboli, entend-on journellement répéter, nous n’avons que faire de la science, nous ne donnerons rien pour elle. » (// ;  ; V., p. 1 1.) La situation scolaire était, du reste, à peu près la même dans les territoires gouvernés par des autorités catholiques. Ici, les écoles perdent des élèves ; là elles ont cessé de fonctionner et nécessitent une réorganisation complète (p. 18-1 g).

1° Ecoles populaires. — « Comme les établissements d’enseignement supérieur, les écoles populaires, à la Un du mojen âge, avaient progressé de la manière la plus heureuse dans la plupart des territoires de l’Empire. Tous les manuels d’instruction religieuse recommandaient aux fidèles, dans les termes les plus pressants, de les soutenir, et le nombre des écoles, même dans les petites villes et les villages, augmentait sensiblement de dix ans en dix ans. Aucun instituteur n’avait à se plaindre de l’insufTisance de son traitement. Nous possédons plus de cent ordonnances ou règlements scolaires, en allemand ou en flamand, édictés entre i^oo et 1521. C’est donc une erreur de croire que les écoles populaires datent de Luther. Il serait plus exact de dire que la révolution religieuse eut, en beaucovip de territoires, une influence néfaste sur l’enseignement supérieur comme sur l’enseignement primaire. » (P. 20.)

Les desiderata du réformateur à cet égard sont loin, au surplus, de s’être toujours traduits en actes. Plus d’une fois (notamment dans sa lettre circulaire aux bourgeois et conseiller.^ des K’illes). Luther a exprimé le désir de voir se multiplier les bonnes écoles primaires pour les filles et pour les garçons. Au XVI* siècle, un grand nombre d’ordonnances scolaires protestantes décident que, jusque dans les villages, il sera pourvu à ce double enseignement. En fait, si un grand nombre de garçons ne fréquentent plus l’école, on rencontre plus encore de femmes ne sachant pas lire (Jansskn, ibid.. p. 21-22).

« Malgré les sérieux efforts de quelques autorités

protestantes, nulle jiart il n’était aisé de rétablir les anciennes écoles, désorganisées dès le début de la révolution religieuse. » (P. a5.)

.u sujet des territoires catholiques, nous possédons peu de rapports d’enquêtes ; mais il résulte de la plupart que la situation n’y est pas brillante depuis la scission religieuse (p. 28 s.).

Un trait commun aux pays protestants et aux pays 971

INSTRUCTION DE LA JEUNESSE

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restrs callioliqiics est la position peu envial)le en {fénéral des inslituteuis. « Lu plui)art, surtout Jaiis les caïupa^nes, les petites villes ou les bouri ; a(les, avaiiMit une existonec très pénible, très laborieuse et forl Jieu réeonipensée. » (P. iîi.) Et partout, au xvr sièric, ce ne sont que plaintes sur l’indiscipline des élè es connue sur la barbarie des châtiments que leur inni, i ; ent les instituteurs (p. SV-iy) Pendant îoniî’tenips, les luttes religieuses retarderont l’essor de renseignement primaire en Allemagne.

2" Gyninnses latins. — Par l’établissement de nombreuses et llorissantes écoles, la congrégation dite des Frères de la vie commune a exercé, au xv’siècle, une très h>-ureusc iniluence sur le déveloiipement intellectuel du peuple. Ces écoles se multiplièrent peu à peu à travers toute l’Allemagne et, dans le Nord de l.i France, jusqu’à Cambrai. D’esprit foncièrement elivélien, elles donnaient de sérieuses notions seiciililiques et infusaient aux élèves le gofit de l’étude |)crsonnel ! e. L’enseignement y était gratuit. Le cardinal Xu-.olas du Ci’sb, lui-même leur ancien élève, fut leur plus puissant soutien. Un de ses protégés, illustre entre tous, fut Rodolphe Agricola. Citons aussi Alexandre Ilégius, Rodolphe de Langen et Louis Dringenberg, au zèle desquels est due la reslauiMlion des éludes classiques en Allemagne (Janssrn. l.’Alleinii^ne et la llcfoiinc, trad. franc., 1. 1, p. ! t<)<n). Dans Agricola, ce pays eut à certains égards nu autre Pétrarque, comme le premier infatigable à répandre parmi ses compatriotes l’amour des auteurs anciens, mais qui ne perdait pas de vue les réserves imposées par la prudence chrétienne (ibid., p. 52-54). Le même esprit anima Wimphcling. professeur et écrivain infatigable et l’une des plus influentes et des plus attrayantes personnalités de la fin du moyen.âge. La formation de la jeunesse est son souci dominant. « Le plus parfait des écrivains pédagogiques de l’époque ii, il chercha particulièrement à gagner aux études classiques la noblesse et les prini’cs. Deux de ses écrits pédagogiques sont surtout dignes d’attention : le Guide de lu jeiinesse (/M //cmn^’/ie (1497), où il donne, entre autres, nombre de précieuses règles pour l’enseignement pratique des langues anciennes, et layeKncsst’(1500) (p. Gi-O : ^).

Cepenilant, grâce aux fondations catholiques, les réformés allaient créer des gymnases latins. Comme les écoles primaires, ces établissements furent bientôt connus pour la triste situation des maîtres et l’indiscipline des élèves ; les ma-ursy étaient corrompues. Du reste, plus de don charitable désormais en faveur des professeurs ni des écoliers. Les méthodes étaient <lcfectueuses (Jansshn, t. VII, p. 38-80). De l’histoire et des sciences naturelles, il était à peine question ; et pourtant Luther et Mélancliton n’en aA-aienl-ils pas vivement recommandé l’étude, celle d(’la première surtout’.' Quant aux langues vivant<s, elles étaient entièrement négligées, lîref, en dehors de la religion, de la musique et du chant, on n’y enseignait qne les langues anc’iennes, c’est-à-dire le grec et surtout le latin (F. Buisson, Dictionn., article cité, p. 2.’if16).

« La décadence des anciennes écoles, qui date de

la scission religieuse, se lit sentir dans les pajs demeurés catholiques comme dans les territoires protestants. » Toutefois on put croire, à un moment, que les établissements des réformés allaient l’emporter de beaucoup sur ceux des catholiques. « Après l’éclat des |)reniièrcs prédications de Luther ». en effet, « et sous sa puissante impulsion, les plus écoutés de ses coopérateurs se montrèrent animes d’un zèle plus ardent pour la création et la bonne organisatiojï

d’écoles destinées à devenir le plus solide appui du protestantisme, que ne l’étaient les catholiques pour la restauration et l’amélioration des établissements d’enseignement indisi)ensables au maintien et à la défense de leur foi ». « Mais, à dater de la fondation et des progrès des collèges de Jésuites, un grand changement s’opéra. Si en 153b, i." ; 41. i.)50, des catholiques à même de bien juger la question s’ét.iienl plaints amèrement du ilépérissemeiit des anciennes écoles, s’ils avaient cn ié les ( lablisscnicnts protestants, alors en jdeine prospérité, qui attiraient à eux toute la jeunesse allemande, trente ans plus tard, les protestants bien informés déclar. aienl que les collèges des Jésuites, fréf]uçntcs par un grand nombre d’élèves i)rotestants, ctaiint inliniment supérieurs à leurs nouveaux gyniuas( s, sous le rap|)ort de l’enseignement comme sous celui de la discipline. » (Janssun, t. VII, p. 81.)

Le i>ays rhénan, lii Bavière furent témoins du succès des Jésuites.

« C’est à Cologne, en 154/|, que le premier collège

de Jésuites fut créé. En xr>56, le conseil avait conlié aux Pères la direction ilc l’un des trois gymnases de la ville, qui eut bientôt éclipsé les deux autres. Le Père Canisiiis, promoteur émincut du système scolaire inauguré par les Jésuites en Allemagne, a exposé ses vues sur l’enseignement et sur le but des études dans une série de lettres adressées scjit aux écoliers, soit au Père François Coster, recteur du eollôgo de Cologne, religieu.x aussi remarquable connue maître et comme éducateur que comme écrivain. Canisius insiste pour qu’on nuiiutienne, dans les classes d’humanisme et de philosophie, les disputes en latin… Comme dans les écoles du moyen âge et dans tous les gymnases protestants, l’usage de la langue lalineétait imposéaux élèves… » (//*/(/., p, 86.)

« A Cologne, les Pères enseignaient non seulement le

latin et le grec, mais aussi les malhcm.itiqucs et Pastronomie. En 1 558, le gymnase ionqitait500 élèves et Go séminaristes ; vingt ans plus tard, divisé en sept classes. 830 élèves ; en 1581, i.oou, tant simples écoliers que séminaristes… » (P. 87.)

Même situation en Bavière. » Leduc.Mbert donne de grands éloges au gymnase de Munich, dirigé par les Jésuites, et souhaite qu’il devienne le type et le modèle de toutes les écoles latines de ses Et.its (p.^^)… Les collèges d’Ingolstadt, de Dillingcn et de Wurzbourg. dirigés par les Jésuites, étaient également llorissants. » (P. 98.)

Un puissant élénu’ul de ce succès fut le drame scol. iire, alors en faveur dans les collèges protestants comme dans les établissements des Jésuites. « Tous ces drames de Bidci-mann, beam oup d’autres, dus à des auteurs inconnus… ont une valeur réelle aupoi » t de vue religieux, le sens dramatique en est remarquable. .Vu point de vue moral, au point de vue de l’art, ils laissent bien loin derrière eux la plupart des drames spirituels protestants, que dcpaie trop souvenlunc continuelle préoccupation jiolémiste. A tous égards, ils ne pouvaient avoir qu’une 1res heureuse iniluence sur l’esprit de la jerincsse. » (P. lay.)

;)" l’rn^-crs’tca. — A la lîn du moyen âge, les Universités

existantes sont en pleine prospérité. Bien plus, il s’en fonde neuf nouvelles dans rcspace d’un demi-siècle ; ce sont celles de : fireifswalde (1450), Bàle(146o), Fribourg (1460), Ingolstadt (14’3'^). Trêves (1473), Tiibingen (1477). Mayencc (1477), Wittenibcrg (1502), Francfort-sur-l’Oder (iSoC).

Ces Universités ne sont pas scidement d<slinécs à la bourgeoisie ; elles constituent aussi des écoles d’enseignement supérieur pour l’usage du cierge (Jans-SUN, t. I, p. O9 ss.). « Lors([iuî vint la s( ission de l’Eglise, presque toutes, Witlcmberg et Krfurtcxcep973

INSTRUCTION DE LA JKUNESSE

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tées, reslorcnt fiUôIcs nii Sicf^c apostolique. Constituées en coi’jis soci.iux iiidc’pcndanls, rcvètuos d un caractèro ecrliisiastiquo et corporatif, elles n’adoptèrent 1rs doelriiies nouvelles que lorsqu’on eut empiété sur l(mr liberté et qu’elles furent desi-endues an siuqile ran^’d'élablissenicnls d’ICtat. » (lliid., p.^ï 70.)

L’aetivilé intelleitucUe et seientilique, dans la dernière i)artle du xv= siècle et dans les premières années du xvi se lit surtovit sentir dans la nifion du Rhin. L’Université de Colojfnc y tint lon^’lemps le premier ranf, ’comme importance et renom ; elle compta parmi ses illustrations Dartliélemy de Cologne et OrLwin Gratins. Ileidellierp venait ensuite et on ne peut la mentionner sans citer les noms de JnAN DK UAi.iiime. et de Juan TniTiiKMii.Evèque de Worms, Jean de D, illjcrf, ’se fit, à Worms et à Ileidelberir, le centre des }, ’cns de lettres, fonda une chaire de ^rec et réunit une bibliothèque de classiques. Les Universités de l’riliourjî et de Râle témoij ; naient aussi de la plus grande activité. Tid>ingen et Ing-olsladl méritent une mention d’honneur. Strasbourg est à cette époque un centre d’étude des classiques antiques et de recherches historiques des plus vivants..u premier poiut de vue, on doit y citer Brant et Geil( ! r de Ivaiserberjc. Nurember} ?, Au^’sboursr, Vienne étaient, de leur côté, le siéj^rc d’un puissant mouvement intellectuel, celle dernière avec Conrad Celtes (ibi<l., x>.-}()128 ; BALnuiLLAur, ouvr. cilé, p. 88-89).

Dans Us Universités comme par leurs collèges, les Jésuites allaient acqtiérir une grande réputation. La plus ancienne Université de l’Empire, celle de Prague, étant devenue toute protestante et perdant chaque jour de son importance, « le chapitre de la cathédrale, en 1552, demandait au roi Ferdinand l’autorisation de créer, à côté de l’Université et tout à fait indépendante d’elle, une académie catholique, dont la diriH lion serait confiée aux Jésuites (voir BucunoLTz, Ferdinand 1", t. VIII, p. 199). Ferdinand accueillit favor.il dément cette demande, l’n i.5.’)6 la nouvelle école s’ouvrit à Saint-Clément… » Klle obtint un grand succès (Janssiîn, t. VU. p. i.’?i-i, 3j).

« En 15.ja, le triste abanilon des facultés de pliilosophie

et de théologie avait inspiré k Ferdinand la |)ensce de fonder à Vienne un gymnase placé sous la direction des Jésuites. » (lljid., p. 138.) Ceux-ci y gagnèrent si bien la confiance des parents catholiques, qu’en ibSH ils av.iicnt plus de 800 élèves, tandis que l’Université en comptait à peine 80 (p. 138).

a La Ilaute-Ecole de Gratz, fondée en 158fi, par l’arehidnc Gliarlos, enrichie de nombreux privilèges yiar le l’ape et l’Empereur et dirigée par les Jésuites, était pour l’Université de Vienne, tristement déchue lie son ancienne splendcur, une a pierre de scandale » ([). i/|o)… Comme à Gratz, les Jésuites conquirent une pleine indépendance, à la Haute-Ecole de Dillin^(n ; là aussi leur succès fut éclatant. >> (P. i/| 1.)

L’Université de Wurzbourg n’était pas moins florissante que l’académie de Dillingcn. C’était un ancien gymnase, qu’au bout de six années d’l^xistcnle, en i.">G7, l’évêque chargea les Pères de réorganiser. Un de ses successeurs éleva l’ctablisseiuent au rang d’Université (p. 143-145).

B ! i>LioGn..pniE. — Histoires générales de la pédagogie de Fritz, von Ranmer, K. Schmidt, Heppe ; Encyclopédie ! de K.-A. Schmid, etc. ; F. Buisson, Dictionnaire de pcda. : (i^ie et d’instruction primaire, l" partie, t. II, iSS’j (nriicc Protestantisme) ; du même. Nouveau Dictionnaire de péd(tf ; ni ; ie et d’instruction / ; r/m<n’/c, Paris, 191 1 (arti<lcs Instruction publique, Ilenaissance, Ai ; ricola, f.uther. Mélanc /iton, Mvntni<^ne, liahelais, etc.) ; Vallet de Viri ville, Histoire de l’instruction publique en Europe et principalement en France depuis le clirisHanisme jusqu’à nos jours, Pm-’is, iS^g ; Hergeurothcr, Histoire de l’Eglise, traduction Bélct, t. V, Paris, 1891 ; Alfred Baudrillart, L’i'.glise calhidiquc, la Renaissance, le Protestantisme, 5’éd., Paris, igo5 ; J. Guirau<I, t’Eglise et les orif ; incs de la llenaiisance, a’éd., Paris, 1902 ; Imbart de la Toui’, Les oriffiucs de la lléfurmc, t. ii, Paris, 1909 ; Beger, Ueher den Ein/luss der Jlcformation auf das l’ntcrriclitswesen, Berlin, 183.) ; Jiullelin de la Société d’histoire du protestanlisnie français, etc.

— Concilium Tridenlinum, éd. de la Gôrresgesellschaft, t. V, igi I ; Paslor, Histoire des Papes, Irad. franv., t. H, HI, IV, V, VIII, 1888-1909 ; Uosmini von Orelli, Vittorinu von F’cltrc, oilcr die Auncikerun ^ zur idealen Pâdngoi^ik imfiinfzehnten Jubrliundert, Zurich, 181a ; Pétri, Magazin der padagogischen I.itcraturgeschichte, Leipzig, 1807, 2’série ; Muntz et Favre, La bibliothinue du Vatican au .’V° siècle ; J. Bonnet, Vie d’Olympia Moraia, épisode de la Jicnaissance, Paris, 1850 ; abbé Sylvain, Histoire de saint Charles Llorromée, 3 vol., 1881, etc. — Denitle, Désolation des Eglises… en France au milieu du.’V « siècle : A. -F. Thcry, Histoire de l’éducation en France depuis le V siècle jusqu’à nos jours, t. H, Paris, 1858 ; Brunetière, L’enseignement primaire avant 1789 : Ilevue des Deux Mondes, i.5 octobre 1879 ; de Fontaine de Resbecq, Histoire de l’enseignement primaire avant 1789 dans les communes qui ont formé le département (/m A’orrf, Lille-Paris, 1878 ; de Beaurepaire, Recherches sur l’instruction publique </ans le diocèse de Rouen : Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, t. XX et XXVI ; abbé RIatliieu, L’ancien régime dans les provinces de Lorraine ci Barrais, Paris, 1879 ; Gazier, Lettres à Grégoire sur les patois de France, Paris, 1879 ; G. Picot, Histoire des états généraux, textes ; Rossignol, Les Petits Etats d’Albigeois ; Jules Rolland, Histoire littéraire de la ville d’Albi, Toulouse, 1879 ; Auguste Rey, L’Ecole et la Population de Saint-Prix depuis IfiCiS : Mémoires de la Société de l’histoire de Paris et de l’Ile-de-France, t. V, 1879 ; Babeau, Le village sous l’ancien régime, Paris, 1879 ; Règles et constitutions des Frères des écoles chrétiennes, Paris, 183.5 ; abbé de Montes, Vie de M. de In Salle, 1785 ; Compayré, Histoire critique des idées de la Renaissance, t. I et II ; Fritz, Esquisse d’un système complet d’instruction et d’éducation, Paris-Genève, 1843, t. lU ; Philippe, Cuillaume Fichet, Annevy, 1892 ; A. Claudin, I he /irst Paris press : an account of the books prinied for G. Fichet and J. Ileynlin in the Sorbonne, l’170l’iTi, Londres, 1898 ; Gaufrés, C/ « » (/e ISaduel et la réforme des études : Constitutions (des Jésuites) ; Fouqncray, Histoire de la Compagnie de Jésus en France des origines à la suppression, t. I (Origines et premières luttes, i.’J28-i.>7r)), Paris, 1910 ; Cb. Daniel, Les Jésuites instituteurs de la jeunesse française au XVIL et au.WIIl’siècles, Paris, 1880 ; Paquier, L’Humanisme et la Réforme. Jérôme Aléandre ; Thurot, De l’organisation de l’enseignement dans l’Université de Paris ; A. Lefrane, Histoire du Collège de F/vince, Paris, 1892 ; Félibien, Histoire de la Ville f/e Po’v'.s-, pièces justificatiA es, t. V ; Bourchcmin, Les Académies prolestantes en France, Paris, 1885 ; P. Rousselot, Histoire de l’éducation des femmes en France. 1. 1, Paris, 1883 ; ]’ic de M. Demia.V. du Mas, Vie du vénérable César de Rus, Paris, 1768 ; E. de Bazelaire, Le bienheureux Pierre Fourier. Paris, 1846, etc. — Janssen, L’Allemagne et la Réforme, traduit de 975

INSTRUCTION DE LA JEUNESSE

976

l’allemand sur la i ! , ’édil., Paris, t. I (iS8 ;)et Ail (1907) ; Briistlein, Luihers Einfluss auf dus Volksscliulireseii, léna, 1858 ; de SchælTer, iJe l’influence de Lutlier sur l’éducation du peuplo, Strasbourg-, 1853 ; Ad. Planck, Melanchton præceptor Germaniae, Nordling^en, 1860 ; Cli. Schiuidt. La iiV et tes irai^’aux de Jean Stuim, Strasbourg, 1855 ; Bucliholtz, Ferdinand /", t. YIII, etc. ; André Schimberg, L’Education morale dans les collèges de la Compagnie de Jésus en France sous l’ancien régime (xvi*, XVII’, xviii" siècles) (avec notes et pièces justificatives), Paris, H. Champion, ig13.

F. Sagot.

V. — L’ÉCOLE LIBRE EN FRANCE

l. Enseignement primaire. — II. Enseignement secondaire des garçons. — III. Enseignement secondaire des jeunes filles. — Bibliographie.

l. Enseignement primaire. — Sous l’Ancien Régime, les écoles et les collèges étaient des entreprises privées ou municipales, placées sous le contrôle de l’autorité ecclésiastique ou universitaire. L’instruction publique n’étant devenue service d’Etat que depuis la Révolution, l’Etat n’avait pas d’écoles avant la Révolution.

L’enseignement primaire adopté par l’Etat, il y a quatre-vingts ans, et qui eut pour véritable cbarle la loi de 1833, est devenu une institution à part, qui est comme le patrimoine commun des classes déshéritées ; il leur appartient, par les énormes sacrilices qu’elles se sont imposés pour l’augmenter et le perfectionner ; on n’eût donc dû y toucher que pour l’enrichir encore, sans entreprendre sur les limites indiquées par la condition même des enfants qui fréquentent l’école.

C’est avec toute son autorité d’historien que Guizot proclamait à la Chambre des députés la supériorité de l’instruction en France avant la Révolution.

« Avant 178g, il y avait, en France, une grande et

active concurrence entre tous les établissements particuliers, toutes les congrégations, toutes les fondations savantes, littéraires, religieuses, qui s’occupaient d’instruction publique. Cette concurrence était très active, très elVicace, et c’est à cette concurrence qu’ont été dus, en grande partie, les bienfaits du système d’éducation de cette époque, et la vitalité, cette vitalité énergique qu’il a manifestée à différentes époques. » (Séance du 15 mars 1835.) — Avant 1789, en matière d’instruction, la France n’avait pas de rivale dans le monde, tandis que, à l’heure présente, elle n’est supérieure, sous ce rapport, à aucun des grands Etats de l’Europe.

Qu’est-ce donc qui appartient en propre à la Révolution française en matière d’instruction ? Une conception absolument fausse, celle de l’Etat enseignant, du monopole et de la centralisation universitaire. Mgr Fheitel a fait cette démonstration en ces termes :

« L’Etat enseignant.’A moins que nous ne sojons

fatalement voués au plus elTrayant et au plus aJjsurde de tous les despotismes, j’espère bien que dans cent ans d’ici, on ne comprendra plus qu’une pareille erreur ait pu s’emparer de l’esprit d’un peuple. Je l’ai dit vingt fois à mes contemporains, sans avoir jamais trouvé une réfutation, et je ne cesserai de le répéter : quoi qu’aient pu en dire Condorcet, Lakanal, et tant d’autres, la fonction éducatrice n’entre nullement dans l’idée de l’Etal, qui est un pouvoir de gouvernenient et non pas un pouvoir d’enseignement. On a beau presser en tous sens les divers pouvoirs qui constituent l’Etat, le pouvoir législatif, le pouvoir

exécutif, le pouvoir judiciaire, jamais l’on n’en fera sortir la fonction éducatrice. Que l’Etat exerce à cet égard une mission de surveillance, d’encouragement et de protection, à la lionne heure ; mais vouloir enseigner toute la jeunesse d’un paj’S et la jeter dans un seul et même moule, alors que l’on n’a pas et que l’on fait profession de ne pas avoir de doctrine d’Etat, ni en religion, ni en philosophie, ni en histoire, ni dans tout le reste : c’est le comble de l’absurdité. Celte absurdité, inhérente au système d’éducation de la Révolution française, a pour conséquences nécessaires le monopole et la centralisation universitaù-es. » (La Liévolution française, à propos du centenaire de 1789. Paris, Roger et Chernoviz, 1889.)

C’est cette conception, propre à la Révolution française, que l’on va suivre dans ses développements logiques en analysant succinctement la législation scolaire des soixante dernières années.

Le cadre de cette étude nous impose de ne dire qu’un mot de la loi du 28 juin 1833 sur l’instruction primaire qui, en organisant l’école publique et en donnant la liberté à l’école privée, a marqué l’une des dates les plus importantes de l’enseignement populaire en France.

1° Législation.

Loi de 1850. — Les procès-verbaux des séances de la commission extra-parlementaire, composée d’universitaires et de journalistes, de catholiques et de protestants, présidée par Thiers, font foi de l’esprit de conciliation et d’impartialité avec lequel fut préparée la loi du 15 mars 1850, qui pendant plus de trente ans a été le code de l’enseignement en France.

Par 450 voix contre 148, l’instruction morale et religieuse restait la base de l’enseignement dans les écoles publiques et libres de tous les degrés. Dans certaines de ses parties, la loi de 1850 a accordé un peu plus au clergé que le clergé lui-même n’aurait voulu, car on sait que Thiers insistait pour que l’instruction primaire fût tout entière dans les mains des Frères des écoles chrétiennes. Mais on ne peut oublier que l’abbé Dupanloup s’y opposa énergiquement.

Cette loi, à l’exemple de la loi de 1833, a voulu simplement faire une part égale à l’école eongréganisle. Tout ce que l’on pourrait lui reprocher, serait d’avoir suivi trop servilement la loi de Guizot, en maintenant les lettres d’obédience pour les institutions congréganistes. C’était un privilège, et l’on a pu soutenir qu’une loi de liberté, comme était la loi de 1850, n’en devait pas admettre. Certains esprits ont également blâmé — nous lui en ferions plutôt honneur — l’introduction des évêques dans le Conseil supérieur de l’instruction publique. Il convient de signaler, à la louange de cette loi : la restitution aux directeurs et aux directrices des écoles communales d’une autorité sur leur personnel, égale à leur responsabilité ; la consécration définitive et officielle de l’existence des écoles de filles. Quant à la mainmise de l’Etat, que n’avait pu obtenir Guizot, sur les salles d’asile et écoles nxaternelles, il n’y a pas lieu de s’en féliciter : il valait beaucoup mieux en laisser aux communes l’administration. Mgr Dupanloup a excellemment résumé les grands services que la loi de 1850 a rendus à l’Instruction primaire :

« I" Elle a doublé le traitement des instituteurs, et

elle a bien fait. Ne nommez pas des instituteurs laïques, ou bien assurez-leur une position qui leur permette d’être toujours honnêtes ;

(( 2" Elle a prescrit en leur faveur la création d’une caisse de retraites ;

« 3" Elle a rendu obligatoire la fondation d’écoles

de filles. Nous, qu’on accuse de ne pas favoriser l’édu977

INSTRUCTIOX DE LA JEUNESSE

978

cation des lilles, nous avons insisté, en 1 849 et en ' ^°' pour la fondation nécessaire d'écoles de lilles dans les communes de plus de Son âmes ;

« 4" KUe a permis largement la coneiirrence ; 
« 5" J’ajoute qu’elle a placé l’enseignement primaire en dehors de la politique. Celle loi, soit pour

l’enseignement primaire, soit pour l’enseignement secondaire, est une loi de liberté et de concurrence. Ecjuitalile dans ses principes, elle fut<.T*(^nde dans ses résultats ; conservatrice sans réaction et libérale sans mensonge, elle fut, avant tout, sociale. » (Essai critique sur l’enseignement primaire en France de 1800 à igoo, par Emile Gossot, pp. 227-228. P. Téqui, lyoï.)

Malheureusement, la politique n’a pas tardé à remcltrc la main sur l'école. La loi du 14 juin 1854 conliail aux préfets le pouvoir de : ionimer les instituteurs et institutrices, alors que la loi de 1850 donnait le droit de nomination aux conseils municipaux (art. 31).

La loi du 15 mars 1850 fut, dans la plus haute acception du mot, une loi de liberté et de concilialion, un véritable traité de paix qui aurait dû mettre d’accord tous les partis. C’est liien ce qu’en pensait l’illustre Père Lacordaibe, lorsque sur son lit de mort, il disait : « La loi sur la liberté de l’enseignement est redit de Nantes du xix' siècle. Elle a mis tin à la plus dure oppression des consciences, établi une lutte légitime entre tous ceux qui se consacrent au sublime ministère de l'éducation et de l’enseignement, et donné à tous ceux qui ont une foi sincère le m03'en de la transmettre saine et sauve à leur postérité. » (Essai critique sur l’enseignement primaire en France de 1800 à 1900, par Emile Gossot, p. 286.) Le plus bel éloge que l’on puisse ajouter, c’est de rappeler les attaques incessantes qui lui viennent chaque jour des adversaires de la liberté de l’enseignement ; c’est de mesurer l’abîme creusé entre l'école publique ancienne et la législation que les sectaires imposent présentement au pays !

La loi de 1850 ne tarda pas à recevoir des atteintes. — Elleavaitplacé les instituteurs congréganistes et les instituteurs laïques sur le pied de l'égalité. Les congrégations religieuses subirent vite une première atteinte dans leurs intérêts matériels. Le Conseil d’Etal, api'ès avoir exprimé « la haute conûance que lui inspiraient les associations religieuses et l’estime particulière qu’il avait pour l’excellent esprit qui les animait et les méthodes de leur enseignement », retirait à leurs membres le bénéfice de la loi de 1853 sur les pensions civiles, a considérant qu’on ne saurait ranger dans la classe de ceux qui sont voués aux fonctions ])ubliques, ou, autrement dit, des fonctionnaires publics, des hommes dont la vocation première et essentielle est de ne remplir qu’une fonction de charité » ! … (Avis, en date du i 1 mar.s 1854). — Quelques mois après, au autre Avis du Conseil d’Etat allait tarir la source des donations faites aux fabriques paroissiales pour les aider à fonder et à entretenir des écoles, sous le prétexte nouveau que cellesci (I sont complètement en dehors des attributions conférées aux fabriques par la législation existante, et que, dès lors, elles sont sans qualité pour accepter les libéralités qui s’y rapportent » (Avis, en date du 6 décembre 1854). — Deux autres Avis du Conseil d’Etat, en date du 10 juin 1863 et du 22 novembre 1866, allèrent plus loin ; ils transportèrent à la commune non dénommée par le testateur le bénélice des legs faits aux fabriques, consistoires et établissements religieux, à la charge de fonder des écoles.

Ces atteintes à l’impartialité. — que l’on proclamait bruyamment, vis-à-vis des maîtres de l’enseignement libre, — n’empêchaient d’ailleurs ni le Conseil,

ni le Ministre de l’instruction publique de mettre à proht l’expérience acquise par ces mêmes maîtres, grâce à leui' indépendance à l'égard des j)rogrammes olliciels, quand cette expérience avait ouvert une voie nouvelle dans les méthodes ou dans la direction des classes. C’est ainsi, par exemple, que l’enseignement mutuel, sous le long ministère de V. Duiiuv (18631869), était remplacé par l’enseignement simultané donné par les Frères des écoles chrétiennes. C’est encore ainsi que Duruy, après avoir visité le pensionnat dePassy, dirigé par ces mêmes religieux, créait l’enseignement secondaire spécial, d’où est sorti l’enseignement moderne. Dans son rai)port sur l’enseignement technique, ce ministre écrivait : « C’est à l’abbé de la Salle que la France est redevable de cet enseignement. Bientôt, de ce premier essai, sortit un enseignement qui, s’il eùlétc généralisé, aurait avancé d’un siècle l’organisation des écoles d’adultes et même de l’enseignement secomlairespécial. « — Cette sincérité honore sans doute Duruy ; mais alors, pourquoi, inconséquent avec soi-même, témoigner tant d’inquiéludes en présence des progrès des congrégations enseignantes ? N’est-ce pas le même Duruy qui, dans un mémoire sur l’instruction primaire, daté de 1864, consacrait un paragraphe à « l’envahissement de l'éducation primaire par des congrégations religieuses >i de 1843 à 1863. « En 1843, écrivait-il, les congréganistes avaient moins du quart de toute la population scolaire, ou 22 "/, , ; ils ont aujourd’hui plus du tiers, ou 37/o ». Et Duruy exprimait une crainte qu’il ne devait certes pas éprouver sérieusement, quand il concluait : « Il est aisé, d’après cette marche, de calculer l'époque où il n’y aura plus une seule école laïque en France. r> C’est exactement le contraire qui s’est réalisé dans l’enseignement public. Au prix de quelles violences exercées sur les familles, on le dira ci-dessous.

Loi du 'J7 février ISSO. — C’est cette loi qui donna le premier coup de sape dans lédilice de 1850. Elle modifiait complétemenl l’organisation du Conseil supérieur de l’instruction publique. Evcques, pasteurs, rabbins, magistrats, représentants de l’armée, étaient devenus suspects au Ministère de l’instruction publique pour le but de laïcisation qu’il se proposait. J. Ferry considérait, en effet, le Conseil comme un obstacle à tout progrès, à toute réforme ; il voulait avoir les mains absolument libres : et ne plus rencontrer d’obstacles à la laïcisation des maîtres et des programmes. — En même temps que le Conseil supérieur, les conseils départementaux avaient été modifiés : évêques, pasteurs, magistrats en étaient aussi exclus.

Loi du 16 juin 1881. — La première des deux lois promulguées à ce jour établissait la gratuité absolue dans les écoles primaires et dans les écoles maternelles publiques ; cette gratuité fut même étendue aux écoles primaires supérieures ainsi qu’aux écoles d’apprentissage. Jusqu’alors, la gratuité n'était accordée qu’aux enfants dont les familles étaient reconnues hors d'état de payer la rétribution scolaire ; de plus, les communes, depuis la loi de 1867 présentée par Duruy, avaient la faculté d’entretenir une ou plusieurs écoles entièrement gratuites. En 1881, on espéra enlever un grand nombre d'élèves aux écoles congréganistes qui étaient gratuites. On se trompa. — A cette mêmedate était aussi promulguée la loi relativeaux titres de capacité del’enseignement]>rimaire. Cette loi porta suppression de la lettre d’obédience ainsi que de toutes les équivalences du brevet de capacité ; un membre de l’Institut, un docteur es lettres, un élève de l’Ecole normale supérieure, un évêque, un docteur en théologie, un curé, un élève de l’Ecole polytechnique, ne peuvent plus ouvrir une école 979

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primaire. On s’imaginait tarir ainsi le recrutement des congréganisles : les (onf ; réi, 'anistes, lioninies et femmes, subirent IVxaiuen du Itrovet de capacité devant le jury de l’Etat. Us réussirent, comnu- leurs collègues laïques.

Loi lia l>8 iiiarx 1882. — Promulguée sous ce seul titre : Loi vclatU’C A Vohlif ; alinn de l’enacii^nemcnt, cette loi bannit de l’ciole tout cnseiicnement reliLrieux, et elle le remplace par l’instruction morale et civique. Le curé de la commune, lepnslcurou le di’h'i^ué du consistoire Israélite cessent d’avoir le <lroil d’inspecter les écoles spéciales à leur culte. L’enKci}, 'ncment est déclaré oblijîatoire, sous certaines pénalités infligées aux pères de famille : « Il faut que d('sormais l'école devienne neutre, qu’on n’y enseifjneplus aucune rclii ; ion, que l’on n’y voie plus aurun emblème religieux. » (Circulaire Duvaux, du a novembre 18>S-2.)

Loi du 30 octobre ISSC. — Mais le proi^ranime tracé par les Loges dès iS^'j n'était point encore réalisé. Apres avoir supprimé l’enseiLrnemcnt religieux, il fallait interdire aux membres des congrég.itions enscii ; nantcs, même reconnues par l’Etat, les fonctions d’instituteurs publies. On voulait s’assurer ainsi contre toute tentative de direction religieuse dans les écoles con>munales, même en doliors des heures de classe. C'était l’exclusion, dans un délai maximum de cinq ans aiirés la promulgation de la loi, de tous les religieux, de toutes les religieuses, de tous les prêtres catholiques, de tous les pasleurs et rabbins, des écoles de l’Etat ; tous étaient frappés d’incapacité légale.

Le législateur ne voulant plus de religieux dans les écoles communales, tous les prétextes étaient invoqués pour les exclure. Que l’on en juge, par l’argument suivant, consigné par P. Bkut, rapporteur, ^ la Chambre des députés : « Ceux-là, disait-il, sont peu propres à préparer des enfants, à l, a vie de famille et à ractiilé sociale, qui ne connaissent ni les joies et les charges de la famille… qui font profession de tenir l'élat de mariage pour)in clat inférieur, n — Le motif fnavoué n’est, d’ailleurs, pas difficile à trouver. M. Fi'.ititouiLLAT, rapporteur de la loi au Sénat, n'.-vvait-il pas dit : « La vérité, l’est que le Dieu des progranniies n’est pas le Dieu des congrég.mistcs… C’est le Dieu de la philosophie… de la religion naturelle, ce n’i'st pas le Dieu de la rcvéi.ition. » — Et, de fait, » les congréganistes eussent conq)lété le programme de l'éi olc « philosophique n jiar l'étude du catéchisme, an besoin en dehors des heures de classe : ils eussent aussi conservé les emblèmes religieux, les entourant <li-respei I, eux et leurs élèves. Or, (-'est ce dont on ne voulait plus. Il fallait, dès lors, exjiulser tous les congréganistes, hommes et femmes, dos écoles ccnnniuriales, alin d’y supprimer tout enseignement leligieux.

La loi du 3n octobre 1886.iv, iit ré.alisé la première partie du |)i.ni m.içonuiqne, la la’icisation dn personnel. Malgré les dillieultés accumulées depuis iS80 par le législ.ateur et ])ar l’administi.alion pour la crc.ilion et le fonctionnement des écoles libres, nomlireux avaient été h s établissements ouverts, et ils étaient florissants. Mais les écoles libres étaient, pour la jilupart, dirigées par des congréganistes. C'était, pour la Franc-maçonnerie, un motif impérieux de voter l, a suppression des congrégations enseignantes :

On procéilera, i cette liii, par deux étapes :

}" hn loi du ! juilh-t igoi, complétée, dans son article iG, par celle <iu t, déccmln-e ir)09. ; elle frappe les eongrég.ations non autorisées ou des établissements non autorisés de congrégations autorisées ;

2' La loi du ; juillet iQo’i, qui interdit ; iux conirrégalions tout enseignement queleonque en France.

La la’icisation du personnel, décidée en 1886 pour renseignement public, s’imposera désormais à l’enseignement privé lui-même, et, si elle ne parvient à l’anéantir, elle en rendra du moins pour l'.avenir l’extension très difficile.

Loi, ln l"' juillet IHOI. — (i" étape vers la fermeture des écoles libres.) L’enseignement de tout ordre ne peut être donné, même à titre privé, ni 1' par un membre d’une congrégation non autorisée, ni 11° dans un établissement non autorisé de congrégation.

L — Peuvent, seuls, donner l’enseigiuim^nl collectif, de Kjdi à iyo4, les religieux appartenant à une congrégation autorisée. Malgré les termes de l’art. 18, § i", de la loi de igoi. la loi n’a pas voulu considérer l’omme.autorisées les eommunautés d’hommes reconnues par décrets comme établissements d’utilité publique en vue de l’enseignement. Quant aux meml)res des congrégations non autorisées, satif un sursis au cas oii il y aur.ait demande d’autorisation jusqu'à décision du P.irlement, ils sont frappés d’incapacité d’enseigner dans un établissement quelconque. En cas de contravention, le délinquant est punissable d’une amende de 16 à 5.ooo francs et de G jours à I an de prison ; l'établissement lui-même peut être fermé, au cas où le fait contraire à la loi persiste au jour de l, a condamnation.

IL — L’enseignement ne peut être donné par des membres d’une congrégation autorisée dans un établissement non autorisé de cette congrégation. Qu’il s’agisse d’une école préexistante.î la loi de içjoi ou qu’elle.ait été ouverte postérieurement, si cette école est déclarée par les tribunaux établissement congréganiste et établissement congréganiste non avitorisé par décret, non seulement ladite école peut être fermée conmie établissement non autorisé, mais les peines précitées d’amende et de prison frappent ceux qui auront ouvert ou dirigé cet établissement congréganiste et qui auront continué à en faire pîirtie, après que la fermeture en aura été piononeée par décret, et même ceux qui auront consenti à cet effet l’usage du local dont ils disposaient (loi du fi déc. 1902). Le fait q)ic le local n’est pas propriété de la congrégation n’est [)as un obstacle à l’existincc de l'établissement congréganiste. Cette disposition résulte du texte de la loi du '( décembre 1902 et était déjà proclamée par un Avis du Conseil d’Etat, en date du 23 janvier 19OJ. à l'égard d’une école, dès lors que la déclaration d’ouverture ém.anait d’un congréganiste.

Loi (lit 7 juillet lOO’i. — (2" étape vers la fermeture des écoles libres.) « L’enseignement de tout ordre et de toute nature est interdit, en France, aux congrégations.)i (Art. i".)

1" L’interdiction s’adresse, non aux congréganistes, comme hommes qui n’encourent aucune déchéance et restc^nl libres de diriger une école, à charge de rompre tout lien avec leur ancienne congrégation, mais aux congrégations autorisées ou en instance d’autorisation en vue de l’enseignement. L’enseign<'ment est donc interdit désormais à toute congrégation ; les congrégations qtii étaient autorisées exi lusivement comme enseignantes dcront disparaître, même si elles n’enseignent pas en fait ; les autres devront se restreindre aux services étrangers à l’enseignement, à moins qu’en fait elles fussent devenues enseignantes, auquel cas elles doivent disparaître.

2" L’interdiction est absolue pour la France continentale et, en vertu du décret du 4 septembre 190^1, pour lescolonirs.Elh' vise tout enseignement collcilif.qu’il soit public ou privé, d’ordre primaire, secondaire ou supérieur, qu’il ressortisse, (Ui non. nu Ministère de l’instruction publique, qu’il s’agisse de l’enseignement 981

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agricole ou professionnel. L’interdiction est applicable même à îles leçons parliiulières données par un religieux, sur l’ordre et par délé.i ; atiiiii de ses supérieurs : dès lors, la congrégation est i onsidérée comme enseignant rôuUement par cet intermédiaire, elle viole la loi.

3" La suppression totale des eongréi : alions Jfxeluslvemcnl enseignantes et, en tout cas, la ferm^ire de tous les étal)lisseuieiits si : ol.iires longréganisles, seront réalisées d.ms un délai m.i.^inium de ilix ans, sans minimum tixé et sans que le Gouvernement ail à tenir compte soit de l’opinion des conseils mnniiàpaux, soit cie lîi situation linancière dis comnmnes. La sup|U’ession des congrégations ainsi condamnées aura lieu par décret rendu en Conseil des ministres. Kn attendant, leur recrutement est arrête et leurs noviciats s<mt firmes <lc plein droit ; exception est faite pour les congrégations qui fournissent des maîtres aux écoles françaises de l’étranger ou des colonies (encore celics-ei ne pourront-elles recevoir des novices âges de moins de vingt i-t un ans) ; la liste dc^ leurs membres actuellement majeurs est olUclelleinenl arrêtée hç riirieliir p.ir les supérieurs, qui la remett(^nl au ju-éfet ; toute inscription inexacte, ou tout refus de eonmiunication, fait encourir l’amende et la prison.

.Sauf exeeplion pour les services scolaires uniquement destinés à des enfants liosiiitaliscs et incapables de fréquenter l’école publique, toutes écoles et classes si-ront fermées d.ins. le délai décennal, par un.irrêlé ministériel inséré au fiiuiiinl u//iciel et nolilié au supérieur de la congrégation et au directeur de l’établissement, quinze joui-s au moins avant la lin de l’année scolaire. D’ailleurs, la fermeture ne peut être prescrite que pour la p.artie scolaire de rétablissement ; d’autre p ; ut, si l’immeuble appartientà un particulier, celui-ci n’y peut maintenir une éeoleavc un personnel laïque ou même avec l’ancien personnel sécularise.

/.(’S derniers projets de loi sur la défense de l’école laï’jue. — Les ennemis de l’école libre ne connaissent qu’un moyen de triompher de la concurrente, c’est de la sup|)rimer..Sans reprendre en détail les douze projets braqués depuis ces dernières années contre reuseigiicment libre (projets lUiand, Puzzi, Doumergue, Dessoye, Thalamas, lioull’andeau, V. Buisson et Icseinq projets Guist’liau). il <onvienl d’analyser succliic. temenl le projet Steeg, en date du « j novembre 1911, la proposition Brard qui réunissait, le 21 février ig12.’joi députés dans le vote d’urgence d’une mesure ouvrant la porte au monopole, et enfin les cinq projets Guist’Ii.au concernant la défense laïque, les trois premiers portant la date du 26 février iijia et les deux autres, celle du /i mars i’j12.

l’rnjet Sleep. — Bien tpi’ayant jiour objet, d’après son titre, d’assurer hi. fréijuenliilion et la’cfense de l’érolr /irimiire puhlirjiie, il ne peut donner de résultats appréciables en ce qui comerne la fréquentation scolaire. Le Conseil de l’école, qui remplaierait les Conniiissions scolaires <ie la loi de 1882, ne fonctionnera pas beaucoup mieux, et les avertissements, les conqiarulions, au besoin les amendes inlligées, iux parents dont les enfants s’absentent de l’école six fois dans un mois pendant une demi-journée, paraissent bien inellieæes pour résoudre un problème qui a ses véritables données dans la désorganisation familiale et la démoralisation croissante tics classes pauvres. L’objet du projet Steeg. en réalité, c’est une soi-disant défi^nse de l’éiole l.xïque, qui se résume en des violations de la liberté de conscience. L’artudcG dudit projet assimile, en ell’et, à linfraclion à l’obligation scolaire le refus de participer aux exercices rcgicmcnlaircs ou de se servir des livres régulière ment mis en usage ; si ce refus est conseille par les j)arents, ceux-ci sont, ilès lors, passibles de peines de simple polii’C. Sont complices de celle contravention ceux qui engagent A lem-service un enfant d’âge scolaire pendant les heures de classe..Si les parents, cm toute autre personne, pénètrent d.ins les locaux sc : olairespom- y senu^r le trouble ou le désordre, s’ils organisent l’abstention collective des élèves, le tribunal correctionnel pourra prononcer une amende de i(i à.OiiO francs cl un emprisonnementdesix jours à un mois, dans leeasoùdes violences, Injures ou menaces, aceonxpagneront les autres protestations. Les mêmes peines frappent ceux qui jjrovoquenl les pères et mères à empêcher un enfant de fréquenter l’école primaire imblique.

ProjHiailion Jirard. — Celte proposition, ramenée à un article, est ainsi conçue : « Dans les communes de moins de 3.000 habitants où les établissements d’enseignement primaire publie sont sullisanls p</ur recevoir toute la jiopulation scolaire, il ne pourra être ouvert de nouveaux établissements jirivés qu’après autorisation du minisire de l’inslruclion imblique, et à condition que leurs directeurs responsables acceptent d’être placés sous le contrôle cl la surveillance de l’Etat. » Le vote d’une telle proposition, présentée sous une forme essenti(’llement hypocrite, serait la ( ondamnation de la liberté d’enseignement par un monopole déguisé.

Avant même que les projets ministériels de défense laïque eussent été présentés, la Chambre des députés avait accordé, le 2 février 1912, le bénélice de l’urgence à cette proposition de loi, manifestement contraire à la liberté d’enseignement.

I.cs cinq projets Guist’liau. — Nous empruntons l’anah sede M. Yves DiîLABniÈKi ; , i’/(/rfcA-, 5 nov.1912, p. /|l5 sqq. (i Le premier projet détermine toute une procédure qui doit rendre efficace l’obligation scolaire cl assurer la fréqui ; ntation de l’école. Ce projet regarde la défense laïque : car, lorsque l’instituteur public- Imposera obstinément l’usage d’un manuel antireligieux, et lorsque, dans la commune, le choix n’existera pas entre l’école publique et une école libre, les parents chrétiens, coupables d’avoir empêché leurs enfants de se rendre.à l’éc oie laïque, devicndront passibles despénalitcs qui sanclionnenU’obUgatiun et la fréquentation scolaires.

u Le deuxième projet vise directement et immédiatement la défense de l’école laïipie. Des pénalités sont édictées contre « quiconque, ayant pénétré dans les locaux scolaires, troublera le fonctionnement régulier de l’école)., mais surtout contre « ((uiconque, jiar menaces, violences ou abus d’autorité, aura déterminé les père, mère, tuteur ou personnes ayant charge de l’enfant, à retirer cet enfant d’une école primaire publique, ou à l’cmpèclier de participer aux exercices qui y sont réglementairement imposés ». Dans l’exposé des motifs, M. Guist’liau fait comprendre que ce texte permettra de punir les prêtres et les propagandistes catholiques, les eh.âlelains et les patrons, u qui, abusant de leur autorité sur les parents, prétendent peser sur leurs déterminations par des moyens autres que la persu. asion ». Très ému de la désertion des écoles laïques dans certains pays chouans, le ministre déclare qu’n à la suite de la caiiii>agne récemment dirigée contri- l’enseignement public, le gouvernement a pu constater que, principalement dans les i-égions oi’i la lutte a été la plus vive, des faits de pression inloléraldes » ont eu lieu pour contraindre les parents à retirer leurs enfants de l’école publique ou pour interdire l’usage des manuels scolaires. Le aO février I<)12, M. Guisl’hau n’avait pas encore trouvé, pour défendre la malheureuse école laïque, persécutée par les 983

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cléricaux, l’éiierjtique formule qu’il employait, le 23 août suivant, à propos des instituteurs syniliealistes : L’intolérable ne doit pas être toléré.

(I Le troisième projet ministériel, passant de la défensive à l’olTensive, institue le i. contrôle de l’enseignement privé ». Certaines exigences, relatives aux diplômes, rendront plus difficile l’ouverture des écoles libres, et certaines autres exigences, relatives à l’inspection des livres et des cahiers, rendront plus facile leur fermeture par sentence judiciaire. ..

a Le quatrième projet impose un droit de diplôme, atteignant ôo francs pour les palmes d’ollicier de l’Instruction publique et 25 francs pour les palmes d’officier d’Académie. Ce droit, dont seront exempts les instituteurs officiels, permettra de créer un

« fonds de subvention pour les fêtes scolaires »…

a Le cinquième projet, plus grave que le précédent, organise, dans chaque commune de France, une caisse des écoles subventionnée par l’Etat. « La caisse des écoles a pour objet de faciliter la fréquentation scolaire, soit par la création de récompenses, encouragements, soit par la création d’œuvres variées et adaptées aux besoins particuliers de la commune, comme fournitures scolaires, cantine, vestiaire, nourriture, logement, transport des écoliers. » Mais, contrairement à la pratique actuelle des municipalités catholiques ou indépendantes, et contrairement à la jurisprudence du Conseil d’Etat, comme à propos de la distribution des secours aux enfants pauvres, la caisse des écoles sera exclusivement réservée aux élèves de l’école la’ique. M. Guist’liau. dans son discours du G octobre 1912, a fortement revendiqué, en faveur de l’enseignement officiel, ce privilège exorbitant ; il a marqué une opposition aussi dédaigneuse qu’absolue à tout ce qui rappellerait, fût-ce de loin, la répartition proportionnelle scolaire. »

Le cabinet Barlhou a affiché sa sympathie pour la Défense laïque, en ces termes cjTiiques : « La Chambre mènera à bonne un la discussion des projets relatifs à la fréquentation scolaire et à la défense de l’école laïque. En protégeant les écoles publiques contre des outrages, des campagnes et des manœuvres qui deviennent de plus en plus intolérables, la République rendra au dévouement de ses maîtres la tran(]uillité qu’il serait à la fois périlleux et injuste de leur refuser plus longtemps. » (Déclaration du Gouvernement, Journ. off., 26 mars igiS, p. 118J.)

La Jurisprudence administrative rivalise, avec nos législateurs, de sévérité et de rigueur à l’égard des écoles libres qui, cependant, chaque jour, font leurs preuves.

Ainsi, s’agit-il d’écoles chrétiennes, d’œuTes charitables ayant un caractère confessionnel, les communes, en principe maltresses de disposer de leurs excédents de recettes, quand elles ont satisfait à toutes leurs dépenses ordinaires ou extraordinaires, facultatives ou obligatoires, ne peuvent leur allouer aucun secours, à moins que ces secours ne leur soient distribués en nature et par les soins du maire.

Voilà la jurisprudence du Conseil d’Etat, telle qu’elle résulte d’un Avis administratif du 19 juillet 1888 et de l’arrêt au contentieux du 20 février 1891. Tout subside aux œuvres clirétiennes est interdit, alors que le Conseil municipal de Paris, appuyé par l’autorité supérieure, alloue régulièrement des subsides à l’orphelinat maçonnique de la rue Cadet, à la Ligue de l’enseignement, à la Fédération de la libre pensée, à l’Union française de la jeunesse ! Toutes les fois qu’il a été i)ermis de supposer que des subventions communales pourraient profiter à

des écoles chrétiennes, on a vu des préfets annuler, ainsi que le Conseil d’Etat, les délibérations prises. Le Conseil d’Etat estime, en effet, qu’il faut veiller à ce que les subventions accordées ne diminuent pas les charges des écoles libres… religieuses. — Les municipalités peuvent, toutefois, voter des vêtements, des aliments pour les élèves nécessiteux des écoles, sans distinction. Cette façon de procéder a été reconnue licite, par arrêt du Conseil d’Etat du 24 oiai 1912.

Le Conseil supérieur de l’instruction publique, convoqué en session extraordinaire vers la fin de l’année igrj.a, sur la proposition du ministre, agréé un texte qui, modifiant le décret du 18 janvier 1887 (art. 1^0), restreint encore le droit d’inspection du maire sur l’école publique de la commune. Pouvait-on tolérer que des maires catholiques, désireux d’assurer le respect de la religion, profitassent de leur droit d’inspection pour se rendre compte de l’esprit de l’enseignement et, dans ce but, se permissent d’examiner les livres ou cahiers des élèves ? La modification du décret de 1887 met fin à un tel H désordre », et le ministre, en attendant les votes parlementaires, a protégé l’immunité des instituteurs officiels !

30 Reconstitution de l’enseignement chrétien : Action de iépiscopat et des catholiques, organisation de la défense. — Les lois dont on vient de présenter l’analyse sommaire, leur interprétation, leiu- mise en vigueur, habituellement tracassière, quelquefois brutale, avaient jeté la plus profonde inquiétude dans l’esprit des évêques et de tous ceux que préoccupent le respect de la conscience chrétienne, en même temps que le souci de la liberté du père de famille. De fait, la tâche était immense : il fallait reconstituer, dans toute la France, l’œu^Te des écoles libres, et cela immédiatement.

Dès le 20 juillet 1879, P^^* ^^ ^o mars 1886. notamment, le cardinal GriBBRT, archevêque de Paris, jugeait indispensable de faire entendre la plus décisive protestation contre les projets de lois alors en préparation. Les écoles libres devenaient « l’œuvre capitale de notre temps, et l’aumône qui les soutient est la première des aumônes, la plus nécessaire, la plus féconde, la plus méritoire ». A ce noble langage s’associaient Mgr Freppbl, le cardinal Pkrracd, MgrTuRixvz, pour ne citer que les membres de l’épiscopat qui, les premiers, élevèrent la voix.

Les catholiques firent écho à ces énergiques protestations et s’organisèrent. Le Comité de défense religieuse fut sollicité de toutes parts de provoquer contre la loi de malheur un pétitionnement analogue à celui qui fit rejeter le fameux article 7 de Jules Ferry : le succès de ce pétitionnement fut rapide et considérable. — La Société générale d’éducation et d’enseignement, créée dès 1868 pour combattre le programme déjà menaçant de ceux qui voulaient détruire l’enseignement religieux, n’a cessé de travailler à la défense et à la propagation de l’instruction fondée sur l’éducation religieuse ; elle n’a cessé de soutenir la thèse chrétienne et patriotique de la liberté de l’enseignement, du droit des pères de famille, et de la mission de l’Eglise, opposée à la thèse, césarienne, de la’domination de l’Etat sur les âmes, à la mainmise de l’Etat sur les jeunes générations. Depuis 1882, son comité d)i contentieux a donné des milliers de consultations ; elle a réparti plus d’un million et demi entre les écoles chrétiennes les plus nécessiteuses, et elle ne cessera de tendre la main que lorsqu’il n’y aura plus un seul enfant catliolique qui ne soit assuré de trouver sa place dans une école libre. — A vrai dire, cette 985

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défense de l’école chrétienne n’a pas une direction unil’oriue. Presque tous les diocèses ont des comités diocésains j)ré<idés par l’évêque, mais organisés difl’éreminent selon les circonstances ; d’autres ont de nombreux comités locaux nés sur place, le jour nièuie d’une laïcisation qui avait soulevé une ]iopulalion tout entière. En général, les comités se proposent [)rincipalcnienl de recueillir dans tout le diocèse les ressources nécessaires aux paroisses les plus pauvres et hors d’état d’entretenir elles-mêmes des écoles libres. Là, ce sont des mères de famille de tout ran^ qui se sont constituées en comité local, sous la présidence de leur curé ou d’un laïque notal )le.Ici, c’est un pauvre curé achetant à crédit la maison dans laquelle il oUrait asile aux religieux qui tenaient hier l’école coninuinale. Il ne savait comment payer cette maison, il adressait des appels à ses paroissiens dont quelques-uns formaient le comité de l’œuvre des écoles. Dans certaines villes, on organise le denier des écoles catholiques. Dans beaucoup d’autres aussi, des sociétés civiles ont été fondées, en vue de construire et d’entretenir des immeubles qu’elles louent pojir des écoles catholiques.

— L’autorité épiscopale tend très heureusement à instituer à l’heure actuelle — on peut dire presque partout — un directeur diocésain de l’enseignement primaire libre, souvent assisté d’un ou de plusieurs inspecteurs, centralisant les conseils, les renseignements juridiques et pédagogiques nécessaires aux instituteurs et aux institutrices libres du diocèse, dont il règle la nomination et l’avancement, organisant les examens, les concours entre les écoles, décernant les diplômes, recevant les protestations dans les cas où la neutralité promise est v’iolée et les signalant à l’autorité administrative. Les Congrès diocésains, qui se multiplient, sont les très fécondes écoles d’application de cette organisation.

Depuis trente ans, la question de l’enseignement religieux agite plus vivement les esprits. De très louables et de plus en plus nombreuses Associ.ilions de pères de famille se fondent présentement pour surveiller l’enseignement donné dans les écoles oflleielles. UVninn des Associations catliolir/iies de chefs de famille, qui s’est donné la mission de grouper ces forces éparses, comptait, au i" avril 1913, 21 Fédérations diocésaines d’.ssociations comprenant plus de 600 Associations déclarées et groupant 62.0 1 5 chefs de famille. Celte surveillance de l’école laïque a contraint certains instituteurs olFiciels à garder plus de réserve ou de prudente modération dans leur enseignement.

Les catholiques ont entrepris un aussi heureux mouvement pour la revendication d’un régime scolaire plus conforme à l’équité. En igog et en 1910, quelques évêques et quelques publicistes proposaient la répartition des fonds publics entre les écoles neutres et les écoles confessionnelles, en proi)ortion du nombre de leurs élèves et delà qualité de leur enseignement. Us citèrent les exemples de l’Angleterre et de la Hollande, pays protestants dans lesquels les écoles confessionnelles reçoivent des subventions de l’Etat. Ces faits, ces idées, peu connus, peu compris en France, ne trouvèrent pas d’abord grand écho. Mais aujourd’hui, après trois années d’intelligente et d’activé propagande, peut-être même à la faveur du succès des projets de représentation proportionnelle dans les élections politiques, la répartition proporlionnelle scolaire a fait des progrès considérables dans l’opinion ; elle figure présentement au premier rang des revendications catholiques.

On ne saurait redire trop haut et trop souvent que le bon sens et l’équité condamnent le privilège de l’école laïque, trop habituer les esprits à la per.spec tive d’une séparation nécessaire des Ecoles et de l’Etal. Citons encore M. DR la BuniRE, Eludes, t. CXXXV, p. 407-409, 5 mai igiS :

« Le principe de la répartition proportionnelle scolaire, 

intégralement compris et appliqué, n’aurait-il pas pour conséquence normale la disparition pure et simple de celle création napoléonienne qu’on appelle l’école publique, l’enseignement d’Etat ?… Dans l’enseignement primaire, secondaire et supérieur, les écoles seraient constituées, organisées, régies par des associations autonomes, les unes laïques et les autres confessionnelles. L’école laï<iue cesserait d’être un établissement otliciel, pour devenir une école libre, soumise en toutes choses au même régime légal que l’école confessionnelle. On ne conserverait plus d’école publique et ollicielle que dans les communes où l’initiative privée, même stimulée par les subventions budgétaires, n’aurait pas déterminé l’ouverture d’écoles autonomes. L’Etal se contenterait, normalement, d’exercer un contrôle supérieur, pour la sauvegarde légitime de l’ordre public, et de pourvoir à l’équitable distribution des ressources budgétaires entre les écoles laïques et les écoles confessionnelles, en proportion même des charges auxquelles les unes et les autres seraient tenues, respectivement, de subvenir.

a Il nous semble que ce régime présenterait un double avantage. D’une part, l’école laïque perdrait le prestige et les privilèges d’école ollicielle, la concurrence entre l’école laïque et l’école confessionnelle se ferait à armes égales, et, par le seul jeu de la complète liberté ainsi rendue au choix du père de famille, l’enseignementconfcssionnel gagneraitindubitablement des recrues en proportion considérable. D’autre part, les maîtres de l’école laïque, cessant d’être fonctionnaires de l’Etat, seraient affranchis des influences extra-professionnelles, libérés de la tyrannie des politiciens, dont ils se plaignent à si juste litre : tout ce qu’il y a de raisonnable dans les revendications corporatives des instituteurs syndicalistes ne se réalisera peut-être que par le « désétablissement » de l’école laïque…

« Lorsque les évêques et les catholiques commencèrent

à revendiquer, sous Louis-Philippe, la liberté de l’enseignement secondaire, et, sous Napoléon III, la liberté de l’enseignement supérieur, le succès n’était pas beaucoup plus vraisemblable que ne l’est aujourd’hui la transformation de notre régime scolaire dans le sens de la répartition proportionnelle des fonds publics entre les écoles laïques et les écoles confessionnelles. Pouvait-on prévoir en 1844 ou en 1868 quels prochains bouleversements politiques et sociaux allaient faire de l’impossibilité de la veille une réalité du lendemain et permettre une organisation partielle de la liberté de l’enseignement secondaire par la loi du 15 mars1850 et de la liberté de l’enseignement supérieur par la loi du 12 juillet 1876 ? Mais ces deux lois auraienl-elles été concevables si, depuis plusieurs années, les catholiques n’avaient pas mené une campagne retentissante et persévérante pour réclamer le droit d’ouvrir des collèges catholiques, puis des universités catholiques ?


« Aujourd’hui, c’est en faveur de la grande liberté

d’enseignement, c’est-à-dire en faveur de la répartition proportionnelle scolaire, … c’est contre le monopole budgétaire de l’école laïque que les catholiques vont mener une campagne retentissante et persévérante. Sur un pareil terrain, l’offensive deviendra facilement redoutable. Qu’on n’ait pas la témérité de proclamer la victoire à jamais impossible 1 »

I.éon XIII et l’école neutre. — La plus haute autorité de l’Eglise n’a cessé de rappeler les dangers de 087

INSTRUCTION DE LA JKUNKSSE

988

l’école nculie « qu’il faut fuir à tout pris.omiue très funeste ». LùoN XIIl n’a t-il pas écrit, dans son Knt’yeliqiK ; de I.S84, spéfia’.cment adi-csséo à la France : « L’Kulise, gardienne de la l<’oi, et chaiv^’éo de la défendre, a toujours co.idamné (xpresséaiejit l ; -s écoles neutres, avertissant les parents qu’ils missent toute leur attention à les éviter’.' » Le pape l’iK X.1 reproduit les nièuics avertisseiucnts dans plusieurs circonstances mémorables.

I^ic À’et la j’erinrtui-e dcsecules coiij^réi ; inisies. — De toutes les atteintes portées jusqu’ici à la liberté des eatlioliqucs, la plus cruelle et lu plus i ; rave est la séparation de riiylise cl de rKc.ole. l, i mainmise d(ï l’Htat anticlirélien sur l’éducation des cnCaiits et surtout des enfants des p.iuvres. Le Souverain l’onlife exbalait sa plainte devant le Særé-CflUèfiC, dès le mois de mars 1904 : « JS’ous sommes profondément attristé par les mesures adoptées et les autres qu’on est en voie d’adopter dans les sphères législalives contre les Con ! ïrénations relitrieuscs qui, par leurs œuvres éminentcs de charité et d’éducation chrétienne, ont fait dans ce pays la i ; loirc de l’Eglise eatlioliquo et pareillement de la patrie. Comme si ce qui a été réalisé iléjà à leur préjudice n’avait pas une i ; ravitc immense et déplorable, on a cru devoir aller i)lus loin encore, mal ; , ’ré Xos elforts répétés pour l’empêcher, et l’on a présenté et soutenu un pi’ojet qui a pour but, p ; u" une exception injuste et odieuse, non seulement d’interdire tout enseiifnement aux membres des instituts religieux mènu ! autorisés, et cela uniquement parce qu’ils sont relijîleux, mais encore de supprimer ces instituts, ajijjrouvés dans le propre but île l’enseignement, et de liquider leurs biens. Une telle mesure, chacun leconq>rcnd, auraIe triste résultat de détruire dtins la plus jçrande p.irtie la base principale de toute société i-ivile, l’enseisuenient chrétien organisé et alimenté par les, allioliques sous l’ésjide di- l.i loi et au prix des i)lus Ljénéieux sacriliecs. De la sorte, un nombre incalculabli ; d’enfants seront élevés contrairement à la volonté de leurs parents, sans ei’oyaiice et sans mor.ale chrélienne, , ive(’un ilommayc immense pour les âmes ; aussi se jiroduira de nouvi-au le l ; imentable et décourat ; eant spectacle de milliers de re ! i} ; ’icuses et de religieux obliges, sans avoir démérité en rien, de mener la vie errante, privés de ressources, sur tous les points du territoire français, ou de fuir sur le sol étranger. »

La li’ltn : caUrclive des évcijiie.t Je France, en dale du i/| septembre l’joy^ sur les droil.t cl les devoirs des parents rr.lal’n’cmcnt à l’école, fut un nouveau eri d’alarme jc’lé aji pays, pour lui faire eonnailrc le grave péril que couraient la foi el les nuiuirs des enfants dans l(^s écoles pubiiipies, où l’enseignement, de neutre iju’on l’avait pronds, est devenu trop généralement hostile à toute idée religieuse. (Vesl un acte de haute portée religieuse el historique, qui jeta une admirable lumière sur la grave question d( ! S manuils scolaiies et qui stimula très utileim nt les catholiques dans la revendication de leurs libertés.

Depuis trente ans, l’Htat français a assumé la lespoiisabilité de donner, en dehors de toute idée religieuse, l’éducation aux enfants du (leuple, et, dans ce dessein, il s’est fait mettre en main les ressources destinées à ]K>nrvoir à cette éducation. Il s’est cruellement trompé. I^’expérience tentée une seconde fois, en un siècle, prouve qu’il n’y a |)as de véritable éducation sans enseignement moral el religieux. Depuis trente ans, les catholiijues, de leur i ôté, onl nmltiplié les plus merveilleux elforls pour combattre, au point de vue religieux, les cirets d’une législation fpi’ils ne cessent d’eslùuer néfasle pour l’avenir du jiays. Sans doute, de graves problèmes leur restent

! à résoudre, notamment au point de vue du rec.rule-I

ment des maîtres et de l’institution de caisses de I retraites. Mais il n’en reste pas moins que, depuis trente ans. sans aucune aide, ni de l’Iîtat, ni des communes, ils ont montré quelle peut être, avec du dévouemenl cl des sacriliecs de chaque jour, la fécondité des eli’orts individuids.

3" Qiielipics rciiseh-fn’meiils slnlislùjiies.

Le législateur attendait la faillite de l’enseignement clirclien. On va voir, par quelques chill’res indiscutables, que celle faillite ne saurait être prononcée de quehiue temps encore. — L’enquête, ell’ectuée p.ar les préfets sur la situation îles établissements scolaires des Gongrcgalions autorisées.auxquelles la loi du j juillet iQo’i a retiré l’autorisation d’enseigner, donnait les chilfres suivants pour l’ensemble du territoire, Algérie exceptée, c’est-à-dire |four les quatre-vingt-sept départements : 3./|()/| établissements, tous d’enseignement primaire, dont i.ayf) écoli’S de g, arçons el 2.H>'i écoles de (illes : le département de la Seine figurant dans ces chill’res généraux pour Go écoles de garçons et 5-) écoles de filles. — Rapprochons de cette slatistique d’<xéculion ([uelqucs cliilires sur la situation res[)eelive de renseignement public el de l’enseignement libre. On a vu plus haut i]u’eu i.SO.’î — il y a cinquante ans

— le ministre de l’instruction publique déclar, ait que les écoles congréganisles réxmissaient plus du tiers de l, a population scolaire totale d(^ la l’r.ince. On reconnaît qu’avant les lois île laïcisation, in 18ft2, elles possédaient.à peu prés le quart de eett<^ population. D’après les calculs les plus cx.aets, calculs que l’on n’a jiu faire i-emonter au del.à de l’année scolaire Kjoy-iqoS, les écoles libres comprendraient un peu lilus (lu cinquième de la po|)ulalion scolaire totale, soit i.i/(0./’|tvi élèves, et les écoles publiques picsenteraient un ellcclif total do 4 oiîy..’» ()o élèves. La diminution du uondu-e des élèves des écoles libres Çfii. & ?.’?.), sur la dernière statistique oflîcielle <le iijoi-iyoM, s’explique tout iiiilurellemcni par les mesures de proscri()tion tpii, dans celle période, ont frapjjé /i.92’1 écoles congréganisles, dont un certain nombre s’ulemeiit onl pu se rouvrir avec un personn (d sécularisé. La stulisliquede iijio ri lève les chilfres di’. 960.^1 a élèves inscrits dans les (’colrs libres : ^riC.ao^ garçons et TxjS.sS^i filles répartis entre l’i.’i'.’i^ écoles proprement « lilcs, soit l’io écoles de j)lus qu’en 19111) (Happorl publié au./oiirnal o//iciel de lyii, C.hand)rc, Annexe 370, p. i/|f)2).

Ces derniers cliilfres aceusent, sans doute, une décroissance.assez sensible sur les ])ériodes de ifiti^ el de 1882. Il faul])ourlanl reconnaître « pi’ils sont tout à l’honneur de nos écoles libres, constamment balj lues en brèche diqniis près de trente ans ; ils ju’ouvent que, ]>artout où l’on en peut créer, elles recueillent un très grand in)nd)re d’enf.mts ; que le manque de ressources sulllsanles el la pénurie de maîtres et de maîtresses sont les seuls obstacles à leur multiplication. — L’Inslilul des Frères ilcs écoles chrélienncs, ipii c ; ompl.iit en France 32 établissements libres dislribuanl l’cnseigneun’nL spécial (loiirnat iif/lciel lUi 17.avril iSfj’i), comptait, en kjoo, 82 établissemenls commerciaux (actes du Congrès international tenu à Milan, en septembre igoG, relativement à I’ensi’igjiem<’nt commercial).

Sidélicale <(ue soit l’évaluation des dépensesengagées par les i alholicpies pour leurs écoles libres, il n’y a rien de téméraire à articuler, au bas mot, le chiifre de /|0 millions pour le budget total des frais qu’elles leur inqiosenl annuellement : au bas mol, parce que l’on ne fait entrer en ligne de compte ici d’autres dépenses que les trailements cl qu’on laisse 989

INSTRUCTION DE LA JEUNESSE

990

à dessein de i-iMc les intériits à payer poiii’empiuiils, loyers, foiiriiitures classiques, etc. Ces /|0 iiiillions, niuUipliés piir.’m, pour suppute r lis frais faits de 188a à IIJ12, donnent un L-liillrc ^'lol>al do un milliard deux i : eiits millions. Telle est, pour ees trente années, la rançon Siolairc, auprès de Dieu, de la KraiieceapliM- de la Frane-niaçonneric. La troisième llépublique, ([ui se i)rorlanii^ I’h émaueipatriee du peuple)iar linslruelion iJ, a fermé plus « le vin^t mille écoles libi-es, dont exactement, au i""’juillet 1912, .’i.a-j.^ par décret pris à la suite d’arrèlc’s ministériels, en cxéeution des lois de lyoi et de lyi’/i.

/, ’Meaares en fayeur du pcrxnniicl ensci^nitnl. — 8.000 instituteurs et -ifLono institutrices distribuent rensei), ’ucmcnt danslesécolcs libres..Sur ce muiibre, les deux tiers des instituteurs et la moitié dos institutrices sont encoro d’anciens eon}^rég ; inistes. Le reste de l’elleetif su compose de sujets recrutés en gr.inde partie parmi les brevetés d’occasion. Mille environ sortent des écoles normales ou cours normaux libres ; quelques-uns ont été élevés dans les écoles laïques supérieures ; très rares sont ceux qui ont passé des cadres de l’cnseif^nement public dans ceux de l’ensciffncnu-nt libre.

Les maîtres sécularisés s’cimisent, disparaissent et ne sont plus remplacés. L’avenir de renseif, ’ncmcnt libre est dans le reirutcmcnt et la formation d’un personncd sérieusement chrétien. Cette leuvre, en progrès constant, oll’re les chilîres suivants : Pour les jeunes K’-hs, 9 écoles normales autonomes, et iT) cours normaux ; — pour les jeunes lilles, 20 é< ; oles, et 18 cours, dont ! donnent l’enseignement secondaire.

L’assemblée plénicre des directeurs diocésains de l’cnsei{, ’nement libre, tenue en mai 1912, a décide la création lYn^u- raisse (ititaiiumc de rctniiic ! pour tous les nniiibres de cet enscifjnement libre. Cette caisse vient d’être lonstituée sous la forme d’une caisse centrale mutu.iliste, régie parla loi du i<"’avril 1898 et adaptée aux conditions de la loi du 5 avril lyi’i sur les retraites ouvri. !  : rcs. Professionnelle et largement ouverte à tous ceux qui peuvent valablement se rc’.elamcr de l’enseignement libre, elle est organisée sur des bases qui lui permc-ttront d’être aussi indépendante que possible. L’indépendance est de l’essenciî même de l’enseignement lilire, beau titre sur lequel l.i loi a v.iincnnuit tenté de faire prévaloir celui d’ensi-ignemcnt privé.

.5° L’/nslitut dox Frères des éctdea chrétiennes et la fongréfialinn ile.t Filles de la charité. — Voici la situation exacte de ces deux fondations si justement populaires, puisqu’elles se sont vouéi’S, depuis l’origine, à l’éducation des tils et des tilles du peuple. On ne suivra pas sans émotion le douloureux bilan de ces d<rstrurtions si funestes à la France.

Au moment de l.i promulgation de la loi de 190.’), l’Institut des écoles elirétiennes comptait, au total, 2.1/(0 établissements, dont 2.015 d’un caractère scolaire. Ces établissements comprenaient i..")00 écoles élément.iires ou supérieures en France, et ^ll.^ hors <le Fr.incc. Ces écoles, eoniposécs de S.SiiJ classes, recevaient J-iaa.’joo élèves. I^’cnsemble des membres des patronages et des autres (ruvres post-scolaires s’élevait à ^S.oi.o. Le tout formait un total d’environ /(oo.ooo enfants, jeunes gens et adultes siu" lesipiels l’Institut exerçait son actioit édueatrice ou so.iale.

— Les Sœurs de saint Vincent de Paul avaient, avant 190^, 581) écoles recevant ilfi.hno élèves. Depuis 1’)o/i, /|00 de leurs écoles ayant été fermées, elles n’enseignent, présentement, guère plus de 36.ooo enfants ou jeunes lilles. — Depuis la loi de suppres sion, l’Institut des Frères a multiplié ses établissements hors de France et donné à (’eux qui existaient déjà le dévclo|>pcniciit doit ils étaient susceptibles. De son côté, la (Congrégation des Filles de la charité a considérablement augmenté ses maisons enseignantes à l’étranger.

II. En.seignement secondaire des garçons. — 1° in^tiiriijiie. —.Sous l’.incicn régime, di. nombreux ét.oblissenicnts pourvoyaient à l’éducation de la jeunessi : française. C’étaient les Universités, les (’ollègesdesOratoriens, <les liénédietins, et jusipi’en 1^02, des Jésuites. C’étaient, dans une sphère jibis modeste, les écoles des abbay(^s ou les mailrises des cathédrales. La Révolution survint : aci ; orn|)lie au nom des lumières, elle eut pour premier rc’sultal de les éteindre toutes. Le premier consul org.misa l’Université de Franche, avec ses lycées et ses collèges : c’était li^ monopole, qui fut maintenu par l, i Uestauralion. Il se produisait pourtant un intéressant mouvement de renaissance chrétienne. La France catholique allait réclamer, pendant vingt ans, de 1830 à 1850, des collèges chrétiens. Elle envoyait ses lils chercher au delà de nos frontières une éducation chèrement achetée par l’exil ; elle compar.iiss.iit devant la Cour des pairs.avec les maîtres de V ticale lihrr pour y subir une condamnation plus glorieuse <iu’une victoire ; elle combattait par les mandements lie ses évêques, tour à tour suppliants ou accusateurs.

Vers 18’|0 se posaient les questions de la liberté de l’enseignement et de l’abolition du monopole. A la révolution de février. Cousin, qui av.-iit combattu la liberté d’enseignement, déclarait à llémusat :

« Les idées religieuses sont la barrière contre les

idées socialistes. » Fai-loux, ministre do l’instruction publique, instituait deux grandes commissions, chargées de préparer des projets de loi sur l’enseignement primaire et sur l’enseignement secondaire. C’était le point de départ de débats mémorables entre Tiiii : us et l’abbé Diu’anloiu’. L’Ftat avait, d’après Thiers, l’obligation de « frapper la jeunesse à son elfigic ». L’abbé Dupanloup qui, sur les instances de MM. de Montalembert, de Riancey et Cocliin, avait pris la défeiisi^ de la liberté d’enseignement, posait ces quatre conditions, qui d’ailleurs, n’étaient p.-xs un ultimatum : 1° un système national d’instruction publiquc, comprenant des écoles jjubliques et dos écoles privées ; 2° administration de l’instruction publique, organisée en un corps a]>pelé Université, iqui inspire et répande l’esprit de corjis ; 3° unité de gouvernement et de surveillance au moj’en du Conseil de l’Université et des conseils académiques, des inspecteurs généraux et des inspecteurs d’académie ; 4° grades conférés par les Facultés. (Les débats de la commission de 1849, eh. III, s. vi, Enseignement secojidaire, par II. du LACO.Mm !.)Il n’est pas question des Ji’suites. concluait-il avec un rcdoublenn ^nt d’autorité : « Laissons la polémique qui pourrait être irritante et pourrait faire obst.icle ausenlinu’ut de conciliation (]ui nous anime tous ; me renfiTinant donc <lans la question générale des congrégations, je me borne à ces conclusions qui ne jieuvent être repoussées : pas d’exclusion i)ar « %aiu’ice et spéciale do telle ou telle congrégation de l’cnseigni pient ; liberté jiour les individus, sans recherche inquisitoriale de l ; i vocation religieuse qu’ils peuvent avoir embrassée. » (Ihid.. ch. III. s. vnr.) Malgré de nouveaux retards, et bien que le gouvernement se fût montré, dans lasuitede l.a discussion, moins favorable aux catholiques, ^99 voix se réunirent contre 287. L’heure de la liberté avait sonné avec la loi du i" » mars iBfio. Pendant trente autres 991

INSTRUCTION DE LA JEUNESSE

992

années, de 1850 à 1880, on se mit à l’œuvre Je toutes parts. Les dévouements se multiplièrent, les maisons s’élevèrent les congrégations enseignantes s’établirent, les élèves affluèrent. — L’enseignement issu de la loi de 1850 tient une place honorable dans notre histoire, et valut à l’Eglise, à l’enseignement religieux et libre, comme à l’Université elleinême, les trente années de paix féconde dont ils ont joui. Que la suppression de l’autorisation préalable ait multiplié les tentatives de la concurrence privée, cela se conçoit aisément. Comme il sullit désormais de n’avoir encouru aucune des incapacités prévues par la loi, d’être français, d’avoir vingt-cinq ans, et de justifier d’un stage de cinq ans et du diplôme de bachelier, beaucoup d’établissements libres furent fondés.

a" Slatis/ique. — Les chiffres de statistique comparée qui vont suivre et qui marquent diverses étapes : iSô^, 1867, 1876, 1887, 1898 et 1909, mettent en relief l’elfort réalisé, qui fait le plus grand honneur aux catholiques, dans leur bonne comme dans leur mauvaise fortune.

1854. — Au moment même où la loi du 1 5 mars 18.50 a été mise à exécution, on comptait 91 4 établissements d’instruction secondaire libre. Un chiffre aussi élevé, pour l’époque, ne s’explique « fu’autant que les statistiques ont fait entrer en ligne un certain nombre d’établissements fort modestes. Elles en relevaient, dès 1854, i-o81, c’est-à-dire 167 de plus. Neuf congrégations pos< ; édaient des établissements de cette nature : Jésuites, 11 ; Maristes. l’i ; Baailiens, 2 ; Picpuciens, a ; Lazaristes, i ; Doctrinaires, !  ; Prêtres de l’Adoration perpétuelle, i ; Prêtres des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, i ; Frères de Saint-Joseph, i ; au total, 33.

Presque tous les établissements dirigés par des congrégations enseignantes furent ouverts depuis le 15 mars 1850, notamment les onze établissements appartenant aux PP. Jésuites. Sur un chiffre total de 5.a85 élèves, 3.150 sont pensionnaires. Les onze établissements de Jésuites sont proportionnellement les pbis nombreux, puisqu’ils renferment 2.818 élèves, dont 1.71 1 pensionnaires, tandis que les Maristes, avec 13 écoles, ne réunissent que 1.449 élèves, dont 763 pensionnaires seulement. En dehors des petits séminaires, dont il sera fait une mention spéciale, les évêques possédaient, en 1850, un nombre très restreint de maisons d’éducation. Entrés résolument dans la voie ouverte par la loi du 15 mars 1850, ils comptaient, à la date de 1854, 67 maisons réunissant 8.o51 élèves, dont 5.o30 pensionnaires. Le ministre de l’instruction publique, dans son rapport à l’Empereur, reconnaissait leur état généralement prospère.

Les écoles ecclésiastiques dirigées par des prêtres séculiers ou par des ministresdesautres cultes reconnus ne comptaient, en 1854, (lue 7.859 élèves, dont 3.724 pensionnaires, quoique ces écoles fussent au nombre île 156. En résumé, les 256 écoles ecclésiastiques de tous ordres renfermaient 21.196 élèves : ce chiffreattestaitde notables progrès depuis quatre ans.

Il n’en était pas de même pour l’enseignement libre laïque, comme l’indiquent ces résultats numériques. Le nombre total des élèves de l’enseignement libre, soit 63.657, ^"^ décomposait ainsi :

256 établissements ecclésiastiques, ai.igS élèves ;

826 établissements laïques, 42. 4^2 élèves ;

c’est-à-dire qu’il y avait quatre fois plus d’établissements laïques que d’établissements ecclésiastiques, et que cependant les premiers ne contenaient que le double d’élèves.

Dans son rapport, le ministre observait que la loi

du 15 mars 1850 n’avait eu qu’une assez faible inlluence sur le nombre des enfants participant à l’instruction secondaire. Il était, au 1" octobre 1850, de 99.028 ; en iS54, il passait à io8.333, ce qui donne une augmentation de 8.710 élèves seulement.

1867. — Le nombre des élèves dans les établissements libres était de 31.816 en 1842, et de 77.906 en 1865. C’est depuis la loi de 1850 que s’est manifestée cette augmentation, qui a proUté surtout aux établissements ecclésiastiques.

De 1854 à 1860, les maisons libres laïques elles écoles diocésaines placées sous l’autorité directe des évêques sont restées dans un état stationnaire. Les premières n’ont gagné, dans ces onze années, que 547 élèves(43.O09en 1865, au lieu de 42.462 en 1854) ; les secondes, que i.o56 {9.107 au lieu de 8.o51). Mais le nombre des maisons laïques a diminué de 168.

— Dans le même espace de temps, les congrégations enseignantes ont fondé dix maisons nouvelles (43 au lieu de 33) et ont augmenté leur population scolaire de 79 pour cent (9.475 au lieu de 5.285). Il y avait, en 1865, 43 maisons congréganistes, dont 14 étaient dirigées par les Jésuites avec 5.074 élèves, 15 par les Maristes avec a. 255 élèves, 2 par les Lazaristes avec 331 élèves, 12 par diverses congrégations (Basiliens, Picpuciens, etc.), avec i.815 élèves. — Les maisons dirigées par des prêtres séculiers ont passé du chiffre de 156 à celui de 165, avec 7.869 élèves en 1854, et plus du double, ou 16.315, en 1865. Au total, dans l’espace de onze années, les laïques ont perdu, dans l’enseignement libre, 168 maisons, tout en gagnant 547 élèves ; tandis que les ecclésiastiques ont fondé 22 maisons nouvelles et acquis 13.70a élèves. Il convient d’autant mieux de souligner cette augmentation que le nombre des jeunes gens voués par position aux études secondaires est nécessairement limité ; elle manifeste donc péremptoirement la conliance et le crédit que les faïuillcs font à l’enseignement qui s’inspire des directions de l’Eglise.

Sur les 29 collèges que les Jésuites dirigeaient avant l’application des décrets de 1880, ils en devaient 13 à la République de 1848 et 10 à la Réjjublique de 1870. L’Empire, en dix-huit ans qu’il a duré, et bien qu’on accuse les Jésuites de l’avoir cléricalisé, ne leur avait permis d’en fonder que 3. Napoléon III en ferma un, du jour au lendemain, celui de Saint-Etienne, sur une rumeur qui se trouva être calomnieuse. Il en menaça un autre, Saint-Clément de Metz, pour une bataille d’écoliers. Entin, il empêcha de se fonder, autant qu’il était en son pouvoir, un troisième, Sainte-Croix du Mans, bien que ce collège ne fit que changer de mains religieuses en passant de celles des Pères de Sainte-Croix dans celles des Pères Jésuites. Le conseil privé de l’Empereur avait, contrairement à la loi de 1850, décidé d’arrêter toute nouvelle création de collège libre. Duroy, un ministre d’autant plus ennemi de la liberté qu’il en affichait le culte, disait à un député qui l’écrivait au P. de Ponlevoj-, provincial des Jésuites : « Il ne dépend pas de moi uniquement de faire aux congrégations la faculté de créer de nouveaux établissements. La mesure restrictive qui les concerne a été prise en conseil de gouvernement ; elle ne pourrait être révoquée qu’en conseil, et je voterai pour le maintien de la restriction, attendu que nos établissement » universitaires sont très supérieurs, soiistuiisles rapports, aux établissements congréganistes. Permettre à ceuxci de se multiplier empêcherait l’Université de faire tomber les préventions qu’elle inspire, à tort, à un certain nombre de familles. » Le ministre de l’instruction juiblique décidait, de sa propre autorilc, que les établissements universitaires étaient très supérieurs, sous tous les rapports, même religieux et luoraui, 993

INSTRUCTION DE LA JEUNESSE

994

iiux maisons congréganistes. Le gouvernement faisait une opposition systématique. Un coup imprévu sauva la situation. Le ministère tomba et le cabinet suivant, grâce à d’illustres instances, consentit à observer la loi.

187601 1887. — Les tableaux ci-après offrent le relevé comparé des établissements secondaires libres et de leurs élèves.

ANNÉES

ÉTABLISSEMENTS

Laïques

Ecclésiastiq.

Total

1876 1887

Différences

pour 1887

30a

309 349

803

G51

— 192

+ 40

—))

+ » — l5a

ETABLISSEMENTS LAÏQUES

Intern. Estern.l Total

1876 1887

Différ.

p’.88,

iG.Sio ii.Soo

+ » —5.340

14.379 8.644

+ » —5.739

31.a40 ao.174

+ » — H.075

ETABLISSEMENTS

ECCLÉSIASTIQUES

Intern. Extern. Total

33.092 33.4 ?<2

+ 390

13

724

iG.603

+ 2.879

46.816 50.o86

+3.269 — »

Diminution : 1876-1887 ; 7.806 élèves (4-950 int., 2.856 ext.

L’enseignement secondaire libre était à son apogée, en 1876, avec ses 803 établissements et ses 78.066 élèves. Dans les onze années suivantes, au cours desquelles la persécution exerça ses premières destruclions contre les collèges des PP. Jésuites, cet enseignement perdait 15a clablissements et 7.806 élèves.

18g8. — La statistique relevait, au 31 décembre 1898 :

20a établissements laïques

143 — ecclésiastiques

soit 345 — au total :

c’est-à-dire une différence de 306 établissements en moins sur le relevé de 1887.

Leur population scolaire était nécessairement allligée de pertes, dans la même proportion :

Etablissements ( Elèves internes : 7-336 laïques — externes : 4.914

Etablissements ec- ( Elèves internes : 14.296 /, «., /. clésiastiques… — externes : 9.370

au total :

I 2. 260

3.5.886

soit une diminution, sur 1887, de 34.874 élèves, prés de moitié.

190g. — Il y a lieu de supputer, pour 1909, un nombre sensiblement le même d’établissements et d’élèves, que onze ans auparavant. Depuis cette époque, la situation s’.est notablement relevée : nous sommes fondé sur les meilleures autorités pour le déclarer.

Tome II.

Pour être aussi exact que possible, il convient d’ajouter à l’actif de l’enseignement secondaire libre 5.000 à 6.000 enfants de nos familles françaises, instruits dans des collèges catholiques de l’étranger, en Angleterre, en Belgique et en Suisse, notamment ; mais aussi en Hollande, en Espagne, en Italie et jusqu’en Orient.

Les lois persécutrices, qui rendent la France inhabitable aux meilleurs Français, sont responsables de cet exode.

L’effectif total recevant l’enseignement secondaire libre peut être évalué sans exagération à 45.ooo. L’épreuve ne trouve pas présentement désemparé l’enseignement secondaire libre, avec des maîtres improvisés, comme aux jours du premier Empire et même de la Restauration. L’Alliance des maisons d’éducation chrétienne, par ses publications diverses, par ses réunions annuelles, imprime une direction salutaire aux quelque cinq cents établissements, petits séminaires et collèges, groupés autour d’elle. D’autre part, les Facultés catholiques sont devenues, à point nommé, de vraies écoles normales pour l’enseignement libre.

3° Collèges chrétiens. — Montalrmiiert, dans une lettre adressée au Père de Ravignan en 1847, reprochait à l’éducation des Jésuites, distribuée depuis vingt-cinq ans à une portion considérable de la jeunesse française, « de ne nous avoir pas donné un seul défenseur de l’Eglise c. — Le reproche est, au moins, exagéré. L’acharnement et les violences dont les collèges des Jésuites ont été l’objet sont un premier témoignage de la fécondité de leur éducation pour la défense de l’Eglise. La Compagnie de Jésus, restaurée par Pie VII en 1814, dirigeait en France huit établissements d’enseignement secondaire : les petits séminaires de Saint- Acheul, Sainte-Anne-d’Auray. Bordeaux, Montmorillon, etc., lorsque les ordonnances de 1828 fermèrent leurs maisons d’éducation et les exclurent de l’enseignement. Les Jésuites de France ouvrirent alors à Fribourg, en Suisse, un pensionnat qui jouit d’une grande réputation jusqu’en

1847, époque à laquelle il fut fermé à son tour, après la victoire des radicaux suisses sur le Sonderhund. A lui seul, le livre d’or de Fribourg, en ces vingt ans d’exercice, porte les noms de 4 évè<]ues, de 50 prêtres séculiers, de gS membres de divers ordres religieux, do plus de 200 officiers, dont 16 généraux, de magistrats, d’hommes d’Etat, de diplomates, d’écrivains, de grands industriels et commerçants : le cardinal Mermillod, l’évêque polonais Lubionski, martyr sur le eliemin de la Sibérie, Pimodan, Clifford, Malon, de Decker, Lucien Brun. Dans toutes les positions sociales, les anciens élèves de Fribourg ont pris rang parmi les chrétiens qui ont bien mérité de l’Eglise. Montalembert parle de i’ingt mille jeunes Français qui auraient passé par les mains des Jésuites au moment où la fermeture de Fribourgleurenlevail leur dernier collège. En le réduisant de moitié, on serait probablement encore au-dessus de la vérité ; mais certainement ces dix mille Français catholiques n’ont I>as tous mérité le blâme qui tombe aujourd’hui sur leur mémoire.

Il convient de signaler, à leur décharge, les diverses causes de la torpeur à laquelle se heurtait la généreuse ardeur du conquérant de la liberté d’enseignement. L’esprit public, les habitudes de self-goternment n’étaient point formés chez nous, entre 1830 et

1848. Notre éducation est encore à faire en ce genre. En second lieu, l’immense majorité des catholiques d’alors était légitimiste et avait inauguré cette émigration à l’intérieur qui. malheureusement pour elle, n’a pas encore pris tin. En troisième lieu, à l’époque

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de cette lutte, il s’en faut que les gens de bien eussent, sur la question de la liberté d’enseignement, les idées universellement adoptées aujourd’hui. Cette liberté, aujourd’hui revendiquée en faveur de la religion, pouvait, à l’époque, paraître susiiecte à des catholiques qui se souvenaient que, quelques années auparavant, elle était réclamée contre l’Eglise. Les petits séminaires jouissaient d’une assez jurande liberté ; il y avait, en outre, 38 collèges de plein exercice, libres dans une certaine mesure. Les évoques se demandaient si la liberté de l’enseignement serait plus profitable que funeste à la religion. Devant l’hésitation de leurs chefs, les catholiques étaient bien excusables de témoigner eux-mêmes peu d’empressement.

Les attaques de Montalembert ont été rajeunies

— sur un mode souvent plus âpre — par M. Drumonl dans la Libre Parole, depuis bien des années, puis par M. Marc Sangnier dans le .-J., ’J’t mat 1871 : U. P. Clerc, S. /., ’2-1 mai 1H7I ; U. P. de Bengy, S. J-, 26 mai 1871.A gauche, sur dix i)laques de marbre, sont inscrits les noms des anciens élèves tues à l’ennemi : parmi eux, ipiehpies-uns des plus beaux noms de France ; en regard, les noms des batailles. Depuis du Manoir, tombé à Castellidardo en 1860, jusqu’aux conquérants du’l’onkin, de Madagascarel du Maroc, ils sont là cent cinquante élèves des Jésuites, dont quatre-vingt-douze pour la seule guerre franco-allemande. La devise des vaillants Machabées sert de légende à ce tableau d’honneur : <i Melius est nos mori in hello r/iiam videre mala genlis noslræ et sanclurum. » On discute, naturellement, le rôle des anciens élèves de la rue des Postes dans la guerre de 1850-1871.Or, l’école, fondée au mois d’octobre 1854 et n’ayant fait recevoir, en 1855et en 1856, que huit élèvesà Saint-Cyr, ces huit jeunes gens ne furent créés sous-lieutenants qu’en 1807 et 1808. U n’y eut donc, en 1870, aucun ancien élève delà rue des Postes qui fùtoliicier supérieur du dernier grade, c’est-à-dire chef de bataillon ou clief d’escadron. Quant à l’Ecole polytechnique, la rue des Postes, au bout de trois ans d’elïorts, réussit cnliu à faire recevoir un seul élève, qui, lui, n’embrassa pas la carrière militaire 1 —

Durant les seize années de la première période, 18541870, 129 élèves furent admis à l’Ecole centrale, 172 à Poly technique, 580 à Saint-Cyr et 97 à l’Ecole navale. Pendant les dix années de la période suivante, 18701880, remplie par la direction du P. du Lac, le chiffre des élèves a oscillé entre 325 et 4 25. La proportion des succès paraît avoir été très grande, puisque 186 ont été admis à l’Ecole centrale, 316 à Polytechnique et 669 à Saint-Cyr. La préparation à Navale avait été transférée à Brest depuis 1870. Puis, survinrent les décrets du 29 mars 1880 ; on ne toléra, dans chacun des anciens collèges de Jésuites, que quelques Pères à titre purement individuel. Durant les vingt et une années de la troisième période 1880-1901, l’école atteignit son maximum d’élèves et varia de 400 à 580. C’est ce qui contribue à expliquer le chiffre total de ses succès : 392 admis à l’Ecole centrale, 55 1 à Polytechnique et 1.5 1 5 à Saint-Cyr. A la suite de la loi du 2 juillet 1901, les derniers PP. Jésuites, restes dans l’école à titre individuel comme directeurs, surveillants ou professeurs, la quittèrent. L’école reprend, en 1908, la préparation à Navale, qui avait émigré, depuis 1870, à Brest, de là à Jersey, puis à Vaugirard et à Vannes. Durant la dernière période de neuf années, igoi-1910, le chiffre des élèves oscilla entre 397 et 520. Le nombre des candidats à certaines écoles a diminué pour beaucoup de raisons : à cause de la nouvelle loi militaire, et aussi de l’abaissement des promotions : pour Saint-Cyr notamment, il est tombé au-dessous de la moitié : g50 candidats en 1909, au lieu de 2.500 en 1897.’9'’"lèves furent admis à l’Ecole centrale, 1^2 à Polytechni(]ue et 368 à Saint-C3r, durant cette période. Bien des jeunes gens préférant présentement se diriger vers des carrières dont la préparation est moins longue, parce que l’entrée en est moins dillicile, il s’ensuit une diversité bien plus grande dans les concours et examens auxquels l’école Sainte-Geneviève prépare depuis sa réorganisation de 1902 : Institut agronomi (iue. Ecole d’aviation, baccalauréats. Banque de France, Ecole supérieure d’électricité. Ecole du génie maritime. Ecole des hautes-études commerciales. Ecoles des urines de Paris et de Saint-Etienne, Ecole normale supérieure, Ecole de physique et chimie industriclle. -î. Ecole des ponts et chaussées et Institut économique. Cet Institut, créé en 1907 à la rue des Postes, est une Ecole libre catholique de hautesétudes industrielles, commerciales et financières : 34 élèves en sont iléjà sortis, après avoir obtenu le dii)lôiue. On est donc fondé à conclure que l’école Sainte-Geneviève de la rue des Postes, tout en demeurant lidèle à ses grandes préparations, a élargi ses cadres pour répondre aux besoins nouveaux etqu’elle tend à devenir l’Ecole préparatoire, en général, pour les carrières scientiliques, agricoles, industrielles cl commerciales, quelles qu’elles soient. Présentement, l’année française lui doit un grand nombre d’olliciers supérieurs, parmi eux des chefs illustres. Ils seraient beaucoup plus nombreux, si le régime abject des .1 liches » et d’autres amertumes n’avaient réduit tant d’hommes de coeur à briser leur épée.

L’école préparatoire à la marine (lirext-Jersey). — La préparation faite par les PP. Jésuites, de 1856 à 1901, date à laquelle leur a été enlevé le droit d’enseigner, adonné 087 élèves à l’Ecole navale. Ce chiffre global porte snr les quarante-cinq années de cette ]iréparation, qu’elle ait été faite à la rue des Postes, à Bresl, à Jersey, à Vannes ou à Vaugirard.

Trois de leurs anciens élèves ont été tués à l’armée du Nord, à l’armée de la Loire et au siège de Paris. L’enseigne Balny fut tué en 1873, dans les premières expéditions pour la conquête du Tonkin ; le lieutenant de vaisseau de Larminat décéda en 997

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mer, pendant la campagne de l’amiral Courbol. L’enseigne Paul Henry fut lue au Pé-ïang-, lors de la défense des légations à Pékin. Les enseignes de vaisseau lie Beauregard et Chanteau trouvèrent la mort, l’un dans l’explosion de l’/éiia, l’autre dans celle de la I.ihcité. Lelieutenant de vaisseau deMauduit périt dans l’abordage de la Framée, cl tout récemment enlln, le lieutenant de vaisseau Prioul, commandant le Vendémiaire. Parmi leurs anciens élèves qui se sont distingués, on peut citer avec lierté MAL de Mandat-Grancey, l’écrivain bien connu, etSavorgnan lie Urazza.qui nous a donné le Congo. Il n’y a pas à parler de ceux qui, en certain noml)re, sont arrivés aux grades de capitaine de vaisseau, contre et viceamiraux. Signalons le vice-amiral Touchard, ancien ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg.

b" Petits séminaires. — En dépit de tout, le nombre total des élèves des petits séminaires n’avait guère varié, au cours du siècle dernier. De 20.000 au temjjs de la Restauration, il oscillait, en 1904, autour de a3.ooo, répartis dans les 143 établissements que comptaient nos dix-sept provinces ecL’lésiasUqiies. La résistance que les catholiques opposèrent à l’inventaire des églises j^rovoqua, par manière de représailles, une tourmente des plus violentes sur les grands et les petits séminaires. Expulsion des maîtres et élèves, jetés à la rue en pleine année scolaire, contiscalion des immeubles, liquidation, c’est-à-dire la vente à vil prix, dont il ne reviendra pas même une écaille à ceuxqui, de leurs deniers, avaient fondé et bâti ces établissements. « Sur le nom qu’il convient de donner à de tels actes, je n’hésite pas », a dit énergiiiueinent le pape Pie X.

Ces 143 maisons, aujourd’hui fermées, ont été transformées en écoles laïques, en lycées de lilles, hospices ou musées. Nos évêques ont dû reprendre, sur de nouveaux frais, l’acquisition, parfois même la construction de ces établissements d’éducation ecclésiastique, essentiels pour la réédilicalion de la France chrétienne.

Quant à la population scolaire, elle était tombée aux environs de 14.ooo, un peu avant sa dispersion, à la rentrée de iQoi. 80 "/o des petits séminaires s’étant reconstitués à l’état d’institutions secondaires libres autonomes, ou soutïrant d’avoir leurs élèves dispersés en d’aiitres maisons ; 20 « /o environ ayant eu leurs élèves dispersés encore un certain temps, il en résulte que, tout compte fait, les écoliers demeurés Qdèles se seraient chiffrés, vers 1 906- 1906, à 9.000, le tiers de l’effectif qui précéda l’exode de 1904. Ce chiffre s’est certainement relevé, depuis lors, de plusieurs milliers.

IIL Easeignement secondaire des jeunes âUes. — 1° Enseif^neinerit secondaire public. — Cette appellation d’enseignement secondaire, appliquée à un cycle d’études où les langues latine et grecque ne figurent point, est d’invention récente et ne saurait avoir de signification bien précise. Beaucoup de femmes le recevaient en France avant la naissance des gens qui croient l’avoir inventé.

L’honorable comte DKSI)Assv^s us Richemo : « t établissait, devant le Sénat, avec pièces à l’appvii, en novembre 1880, qu’il existait en France, à la ilate de 1868, « six à sept cents établissements où les jeunes lilles recevaient une instruction que l’on a parfaitement le droit d’appeler secondaire, et même, dans certains cas, supérieure ». J. Simon a soutenu la même thèse dans son bel ouvrage : La Femme au vingtième sii^cle.

En réalité, ce qui appartient en propre au régime actuel, c’est la création d’unenseignement secondaire

d’Etat, c’est-à-dire de lycées et de collèges pour les jeunes lilles, eu tout semblables à ceux des garçons : c’est l’institution universitaire de cet enseignement, dont le régime se montre très fler, et qu’il abrite derrière le rempart des lois dites intangibles. Les législateurs de 1880 déclarent avoir fait œuvre de progrès. L’avenir en jugera. Le principal promoteur, M. Camille SiÎB, est israélite. Son projet de loi se résume en trois mots : « Il n’existe pas, eu France, d’enseignement secondaire pour les jeunes tilles. Cet enseignement (leurit, au contraire, chez tous les peuples policés. C’est le devoir de l’Etat républicain de combler une aussi honteuse lacune. »

L’idée était, depuis longtemps, à l’ordre du jour des Loges maçonniques. C’est là que la loi du ai décembre 1880 fut, elle aussi, élaborée avant de se présenter au Parlement, u Avant tout, concluait l’orateur de la loge La Clémente amitié, réformons et développons l’instruction et l’éducation de la femme. Tout le reste nous viendra par surcroit. C’est le mot de la liii, mes P.". » (Travaux francs-maçonniques : conférences sur divers sujets d’économie sociale, par le F. Baudouin, secrétaire de la loge La Clémente amitié, Paris, Marie Blanc, sans millésime.) C’est ce que le docteur Sée, rapporteur, traduisait lidèlement en dogmatisant ainsi, dans l’exposé des motifs : « Vos lois, vos crédits seront insuflisants aussi longtemps que vous n’aurez pas fusionné intellectuellement et moralement, en une seule nation, la France des hommes et la France des femmes. Pour atteindre ce but,

IL Y A UN.MOYEN, MAIS IL n’y BN A QU’UN : CRÉÉE l’kN9BIC.NBMENT SECONDAIHE PUBLIC DES JEUNES FILLES.

{La loi Camille Sée, i vol. in-12.)

J. Ferry, Paul Bert eurent des rôles prépondérants dans la fondation. Ce qu’on voulait en réalité, c’était enlever à la religion la femme française et préparer son avènement à la libre pensée.

Le mensonge de la neutralité devint la base de l’éducation appelée à régénérer la France. Comme les lycéesde garçons, comme les écoles normales, comme les écoles primaires, comme tontes les écoles, hautes ou basses, alimentées par le budget national, les lycées et collèges de jeunes lilles sont neutres. On couvre le pays d’établissements oiiles jeunes lilles sont élevées dans les lettres et les sciences, mais d’où la religion est soigneusement écartée. On tolère que les ministres du culte y pénètrent pour donner l’enseignement religieux à celles qui en veulent, mais un article de loi stipule que c’est en dehors des heures de classe ; car on tient à marquer que la religion est chose accessoire, facultative, qui ne figure pas au programme d’éducation d’une honnête tille, pas même à la suite de l’hygiène et de la gymnastique.

L’auteur du projet tenait à ce que l’internat fût, comme il le disait, « la base de la loi ». Le principe de l’internat fut rejeté, comme devant imposer à l’Etat une charge redoutable. Paul Bert réussit à faire adopter un amendement permettant aux municipalités de créer et d’entretenir elles-mêmes des internats annexés aux lycées et collèges. Mais le budget de l’Etat s’en désintéresse.

Le tableau suivant met en relief les accroissements considérables de la population scolaire dans les établissements officiels, sept, vingt-cinq et trente ans après la promulgation de la loi Camille Sée.

PÉRIODES

LÏCÉES

COLLCGBS

COUBS

TOTAUX

Au 15 juin 1887 …. Au 30 avril 190Ô… Au 30 novembre 1910

3. io5

13 806

13.093

3.824

7.2.0

1 1. : >9â

3^6

7. 6^8 5.756

6.175 28, 16430.441

999

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Effrayante est donc la progression de ces lycées de lilles, une pièce maîtresse dans l’œuvre scolaire de la troisième République. L’Etat, non pas neutre, mais athée, en multipliant les lycées, collèges et cours secondaires de jeunes tilles, acquiert une influence croissante sur la jeunesse féminine de la bourgeoisie : il lui offre le grand appât, l’appât décisif des bourses, l’avantage d’un prix de pension sensiblement moins élevé que dans les étaljlissements libres qui ne participent pas aux subventions du budget ; il l’impose, entin, à ses fonctionnaires et aux officiers qui, trop aisément, lui abandonnent l’enseignement et l’éducation de leurs lilles, enseignement et éducation uniformes, qu’il s’agisse d’élèves juives, protestantes ou catholiques.

2° Enseignement secondaire libre. — L’enseignement libre des jeunes filles devait, évidemment, éprouver le contre-coup de la loi du21 décembre 1880, qui institua les lycées nationaux et les collèges communaux de jeunes lilles ; mais il demeurait assuré, sur tout le territoire français, par de nombreuses et prospères maisons religieuses, où les traditions de la bonne éducation se maintenaient et se transmettaient de génération en génération. Les familles chrétiennes avaient donc conservé à leur portée des établissements d’instruction transmettant à leurs jeunes filles les croyances qui leur sont chères.

La loi du i »’juillet i go i, aggravée par la loi du 7 juillet igoi, porta de très rudes coups à renseignement secondaire libre. Au lendemain de cette loi, la plupart de ces pensionnats où s’élevait l’élite de la bourgeoisie durent fermer leurs portes, leurs immeubles furent confisqués, le personnel dispersé ou exilé. Il fallait tout reconstituer. Les bonnes volontés ne firent pas défaut. On vit renaître partout des maisons libres d’enseignement des jeunes filles, qui relevaient la tradition de l’enseignement chrétien et recueillaient une bonne partie de leur ancienne clientèle. Le contingent de 80.000 élèves réparties, en igoS, dans les pensionnats et les cours religieux des jeunes lilles, alors que l’enseignement public comptait, à la même date, 28.000 élèves, répond de la vitalité de notre enseignement secondaire féminin. Il fait honneur aux familles ; il prouve que les mœurs chrétiennes sont plus fortes que les mauvaises lois.

La suppression des congrégations religieuses avait jeté un trouble profond dans l’organisation de l’enseignement libre. Elles disparues, il fallut organiser au plus vite des écoles normales ou des cours normaux, où les jeunes professeurs lussent à même de se préparer, par la piété, les cours, les examens et les brevets, à sauver les pensionnats chrétiens encore debout, parmi tant de ruines.

Pour ces écoles ou ces cours, il suffit de quelques foyers dans toute la France. Les Instituts catholiques de Paris, de Lyon, de Lille, d’Angers se trouvent naturellement associés à ces premiers essais, et rendent ainsi aux établissements féminins des services analogues à ceux qu’ils rendirent en pourvoyant de professeurs licenciés les collèges ecclésiastiques et les petits séminaires, bien avant que la licence fût exigée par la loi. Ces institutions récentes sont, à Paris, les écoles normales catholique et libre, respectivement dirigées par Mlle Desrez, en 1906, et par Mme Daniélou, en ign^. L’Institut catholique de Lyon a organisé, depuis 18go, à l’école Gerson, des conférences techniques pour les institutrices, qui conduisent, en deux ans, au baccalauréat, une jeune fille déjà pourvue du brevet supérieur, surtout si elle est, en outre, mûrie i)ar quelque pratique de l’enseignement. Lille possède, depuis 18go, une véritable école normale, avec internai. L’école Freppel,

ouverte à Angers en igog, qui s’est calquée sur les écoles normales libres de Paris, réalise tous les desiderata : ses étudiantes doivent leur formation intellectuelle aux professeurs de l’inslitut catholique de l’Ouest, et leur éducation à une maison de famille. Clermont-Ferrand, avec son école Fénelon qui remonte à igoS ; Besançon, avec son école supérieure de jeunes filles annexée au pensionnat Notre-Dame, se recommandent par les mêmes services.

Certains cours et pensionnats de Paris et de nos grandes villes donnent, aujourd’hui, l’enseignement classique et conduisent leurs élèves à tous les baccalauréats. Mais l’indétermination même de cet enseignement à l’heure présente, aussi bien que la diversité des maisons d’éducation chrétienne, empêchent de produire une situation rigoureusement exacte de l’enseignement secondaire libre féminin.

On sait que de prochaines destructions menacent de nouveau l’enseignement libre féminin. Le projet Massé, qui érige le monopole, est l’arme destinée à porter le coup suprême aux maisons d’éducation et aux cours catholiques. Pour parer ces nouvelles attaques, la Société générale d’éducation et d’enseignement conslHuail. en 191 1, un comité réunissant, sous la présidence du vice-recteur de l’Institut catholique de Paris, à côté de jurisconsultes exercés, des professionnelles de l’enseignement féminin. Ce comité se propose de resserrer les liens déjà existants entreles diverses institutions chrétiennes pour l’éducation des jeunes filles françaises.

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Annuaire de l’enseignement libre ; Paris et Lyon, Emmanuel Vitte (depuis 1876).

Bulletin de la Société générale d’éducation et d’enseignement, mensuel, 15 francs, fondé en 1868 ; Paris, 35, rue de Grenelle.

Bulletins régionaux pour le soutien de l’enseignement libre :

Voir ci-dessus. Gibon (Fénelon),.Mémento de renseignement libre, annexe 11 ! , p. 125-i ! >8.

L’Ecole, abbé Audollent, directeur, hebdomadaire, 8 francs ; Paris, 7C, rue des Saints-Pères, (.’1' année).

L’Ecole libre, mensuel, 6 francs ; Lyon, 23, rue Xeave.

Ecole et Famille, mensuel, 1 fr. 00 par an ; Paris, 35, rue de Grenelle (3" année).

L’Ecole et la Famille, bimensuel, 4 francs et 5 francs ; Fontaines-sur-Saône.

L’Ecole française, bihebdomadaire, 6 francs et 1 1 francs ; Paris, 14, rue de l’Abbaye (25’année).

L’Enseignement libre, mensuel, 6 francs ; Paris, 53, rue de Babylone.

Fénelon Gibon.

VI.

LES INSTITUTIONS COMPLEMENTAIRES DE L’ÉCOLE PRIMAIRE

Les catholiques se sont, les premiers, en France, préoccupés d’assurer un lendemain à l’école primaire : en pai-eille matière, ils ont eu le mérite d’être des initiateurs.

Le fait ne saurait être sérieusement contesté : nous l’avons établi autrefois par des preuves irréfutables, avec documents à l’appui, et la chose a été d’ailleurs reconnue — avec, il est vrai, quelque mauvaise grâce et en termes inexacts — par plusieurs membres de la Ligue de l’enseignement, peu suspects de complaisances cléricales. Ainsi, au congrès de Bordeaux, cn 18g5, M. Ch. ANDLBnadit très nettement : (cf. Bulletin de ta Ligue de l’enseignement, novembre 18g5) : « Il faut bien avouer que l’exemple du devoir accompli a été donné par les confessions religieuses, et d’abord par les catholiques. » M. Bourgeois s’exprimait en des termes non moins nets dans un discours prononcé à Rouen, en J896, au Congrès annuel de la Ligue de l’enseignement (cf. Bourgeois, L’Education de la démocratie française, p. ig8 et 199 ; Paris, 1897) : « Les patronages scolaires ! Encore une belle institution, mais il faut que nous soj’ons modestes : ce n’est pas nous qui l’avons inventée, ce sont nos adversaires ; ce sont eux qui ont créé ces patronages autour des établissements que l’Eglise protège, suscite, développe et défend. Il leur a semblé que c’était une bonne manière de maintenir à l’omlire des grands murs de l’Eglise les enfants élevés par elle que d’aplanir pour eux les conditions d’apprentissage et de placement, de leur faciliter par tous les moyens les débuts de la lutte pour la vie… On conçoit que ces patronages se soient rapidement multipliés. »

Ainsi donc, voilà qui est établi : les catholiques, les premiers, ont organisé des œuTes poslscolaires ou complémentaires à l’école.

Les origines des patronages. — Le patronage est le type primitif de ces œuvres — dont presque toutes les autres ne sont que des dérivées ou des variantes.

Le fondateur du premier patronage fut un jeune prêtre de Marseille, M. l’abbé Allemand qui, dans sa création, s’inspira de ce qu’il avait vu pratiquer, avant la Révolution, dans une » association de jeunesse », l’œuvre des Prêtres du Sacré-Cœur et duBon Pasteur, dont il avait fait partie alors qu’il était enfant et qui fut dissoute en 17gi, après soixante-deux ans d’existence (cf. Histoire des Pères du Sacré-Cœur : Sarlit, cdit.. Paris). M. Allemand est, en quelque sorte, le trait d’union qui relie nos patronages contemporains aux groupements apostoliques de jeunes gens essayés sous l’Ancien Régime.

Donc, au printemps 1790, tandis que, dénué de toutes ressources, vivant d’aumônes, le jeune abbé Allemand était encore obligé de prendre bien des précautions pour exercer son ministère, « il sentait en lui un profond attrait qui portait comme instinctivement ses regards et son cœur vers la jeunesse… » (cf. abbé Gadl’BL. Le Directeur de la jeunesse ou la Vie et l’esprit du serviteur de Dieu./ean-Joseph Aile1007

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mand, prêtre du diocèsede Marseille, premier fondateur en France au A’IX’siècle des OKuyres dites de la jeunesse ; Paris, Leuiiffe, 1868). Après avoir hésité et longtemps médite, il se décida enfin. Quand le bruit commença à se répandre que l’abbé Allemand cherchait à réunir des jeunes gens pour fonder une œuvre, un des prêtres les plus respectables de Marseille, à qui on en parlait, s’écria : a Quoi ! Allemand ? lui, faire une œuvre de jeunesse ! Ce n’est pas possible ! Il n’y a personne, dans tout Marseille, de moins propre à une telle entreprise ! » C’était bien lui cependant que Dieu avait choisi.

En homme sage et humble, M. Allemand résolut de commencer très petitement, sans tambours ni trompettes, comme il disait lui-même, et d’une manière si simple qu’il n’y fallut que peu d’argent. Ce qui importait, ce n’était pas d’aller vite et de rassembler tout à coup beaucoup de participants. L’essentiel, c’était de trouver quelques bons sujets pour la fondation ; de les choisir tels qu’ils pussent s’adapter parfaitement au dessein d’une œuvre très chrétienne ; puis de travailler avec beaucoup de soin à former ces premiers membres et de ne leur en adjoindre de nouveaux que peu à peu, en les choisissant toujours bien : méthode patiente, mais féconde, qui, aujourd’hui encore, doit cire ordinairement suivie par quiconque veut constituer sur des bases durables un groupement de jeunes catholiques. Le troisième dimanche de mai 1799, l’abbé Allemand réunit quatre jeunes gens, dans une petite chambre d’emprunt, chez un fervent chrétien, nommé Rome, rue Curiol. Telle fut la très modeste origine de VO£uyre de la jeunesse de Marseille. Dans les premiers temps, pour ne pas éveiller les soupçons d’une police encore fort ombrageuse, les réunions du dimanche durent rester cachées, tantôtdans un lieu, tantôt dans un autre. Fidèle à son principe d’aller lentement pour marcher avec plus de sûreté, M. Allemand mit près de deux ans pour former, par une incessante action de détail, son premier nojau d’une vingtaine de jeunes gens. Aussi, lorsque le Concordat permit à l’Eglise de reprendre sa vie au grand jour, l’Œuvre de la jeunesse put très rapidement augmenter en nombre, sans avoir à redouter cette extension. Elle fut alors installée dans un local plus vaste etcommen(, a à prendre la forme délinitive que M. Allemand s’était proposé de lui donner : les jeunes gens s’y réunissaient les dimanches et jours de fête ; ils y venaient aussi, quand ils le voulaient et le pouvaient, le soir et en semaine ; enfin les pratiques de piété y étaient en honneur, et déjà les associations y groupaient les plus fervents. Le 24 janvier 1804. dans une tournée de conlirmation, après avoir visité l’Œuvre de la jeunesse, Mgr de Cicé, archevêque d’Aix, donna une approbation complète à M. Allemand : ainsi donc le premier patronage était oniciellement reconnu et encouragé par la hiérarchie religieuse.

De cette consécration, l’Œuvre reçut une nouvelle force et une croissante prospérité. Tout semblait donc lui présager un heureux avenir lorsqu’un coup terrible vint détruire ou plutôt suspendre pour un temps son action bienfaisante : l’QIuvre fut fermée par ordre des autorités civiles. Irrité de la démarche d’un prêtre marseillais, l’abbé Desniazures, qui, apprenant la captivité de Pie VII, était allé à Savone se jeter aux pieds du Pape et demander sa bénédiction, le gouvernement impérial donna l’ordre de dissoudre à Marseille toutes les associations religieuses que son autoritarisme supportait d’ailleurs avec peine : l’organisation de M. Allemand fut comprise parmi les groupements proscrits. Durant les dernières années de l’Empire, le patronage dut rester fermé.

mais l’abbé Allemand conserva des relations régulières et fréquentes avec un grand nombre de ses anciens membres ; aussi, cinq ans plus tard, à peine Louis XVm était-il sur le trône, que, le troisième dimanche de mai 181 4, l’Qiuvre se rouvrait et réunissait une centaine de jeunes gens. Désormais, elle allait se développer sans interruption, sans secousse, et devenir le modèle de nombreuses associations de jeunesse.

Mais la création de ces associations ne fut pas immédiate : elle est postérieure à la Restauration et même, pour l’ensemble, à la Monarchie de Juillet.

Sous Louis XVIII et sous Charles X, l’esprit d’apostolat, jusque-là impuissant ou endormi sous la domination napoléonienne, commença, il est vrai, à se réveiller et à se développer : ce fut l’époque des Missions. Seulement, les Missions, fort utiles pour

« remuer « une paroisse, ne peuvent donner de résultats

durables que si leur action est ensuite poursuivie, accentuée même par des œuvres permanentes et vivantes. Or ces œuvres n’existaient pas alors, de sorte que les Missions purent convertir quelques âmes et produire un certain bien individuel ; mais, le plus souvent, elles n’eurent pas d’action générale

— et elles ne pouvaient pas en avoir.

Sous la Monarchie de Juillet comme sous la seconde République, les catholiques sentirent de plus en plus la nécessité des groupements d’apostolat, mais leurs eiTorts collectifs se portèrent surtout du côté des questions d’enseignement. C’est la période des luttes pour la liberté de l’école. Tandis que ces efforts attiraient sur eux l’attention publique, quebiues hommes travaillaient sans bruit, sans plan d’ensemble, en dehors des cadres ecclésiastiques ofliciels, à constituer les œuvres de jeunesse ou patronages qui devaient rivaliser plus tard avec les écoles congréganistes pour conquérir et conserver à l’Eglise les jeunes générations.

Dans ces fondations d’œuvres, faites le plus souvent à l’insu les unes des autres, nous pouvons distinguer deux origines différentes, deux influences simultanées : quelques-unes de ces œuvres sont dues à l’initiative de disciples de l’abbé Allemand ; les autres, les plus nombreuses, sont entreprises par les membres des naissantes conférences de Saint-Vincent de Paul qui, après la visite des pauvres, prirent particulièrement à cœur la création, l’organisation et l’entretien des patronages d’apprentis. Nous avons retracé ailleurs (Max Turmasn’, Au sortir de l’école, 5’édit., p. 1 2-203, Lecoflre, éditeur, 191 o) l’historique détaillé de ces fondations et de la naissance de la Congrégation des Frères de Saint-Vincent de Paul qui se voua à ces œuvres populaires ; nous nous bornerons à rappeler ici qu’issues d’un double mouvement, ces œuvres s’efforcèrent, durant le second Empire, d’établir entre elles une certaine union et, à cet effet, tinrent des congrès.

Grâce surtout à l’initiative de M. l’abbé Le Boucher, le très actif directeur de « NotrcDanie-des-Charaps » d’Angers, et sous le patronage de Mgr Angebault, un « congrès des directeurs d’œuvres de jeunesse » se tint à Angers, du 31 août au 3 septembre 1 858. Vingt-quatre membres représentant dix-sept œuvres avaient répondu à l’appel des organisateurs ; on se réunit encore l’année suivante à Paris, du 12 au15 septembre 1869 ; une trentaine d’œuvres étaient représentées par cinquante à soixante délégués, parmi lesquels MM. Decaui et Vallée, président et secrétaire du Conseil supérieur des patronages de Saint-Vincent de Paul, les abbés Hello, Timon-David (successeur à Marseille de l’abbé Allemand), Le Boucher, etc. Tandis que le congrès d’Angers, sous l’influence des disciples de l’abbé Allemand, s’était 1009

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surtout occupé de tout ce qui a trait à la piété et à la formation religieuse des patronnés, le congrès de Paris, suivant en cela les indications données par M. Maignen, prêta une particulière attention aux questions professionnelles (placement en apprentissage, choix d’un état, signature duconlratet législation de l’apprentissage). Ainsi donc ces deux assemblées se sont heureusement comi)létées : au contact de l’abbé Timon-David et des élèves de l’abbé Allemand, les œuvres parisiennes ont acquis une nouvelle ferveur chrétienne, et, en retour, celles-ci ont montré aux directeurs de province ce que l’on pouvait et devait faire, au point de vue du « métier », pour les jeunes apprentis. Malheureusement ces congrès, si féconds, furent brusquement interrompus : ils ne devaient être repris que onze ans plus lard, grâce à l’intervention de Mgr de Ségur, qui, dès le début, les avait patronnés, mais qui, plus tard, en élargit considérablement les cadres : ce furent les assemblées de l’Union des associations otn’rières catholiques.

Les dernières années du second Empire furent d’ailleurs marquées, pour les patronages, par un arrêt très net. La raison peut en être trouvée dans la vive hostilité que le gouvernement impérial manifesta alors à l’égard des conférences de Saint-Vincent de Paul ; il avait même prononcé la dissolution du conseil général de cette Société qui était le principal appui et l’agent le plus actif des œuvres de jeunesse.

Les patronages de garçons appelaient comme complément indispensable les patronages de jeunes lilles.

Les catholiques de France le comprirent, et, au milieu du siècle dernier, M. de Melun, qui avait eu l’idée des œuvres de jeunesse pour les élèves des Frères, conçut le projet de créer pareille institution pour les enfants des Sœurs. Il s’ouvrit de son dessein à M. l’abbé de la Bouillerie, alors vicaire général de Paris. Celui-ci, séduit par la proposition de son ami, accepta de convoquer une réunion de dames charitables dans le salon de sa mère, alin de permettre à M. de Melun d’exposer les grandes lignes de l’œuvre à créer, et, en même temps, de recruter des collaborateurs. La réunion eut lieu, le 3 février iS.^i, avec 1 un plein succès.

Mais il fallait exécuter les résolutions prises : ce fut la Sœur Rosalie, de grande et populaire mémoire, qui eut le mérite d’employer toutes ces bonnes volontés. Dans la délicate étude biographique que M. de Melun lui a consacrée, il a exposé en détail comment l’admirable Fille de la Charité comprenait la formation des enfants du peuple et comment elle sut réaliser l’idée des patronages de jeunes ouvrières, (vicomte DE Mblun, Vie de la Sœur Rosalie, Fille de la Charité, p. 69 et sq.).

La Sœur Rosalie ne se laissa arrêter par aucune difliculté : L’œuvre est bonne, dit-elle la première fois qu’on lui en parla ; Dieu la fera réussir, et nous commencerons dimanche prochain. » Pendant la semaine, son admirable activité prépara tout. Le dimanche suivant, dans le préau et dans la cour de la maison de la rue de l’Epée-de-Bois.une vingtaine de jeunes lilles du peuple étaient réunies. On leur distribua des livrets sur lesquels les patronnes devaient inscrire les notes de la conduite et du travail de la semaine. Des dames zélées prirent l’adresse de leurs parents et de leurs ateliers, leur promettant une prochaine visite et îles récompenses à la fin du trimestre. La séance se termina par des jeux, des rondes et le chant de cantiques auquel prirent part toutes les Sœurs de la maison.

Le premier patronage de jeunes filles venait donc de s’ourrir : l’idée lancée par des apùtrci de la charité

chrétienne et favorablement accueillie, quelques jours auparavant, dans les salons de M. de la Bouillerie, était devenue une réalité. L’œuvre devait se développer rapidement : dans les dernières années du second Empire, soit à Paris, soit dans la banlieue, les i>alronages étaient au nombre de soixante-quinze et réunissaient bien près de neuf mille jeunes lilles : on était loin des vingt débutantes de la rue de l’Epéede-Bois !


Le développement des (fitiTes de jeunesse durant le dernier quart du.V/.V « siècle. — Avec l’œuvre marseillaise de l’abbé Allemand, nous avons assisté à la naissance, au xix" siècle, des « œuvres de jeunesse », héritières des œuvres de l’Ancien Régime ; et, partant de ces modestes origines, rencontrant heureusement sur notre roule la jeune et active Société de Saint-Vincent de Paul, puis les patronages de jeunes lilles dus à l’initiative de M. de Melun et de la Sa^ur Rosalie, nous avons suivi, pas à pas, jusqu’à la fin du second Empire, le développement de cet apostolat de l’enfance et de la jeunesse ouvrières qui s’est fait généralement alors en dehors des cadres ofliciels de la hiérarchie catholique.

Durant le dernier quart du xix’siècle, ce développement a été très rapide, très puissant : il s’est produit, en outre, non seulement, comme jadis, avec l’approbation tacite des autorités ecclésiastiques, mais, de plus en plus, avec leur appui effectif et public.

Deux ou trois chiffres sullironl à montrer les progrès réalisés par les œuvres de patronage depuis les dernières années de Napoléon 111. Nous les emprunterons à deux documents quasi officiels : l’Annuaire des Œuvres de jeunesse, publié en 1866, ete Rapport sur l’enquête entreprise en igoo par la Commission centrale des patronages à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris’. Sans doute, beaucoup d’œuvres ont négligé de se faire inscrire, aussi bien en igoo qu’en 1866 ; mais, néanmoins, par leur différence très considérable, ces chiffres d’ensemble, si insulUsants soient-ils, peuvent donner une idée des résultats obtenus. Ces résultats sont remarquables : en 1866, V.innuaire mentionne 155 patronages ou œuvres de jeunesse tandis que l’enquête de 1900 accuse l’existence de 4. 1 68 patronages (pour les garçons, 2.351 ; pour les filles, 1.817).

Ainsi donc, dans le dernier quart du xix’siècle, les patronages ont i>rogressé, dans des proportions considérables, dans les campagnes comme dans les villes. Il ne sera pas sans intérêt de rechercher les principales causes de ce remarquable développement qui constitue un des traits caractéristiques de l’histoire de l’Eglise en France, à la lin du siècle dernier.

Au lendemain de la guerre de iS’po, et surtout après la sévère leçon de la Commune, les catholiques de France sentirent plus que jamais la nécessité de l’action. C’est alors que prennent naissance ou bien se développent de très nondjreuses œuvres sociales etreligieuses, comme lescerclescatholiques d’ouvriers ou la société Saint-François de Sales : le sang des otages fut vraiment une semence d’apôtres. Les congrès se multiplient, notamment ceux de l’Union des Associations ouvrières et les Assemblées des calho 1. L’Exposition de 1900 nous aura valu des renseignements d’ensemble sui- les œuvres de jeunesse en France, que l’on avait jusqu’alors vainement essayé de réunir. Un comité s’était constitué sous la présidence de Mgr Péclienard, avec l’approbation de S. Em. le cardinal Uicliard, en vue d’organiser la participation des œuvres catholiques à l’Exposition. Le comité ouvrit dans toute la France une enquête et. à cet effet, lança plus de 40.000 lettres-circulaire.

«. Les résultats de cette enquête ont été publiés.

(Cf. E. EDtE, L’Egliæ et les Œuires sociales, Paris, 1901.) lOil

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liques ; ils meltent en rapport les unes avec les autres les différentes associations ; les hommes de zèle se g-roupent peu à peu et constatent, parfois avec ctonnement, que leurs ellorts spontanés et non concertés ont abouti à des institutions analogues, quoique présentant des différences d’org-auisation.

Les œuvres de jeunesse prolitèrent de ce mouvement de restauration religieuse. Mais, tout en se développant, elles restèrent quelque temps encore ce qu’elles avaient été à l’oricfine : le fait d’individualités zélées, de plus en plus nombreuses, il est vrai, mais n’ayant pour la plupart dans l’Eglise aucune autorité officielle.

La laïcisation de l’enseignement primaire amena le clergé paroissial à s’occuper avec zèle des patronages ; aussi peut-on dire qu’avec les lois de 1882 commença pour les associations d’apostolat une période de croissante activité et de grand développement.

Toutefois, ce n’estpas du coté des patronages que les catholiques portèrent leurs premiers et plus énergiques efforts : aux écoles neutres de l’Etat, ils cherchèrent d’abord à opposer des établissements confessionnels et libres. Assurément, il se Ut alors de grandes et belles choses, qui resteront l’honneur des chrétiens français.

Mais la générosité et le dévouement eurent beau être admirables, il fallut bien se rendre à l’évidence : dans les établissements congréganistes, on ne pouvait vraimentespérer rassembler tous les écoliers baptisés de France. Il y avait des milliers et des milliers d’enfants qui, pour des raisons diverses, étaient obligés de fréquenter l’école neutre et officielle. L’Eglise ne pouvait abandonner toutes ces âmes juvéniles, irresponsables, aiirès tout, de l’enseignement qu’on leur donnait : pour effacer chez ces pauvres petits a laïques » ce que certains chrétiens regardaient presque comme une sorte de second péché originel, le patronage s’imposait comme une institution baptismale. Le clergé le comprit et l’épiscopat lit entendre d’opportuns avertissements. Bientôt, en effet, un évêque, Mgr de Chàlons, écrivit : u Quel est le but principal des pasteurs ? La iiersévérance des jeunes gens. Quel moyen efficace de l’atteindre ? C’est le patronage ; l’expérience a déclaré les autres chimériques, quelquefois déclamatoires, toujours impuissants. .. Le jditr ou, Il défaut d’aulre tucul, tout curé écrira sur la porte Je sou presbytère ce mot : Patronage de la jeunesse, ce jour-là sera ta date d’une ère nouvelle : nous aurons notre renaissance de la foi. » (Lettre de Mgr l’évéque de Chàlons |22 janvier 1880] à M. l’alihé Le Conte, viciiire général de Chàlons. Cf. Petit Manuel pour la fondation et la direction des patronages ruraux ; Cliàlons-sur-Marne, imprimerie Martin.)

Sans doute, messieurs les curés ne mirent pas tous l’écrileau en <pieslion. (iependant — - les chiffres que nous citons plus haut suffisent à le prouver — beaucoup d’entre eux, sans, pour cela, abandonner leurs écoles libres, adoptèrent et soutinrent de plus en plus l’œuvre du patronage qui permet, relativement à peu de frais, de réparer en partie le mal causé par la déchristianisation de l’école publique. On peut donc allirmer que la laïcisation de l’enseignement primaire, en laissant au clergé toute la charge de la formation chrétienne de la jeunesse populaire, dont une fraction seulement fréquentait les écoles confessionnelles, a rendu indispensable le développement rapide des patronages. Ce développement a pu heureusement se produire, parce qu’au moment opportun il s’est trouvé dans le clergé et parmi les laïques chrétiens un i)ersonnel nombreux, prépai-é et décidé à l’action.

Et d’abord le personnel ecclésiastique compétent et

actif augmenta, en nombre, chaque année : ce fut, en majeure partie, le résultat des conférences d’oeuvres instituées dans les grands séminaires, et dont la plus ancienne est cependant de création relativement récente, puisqu’elle a été fondée à la un de 1871, à Saint-Sulpice.

Le but de ces conférences d’œuvres fut double : voici comment il est résumé dans des « notes » publiées i)ar l’Union des Associations ouvrières (cf. Compte rendu du congrès du.UdHs, octobre iS’jg, p. 201, Aotes sur tes conférences étal/lies dans les grands séminaires pour l’étude des ceuvres ouvrières) : i" produire dans i’àme des séminaristes une conviction très profonde de la nécessité des œuvres ouvrières catholiques à notre époque ; 2" examiner en commun les moyens pratiques de fonder les œuvres ou de les maintenir si elles existent déjà. La première de ces conférences d’œuvres a été établie durant les derniers mois de l’année 1871’. Cet exemple donné par le grand séminaire de Saint-Sulpice a été suivi : en 1873, il existait six conférences, en 18-6, on en pou. vait compter quinze ; en 1881, on atteignait la quarantaine, et dix à douze ans plus tard, il n’y avait peut-être pas, en France, un grand séminaire où n existât, sous une forme ou sous une autre, un groupement d’études sociales. Et ceci explique, en partie, le développement des patronages, surtout pendant les dix dernières années du xix’siècle, car le patronage est assurément l’œuvre dont se sont le plus occupés les membres des conférences d’œuvres.

Les séminaristes et les prêtres ne furent pas seuls à se donner, avec plus d’activité et en plus grand nombre, aux œuvres de jeunesse ; ils trouvèrent dans les laïques des auxiliaires dévoués, et entre ces deux éléments ne larda pas à s’établir une heureuse émulation.

A l’imitation de ce qui se faisait dans les grands séminaires, on organisa, dans beaucoup de collèges catholiques, des conférences d’œuvres dans lesquelles les jeunes gens furent initiés aux principales formes de l’apostolat moderne (sur ces conférences d’œuvres dans les collèges, on peut consulter les Comptes rendus des Congrès de l’Association catlinlique de la jeunesse française, en particulier de r.A.ssemblée tenue à Lyon en 1891). Puis, au sortir du collège, les

« jeunes trouvèrent dans les cercles d’étudiants, les

associations et les groupements di ers de jeunesse catholique, un nouveau stimulant pour la vie généreuse. Parmi les œuvres très nombreuses qui sollicitaient le zèle des jeunes catholiques, les patronages occupèrent certainement le premier rang. « Pourquoi ce mouvement, cette sorte (le prédilection dans les réunions de jeunes gens ? » se demandait jadis un des plus ardents meneurs de cette action (cf. Itote des jeunes gens dans les œuvres de jeunesse, principatemeut dans les patronages, rapport présenté par la Commission des patronages à rvssen)biée des catholiques de Paris, le 1 mai 1891). Et il répondait : o Parce que le jeune honune de dix-h<iit ans a besoin de dépenser son activité et qu’il trouve dans ces œuvres à lui donner une large carrière… Parce qu’il se sent bien vite aimé [lar les enfants et les jeunes gens du patronage. »

De la rencontre dominicale d’un certain nombre d’étudiants parisiens dans les mêmes œuvres, devait sortir, tôt ou lard, un groupement nouveau, une association des jeunes « confrères » : cette association, ce fut la Commission des patronages. EUe ]nnl nvissance, durant l’été de 1889, dans la chambre d’un carabin parisien. Le petit groupe eut vite fait de recruter au quartier latin une douzaine d’adhérents ; il s’affilia dès lors à l’Association catholique de la jeunesse française, qui mit à sa disposition trois ou quatre 1013

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pages de son orpane ofliciel. Quelques mois plus tard, la Commission se sentit assez forte pour vouloir être complètement uutononic, elle eut un local particulier et un Bulletin spécial.

Les i( jeunes » ne se contentèrent pas d’avoir leur commission qui, d’ailleurs, travailla en excellents termes avec le Conseil des patronages de la Société de Saint-Vincent de Paul ; ils voulurent avoir, eux aussi, leurs couturés. Et, au commencement du mois d’août icSy5, se réunissait à Uordeaux la première de ces assemblées où l’on passa en revue les principales o’uvres de jeunesse. Un second congres eut lieu à Paris, en mars 181j6, et un troisième se tenait, l’année suivante, à Marseille. Entin, le 3 juin de cette même année, à l’Institut catholique de Paris, la Commission des patronages organisait, avec un plein succès, ce qu’elle nomma la Journée des patronages qui, depuis lors, eut de nombreux lendemains.

Par ces quelques laits, on peut juger du zèle intelligent, cl <le plus en plus ardent, que les catlioliques français, prêtres et laïques, apportèrent à la fondation et au développement des œuvres de jeunesse dont l’enquête de igoo mit en évidence les énormes jirogrès, surtout dans les vingt dernières années du xi-x’siècle.

L’état actuel. — Si, après une absence de quelques années, un observateur revenait actuellement en France et s’il examinait de près la ie catliolique en notre pays, il serait frappé, croyons-nous, du développement qu’ont pris chez nous les œuvres populaires d’éducation religieuse et sociale. Elles ne sont plus concentrées en quelques ^ illcs ou sur quelques points spéciaux. De plus, elles sont de formes très diverses et naturellement n’ont point toutes reçu la même extension.

U semble bien que les périls et les difTicuItés de l’heure présente ont rendu plus éclatante, aux yeux des catholiques français, la nécessité des institutions de formation morale et intellectuelle. Il n’est pas, depuis quelque temps, un Congrès diocésain qui n’ait attiré l’attention du clergé et des lidèles sur les services que l’on est en droit d’attendre des œuvres complémentaires de l’école. En plusieurs diocèses, notamment à Paris, on consacre des réunions à l’étude exclusive de ces questions. L’impulsion vient aujourd’hui de l’autorité épiscopale et un prêtre est, d’ordinaire, olliciellement chargé de coordonner le mouvement post-scolaire. Sans doute, on peut encore déplorer, en certaines régions, de trop nombreuses lacunes ; mais, un peu partout, dans les paroisses rurales, comme dans les villes, on assiste à l’éclosion, et, généralement, au progrès des groupements de jeunesse.

Malheureusement les statistiques d’ensemble font défaut ; depuis l’Exposition de igoo, on n’a rien fait dans cet ordre d’idées ; nous en sommes Jonc réduit aux constatations de détail et aux affirmations, un peu vagues, car elles ne reposent point sur des données nujuériques générales.

Toutefois, il nous est possible de citer des faits précis pour l’un ou l’autre diocèse : ils appuieront nos dires sur le progrès en France des œuvres scolaires et sociales. Ainsi, i oici des chiffres pour le diocèse de Belleyqui établissent la situation en igoS (c’est alors que le Bureau diocésain des œuvres sociales commence à fonctionner) et en ig12 :

Au point de vue des n-uyres religieuses : Catéchistes volontaires : en igoS, 500 ; en igia, 760

Enfants catéchises :

2.000 ;

/5 déjeunes Retraites fermées : en iqo5, néant ; en 1012 p"^’' } « 

f’' J Clames, a tie’j'^uiieslilles

Comités paroissiaux : — néant ; — une qua [rantaine.

Au point de vue des œuvres d’enseignement :

Depuis igoô, 2Ô écoles libres nouvelles constituées, augmentation sensible chaque année dans le nombre des élèves ; actuellement, 125 écoles libres ; constitution d’une n Amicale d’institutrices libres » avec cours mensuels de pédagogie ; constitution dans chacun des 36 cantons d’une « Association de pères de famille » pour assurer le respect de la neutralité à l’école laïque.

Au point de vue des a’utres et groupements de jeunesse :

Patronages de petits garçons : en igo5, 15 ; en ig12, 50.

Cercles de jeunes gens : en igo5, 40 ; en 1912, 140 dont G5 sont des cercles d’études. Beaucoup de cercles d’études sont fédérés par cantons avec réunions interparoissiales ou cantonales.

Sociétés de gymnastique : en igo5, néant ; en 1912, 14.

Patronages de petites filles : en igo5, 35 ; en ig12, 1 10.

Cercles d’études de jeunes filles : en)go5, néant ; en ig12, une douzaine.

Cours ménagers postseolaires : en igo5, néant ; en ig12, une quinzaine.

Groupements de jeunes Jilles : il n’existait en igo3 que des chœurs ; en 1912, dans une cinquantaine de paroisses, les jeunes filles se réunissent régulièrement dans des cercles récréatifs.

Depuis 1905, on a constitué une Fédération diocésaine des œuvres de jeunes gens et une Fédération des œuvres déjeunes tilles.

Entre igo6 et ig13, les progrès ont donc été très grands, d’autant plus grands qu’il ne s’agit pas d œuvres existant seulement sur le papier. Mais le diocèse (le lîelley, si ardent qu’il soil pour le développement des grou[)ements de jeunesse, n’est pas une exception : nous l’avons cité parce que nous possédions à son endroit des statistiques comparatives, sûres et précises ; toutefois nous croyons être en droit d’avancer que beaucoup d’autres diocèses pourraient lui être comparés. Un peu partout, en France, en ces dernières années, les œuvres de jeunesse ont crû en nombre et en intensité de vie. De plus, elles présentent une extrême variété de formes : patronages, cercles d’études, mutualités scolaires, colonies de vacances, sociétés de gjmnaslique, cours du soir, etc. se créent et grandissent, s’adaptant aux nécessités et aux possibilités du milieu. Enfin, la plupart de ces œuvres s’elforcent d’avoir un caractère vraiment éducateur et de mettre la jeunesse qui les fréquente en mesure de remplir dans la vie leurs devoirs religieux, professionnels et sociaux : c’est notamment le but, très souvent atteint par eux, des cercles d’études qui se multiplient et dont l’action publique s’est déjà fait sentir en plus d’une localité.

Au cours de son enquête sur les jeunes gens d’aujnurd’hui, Agathon constatait, dans VOfiinion, que la jeunesse intellectuelle inclinait, en partie, vers le catholicisme. Les congrès des cercles d’études, tenus depuis quelques années â Paris et en province, le développement des œuvres de jeunesse, les « journées » et les ( semaines sociales », le progrés des associations catholiques et bien d’autres faits encore montrent que la jeunesse populaire, ouvrière et 1015

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paysanne, se laisse, peu à peu, gagner par les mêmes sympathies.

BiBLioGRAi’HiE SOMMAIRE (cf. dans Au sortir de l’école, une bibliograjjliie détaillée). — - Abbé Bozon, Les patrunages paroissiaux (Lyon) ; chanoine Le Conte. Petit manuel pour ta fondation et la direction des patronages ruraux (Chàlons-sur-Marne) ; chanoine Mury, Métliode pratique des œuvres de jeunesse (Paris) ; chanoine Beaupin, L’éducation sociale et les cercles d’études (Paris) ; Max Turnianii, .4u sortir de l’école, les patronages (Paris) ; id., L’éducation populaire : les œures complémentaires de l’école (Paris) ; L. Delpérier, Les colonies de vacances (Paris).

Max TURMANN.

VII. — LES UNIVERSITÉS CATHOLIQUES

I. PRINCIPliS GÉNÉRAUX

La question des universités catholiques est née au xix" siècle. Elle s’est posée, en principe, le jour où les universités d’Etat ont cessé d’être confessionnelles, en fait, à partir du moment où, non contentes de se séculariser, elles n’ont plus tenu un compte suffisant de la religion établie et de la doctrine révélée. Pendant longtemps, le spiritualisme elirétien qui continuait à régner dans les universités d’Etat et la prudence des gouvernements qui ne toléraient pas de trop grands écarts de la part des maîtres avaient fait subsister un certain niodus vivendi dont la masse des catholiques s’accommodait tant bien que mal. L’idéal tle l’Eglise, en effet, c’est l’université d’Etat conformant son enseignement au dogme catholi<[ue, partout où le dogme peut se trouver en cause. A la rigueur, elle se contente du respect ; le jour où leur conscience de croyants est décidément atteinte, les lidéles, malgré l’incontestable inconvénient de faire bande à part, réclament des universités à eux. Et la question se pose dans chaque pays d’autant plus tôt, et avec une acuité d’autant ])lus vive, que ce pays marche jjlus vite dans la voie de la laïcisation, au sens où on entend ce mot aujourd’hui.

Quelques pays, r.llemagne et l’Autriche, par exemple, ont essayé de donner satisfaction aux catlioliques en constituant dans certaines universités des facultés de théologie catholique, autrement fortes par le nombre des chaires et le caractère scientilique de l’enseignement, que ne le furent les nôtres de 1808 à 188/|. Mais qui ne voit que cet expédient est tout à fait insuffisant ? A part quelques cours de vulgarisation qui peuvent intéresser le grand public, les facultés de théologie ne s’artressentqu’aux clercs ; en tout cas, leurs programmes ne comportent que les sciences dites sacrées. La philosophie, l’histoire, les sciences naturelles, les sciences morales, [)olitiques, économiques, juridiques, réparties entre d’autres facultés sont, et à tout le moins peuvent toujours être enseignées dans un esprit tout à fait antichrétien. D’ailleurs, bien qu’en un certain sens il soit vrai que les diverses sciences aient été se spécialisant, il ne l’est pas moins que toutes se soutiennent, s’appellent, se compénétrent. Le christianisme suppose un certain système du monde, une certaine philosophie, une certaine histoire. Si ce système du monde, cette philosophie, cette histoire, sont démontrés fau.K, le christianisme s’écroule. La faculté de théologie catholique, accolée à des facultés rationalistes et antichrétiennes, apparaît dans un isolement ridicule et dangereux : son œuvre est constamment battue en brèche par celle des autres facultés, où l’on

travaille à ruiner les principes mêmes sur lesquels repose son enseignement à elle.

Voilà pourquoi l’unique solution qui puisse donner satisfaction aux catholiques, en dehors de l’université d’Etat totalement confessionnelle, c’est l’université catholique libre et intégrale.

Et ceci nous explique enfin comment, si l’on met à part l’Irlande et la Suisse où subsiste, à côté du principe delà liberté, une répartition territoriale des confessions religieuses, ceci, dis-je, nous explique comment, dans tous les grands Etats modernes, la question des universités catholiques se trouve liée en fait à celle de la liberté de l’enseignement supérieur. Tel est notamment le cas de la France.

11. Les DNiVBnsiTKs catholiques en Europe (moins la France)

a) Louvain. — De toutes ces universités intégralement catholiques, — les seules dont nous voulions nous occuper dans ce travail, — la plus ancienne est celle de Louvain, née, en 1834, de la réaction des catholiques belges contre les tentatives de protestantisation qu’ils avaient eu à subir du régime hollandais. Elle n’est pas seulement la plus ancienne. Elle est le modèle des autres, parce qu’elle est la plus complète et que, grâce aux conditions de son développement, il lui a été donné de remplir, avec plus de perfection, sa triple mission : scientilique, sociale et religieuse.

Moins de quatre ans après la proclamation de l’indépendance de la Belgique, en février 1834, à l’instigation de Mgr van de Velde, évêque de Gand, et de Mgr Sterckx, archevêque de Malines, les évêques belges décidaient d’organiser, outre les cours de théologie, d’autres facultés, voire une uniiersitas studiorum, et, avant même d’en lixer le siège dans la vieille cité brabançonne, ils rappelaient, par une émouvante proclamation au peuple belge, « la gloire dont jouit pendant quatre siècles la célèbre université de Louvain, où la science unie à la foi formait des hommes instruits et de bons chrétiens ».

L’œuvre naissante fut conûée à Mgr de Ram qui, avec une remarquable sûreté de coup d’œil et le sens précis d’un administrateur avisé, la constitua dans tous ses organes essentiels, à commencer par les cimi facultés traditionnelles, de telle sorte qu’il n’y eut plus par la suite qu’à la développer, en tenant compte des progrès de la science, des besoins du pays et des exigences particulières de chaque épo(luc. A Louvain, on compr.t, presque dès l’origine, qu’une université moderne ne comporte pas seulement l’enseignement de « disciplines » purement spéculatives, mais qu’elle est un organe vivant, un cerveau, si l’on veut, destine à donner le branle à la vie intellectuelle sous toutes ses formes. Or, c’est en grande partie au service de la vie économique que se dépense, dans nos sociétés contemporaines, la vie intellectuelle. De cette vérité, nul ne se montra plus convaincu que le successeur immédiat de Mgr de Ram, Mgr Laforêt. Il attacha son nom à la création de plusieurs Ecoles spéciales qu’il put doter de laboratoires et de collections grâce au concours généreux de la grande industrie. Aujourd’hui, l’association des ingénieurs sortis de Louvain compte jikis d’un millier de membres. A deux professeurs de l’école des mines, Guillaume Lambert et André Dumont, revient l’honneur de la découverte du bassin houiller du Limbourg : « Nous vous savons gré, disait, en un langage imagé, l’ingénieur Hubert à André Dumont, d’avoir serti ce brillant noir dans la couronne de perles qui orne le front de notre Aima mater. »

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Le troisième reclcur, Mgr Namèche, étendit l’œuvre de son prédécesseur aux industries rurales, par la création, en 1878, d’une Ecole supérieure d’agriculture à laquelle ont appartenu les Proost et les Carluyvels, dont l’action sur le relèvement de l’agriculture belge n’est et ne saurait être contestée par personne. C’est aussi Mgr Namèche qui eut le mérite d’appeler à Louvain Jean-Baptiste Carnoy, le créateur de l’enseignement de la biologie cellulaire en Belgique, le fondateur de l’institut qui porte aujourd’hui son nom et qui devait transformer si profondément l’enseignement des facultés des sciences et de médecine.

Les années qui suivent 1880 ont été, dans tout le monde catholique, des années d’un admirable et fécond renouveau intellectuel ; grâce aux efforts antérieurs, grâce aux réilcxions qu’avaient suggérées les terribles événements de 1870-1871 et àla conviction, qu’ils avaient en partie fait naître, d’un duel inévitable entre la libre pensée et la pensée catholique, grâce aussi à l’impulsion donnée par Léon XllI, les études prennent partout leur essor ; de nouvelles universités se sont fondées ; des revues ont été créées ; des livres paraissen t qui s’imposent à l’attention. Clercs et laïques s’abandonnent au mouvement avec vine large et noble conliance que n’arrêtent point encore les excès et les erreurs qui rendront bientôt une réaction inévitable et nécessaire. Ainsi en fut-il au temps de la Renaissance, après une période d’excessif engoûment ; puis l’équilibre s’établit. A ces causes générales s’ajoutèrent, pour Louvain en 1884, la célébration du cinquantenaire de l’Université et la décisive victoire du parti catholique. L’élan fut magnilique : le recteur, Mgr Pierærls, le constatait avec bonheur dans son discours de 1886. Outre de nombreux laboratoires de microscopie et de biologie cellulaire, d’embryologie humaine et comparée, d’électricité appliquée, de zoologie, de paléontologie, d’anatomie comparée, de physiologie, de bactériologie, de chimie pliysioîogique, il pouvait énumércr, parmi les cours récemment et spontanément établis à Louvain, ceux de droit notarial, de droit civil ecclésiastique, de droit social, de clinique propédeutique, de déontologie médicale, de philosophie selon saint Thomas, d’histoire contemporaine, de philologie, de grec moderne, de langues germaniques anciennes, de grammaire comparée des langues latines, grecque et française, de langues éraniennes, s’ajoutant aux cours depuis longtemps existants de sanscrit, d’hébreu, de syriaque et d’arabe. Il signalait, en outre, la multiplication et la prospérité croissante des sociétés littéraires et des cercles d’études.

La tâche des recteurs, toujours difficile par quelque endroit, était alors relativement souriante. Ils n’avaient qu’à laisser le vent entier les voiles, sauf à donner de temps en temps un vigoureux coup de barre, et à encourager l’équipage. C’est ce que firent les deux contemporainsde Mgrd’Hulst.Mgr Pierærls et Mgr Abbeloos, grâce auxquels, de 1881 à 1898, Louvain participa pleinement au mouvement scienlilique contemporain. Qu’est-ce qui caractérise ce mouvement ? Deux traits principaux : la spécialisation toujours phis grande des études, l’application de la méthode d’observation ou de la méthode critique dans tous les domaines du savoir humain. Tel fut le sens des modifications profondes introduites par Mgr Pierærls, Mgr Abbeloos, et après eux par Mgr Hebbelynck, dans les programmes et l’organisation de leur université. Le rectorat du premier fut brillant, mais dura peu. Pendant onze années, de 1887 à 1898, Mgr Abbeloos, avec un esprit d’initiative et de persévérance qui force l’admiration, ne pensa qu’à favoriser la libre expansion du travail

personnel et à lui fournir tous les instruments nécessaires :

« Toute science est un organisme vivant, 

disait-il dans le discours inaugural de 1888, il faut entrer en communication avec lui dans un travail de chaque jour. Assiduité aux laboratoires établis pour les divers domaines des sciences de la nature, lecture directe des grands philosophes, des écrivains classiques, des apologistes, des Pères et des Docteurs, par delà les manuels, nécessaires, mais insuffisants d’eux-mêmes ; exploration des docviments originaux ; discussion des textes ; débats publics au sein des nombreuses sociétés qui lleurissent à l’Université ; connaissance des travaux récents ; pratique de la méthode sévère de la criticjue ; et, en tout cela, comme le demande l’illustre pontife Léon XIU dans son encyclique sur les études historiques, en tout cela, nul parti pris, rien que la loyale enquête de la vérité ; voilà les traits principaux de l’esprit scientifique que vous devez vouselforcer d’acquérir et qu’engendre seul le travail bien conduit. »

Des cours se dédoul)lent, se complètent et donnent parfois naissance à des écoles délivrant des diplômes spéciaux ; de simples laboratoires deviennent des instituts. Ces écoles et ces instituts ont leur bibliothèque, leur revue, leurs cours pratiques ou séminaires, leurs publications collectives. L’élève y entre en contact intime avec le maître qui stimule son initiative en le familiarisant avec les travaux de recherche et l’étude féconde des sources. Dans les bibliothèques, laboratoires, cabinets de physique, etc., les instruments de travail furent centuplés sous ce fécond rectorat, nous dit Mgr Cartuyvels. « Et cependant, écrit le professeur Cauchie, Abbeloos n’avait qu’une faible santé ; mais, s’il était de constitution frêle, son énergie morale l’a constamment soutenu parmi des lal)eurs aussi assidus qu’incessants ; d’apparence délicate, petit, quelque peu voûté, il révélait la virilité de son àme par les traits caractéristiques de sa mince figure et par la flamme vivace de son regard. Au reste, esprit ouvert et primesautier, il avait une remarquable puissance d’assimilation, et son zèle était soutenu par la générosité de son caractère, et par la foi profonde de son cœur sacerdotal, j

La tendance à la spécialisation plus complète des études reçut, en 1890, sa consécration légale par l’adoption du projet de l’illustre jurisconsulte louvaniste, M. Thonissen, alors ministre de l’intérieur et de l’instruction publique, sur la collation des grades académiques et le programme des examens universitaires. Le rapjiorteur du projet fut encore un louvaniste, M. Charles Delcour, ministre d’Etat. Le projet avait pour but de scinder les anciens doctorats en doctorats spéciaux et de favoriser la créalion des instituts, qui s’opjiosaient de plus en plus aux vieilles facultés. Par l’institution des doctorats de philologie, d’histoire, de philosophie, la faculté des lettres et de philosophie entra définitivement dans le mouvement où l’avaient précédée les autres facultés.

Il n’est pas nécessaire d’énumérer ici tous les instituts et toutes les écoles spéciales qui constituent aujourd’hui l’université de Louvain, si progressiste, si moderne dans sa constitution, — il y en a plus de trente, — niais jedois eneiteraumoins quelques-uns.

De tous, le plus connu est l’institut supérieur de philosophie qui est l’œuvre personnelle de Léon XIII et qui porte à présent son nom. Peu de mois après l’encyclique Aeterni patris, de 187g, le grand pape invitait les évêques belges à créer une chaire spécialement destinée à enseigner la philosophie de saint Thomas. Cette chaire fut, en 188-2, confiée à M. Mercier ; dès 1888, au lieu d’une chaire, il y avait un 10 L9

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institut et M. Mercier en devenait le président. L’assemblée générale des catholiques, réunie à Malines en 1891, enlendil avec le plus vif intérêt le beau rapport où le jeune maître dit ce qu’il se proposait : rajeunir au contact des sciences nouvelles, étudiées d’après leur propre méthode, la philosophie comme la synthèse des sciences. La Betue néu-scolastique, organe de l’institut, en indiquait l’esprit par son titre même. Le programme était susceptible de recevoir des développements indélinis : l’organisation récente du cours d’histoire des théories sociales, puis du cours et du laboratoire de psychologie expérimentale, prouve qu’on ne s’est jamais arrêté sur le chemin du progrès. Des étudiants viennent de toutes les parties du monde suivre les cours de l’Institut Léon Xlll et les docteurs qu’il a formés occupent aujourd’hui d’importantes chaires dans plusieurs pays.

Il convient de mettre à une place d’honneur, en face de l’institut philosophii^ie, le séminaire historique, dont l’origine remonte à Jean Moeller, organisé par Jungmann, à présent dirigé avec autant de compétence que d’esprit de suite par le chanoine Gauchie ; il s’est subdivisé en deux sections, celle des conférences historiques et celle des études critiques sur les sources ; il a pour organe la lievue d’hisloire ecclésiastique qui, en douze années d’existence, a mérité l’estime universelle.

Parmi les corps nouveaux sortis de la vieille faculté de droit, celui qui a le mieux manifesté l’initiative féconde des maîtres et des élèves, c’est l’Ecole des sciences politiques, sociales et diplomatiques, (ondée par Mgr Abbeloos. Les étudiants se réunissent en conférences et ont à leur disposition une bibliothèque qui leur sert de laboratoire. Sous la direction de leurs professeui’S, ils ont publié une quarantaine de monographies originales se rapportant à d’intéressants problèmes économiques ou politiques de la Belgique et de l’étranger.

Comment oublier l’Ecole des litn< ; ues orientales qu’ont illustrée des maîtres tels que Berlen, Félix Nève, Lamy, de Ilarlez, Forget, Colinet, van Hoonacker, Abbeloos, Hebbelynck, Ladeuze, etc. ? Sa revue, le Museun, qui a subi diverses modilicalions, contient une somme considérable de bons travaux. La Société philologique, dont la réputation s’établit grâce à Pierre’^Villems, l’historien du Sénat de la République romaine, continue son œuvre avec Ed. Rem y.

Nous en avons dit assez pour faire comprendre dans quel sens s’exerce l’évolution intérieure de l’université de Louvain et comment elle concorde avec toutes les exigences du progrès scientitique. Après les fêtes magoiûques du ; ")’anniversaire de la restauration de l’Université, célébrées en 1909, le recteur Mgr Hebbelynck, donna sa démission et fut remplacé par Mgr Ladeuze qui a imprimé un nouvel élan à l’université.

Le nombre des élèves était de 86, en 1834 ; de jSi, vingt-cinq ans plus lard ; de 1.638, en 18814, de 2.300 en 1909 ; dans l’année scolaire 1911-1912 (annuaire de igiS), il a atteint le chilTrc de 2. ; 35. dont 290 étrangers, et ainsi répartis : Ecoles spéciales, 635 ; Sciences, 314 ; Philosophie et Lettres, ! , r2 ; Médecine, 099 ; Droit, G75 ; Théologie, 90. A la rentrée scolaire de 1912-1913, on a compté 2. CGi inscriptions, contre 2.442 à la rentrée de 1911-1912 ; de sorte qu’aujourd’hui le chiffre des étudiants de Louvain est de près de 3.000. Il a fallu créer un second vicerecteur : l’un a la discipline et l’autre l’administration ; le recteur donne la direction générale et se réserve les relations avec les professeurs et le dehors. De 13 professeurs en 1834, on s’est successivement

élevé à 133 (plus 21 professeurs honoraires ou émérites), ainsi répartis : Théologie, 19 ; Droit, 14 ; Médecine, 20 ; Philosophie et Lettres, 27 ; Sciences, Ifb ; Ecole des sciences commerciales et consulaires, 4 ; section d’études coloniales, 4. Outre les cours légaux ou académiques, l’université comiite 24 cercles d’études de langue franyaise ou de langue flamande. Elle publie une trentaine de revues ou de recueils. La bibliographie des œuvres dues aux professeurs de Louvain formait en 1909 cinq volumes ; au dernier a été annexée la liste des travaux élaborés par les jeunes gens dans les instituts spéciaux et les cercles d’études. C’est le témoignage vivant de cette collaboration assidue des professeurs et des élèves qui fait encore presque complètement défaut à nos universités françaises.

La Belgique doit à l’université de Louvain un très grand nombre d’hommes d’Etat, de législateurs, d’administrateurs, de médecins chrétiens, de iJrèlres instruits qui exercent une action prédominante sur la vie morale et religieuse de leurs concitoj’ens. Les anciens Louvanistes ontfondé dans tout le pays plus de mille associations qui donnent au pai-ti catholique des cadres excellents.

Comme l’a dit le cardinal Mercier, « l’université de Louvain est l’œuvre collective du dévouement catholique belge ; c’est le produit gT ; aidiose de tant de milliers de dons et de sulisides, de tan t de quêtes paroissiales où les petits sous de nickel des lidèles pauvres se mêlent aux pièces d’argent ou d’or des fidèles plus riches ». Telle grande famille n’a pas hésité à fonder à elle seule une école ou un institut. Les évêques, de leur coté, ne reculent pas devant les sacrifices nécessaires, et ils ont assuré avec sagesse et générosité l’organisation linancière de l’université. Ils règlent chaque année en commun le budget des recettes et des dépenses et ils s’engagent à payer intégralement toutes les dépenses qu’ils ont votées. S’il y a un délleit, ils le couvrent ; les autorités académiques n’ont jamais à y pourvoir et ne doivent s’occuper que de la diieclion intellectuelle et morale. Quant aux évêques, ils trouvent leurs ressources : i" dans les collectes qui, depuis 1834, se font deux fois par an dans toutes les églises et chapelles de leurs six diocèses ; 2° dans les quêtes à domicile faites à cette lin par tous les cui-és, une fois chaque année ; 3" dans les dons particuliers qu’ils obtiennent de personnes riches ; 4" dans les prélèvements qu’ils font sur leurs ressources générales pour- équilibrer le budget en cas d’insuffisance des trois produits précités.

Le budget annuel est d’environ 1.200.000 francs, sans compter les budgets spéciaux de divers instituts.

Pour tout résumer en deux mots, l’œuvre est comprise et populaire ; tous ceux qui doivent la soutenir la soutiennent.

Est-ce à dire qu’elle n’ait jamais connu d’heures difliciles’? « Il semble, parfois, à vous surtout, chers étudiants, s’écriait naguèi’e le cardinal Mercier, aisément il semble que ce (]ui est ne pourrait pas ne pas être, et poui-uu peu vous croiriez que cette institution qui vous abrite, que vous avez toujoiurs connue florissante, fonctionne d’elle-même, comme la terre tourne sur son axe, comme se succèdent les saisons, amenant, après les semailles dont vous avez perdu le souvenir, l’efflorescence du printemps et les fruits de l’automne. Qui dira, cependant, ce que représentent d’efforts, devant Dieu et devant l’observateur réfléchi, trois quarts de siècle de vie universitaire’? »

A Louvain, comme partout, les débuts ont été pauvres et incertains ; il y a eu des tâtonnements, des timidités ou des hardiesses excessives ; il a été très dillicile d’établir une certaine homogénéité dans 1021

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le corps ensfijfnanl, de raniiiteiiir l’accord entre des hommes parfois très dillërents de tempéraments et de tendances inlellcctuelles ; il y a même eu des crises doctrinales. De tout cela on est sorti — je cite encore le cardinal Mercier — « grâce à la volonté opiniâtre et à l’abnégation persévérante de trois générations d’évéïiues, de prêtres et de laïques, par ailleurs accablés de tant de nécessités et de labeurs ». Cette énergie et cette abnégation sont encore aujourd’hui nécessaires pour maintenir l’université de Louvaiu au niveau où elle s’est élevée. Il importe notamment que s’apaisent les déplorables rivalités entre Wallons et Flamands qui se sont réveillées depuis 1886. Si les Flamingants réussissaient à l’aire transformer en une université purement flamande l’université d’Etat de Gand, ce serait la lin de l’éclatante prospérité de Louvain et de l’action commune des catholiques belges. Ceux-ci ont donné trop de preuves de leur sens politique, pour qu’on ne soit pas en droit d’espérer qu’ils éviteront, dans l’avenir comme dans le passé, les divisions qui ailleurs ont paralj’sé l’essor des universités catholiques.

b) Fribourg. — Après Louvain, si nous laissons de côté les universités catholiques françaises, dont nous traiterons à part, la principale université catholique qui soit en Europe est celle de Fribourg, en Suisse, fondée, il y a vingt-quatre ans, en 1889. Elle est l’œuvre avant tout d’un homme dont tous les catholiques doivent prononcer le nom avec reconnaissance et respect, le conseiller d’Etat Python, directeur de l’instruction publique du canton de Fribourg. C’est lui qui, d’accord avec son ami, le socio logue Decurtins, a voulu et réalisé l’Université de Fribourg.

Ce n’était certes pas un petit problème que de la constituer et de la faire vivre dans ce canton tout agricole de 200.000 habitants, entre les trois universités voisines de Berne, de Lausanne et de Genève. Il était de toute évidence que la Suisse catholique ne sulllrait pas à l’alimenter de maîtres et d’étudiants ; aussi, du premier coup, M. Python la conçut internationale, et cela môme plaisait à son esprit catholique. Puis il comprit que Fribourg étant à la limite même des deux langues et des deux cultures française et allemande, l’université pouvait être en quelque sorte h" lieu de rencontre des deux civilisations latine et germanique. Il la constitua donc sur le tjpe des universités allemandes, mais il lit très forte la part de l’élément français dans le corps enseignant. Dès lors l’université de Fribourg ét, iit fondée ; elle pouvait vivre, elle i)ossédait ce qui l’ait son originalité, ses mérites et aussi sesdidicultés, puisque toute organisation a ses inconvénients.

Son originalité et ses mérites. Professeurs et étudiants se recrutent dans tous les pays du monde ; il y a des Allemands, des Anglais, des Suisses, des Français, des Italiens, des Espagnols, des Polonais, des Slaves de diverses nations.

Cet extrême mélangea incontestablement pour les étudiants de très précieux avantages ; ils se trouvent comme en >in carrefour de civilisations, de races, de langues, d’idées et ont ainsi toutes sortes de termes de comparaisons. Cela est bon aussi pour les professeurs, en dehors même de l’émulation qu’une telle concurrence excite naturellement entre eux.

Dillicullés d’autre part et inconvénients, en raison des rivalités, des luttes d’influences qui se manifestent, parfois très vivement, dans le corps professoral ; .allemands et Français se disputent la prépondérance au sein de chaque faculté : on a vii, il y a quelques années, treize professeurs allemands dépités donner d’un seul coup leur démission et les uni versités allemandes de l’Empire prendre à l’égard de Fribourg de mesquiues représailles ; il a fallu toute l’auturilé, tout le tact du directeur de l’instruction publi(]ue pour maintenir ordinairement l’accord et l’équilibi-e des diverses forces en présence. Le défaut du système se manifeste aussi dans le choix même des professeurs. Les groujies se faisant des concessions réciproques veulent proliter jusqu’au bout des concessions en nommant professeurs des Allemands d’Allemagne, ou des Français de F’rance. Il en résulte que la Suisse catholique, en particulier la Suisse romande, est trop særiliée, et que l’université de Fribourg, très bien posée au point de vue international, risque de ne pas devenir ce qu’est Louvain pom- la Belgique, c’est-ii-dire le grand centre intellectuel qui formerait à la vie religieuse, scientifique, politique et sociale, les catholiques suisses. Et certes, en face des centres prolestants ou rationalistes de Berne, de Lausanne et de Genève, ce serait une œuvre capitale. Il est fort à souhaiter que l’on arrive à concilier les deux ternies du problème, le caractère international et le caractère national de l’université. Organisée à l’allemande et par conséquent très indépendante dans le recrutement de ses maîtres, elle n’est pas facile à manier.

Au point de vue français, le ministère de l’instruction publique a compris l’intérêt qu’il y a pour notre pajs à exercer son influence sur ce point extrême de la culture française. Les maîtres qui enseignent à F’ribourgy sont régulièrement autorisés et les années qu’ils y passent leur sont comptées comme s’ils professaient en France. L’un d’eux est arrivé à la Sorbonne, un autre au Collège de France, etc.

On a fait un grief au gouvernement fribom-geois d’avoir coidié jucsque toutes les chaires de la faculté de théologie, ainsi que l’enseignement de la philosophie, à des religieux, et même à un seul ordre, celui de saint Dominique. Mais il était fort difficile à une université catholique, qui était en même temps une université d’Etat et ne dépendait pas directement des évêques. de procéder autrement. Il importait avant tout de donner des garanties sérieuses d’orthodoxie ; et on ne voit pas très bien, en des matières aussi délicates, la nomination des maîtres exposée à tous les hasards, à toutes les fluctuations d’opinion d’un corps hétéroclite, ou bien à l’appréciation d’un directeur de l’instruction publique qui, à tel jour, pourrait appartenir au parti radical.

Outre la faculté de théologie, l’université de Fribourg en possède trois autres : droit, lettres-philosophie, sciences. Les étudiants en médecine peuvent passer leur première année à la faculté des sciences et y passer l’examen fédéral de sciences naturelles ; plusieurs lK’)pitaux et cliniques préparent la future faculté de médecine.

Elle compte un peu plus de professeurs que l’Institut catholique de Paris, 77 contre 69. et beaucoup moins que Louvain qui s’élève jusqu’à 133 ; ils se divisent comme en Allemagne en trois catégories : professeurs ordinaires, professeurs extraordinaires et privat-docents.

Le nombre des étudiants immatriculés, non compris les auditeurs libres, dépasse Coo ; en 1911-1912, il a atteint 679, pendant le semestre d’hiver : théologie 340, droit 128, lettres-philosophie 115, sciences 120 ; auditeurs inscrits, 74.

A l’ombre de l’université, vivent plusieurs institutions ; le vieux collège Saint-Michel, l’un des meilleurs de la Suisse ; le jeune collège ou villa Saint-Jean, jiour les Français, dirigé par les Marianisles, plusieurs écoles pour les jeunes tilles qui veulent préparer leurs grades ; des scolasticats d’ordres religieux ; des conyicts pour étudiants ecclésiastiques ; 1023

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des maisons de famille pour étudiants laïques. Bref, Friliourg est devenue dans toute la force du terme une ville universitaire ; elle en connaît les joies et les petits ennuis ; certaines nuits de fête, les lions bourgeois ne dorment guère plus que ceux de Louvain ; mais ils sont liers de leur vaillante jeunesse qui, sous ses brillants costumes, respire la force, l’honnêteté, la foi, le dévouement à l’Eglise.

En 24 ans, Fribourg a produit une quantité considérable de bons travaux. Au début, l’université lit concorder ses publications avec le programme de ses cours. A partir de 18y3, elle commença une collection tout à fait indépendante, les CoUectanea f’rihur ^ensia, qui comprend déjà vingt-deux Aolumcs, dont plusieurs d’une grande valeur, signés de Reinhardt, Grimm, Marchot, Jostes, Michaut, Biichi, Mandonnet, Scliniirer, Giraud, Zapletal, Gockel, Wagner. Daniels, Bertoni, Arcari. L’édition des Pensées de Pascal et le Sainle-Beine avant les Lundis de M. Michaut, l’Essai sur faine de M. Victor Giraud, le Si^er de Brahant et l’.41erruïsnie latin au XIII’siècle du Père Mandonnet, appartiennent à cette collection.

Ainsi Fribourg est devenue l’un des foyers les j)lus chauds et les plus lumineux du catholicisme en Europe.

c) Dablin. — La troisième université catholique constituée en Europe (toujours mises à part celles de France) est l’université de Dublin, University Collège, fondée en igo8.

L’histoire de cette fondation a été féconde en péripéties.

En iSgi, avait été fondé à Dublin Trinity Collège, (pii n’était pas, à proprement parler, une Université, mais qui jiassait pour telle dans l’opinion, et qui porte aujourd’hui le titre d’i’niversity of Duhlin. Celle institution a été protestante dès l’origine : entr’ouverte aux catholiques vers l’époque de l’émancipaliun, elle les reçoit comme étudiants et leur permet de prendre leurs grades, rien de plus. En 1843, un étudiant catholique ayant obtenu une bourse au concours se la vit refuser par le seul fait qu’il était catholique.

Au surplus, toutes les traditions protestantes de Trinity Collège le rendaient suspect au clergé et aux fidèles irlandais : le gouvernement finit par le comprendre et chercha ce qu’il pouvait faire pour donner satisfaction à la majeure partie de la population.

Sa première pensée fut d’essayer d’acclimater en Irlande un enseignement non confessionnel. C’est ainsi que Robert Peel fonda, en iS^o, les trois collèges neutres de Belfast, de Cork et de Gal, vay, auxquels se superposa, en 1850, un corps d’examinateurs d’Etat, Queen’s i’niyersity. Cette neutralité plut médiocrement aux protestants et scandalisa tout à fait les catholiques ; le synode de Thurles condamna le principe et l’institution, condamnation que Pie IX s’empressa de confirmer.

Apres les tâtonnements et les hésitations du début, l’université de Louvain commençait alors à allirmer sa vitalité et son succès. Son exemple entraîna les évêques d’Irlande qui, à l’image des évoques belges, voulurent une université à eux. La fondation décidée, ils se demandèrent qui la ferait prosjiérer, qui lui donnerait droit de cité dans l’opinion, et ils conclurent que nul n’était plus capable de cette grande mission que le plus illustre et le plus profond penseur des catholiques anglais, Newman. Celui-ci accepta : dès 1862. dans une série de discours prononcés à Dublin, il traçait un magnifique programme de ce que doit être un établissement de ce genre. « Il saluait sans doute la théologie comme la reine des

sciences et leur trait d’union nécessaire, comme la clef de voûte de l’enseignement supérieur, réagissant ainsi contre le mouvement général de sécularisation universitaire ; mais en même temps, il insistait sur le champ large et libre qui devait être laissé à la science, sur la convenance de former des jeunes hommes en pleine possession de leurs forces intellectuelles et capables de se mesurer avec les problèmes qu’ils devaient rencontrer dans le monde’. »

Les évêques belges avaient fait à Louvain une œuvre nationale ; les évêques irlandais voulaient au fond faire de même à Dublin, et, sous ce rapport, ils s’étaient peut-être trompés en appelant Newman, un |)ur Anglais : celui-ci eut plus en vue l’élite de la jeunesse catholique anglaise que les Irlandais ; en outre, il chercha surtout ses collaborateurs parmi les convertis, qu’il tenait, souvent avec raison, pour supérieurs aux autres, mais ce qui ne pouvait manquer d’exciter les défiances du clergé d’Irlande. S’il avait tout d’abord visé moins haut, s’il avait eu davantage le sens des réalités pratiques, le sens du possible, il aurait sans doute acclimaté l’œuvre en Irlande et cette œuvre aurait ensuite grandi et pris tin plus libre essor. Il n’en fut rien ; en1858, Newman dut s’avouer vaincu et résigner ses fonctions.

Après lui, l’université de Dublin ne fit que végéter ; d’ailleurs elle ne pouvait conférer les grades et elle manquait de ressources ; c’en était assez pour la paralyser. Seule l’école de médecine, fondée par les évêques en même temps que l’université, prospéra.

En 1873. le ministère Gladstone tombait sur V University mil pour l’Irlande. En 1879. lord Beaconsfield faisait voter, sous le nom de Royal l’niyersity of Ireland, la création d’un corps d’examinateurs dont l’unique fonction devait être de conférer les grades à tous les candidats qui les mériteraient, quel que fût l’établissement où ils auraient fait leurs études et préparé leurs examens. Ce système était plus libéral que celui i|ui, vers la même date, en 1880, était substitué par les Chambres françaises au régime éphémère du jury mixte. En effet, chez nous, les étudiants des universités libres devaient et doivent encore subir leurs épreuves, non devant un jury d’Etat indépendant et supérieur à tous, mais devant les professeurs des établissements rivaux. Dans le même esprit de libéralisme, l’Etat anglais accordait indifféremment des bourses aux étudiants de l’Etat ou aux étudiants de l’enseignement libre qui s’étaient distingués.

L’université de Dublin, il faut le reconnaître, ne s’en porta pas beaucoup mieux. C’est alors que le vieux séminaire catholique de Maynooth (fondé en 1790) prit le parti de s’adjoindre une Faculté des arts et de présenter ses sujets aux examens de Boyal Unitersity.

Cependant la majorité des catholiques demeurait persuadée que le défaut de ressources était, somme toute, le principal obstacle à la prospérité de l’université ; et ils se disaient que, puisqu’en Irlande les protestants et les agnostiques avaient des collèges dotés par l’Etat, quoi qu’ils ne fussent qu’une minorité dans la nation, c’était bien le moins qu’eux, catholiques, fussent traités avec la même faveur.

En 1908, le ministère anglais se décida à leur accorder une université qui, en fait, est catholique, sans en porter le titre oiriciellenient, et que soutiennent les subsides de l’Etat. Tel est le biais qu’avait imaginé le secrétaire principal [lour l’Irlande, M. Birrell, afin de ne pas violer ouvertement le principe libéral qui défend d’employer les deniers publics en

1. Tml’RRW-Dangin, La Renaissance catholique en Angleterre au..V siècle, t. II, p. 276.

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faveur d’une œuvre confessionnelle, tout en respectant cet autre principe qu’un pays a droit à Téducalion i|u’il demande.

Quelle est donc l’ccononiie de la nouvelle Icjfislation ? Trinitr Collège subsiste. La Uoyal i’ntversity. constituée en 18-9-1880. est dissoute. Le oollège, presbytérien de fait, neutre de nom, établi à Belfast, <levient l’université de Belfast, presbytérienne de fait. Les de<ix collèges, catholiques de fait, neutres de nom, établis à Gal « ay et à Cork, auxquels on a adjoint un troisième collège établi à Dublin, et qui n’est pas autre que l’ancienne université catholique, sont devenus l’université de Dublin, catholiciue dirait.

Une très habile combinaison fait des autorités universitaires, émanation des conseils de comté d’une part, du corps professoral et des étudiants gradués (le l’autre, la représentation du pays, presbylérien à Belfast, cathoIi(iue à Dublin,.insi c’est le pays qui détermine la couleur de l’université.

Pour obtenir un gi-ade, il faut passer par les collèges de l’université ou les collèges affiliés ; le séminaire de Maynoolh est allilié à l’université de Dublin.

L’université de Belfast a la dotation de l’ancien collège de Belfast et la moitié de la dotation de l’ancienne Royal L’niveisily : l’université de Dublin a la dotation de Cork et de Galway, plus la moitié de celle de /loyal L’niversity, soit.’(2. 000 liv. st ; le nouveau collège de Dublin a reçu une dotation de 3-2.000 liv. st. ; soit en tout 7/1.000 liv. st. ou 1. 800.000 francs auxquels l’Etat a ajouté encore près de 2.500.ooo francs pour les bâtiments à construire.

Les évêques. tout en faisant quelques réserves, ont accepté cette organisation ; et en effet les intérêts spirituels et matériels de l’œuvre semblent sauvegardés autant qu’ils peuvent l’être.

l’nitersitr Collège compte aujourd’hui 4ô professenrs, plus 35 assistants et quelques maîtres de conférenees ; le nombre des étudiants s’est élevé à "O en I y 1 2.

d) L’Espagne et l’Italie. — L’Espagne et l’Italie n’ont pas encore, à pro[)renient parler, d’universités catholiques.

L’article i a de la constitution espagnole reconnaît le principe de la liberté d’enseignement à tous les degrés. En fait, aucune loi organitpie de renseignement supérieur libre n’a jusqu’à présent été promul^’uée. Bien qu’en général on soit, dans les universités l’Etat espagnoles, plus respectueux qu’en d’autres pays de la doctrine chrétienne, cette situation ne laisse pas cependant que de préoccuper, et très justement, les meilleurs esprits parmi nos frères d’Espagne. Depuis quelques années se sont élaborés divers projets, dont aucun, malheureusement, n’a jusqu’à présent abouti. Cependant, le 31 octobre igo8, -'c>st ouverte, à Madrid, au siège du Centre de défense ^nfiate, une Académie iiniversilaiie cathnlifjiie. Le londateurcn a été l’évêque de Madrid. Un comité de patronage, formé des représentants les plus distingués de la haute société madrilène, est à la tête de l’entreprise ; le président est le marquis de Comillas : les vice-présidents, le marquis de Pidal et le marcpiis de Santillana ; un Père jésuite et un.Vugustiu y représentent les ordres religieux. Le but est d’olfrir aux jeunes gens, qui viennent en si grand nombre à .Madrid pour y poursuivre des études de toutes sortes, un centre intellectuel et une direction intégralement catholique.

Deux chaires ont pour objet l’étude supérieure de la religion cl de la philosophie ; pour ce dernier cours on a fait appel à un des élèves les plus remarquables de Mgr Mercier, à Louvain, l’abbé Zaragiieta. Tous

Tome II.

les autres cours, au nombre de treize, portent sur les sciences sociales et politiques. On a organisé eu outre trois laboratoires, l’un de sciences sociales, l’autre de sciences politiques, le troisième dit de culture générale.

Ces cours ont un caractère tout à fait libre, sans examens ni diplômes.

Un peu plus tard on a fondé des cours de droit, première et deuxième année, préparant les étudiants aux épreuves de l’Université ollicielle ; mais le succès n’a pas répondu aux espérances.

Depuis 191-2, on est revenu aux études libres, en accentuant leur caractère pratique (aéminaires de sciences philosophiques, historiques, sociales, politiques ) et spécial (cours pour les ouvriers, les hommes d’action, les femmes, visant l’action sociale).

L’Académie est fréquentée par une moyenne de 90 élèves.

Le manque de sanctions de cet enseignement en paralyse l’essor ; le droit de conférer les grades et les diplômes est en effet réservé à l’Etat.

L’Académie vise surtout maintenant à la préparation des jeunes gens aux chaires des lycées et des universités de l’Etat, cliaires qui se donnent au concours, alin d’exercer une heureuse iniluence sur l’enseignement officiel. L’Académie a aussi appuyé récemment, avec succès, plusieurs entrepris^ de résislance des catholiques contre de dangereux projets du gouvernement libéral, notamment en matière d’enseignement.

Elle publie sous la direction du recteur, Mgr Enrique Keig Casanova, et du professeur de philosophie, D. Juan Zaragiieta, un recueil intitulé : Anales de la Acadeniia itrti^’ersitaria catolica.

Une lettre du cardinal secrétaire d’Etat, écrite au nom du Saint- Père, en dale du 23 novembre 1912, a félicité le recteur des résultats déjà obtenus et a vivement exhorté les catholiques espagnols à faire encore davantage et à concentrer leurs efforts. Il est à souhaiter qu’une véritable université catholique sorte de cette institution déjà très digne d’estime.

En Italie, exception faite des grandes universités romaines (collège de Saint-Apollinaire, collège de la Propagande, Collège romain ou Université grégorienne), éuoles supérieures de théologie, de philosophie scolastique, de droit canon, et d’une douzaine de facultés pontilicales de théologie, qui ne sont que des jurys d’exaiuens, il n’y a point d’université libre, et la loi ne permet pas jusqu’à présent qu’il y en ait. Mais la question est posée et le retentissement des fêtes de Louvain, coïncidant avec un congrès d’étudiants catholiques, l’a réveillée en 1909.

Dans les universités italiennes, comme dans les universités allemandes et françaises, l’esprit est généralement rationaliste, positiviste ou matérialiste. S’il se trouve quelques chaires d’histoire des religions ou d’histoire du christianisme, elles sont livrées à des athées. Les prêtres sortis de l’Eglise y sont accueillis avec faveur.

Sans doute, il ne faut pas pousser au noir ce tableau. Les universités d’Etat italiennes, comme les nôtres, comptent parmi leurs professeurs, et souvent au nombre des plus distingués, de véritables croyants. Mais, dans son ensemble, l’enseignement supérieur n’en porte pas moins l’empreinte irréligieuse. Ceux qui tiennent à y échapper n’ont d’autre recours que les facultés catholiques étrangères ; tel évêque de l’Italie du Nord envoie chaque année une demidouzaine déjeunes ecclésiastiques à Louvain, à Fribourg (STiisse), ou même à Munich ; quelques laïques y vont aussi ; mais ce remède n’est à la portée que du

33 1027

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petit nombre. El c’est pourquoi le rêve de beaucoup de catholiques italiens, même parmi les étudiants, est d’arriver à fonder une ou deux universités libres. Ce rêve ne paraît pas malheureusement à la veille de se réaliser.

III. Les universités catholiques u’Amérique kt d’Asie

Dans l’Amérique du Xord, il y a une université catholique au Canada et trois aux Etats-Unis.

à) L’université Laval à, Ouébec-Montréal. —

La célèbre université Laval, bien que subventionnée par l’Etat dans quelques-uns des établissements qui la constituent, est une université libre, soutenue par le clergé. Elle est sortie, en 185’2, du grand séminaire fondé à Québec, en 1663, par Mgr de Laval, d’où le nom qu’elle porte. Bien que le monopole eût été j)rimitiveiuent garanti à Québec, l’extraordinaire développement de la population de Montréal et la rivalité des deux villes amenèrent, en 1878, le dédoublement de l’université : Québec garda le recteur, Montréal prit le vice-recteur, chacune eut quatre facultés. Mais, à vrai dire, ces facultés ne ressemblent pas aux nôtres et l’université Laval nous apparaît plutôt comme un agrégat de séminaires et d’écoles spéciales, ayant leur organisation et leurs ressources distinctes. A Québec et à Montréal, le séminaire et la faculté de théologie se confondent ; à Québec, avec g professeurs et 130 étudiants (je consulte la statistique de 1910-191 1), à Montréal avec 13 professeurs et 2^6 étudiants. Puis viennent deux écoles de droit, celle de Québec avec 14 professeurs et 80 étudiants, celle de Montréal avec 15 professeurs et 1 36 étudiants ; deux écoles de médecine, celle de Québec, avec 16 professeurs et 86 étudiants ; celle de Montréal avec II professeurs, plusieurs agrégés et 196 étudiants. Dans l’une et l’autre ville figure une faculté des arts, correspondant à nos facultés réunies des lettres et des sciences, qui compte à Québec, 17 professeurs, plus des agrégés, et 1 1 étudiants, plus’j8 élèves du séminaire suivant les cours de la faculté des arts et 36 élèves appartenant à des écoles annexées à cette faculté ; à Montréal, 15 professeurs, plus des agrégés, et 3-2 étudiants ; mais cette faculté a pour annexe une Ecole polytechnique avec i.’31 élèves.

A ces facultés, il faut joindre, pour Montréal, des écoles de pharmacie, de chirurgie dentaire, de science vétérinaire et une institut agricole.

En 1910-1911, on a compté en tout ^21 étudiants à Québec, et i.o63à Montréal, soit 1.^8/4.

Ce qui frappe <le prime abord quand on jette un coup d’œil sur cette statistique, c’est le nombre infime des étudiants en sciences et en lettres qui, pour les deux villes ensemble, dépassent à peine la centaine. (L’Ecole polytechnique de Montréal est une Ecole centrale d’arts et métiers.) D’où vient ce regrettable état île choses ? De la situation économique du pays et du peu d’aisance des familles qui ne peuvent s’olTrir pour leurs enfants le luxe d’études libérales sans débouchés pratiques. Les étudiants sont pauvres, oliligés de gagner leur vie et de se préparer uniquement à la profession qu’ils ont choisie.

Les études libérales ne peuvent être un avenir que pour les professeurs ; or, presque tous les professeurs sont ecclésiastiques et, de ceux-ci, on n’exige pas de grades. II y a là, ne craignons pas de le dire, une

« jueslion qui mérite d’attirer l’attention de tous ceux

que préoccupe l’avenir du catholicisme et de l’esprit français au Canada. Certes, on ne saurait trop admirer l’œuvre accomplie par le clergé canadien ; s’il y a dans la Nouvelle- France, une culture, et une culture française, c’est à lui qu’on le doit : son zèle et son

patriotisme sont au-dessus de tout éloge et notre reconnaissance lui est acquise. Toutefois on ne peut se dissimuler que, dans le jircsent état de choses et avec les contacts nombreux qu’ont maintenant à subir les populations canadiennes, le clergé doit faire unelTort nouveau pour ne pas déchoir de son rôle et manquer à sa mission ; il faut qu’il constitue un corps enseignant, aussi instruit, aussi versé dans la connaissance des langues anciennes, de l’histoire, des sciences positives, que le sont aujourd’hui les corps enseignants des nations les plus civilisées de l’Europe. Autrement, le laïcisme et même l’anticléricalisme auraient vite fait de se développer, et c’en serait iini de l’esprit catholique et français qui est encore aujourd’hui l’originalité, la force et l’honneur du Dominion.

Grâce à l’initiative et à la générosité de la Compagnie de Saint-Sulpice, une chaire toute française a été rattachée en 1890 à l’université de Montréal. A l’appel de l’archevêque, un professeur français y enseigne l’histoire de la littérature de notre pays. MM. de LabrioUe, Laurentie, Léger, Arnould, Gillet, du Roure, Gautheron, l’ont occupée avec distinction. La tâche du maître est double ; il fait un cours suivi ; et, de plus, tous les quinze jours, il donne une conférence, d’un genre plus brillant, destinée au grand public. Mus par le désir de s’instruire et par un patriotisme réfléchi, huit cents à mille auditeurs s’arrachent chaque fois à leurs occultations pour entendre parler des grands écrivains de la mère patrie.

De telles dispositions nous sont un sûr garant que les lacunes que nous avons signalées seront comblées le jour où l’on aura compris qu’il faut le vouloir.

t) Georgetoven. — Les Etats-Unis comptent trois universités catholiques, dont deux, les plus anciennes, ne correspondent pas au type des universités françaises, ou allemandes, mais sont des établissements mixtes où l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur s’associent : celle de Georgetuivn, â Washington, et celle de Saint-Louis, di* Missouri.

L’université de Georgetown se rattache, par ses origines déjà lointaines, à l’initiative apostolique d* John CarroU, premier archevêque de Baltimore.

Le modeste établissement d’enseignement secondaire fondé en 1789 par ce prélat, confié à la Compagnie de Jésus en 1805, acquit dix ans plus tard oûiciellement le titre d’Université ; le pouvoir de conférerdes grades reconnus aux Etats-Unis lui fut accordé par acte du Congrès de Washington en date du i" mars 1815, puis renouvelé et étendu en 1844. De son côté, le Saint-Siège avait accordé en 1833 le pouvoir de conférer les gradescanoniques en philosophieet théologie. Le scolasticat des Jésuites fournit pendant trente-six ans un corps de professeurs et un fond d’auditoire pour l’enseignement des sciences ecclésiastiques ; en 1869, il quitta Georgetown et dft ce chef l’organisation universitaire subit un amoindrissement. Mais, entre temps, d’autres branches, d’enseignement s’étaient développées : au collègesecondaire s’étaient ajoutés en 1845 un observatoire astronomique ; en 1851 une faculté de médecine, complétée ultérieurement par un institut dentaire ; en 1856 des cours supplémentaires dits « postgraduate schools » ; en 1870, une faculté de droit. Le nombre des étudiants (d’après Minena, 1918) s’esl élevé en 1912 à 1.875, dont 15g pour la médecine et 935 pour le droit. Le nombre des professeurs est de 158 ; le président est le Père Doulon, S. J.

L’université de Georgetown a fait un bien réel. 1029

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ainsi (jvi’en témoignonl les positions occupées par ses anciens rluclianls ; elle a contribué pour sa bonne j)art i tli’ndre dans le Nouveau Monde, avec l’iiilluence de l’Kglise catholique, le goût dos choses de l’esprit.

c) Université de Saint-Louis. — Cette université, comme celle de Georgetown, est dirigée par des Jésuites ; avec l’assistance de quelques professeurs laïcs, ils enseignent dans les facultés de théologie, de i)hilosophie et des sciences. A la faculté de médecine, les professeurs sont des laïcs, sauf pour la chaire de déontologie et pour une des chaires de chimie.

Fondée en 1818, en tant qu’école des lettres et des arts, l’université de Saint-Louis s’est transformée dans les quinze dernières années par l’adjonction d’une faculté de théologie (1899), de médecine (1908), de droit (1908), d’une école de commerce et finances (igio).

En 1911-1912, elle a compté 1.283 étudiants, dont 3 1 1 à la médecine, i (JS à l’école dentaire, 209 au droit, 68 au commerce, 83 à la théologie ; l’école de lettres et arts comptait la même année 401 élèves.

Le nombre des professeurs est de 83. auxquels il faut ajouter un nombre à peu près égal d’instructeurs (chefs de clinique et de laboratoire) et d’assistants.

Neuf collèges d’enseignement secondaire sont alViliés à l’université, mais non pas groupés autour du centre : i’. Igiiatius Collège, à Chicago, Illinois ; >’. Mary’s Collège, à Saint-Mary, Kansas ; Détroit Collège, à Détroit, Michigan ; Creigliton University, à Omaha, Nebraska ;.S..Varier roi/e, ?e, à Cincinnati, Oliio ; *’. Johii’s Collège, à Toledo, Ohio ; À’. Igiiatins Collège, à Cleveland, Ohio ; Marquette Unwersity, à Milwaukee, Wisconsin ; Collège Sacred Heart, à Prairie-du-Chien, Wisconsin.

d) Université catholique do Vashington. — La troisième université, celle qui porte le nom à’l’niversilé catholique d’Amérique, est au contraire conforme au type de nos universités d’Europe.

C’est en 1866 que les évêques des Etats-Unis, assemblés au second concile de Baltimore, exprimèrent pour la première fois leur désir de fonder dans cette région une université, « dans laquelle toutes les branches de la littérature et de la science, sacrées et profanes, seraient enseignées ». Toutefois, ce ne fut quedix-huit ans plus tard, en 1884, au troisième concile de Baltimore, que la question fut résolue. MUeMary Gwendoline Caldwell, de Newport, venait de mettre à la disposition des évoques 300.ooo dollars, pour créer un séminaire supérieur de théologie et jeter les premières bases d’une université catholique. En 1885, un terrainétaitachetéà Washington ; en 1886, le Rév. John Keane, alors évêque de Richmond, était nommé recteur ; en 1889, Léon XIII approuvait l’institution naissante ; en 188y entin, l’école des sciences sacrées était ouverte dans Caldwell Hall. Deux ans après, le Rév. James Mac-Malion, de New-York, olfiait aux évêques un nouveau terrain, évalué à 400.ooo dollars, où bientôt se construisaient les locaux destinés à l’enseignement des lettres, des sciences, de la philosophie, des sciences sociales ; d’autres donations permettaient de fonder des chaires, des laboratoires, une bibliothèque, des maisons de famille pour les étudiants laïques et même pour les professeurs, des bourses d’études (felloiv^liips et scholarships) ; bref, en une douzaine d’années, la jeune université américaine était installée et dotée, à faire envie à toutes les universités catholiques et à la plupart des universités d’Etat de la vieille Europe.

Elle comptait trois facultés, celle de théologie (dogmatique, morale, sciences bibliques, histoire ecclésiastique), celle de philosophie (philosophie, lettres, sciences), celle de droit, enfin un bureau technologique (ingénieurs civils, électriciens, mécaniciens).

Elle avait à sa tête un conseil d’administration, composé des archevêques de Baltimore, de Boston, de Philadelphie, de Saint-Paul, de la Nouvelle-Orléans, de San Francisco, de Dubuque, de New-York, des évoques de Peoria, Covington, Détroit, Cleveland, Providence, et de trois laïcs choisis parmi les notabilités sociales ou les hommes de finances.

Parla lettre aposlolique du 7 mars 1889, Léon XIII avait accordé à l’université de Washington le droit de conférer tous les grades en théologie, philosophie, droit canon, et les autres au furet à mesure que les diverses catégories d’enseignements seraient instituées. Fidèle au sage principe de la cour romaine, il avait exigé, comme il l’a exigé des universités catholiques françaises, que les facultés canoniques ne fussentpas seulement accessiblesàceux qui auraient achevé leurs études dans les séminaires : « Afin qu’un plus grand nombre puisse plus abondamment bénéficier des enseignements de l’université dans les différentes branches, laissez ces facultés, et spécialement celles de philosophie et de théologie, s’ouvrir non seulement à ceux qui ont com])lété leurs études conformément aux décrets du troisième concile de Baltimore, mais encore à ceux qui désirent commencer ou continuer leurs études. »

Malgré cette installation luxueuse et ces ressources abondantes, malgré les prudentes mesures du Saint-Siège, le nombre des maîtres et celui des étudiants ne s’est pas élevé autant qu’on aurait pu l’espérer. On comptait en igio (la dernière statistique publiée dans Minerva) 245 étudiants, ainsi répartis : théologie 70, philosophie 55, droit i.’î, lettres 30, sciences 75 ; avec 38 professeurs et 12 insiructors.

Comment expliquer l’insuccès relatif d’une institution sur laquelle on avait fondé tant d’espérances ? Par des causes particulières et par des causes générales.

Dès les premières années, il y a eu rivalité entre les professeurs de race irlandaise et les quelques professeurs allemands, tels que Pohle, Schræder, qu’on avait fait venir d’Europe ; ceux-ci ont dû se retirer. D’où opposition des catholiques allemands-américains à l’université. Ces pénibles souvenirs s’effaceront avec le temps.

Les deux premiers recteurs, qui étaient, par ailleurs, des hommes éminents, n’avaient reçu aucune formation universitaire et ne savaient pas, l)ar eux-mêmes, ce que c’est qu’un établissement d’enseignement supérieur. Le recteur actuel, Joseph Shahan, ancien professeur d’histoire ecclésiastique, est plus compétent.

Moins aisé et beaucoup plus long sera-t-il de porter remède aux causes générales que voici. Les Américains sont peu portés vers les études supérieures ; en fait d’études, ils ne goûtent que celles qui conduisent à une carrière déterminée. Cela est vrai de tous ; cela l’est plus encore des catholiques, venusen majorité d’Irlande et d’Allemagne, pour la plupart pauvres, trop dénués de ressources et de loisirs pour suivre les cours d’une université, d’ailleurs assez peu préoccupés des problèmes religieux et se contentant de la foi du charbonnier. Ceux qui font des étudesde droit et de médecine se bornent souvent à suivre des cours le soir, après avoir travaillé pendant la journée. Il n’y a pas, pour les laïipies, de collège préparatoire aflilié à l’université ; et, vraisemblable1031

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ment, s’il n’y en a pas, c’est qu’on n’a pas cru pouvoir compter sur une clientèle suUisante. Quant aux ecclésiastiques, outre qu’ils partagent les tendances communes, ils sont très absorbés i)arles travaux du ministère et tiennent que, pour y faire face, une théologie élémentaire leur suffit.

Les jeunes gens de famille, ceux qui, par leur naissance, ont déjà un rang dans la société américaine, craignent, — ou leurs parents le craignent pour eux, — de se séparer de leurs concitoyens, des hommes de leur classe, de leur milieu ; de se priver, pour l’avenir, de relations utiles cl agréables ; en un mot, comme je le disais au début de cette étude, de l’aire bande à part et d'être des isolés. Cette considération agit assez fortement pour faire oublier à certains même les intérêts supérieurs de la foi, et pour persuader trop facilement aux autres que les œuvres dites de préservation suHisent à contrebalancer l’effet d’un enseignement rationaliste.

Le jour où les familles catholiques seront convaincues que le plus sûr et le meilleur c’est l'éducation intégralement catholique à tous les degrés, l’université catholique d'.mérique et celles de France tiendront en main les éléments d’une prospérité que les dollars eux-mêmes ne peuvent pas donner.

L’Amérique du Sud ne nous présente encore que les deux universités catholiques de Santiago, au Chili, et de Biienos-Aires (République Argentine), toutes deux de fondation récente.

a) Santiago (Chili). — L’université de Santiago a été fondée, en 188g, par l’archevêque Mgr Casanova. Elle eut des débuts modestes, et l’on se contenta d’abord de deux facultés : Droit et Sciences polilii/ues, Sciences malltémaliques. Très préoccupés d’assurer l’assistance aux cours, le travail et la moralité, les fondateurs et les chefs de l’université soumirent les étudiants à un règlement assez strict qui fait un peu penser à celui d’un grand collège.

Le pensionnat universitaire de Saint-Jean-V Evangéliste s’ouvrit aux jeunes gens qui avaient achevé leurs humanités dans les collèges catholiques de la province. Là aussi, d’ailleurs, on Ut entrer dans l’université des établissements d’enseignement secondaire, l’Externat littéraire et commercial de Saintliaphai’l et l’Ecole industrielle.

En 18y2, un incendie ayant dévoré l'édilice où s'était installée l’université naissante, on songea à s'établir délinitivement ; un ami de l’université, M. Raraon Subercaseaux, vint à Lille se rendre compte de ce qu'était notre université catholique française et adressa au recteur de Santiago une intéressante relation. Un monastère, une magnilique propriété, des sommes considérables furent rais à la disposition des autorités. Cependant ce ne fut qu’en 1902 que s'éleva le palais universitaire qui est aujourd’hui l’un des plus beaux ornements de Santiago.

Quatre ans auparavant, en 18g8, l’université, accomplissant d’importants progrès, s'était réorganisée ; elle avait rédigé ses statuts et élevé à cinq le nombre de ses facultés : Droit et Sciences politiques, Sciences physiques et mathématiques. Médecine et Pharmacie, Philosophie et Belles- Lettres, Architecture et lieaux-Arts.

Aujourd’hui, en igiS, la médecine est réduite à un certain nombre de cours préparatoires. Une faculté d’Agriculture et d’Industrie a été créée.

Comme en France, les grades sont décernés par l’Etat ; mais le jury, qui n’est pas composé des professeurs des facultés riales, vient siéger à l’université catholique, les étudiants restant d’ailleurs

libres de se présenter dans les mêmes conditions que leurs camarades de l’Etal.

La dernière statistique parue, celle de Minena ig13, n’indique pas le nombre des professeurs ni celui des élèves pour la faculté des lettres, probablement parce que cette faculté se confond avec le collège. Pour les autres facultés, elle donne 18 professeurs au droit, 31 aux sciences, 13 à la faculté d’agriculture et d’industrie. Le chiffre des étudiants est de 650 environ. Cette université est assez prospère et est généralement considérée comme la plus grande œuvre qui soit sortie de l’initiative privée au Chili.

(') Buenos- Aires (République Argentine). — La République Argentine est depuis igio en possession d’une université catholique. Les origines du projet datent d’assez loin, et dès 1888 une fondation fut presque réalisée à Cordoba. Des dilUcultcs de plus d’une nature la tirent échouer au dernier moment et les bâtiments déjà préparés furent affectés à l'œuvre des écoles pies.

En igo5, le projet fut repris par l'épiscopat dans sa réunion triennale ; l’archevêque de Buenos-Aires reçut d’urgence mission de constituer une commission d’ecclésiastiques et de laïques pour étudier la question et de recueillir des fonds. Une dame donna 400.000 francs, l’archevêque de Buenos-Aires 100.000 francs, l'évêque de Tucuman 20.000 francs, les Jisuites mirent gratuitement à la disposition de l'œuvre les bâtiments d’un de leurs collèges. L’activité intelligente de M. Louis Duprat, président de la Commission (aujourd’hui protonotaire apostolique et recteur), permit de réaliser après cinq années la fondation, qui fut le monument commémoratif élevé par les catholiques argentins pour le centième anniversaire de leur indépendance nationale.

Destinée à former des laïques instruits, l’université renonça tout d’abord à posséder des facultés de théologie et de droit canon, et chercha à se constituer avec trois facultés : droit, sciences et médecine. La première année de droit s’ouvrit avec trente étudiants. A ceux qui s'étonneraient de si humbles commencements, il est juste de rappeler que l’université catholique de Buenos-Aires naquit en plein monopole officiel. Le principe de la liberté d’enseignement, inscrit dans la constitution, n’avait pasporté ses fruits, et, faute de concurrents, l’Etat se trouvait en fait seul distributeur des diplômes qui ouvrent la porte des carrières supérieures. On peut espérer, pour un avenir plus ou moins éloigné, la lin de ce monopole, et d’abord la constitution de jurys mixtes pour les examens.

Ouverte en igio avec une année de droit, l’université ajouta successivement trois autres années ; elle en possède quatre eu ig13. Un legs de deux millions (le francs, dû à un catholique français mort à Buenos-Aires, permet de songer à de nouveaux développements, et vraisemblablement la faculté des sciences sera la première constituée. L’installation, éminemment dcsii’able mais dilUcile et coûteuse, d’une faculté de médecine, a été jusqu’ici réservée pour des temps plus favorables.

En AsiB, il n’existe qu’une Université catholique, celle de Beyrouth ; deux autres, Shang-hai et Tokio sont encore à l'état embryonnaire.

a) Beyrouth. — A Beyrouth comme à Georgetown et à Saint-Louis, nous retrouvons les Jésuites, avec l’une des créations les plus originales et les plus intéressantes de leur zèle apostolique, intéressante en ellemême, intéressante également pour l’Eglise et pourla 1033

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France : l’université Saint-Joseph, avec ses trois l’acultés : pliilosopliie et théologie, — médecine, — faculté orientale, et son grand collège secondaire classique.

La reprise de la mission de la Compagnie de Jésus en Syrie date de 1831. Huit ans plus lard, les Pères s'établirent à Beyrouth, qui ne comptait ])as alors plus de 20.000 habitants et qui eu a i-io.ooo aujourd’hui ; en iS/Ji, ils y ouvrirent une école. Pour répondre au vœu de la Propagande, et au désir des patriarches orientaux, en S ! ii, à Ghazir, dans le palais d’un émir de la montagne, ils entreprirent la fondation d’un séminaire oriental, fondation qui fut un moment interrompue par la guerre des Druses contre les chrétiens, mais reprit aucromnienccmentde 1846. Neuf ans plus tard, un collège était annexé au séminaire ; les deux établissements firent de rapides progrès ; en 1859, on comptait 80 séminaristes et 120 élèves au collège.

Cependant on sentait bientôt la nécessité de transférer à Beyrouth même, où les Presbytériens américains avaient ouvert, en 1866, une université llorissante, ce collège que sa situation excentrique ne rendait i)as suflisammcnt accessible. La dilliculté de trouver des fonds et d’obtenir le terrain nécessaire retarda de plusieurs années l’exécution de ce projet. Enlin, en 1875, les cours du collège et ceux du séminaire s’ouvrirent à Beyrouth dans les bâtiments qu’occupe encore l’université. Dès lors aussi, on prit ce titre d’université, pour ne pas laisser aux jirotestants le monopole d’un nom qui sonnait bien aux oreilles orientales. Les décrets de 1880, en arrachant les Jésuites à leurs collèges de lrance, leur permirent de multiplier àBeyrouthle nombre des chaires ; l’enseignement de la théologie, de la philosophie, des sciences, atteignit alors son développement normal. L’année suivante, Léon XIII consacrait r(r-uTe accomplie en érigeant canoniquerænt la nouvelle université ; elle recevait le droit de conférer les grades académiques et les diplômes de docteur en philosophie et en théologie, conformément aux usages de l’université grégorienneàRonie. Le séminaire compte environ 70 étudiants répartis entre les divers rites syrien, chaldéen, arménien, copte, maronite, latin. Il a fourni 3 patriarches, le Maronite actuel, le Chaldéen et l’expatriarche des Coptes, 22 évêques et 26/J prêtres.

Les programmes du collège ont été remaniés plusieurs fois depuis sa fondation et suivent d’assez près ceux de France. Aprèsla se])tième, bifurcation : cours

« classique » et cours n français » : celui-ci couronné

par un « certilicat d'études i>, celui-là conduisant au baccalauréat «. Ues « cycles », celui ([ui est le plus en faveur est le latin-langues » ; le grec est enseigné, mais est facultatif. Plus complexe qu’en France, l’enseignement du collège embrasse deux langues principales : français (avec ou sans les langues classiques), et arabe — sans parler des langues proprement accessoires, telles que anglais, allemand, italien, turc. Naturellement les programmes d’examens doivent faire à chacune des deux langues principalesde l’enseignement sa part.

L'équivalence du baccalauréat est reconnue aisément parle ministère de l’instruction publique pour ceux des jeunes Orientaux qui veulent poursuivre en France leurs études de droit ou de médecine. Les élèves de nationalité française peuvent, s’ils le désirent, subir les épreuves régulières du baccalauréat, soit à Smyrne, soil à Constantinople, devant un jury dont la formation est conliée à l’Ecole française d’Athènes, soit à.lexandrie, où le consul de France est autorisé à former un jury d’examen.

Le collège de Beyrouth compte normalement de

450 à 500 élèves. A l’heure présente, près de 3.700 élèves y ont fait leurs études en tout ou en partie et occupent toutes sortes de fonctions, médecins, avocats, ingénieurs, banquiers, agronomes, agents et employés, commissionnaires en marchandises, journalistes, négociants, propriétiiires fonciers. Le ministère des affaires étrangères françaises accordait I 5.000 francs de bourses à des enfants choisis parle consul de France et placés au collège. Cette subvention, réduite de 7.000 francs en igoS, fut supprimée en 1906, à la suite delà néfaste visite de M. Chariot,

Mieux inspirés et plus dévoués aux intérêts français avaient été Gainbetta et Jules Ferry, lorsqu’ils s'étaient intéressés à la création de l'école de médecine qui devait, en 1883, s’ajouter à la faculté de philosophie et de théologie. Le premier règlement, qui est comme la charte de la fondation de l'école, fut communiqué au R. P. Normand, alors supérieur de la mission de Syrie, le 15 septembre 1883, par Jules Ferry. Quatre ans plus tard, le premier cycle d’enseignement était couvert et les examens de doctorat étaient subis en présence d’un inspecteur, le docteur Villejean, professeur à la faculté de Paris, délégué par M. Goblet, ministre de l’instruction publique. A la suite d’une nouvelle inspection et du rapport du docteur Landouzy, qui témoignait, comme son prédécesseur, du bon fonctionnement de l'école et de la nécessité de favoriser son développement, le ministre d’alors, M. Lockroy, par un acte du 6 octobre 1888, réorganisait l’enseignement et décidait ([ue les élèves recevraient un diplôme de docteur en médecine, délivré par son département, sous la signature du ministre de l’instruction publique ; il accordait du même coup à l'école le titre de faculté.

Le diplôme de Beyrouth, reconnu i)ar le gouvernement égyptien (iSgo), ne jouissait [>as de la même faveur en Turquie. Ceux des étudiants qui étaient soucieux de se mettre en règle devaient se soumettre, à Constantinople, aux hasards d’un « coUoquium n qui tournait facilement à l’examen. D’autre part, si le diplôme français était reconnu comme valable pour les colonies, il ne conférait pas de plein droit la licence d’exercer sur tout le territoire de la République. Un nouveau pas fut fait en 1894 : le ministère décida que les élèves de la faculté de médecine de Beyrouth, pourraient obtenir dorénavant, à Beyrouth même des diplômes équivalents à ceux que délivrent les facultés de France. Mais cette faveur créait une difficulté de plus pour la reconnaissance du diplôme par la Porte ; en 1898, après de longues négociations, activement menées par le chancelier de la faculté, le R. P. Cattin, et secondées habilement par M. Camhon, un accord intervint entre Paris et Constantinople : désormais, une commission ottomane viendrait se joindre, à BejTouth, aux délégués du ministère de l’instruction publique pour faire passer les examens ; médecins et pharmaciens recevraient un double diplôme : celui du ministère de l’instruction publique de France et celui de la faculté impériale de Constantinople.

En 1908, la faculté de médecine célébra le vingtcinquième anniversaire de sa fondation. Depuis trente ans, elle a formé 500 médecins ou pharmaciens, actuellement dispersés dans toutes les parties de l’Empire ottoman : Syrie, Palestine, Mésopotamie, Anatolie ; on en retrouve dans les îles de l’Archipel, en Grèce, en Egypte, dans le Soudan, en Abyssinie, au Sénégal, en Amérique, au Tonkin, en France même.

Le nombredes élèves atteint aujouril’liu1300 ; aussi faut-il construire denouveaux bâtiments. A la faculté a été adjointe, en 1907, une école préparatoire (70 élèves).

Les professeurs sont nommés, sur la présentation 1035

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du R. P. eliancelier, par notre ministre de l’instruction publique, après entente avec son collègue des affaires étrangères ; le gouvernement français assure le traitement des professeurs qu’il nomme. Les inspecteurs envoyés cliaque année, au moment des sessions d’examen, sont unanimes à loiier l’enseignement des maîtres et le savoir des candidats.

En igoi, le haut enseignement reçut un nouveau complément par la création d’une fucullc orientale. C’est une école de philologie, où l'étude de la langue arabe occupe une place privilégiée. Les ressources particulières offertes par la situation même de Beyrouth en pays de langue arabe et par la riclie bibliothèque de l’aniversité, qui possède loo.ooo volumes imprimés et 3.ooo manuscrits, assurent à l'étudiant européen toutes les facilités pour une étude approfondie et scientiQque de cette langue. En faveur des étudiants qui se destinent à l’enseignement de l’Ecriture sainte, on a fondé, àcôlé descours d’arabe, des cours d’hébreu, de syriaque, d’arcliéologie, d'épigrapliie, d’histoire. La faculté orientale de Beyrouth admet des auditeurs de toute nationalité et de toute religion, pourvu qu’ils justifient des conditions de science et de moralité généralement requises de tout étudiant d’une faculté catholique.

Le rôle scientifique de l’université Saint-Joseph est secondé par l’imprimerie catholique, adjointe à l’université depuis 1853. Destinée, en principe, à la diffusion des ouvrages de classe et de propagande, on n’y a cependant jamais négligé les publications d’un caractère plus relevé. Les manuels classiques sortis de ses presses, deux revues, le Machriq, fondé en 1898, eiles Mélanges de la faculté orientale (<jo(>), (sept volumes actuellement parus) ont conquis la faveur des orientalistes du monde entier. Le P. Sébastien Ronzevalle a été élu correspondant de l’Académie des inscriptions et belles-lettres.

Enfin, on annonce, pour novembre igiS, l’ouverture d’une Faculté de droit, filiale de l’université de Lyon, et d’une Ecole d ingénieurs citils.

C’est, de toutes manières, une œuvre vraiment scientifique et c’est aussi une œuvre bien française, que celle qui s’accomplit à Beyrouth.

I>) Shang-hai et Tokio. — Le projet d’une université catholique en Chine, envisagé à diverses reprises par les missionnaires jésuites, a reçu depuis longtemps un commencement d’exécution à Shanghai. H existe aux abords de cette ville des tronçons qui ne demandent qu'à se rejoindre : d’une part un séminaire théologique pour les missionnaires européens et les prêtres indigènes, d’autre part un établissement considérable d’enseignement secondaire, pareillement ouvert aux Européens et aux Chinois ; des observatoires météorologiques et astronomiques, etc.

Plus récemment, des missionnaires jésuites ont été appelés au Japon pour y préparer la fondation d’une université catholique, et se sont fixés à Tokio. Ils y ont fondé une école supérieure qui a obtenu la reconnaissance officielle du gouvernement japonais et a ouvert quelques cours en langue allemande.

IV. Lks UNIVKnSITÉS CATHOLIQUES FRANÇAISES :

Paris, Angkrs, Lille, Lyon, Toulouse

« ) CoDsldérations générales- — Dès 1861, dans

un volume intitulé : Des études religieuses en France depuis le dix-septième siècle jusqu'à nos jours, l’abbé Duilhé de Saint-Projet, qui devait être un jour recteur de l’Institut catholique de Toulouse, après avoir dépeint l'œuvre de l'épiscopat belge à Louvain, .s'écriait : « Que ne ferait point l'épiscopat français,

au sein d’une nation souveraine dans le inonde civilisé ! »

Cette idée que la France devait compter un ou plusieurs Louvain, et que les catholiques de notre pays sauraient en tirer le même parti que leurs frères de Belgique, s'était emparée de l’esprit des plus ardents, des plus convaincus parmi les nôtres, et était destinée à y grandir jusqu’au moment où elle entraînerait, sinon l’opinion générale, du moins les voles des conservateurs et des vrais libéraux de l’Assemblée nationale. Quelques-uns même, se fondant sur la prospérité des collèges libres et ne soupçonnant pas l'étrange puissance de contradiction et d’apathie qui demeure au fond de beaucoup d'àræs catholiques, se faisaient de grandes illusions. Tel le P. d’Alzon qui, dans un rapport de 1872, d’ailleurs plein de vues justes et pratiques sur l’organisation de l’enseignement supérieur lil)re, se demandait, — tout en concluant à l’affirmative, — si des facultés d’Etal devraient et pourraient subsister après la proclamation d’un régime de liberté. Tel aussi M. Beluze qui, fort des mêmes calculs et des mêmes probabilités, escomptait un minimum de cinq cents auditeurs pour les cours supérieurs qu’il fondait au Cercle catholique du Luxembourg en attendant le vote de la loi, et qui fut très surpris de ne pas dépasser vingt-neuf inscriptions, chiffre qui aurait dû donner à réfléchir.

Des cinq universités qui furent fondées aussitôt après la promulgation de la loi du la juillet 1876, — nombre qu’on a depuis trouvé excessif, mais qui ne paraissait pas l'être quand on considérait, en prenant la Belgique pour terme de comparaison, l'étendue de la France et la population des collèges catholiques, — de ces cinq universités, dis-je, aucune n’a joué le rôle total, n’a exercé l’action d’ensemble de l’université de Louvain, et il faut aller jusqu'à reconnaître qu’elles n’ont pas même, à elles toutes, joué ce rôle ou exercé cette action. Seule l’université de Lille a approché du but et rappelé Louvain, ce qui lui a valu d’ailleurs de se heurter à des hostilités plus vives que celles qui ont assailli ses sœurs ; elle s’est constituée dans un milieu analogue à celui de Louvain, dans un pays où les catholiques sont nombreux, puissants, riches, indépendants, groupés ; elle a pu, du premier coup, présenter un ensemble complet de facultés, se sulTire à elle-même, aflirmer son entière autonomie à l'égard de l’Etat ; elle a été une institution régionale, fleur et fruit d’un patriotisme local ardent et éclairé ; celle d’Angers, quoique dans une plus faible mesure, i)rofilait de circonstances du même genre et prenait, dans la région de l’Ouest, une attitude semblable ; mais elle n’a pu acquérir une influence comparable à celle de Lille, parce qu’elle était dans un milieu moins actif, moins industriel, moins riche et moins passionne ; elle a soulTert du petit nombre des élèves et de I’i : isuffisance des ressources ; à Paris, les étudiants, quoiipic plus nombreux qu’ailleurs, étaient pour ainsi dire noyés dans le flot des élèves de toutes sortes qui sui cnt les cours des facultés ou des grandes écoles de l’Etat ; et l’institution même, dans une ville aussi pcui)lée, aussi riche d'établissements prospères et illustres, avait peine à fixer l’attention et surtout : 'i faire naître l’espèce de fierté que suscite, dans une moindre ville, toute institution originale, fût-elle médiocrement l)ien vue de la majorité ; Lyon, toutes proportions gardées, souffrait des mêmes inconvénients que Paris et comptait trop peu d'étudiants pour une région trop vaste ; à Toulouse enfin, de bonne heure, le recrutenumt fut presque exclusivement ecclésiastique. Pour qu’une université arrive à tenir dans un<^ nation la place qu’a Louvain en Belgique et remplisse intégra1037

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Ifinenl s.i Iriple mission sociale, iiilellpctuelle et religieuse, il faut de toute nécessite que la proportion de ses étudiants par rapport à la totalité des classes dirigeantes soit assez considérable. Or, le nombre a toujours manqué aux universités catholi ques françaises ; même aux meilleures époques, — cl il y en a eu de très mauvaises, — c’est à peine si on a dépassé’joo à Paris, 650 à Lille, 600 à Lj’on, 260 à Angers, 150 à Toulouse. (Aujourd’hui ^iS à Paris, près de 700 à Lille, 315 à Lyon, 282 à Angers, 67 à Toulouse. Bien entendu, je ne parle que des étudiants inscrits, non des auditeurs libres.) Même en admettant que ces deux mille et quelques étudiants constituent une élite, c’est insiiflisant pour une nation de 38 millions d’habitants, surtout si l’on songe qu’à Paris seulement les facultés de l’Etat comptent près de 19.000 étudiants.

Pourquoi cette presque décourageante abstention d’une si grande partie de la jeunesse catholique ? Tous les recteurs, cl principalement Mgr d’Hulst à Paris, Mgr Baunard à Lille, Mgr DadoUe à Lyon, Mgr Pasquier à Angers, se le sont maintes fois demandé avec une douloureuse angoisse, dans ces discours de rentrée oii ils ont su placer de si courageux et de si véridiques examens de conscience.

D’abord, c’est évident, par suite de la guerre incessante qui nous a été faite. Les débuts de nos universités ont coïncidé avec l’arrivée au pouvoir de ceux qui n’avaient pas voulu les voir s’établir. Ils en ont entravé la marche de toutes manières. La liberté ne nous avait été que très parcimonieusement accordée, sous toutes sortes de conditions et de réserves, qui déjà forçaient nos établissements à se calquer, ou à peu près, sur ceux de l’Etat, ne leur laissant ni l’indépendance des programmes dont la préparation conduit aux grades, ni le droit de conférer ceux-ci. Non seulement la loi de mars 1880, qui supprimait les jurys mixtes et nous enlevait officiellement le nom d’université, restreignait encore ce minimum de liberté ; mais chaque remaniement des programmes, et l’on sait s’ils ont été fréquents, servait de prétexte à resserrer notre champ d’action. Tout procédé semblait bon pour attirer les jeunes gens vers les cours de l’Etat, en les détournant des nôtres. Sans doute, nous n’avions pas à nous plaindre dans les examens, d’un défaut d’impartialité de la part des juges — nous leur devons ce témoignage — mais trop souvent, le fait de nous avoir appartenu devenait par la suite une cause de défaveur, chose grave dans un pays qui a la passion des fonctions publiques. L’usage d’une liberté légale était considéré et châtié à la manière d’une usurpation. D’où les craintes de beaucoup de parenls qui ne se rendaient pas assez compte que le seul titre de catholique avéré est de nos jours aussi dangereux, aussi fertile en conséquences fâcheuses, que celui d’ancien élève d’une faculté libre.

Osons le dire très haut, les catholiques français n’ont pas suffisamment compris leur devoir en cette matière si grave ; ils ont manqué de courage et d’esprit de foi. Comme aux catholiques des Etats-Unis, des préoccupations intéressées leur ont voilé le danger très réel que courait la foi de leurs enfants. Ils ont craint d’être des isolés, des parias, et plus ils redoutaient de l’être, plus ils exposaient à ce triste sort ceux qui se montraient plus vaillants et plus logiques dans leurs croyances, alors que, s’ils l’eussent voulu, ils eussent été le nombre, aussi bien qu’ils l’étaient dans l’enseignement secondaire. « Et dire que dans ces milliers de jeunes gens qui suivent les cours de l’Etat, disait, il y a quelques années, le Saint-Père, il y a tant de catholiqties et de ûls de catholiques ! C’est une aberration ! » Les ecclésiasti ques eux-mêmes ont trop souvent cherché des avantages immédiats et de plus grandes facilités de succès. Combien d’entre eux ont i)articipé à cette étrange disposition de l’esprit français, qui attribue a priori la supériorité à tout ce que fait l’Etat ! Ouelle admiration souvent naïve pour les plus ordinaires des maîtres de l’Université et quelle déUance préconçue à l’égard des professeurs de nos instituts I L’esprit de corps nous a fait défaut. Au sein même des universités catholiques, quoiqu’il y ait eu généralement bonne entente, la fusion n’a pas été assez complète entre les laïcs et les ecclésiastiques, ce qui eiit préparé, comme en Belgique ou en Allemagne, leur action conimunedans l’avenir. Les associations d’étudiants et d’anciens étudiants ont été lentes à se former, pas assez compactes, pas assez actives. Sauf dans la région du Xord, nos anciens ont vécu disséminés, faisant le bien, sans doute, mais isolément, manquant de cet esprit d’initiative et d’organisation qui a poussé les Louvanistes à fonder ces sociétés dont nous avons ci-dessus montré la force et l’utilité. Enfin, nos divisions politiques ont exercé là comme partout leur action dissolvante, en raison des défiances qu’elles ont entretenues parmi nos étudiants d’abord, et aussi parmi nos protecteurs naturels.

Telles sont, exposées avec une entière sincérité, sans illusion sur la mauvaise volonté de nos adversaires et sans faiblesse pour nos amis, les causes qui ont paralysé le développement de nos universités catholiques et em[)êché qu’elles n’obtinssent dans notre pays toute l’influence sociale qui leur semblait réservée.

) Caractère des universités catholiques françaises. — Est-ce à dire cependant qu’elles ne font pas bonne figure, non seulement parmi les universités catholiques, mais parmi les grandes corporations enseignantes du monde, qu’elles ne rendent pas d’importants services et qu’elles ne justifient pas largement les sacrifices qu’elles coûtent ? Loin de moi cette pensée qui serait très contraire à la vérité. Après trente-huit ans d’existence, chacune de nos cinq universités françaises a pris sa physionomie propre et peut se présenter la tête haute : Paris, avec ses soixante-dix professeurs, et ses nombreux conférenciers, ses facultés de théologie, de droit, de lettres, de sciences, ses cours publies si nombreux et si variés, ses cours de jeunes filles, son Ecole supérieure, récemment créée, des sciences économiques et commerciales, sa participation active et constante à la vie intellectuelle de la grande cité, les relations que le passé de l’Ecole ecclésiastique des Carmes et beaucoup d’autres circonstances l’ont amenée à entretenir avec les établissements de l’Etat, le prestige qu’elle doit à des hommes tels que Mgr d’Hulst, l’abbé de Broglie, Claudio Jannet, de Lamarzelle, Mgr Duchesne, AL Georges Lemoine, M. de Lapparenl, M. Branly, qui y ont enseigné simultanément. — Lille, plus homogène, plus complète, plus fermée aussi, qui se compare elle-même, par la bouche de Mgr Baunard, à « un camp retranché » ; Lille qui s’est si bien adaptée au milieu du Nord, qui, dès 1885, a su joindre aux cinq facultés traditionnelles qu’elle possédait déjà, une Ecole des hautes-études industrielles, dont on a pu dire qu’elle est la vraie école normale des patrons chrétiens ; et plus récemment une Ecole d’électricité ; Lille, avec sa faculté de médecine, qui se recrute dans la France entière, ses hôpitaux, ses cliniques, ses dispensaires, ssl Maternité el son Ecole de sa^es-femmes, a.yecce corps professoral qui compte plus de cent maîtres, dont quelques-uns ont acquis par leurs travaux une réputation universelle, avec ces Conférences de sciences sociales et politiques. 1039

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1040’organisées par M. Duthoit, avec ces extensions universitaires, grâce auxquelles la bonne parole de l’Aima mater est successivement portée clans toutes les grandes villes de la région ; avec ses étudiants plus unis et mieux groupés que partout ailleurs.

— Angers, aussi indépendante que Lille à l’égard de l’enseignement ofliciel, — il n’y a d’université de l’Etat ni dans cette ville, ni dans les villes voisines, — exposée aux inconvénients qu’entraîne cette situation, nécessité de créer à grands frais tous les moyens de travail, défaut de relations entre les professeurs libres et ceux de l’Etat, mais échappant d’autre part aux multiples désavantages qui résultent du voisinage immédiat et de la concurrence, soit qu’on y résiste, soit qu’on y cède ; l’université d’Angers s’est établie sur un terrain inoccupé ; elle n’a pas été étouffée par une voisine et, si petite qu’elle soit, elle s’impose à l’attention, non seulement parce qu’il n’y a aucun établissement scientifique comparable dans la région, mais par la valeur intrinsèque de l’enseignement que distribuent les quarante professeurs ou chargés de cours de ses quatre facultés, et les dix-sept professeurs de son Ecole supérieure d’agriculture. Celle-ci, création de plusieurs des plus notables propriétaires fonciers de la région, est appelée à rendre, dans ce pays tout agricole, des services analogues à ceux que rend, dans le Nord, l’Ecole des hautes-études industrielles de Lille ; depuis iSgf^, date de sa fondation, cette école a conféré igdiplônies d’ingénieurs d’agriculture et ^5 certificats d’éludés agronomiques. En 1 909, on y a adjoint une Ecole supérieure de commerce. Par les Conférences littéraires de l’Ouest, œuvre due au comte du Plessis de Grenedan, et qui prospère dans quatorze villes, l’université d’Angers est devenue elle aussi un centre important de vie intellectuelle pour tout le pays.

— Lyon a fait surtout œuvre d’école normale pour les départements du Sud-Est et s’est consacrée à cette tâche avec le plus infatigable dévouement, sans oublier, elle non plus, la nature du milieu où elle s’est fondée et ses exigences propres ; c’est ainsi que, parallèlement à l’enseignement supérieur proprement dit, la faculté des sciences a organisé l’enseignement des sciences appliquées en vue des carrières industrielles et commerciales, si nombreuses et si recherchées dans le Rhône, l’Ardèche, la Loire, et que cette même faculté a contribué très efhcacement à la fondation et à la prospérité de VEcole supérieure de la Salle, destinée à l’enseignement professionnel des jeunes ouvriers, école qui compte près de deux cents élèves ; Lyon a ses quatre facultés, où professent quarante-huit maîtres ; son Observatoire magnétique de Founières ; ses cours publics et gratuits du soir pour le droit, ses conférences du vendredi, ses cours déjeunes tilles ; Lyon s’honore justement de la part prépondérante qu’ont eue, dans nos congrès catholiques, tant de ses maîtres et en première ligne le dojen actuel de la faculté de droit, le grand avocat, le grand orateur Jacquier. — Toulouse, après avoir donné, comme les autres, tous les enseignements qui appartiennent à une université, sauf la médecine, et qui a compté, auprès de ses apologistes, des savants et des littérateurs si distingués, s’est vue, par la réforme du cardinal Mathieu, privée de l’enseignement du droit et réduite à une douzaine de chaires littéraires et scientifiques ; mais, en revanche, elle est devenue, sous l’active direction de Mgr BatifTol, l’une de nos toutes premières écoles catholiques dans l’ordre des sciences sacrées ; telle est vraiment sa marque distinctive.

Si chacune de nos universités a ainsi donné sa note propre et travaillé, de préférence, à telle ou telle partie de la tâche qui nous incombe, toutes ont

collaboré à une œuvre commune, très utile, très nécessaire même, et c’est ce que je voudrais maintenant mettre en lumière.

Les universités catholiques peuvent être envisagées à différents points de vue.

Elles sont un moj’en de préservation pour la jeunesse laïque sortie de nos collèges, dont elles continuent l’œuvre.

Elles jouent le rôle d’écoles normales supérieuresde l’enseignement libre.

Elles tendent à former une élite intellectuelle dansle clergé.

Elles sont des foyers chrétiens de haute science et favorisent la formation et les progrès des savants, catholiques qu’elles rapprochent.

Elles ont, eniin, une mission doctrinale qui doit tendre à l’aire d’elles, — non pas, certes, les organes de la vérité religieuse, ce rôle incombe au Pape, aux conciles, aux évêques, — mais les régulateurs de la vie intellectuelle des catholiques et les apologistes de la vérité.

c) Services rendus par les universités catholiques : préservation de la jeunesse laïque. — Quels services ont rendus et rendent, à cliacun de ces points de vue, nos universités catholiques françaises ?


Le premier fut, à l’origine, le mieux compris, je dirai presque le seul aperçu, non seulement de la masse des catholiques, mais même de la plupart des évêques. Faire dans l’enseignement suiiérieur ce que, grâce à la loi Falloux, on faisait, depuis vingt-cinq ans, dans l’enseignement secondaire : tel fut le premier but De là cette préoccupation qui s’est partout manifestée de fonder, avant toutes les autres, une faculté de droit et, s’il se pouvait, une faculté de médecine.

Celle-ci était l’objet des désirs les j)lus intenses, les j)lus vivement exprimés ; on ne s’arrêta que devant l’énorniité des difficultés matérielles et des dépenses ; Lille seule, nous l’avons dit, put aller jusqii’au bout et lit grandement les choses. Elle a envoyé dans les départements du Nord, du Pas-de-Calais et dans plusieurs de nos provinces un millier de médecins et ])rès de deux cents pharmaciens : « De partout, disait Mgr Baunard, en 1892, on nous demande des médecins chrétiens, des médecins de chez nous. On leur fait de belles oiTres, on leur tend les bras : c’est le salut d’un iiays. Mais nous n’y pouvons suffire, et à ces demandes sans On, nous répondons d’ordinaire : Commencez donc par nous envoyer des étudiants, dont nous ferons des docteurs qui vous reviendront ensuite pleins de science et de foi. » NoJis le disons aux pères et aux mères de famille, à qui l’âme de leur fils est chère plus qu> tout le reste. Nous le disons aux curés : un bon médecin, c’est un vicaire. Nous le disons aux pro|iriétairts chrétiens : ne pourriez-vous vous cotiser jiour donner ou pour avancer seulement à un jeune homme les frais annuels d’études médicales, alin d’assurer plus tard son concours dévoué à la commune que vous habitez ou que vous administrez ? »

A côté de l’œuvre scientifique, l’œuvre charitable et sociale qui forme, elle aussi, le médecin chrétien ; il a été fait à l’hôpital de la Charité, en dix ans, plus de500.ooo visites de malades. Lesàcnx.Vaterni lés ont reçu ensemble 16.000 mères, depuis leur fondation. L’asile des Cinq-Plaies, de 1877 à 1908, a recueilli i.ioo infirmes, et l’hôpital Saiiil-.4ntoine de Padoiie, 4.443 enfants depuis 1890 ; la maison de sauté Sniut-Camille, depuis 1908, a reçu 1.333 malades et la maison Saint-Raphaél, 5.597, depuis 1889 ; les consulta1041

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lions graliiiles, dans les dispensaires, s’clcvenl à plus de 700.000.

Les dépenses globales de la Faculté catholique de médecine de Lille pour renseignement technique seul s'élèvent, depuis l’origine jusqu'à 1908, à 6 millions 200.000 francs.

l’our la médecine, rien, dans nos autres universités, ne peut entrer en coni|)araison de ce qui s’est fait à Lille ; Angers a dû se contenter modestement de l’année préparatoire, dite P. C. N. ; Lyon, de l’hOpital Saint-Joseph, servi par un corps médical catholique de premier ordre ; Paris même ne peut présenter, avec son hointal Saint-Joseph, que des institutions de préservation et de préparation comme la conférence Lacnnee et la conférence Fonssagrives.

On a parfois contesté l’utilité des facultés libres do droit. De Paris, de Lyon, de Lille, d’Angers, sont jiartis à différentes reprises en leur faveur d'énergiques et ])rol)anls plaidoj-ers qu’il serait trop long de résuuier, et qui ne doivent pas d’ailleurs être sortis de la mémoire des catholiques. Les faits démonlient que, presque partout, hommes d’aOaires, notaires, avocats, avoués, qui ont i]ris la défense de l’Eglise, dans la persécution légale qu’elle traverse, ont été formés par ces facultés, et que les mêmes hommes sont à la tête de toutes les œuvres catholiques. La ohose est évidemment plus sensible dans des régions homogènes et restreintes comme celles qui constituent les ressorts académiques de Lille et d’Angers ; là on a pu voir, en nombre relativement considérable, des maires, des conseillers généraux, des députés, les Bougère, les Adigard, les Le Louédee, les Danselle, les des Uotours, choisis parmi les anciens élèves des facultés libres de droit (et, parmi les maîtres, M. Groussau) ; mais encore une fois la constatation est générale. Paris n’a-t-il pas au Parlement les Lamarzelle, les Taudière, les Ancel, les Denais, les Flayelle, les LeroUe, naguère encore les Legendre ? Et au Conseil municipal. César Caire, Duval-Arnould, Rollin ? Les statistiques n’ayant pas toujours été exactement tenues, il est dillicile de dire combien d'étudiants en droit ont appartenu à nos facultés depuis trente-huit ans ; mais leur nombre s'élève à plusieurs milliers. A Paris, en iQia-igiS, il est de 4 '9 et à Ljon de 190. Angers a fourni 5^2 licenciés et 91 docteurs en droit ; Paris, i.4 12 licenciés, 240 docteurs, i agrégé ; Lyon, 510 licenciés, 96 docteurs.

Est-ce uniquement au moyen des principes et de la doctrine que les universités catholiques accomplissent leur mission de piéservation et de préparation ? Non. Par un enseml)le de mesures et d'œuvres, elles s’efforcent de mettre l'étudiant à l’abri de la contagion du mal et de lui inspirer l’amour actif du bien. Louvain a ses pédagogies, moins nombreuses et moins fréquentées de nos jours que sous l’ancien régime, mais encore assez prospères, sortes d’intermédiaires entre la vie de collège et la vie de pleine liberté. Nos universités françaises ont leurs séminaires pour les étudiants ecclésiastiques et quelques maisons de famille pour les étudiants laïques. Angers a les beaux internats, situés dans les jardins mêmes du palais académique, de Saint-Clair, SaintMaurice et Saint-Martin ; Lille, les maisons.A.ll)ert-leGrand, Saint-Louis, Saint-Michel ; Paris, la maison de famille de l’Institut catholique, et deux autres maisons qui, sans être oiriciellement adoptées par lui, rendent les plus grands services.

Un des liommes qui ont le plus contribué à entretenir l’esprit chrétien parmi les étudiants lillois, le U. P. Dargent, adressait, il y a quel([>ies années en 1902, une lettre au TiuUetinde t’Associittion des an ciens élères de Stiint-Sulpice. Il y insistait sur l’esprit de famille, véritablement unique, qu’il constatait entre professeurs et étudiants. Tels professeurs invitent chez eux à diner tous les élèves de leurs cours, en deux ou trois a paquets » ; tels autres, le soir du I janvier, reçoivent à leur foyer des groupes d'étudiants qui, ne pouvant retourner dans leur pays pour le congé du nouvel an, doivent rester ces jours-là dans les maisons de famille, a Et l’on sent, ajoute le P. Dargent, combien ces relations peuvent contribuer à polir, à enhardir des natures un peu timides ou frustes, à leur préparer des débouchés utiles, en même temps que cette souple et compréhensive culture intellectuelle, dont je parlais tout à l’heure, complète leur formation humaine et chrétienne et leur élargit l’esprit. »

La même lettre nous montre comment est organisée la vie chrétienne de l'étudiant lillois : retraites annuelles, congrégations de la Sainte Vierge, cercles d'études religieuses, groiq)es de l’adoration nocturne, de la communion réparatrice, conférences de SaintVincent de Paul, conférences Jeanne-d’Arc, dont les membres se préparent à la parole publique, et vont organiser, le dimanche, des réimions utiles dans les patronages, voire dans des estaminets ou des salles I)ubliques. « C’est grâce à cette vie chrétienne organisée, grâce aux exercices qui, librement choisis par eux, les initient à la vie d’apostolat, que nos jeunes gens restent ce qu’ils étaient quand ils ont quitté la famille et le collège », et que beaucoup d’entre eux deviennent irréprochables dans leur conduite, se I)réparant à une vie d’homme ])Ure, lière et féconde.

A Paris, nous avons des œuvres analogues ; si quelques-unes d’entre elles et des plus importantes ne tiennent pas d’aussi près à l’Institut catholique, comme la Conférence Olivainloule Cercle du Luxembourg, cela vient de ce qu’elles préexistaient à l’Institut, mais nos étudiants en profitent, de même que de la Héunion du ç> ! de la lue de Vaugirard, ou Cercle Monialembcrt.

A Angers, tous les élèves de l’université peuvent s’inscrire à la Conférence Saint-Louis, qui a eu pour fondateur le regretté jirofesseur Hervé Bazin. Affiliée à l’Association catholique de la jeunesse française, la Conférence, disent les statuts, « est fondée sur la triple base de la piété, de l'étude et de l’action, et elle a pour but d’accroître chez ses membres l’amour de l’Eglise, la vertu, la science et le dévouement chrétien pour la patrie ». Bon nombre de ceux qui la composent appartiennent aussi à la Congrégation de la Sainte-Vierge.

Ces exemjjles, — et j’en pourrais prendre d’autres à Lyon et à Toulouse, sullisent à établir que nos universités catholiques n’ont pas failli à la première partie de leur tâche et que, si leur action n’a pas été plus étendue, c’est, encore une fois, uniquement faute d’un plus grand nombre d'étudiants.

De bonne heure aussi, les >iniversités catholiques ont été amenées à s’occuper d’une autre partie delà jeunesse laïque qu’un courant irrésistible commençait à attirer vers les études supérieures : je veux parler des jeunes filles. Mgr d’Hulst, à Paris, et, à Lyon, Mgr Dadolle, aidé d’un homme d’intelligence et de cœar, Emmanuel Perrin, organisaient des cours pour les jeunes filles du monde qui, après avoir terminé leurs études secondaires, voulaient, en attendant le mariage, compléter leur éducation et leur instruction. Plus tard, une autre catégorie déjeunes filles devait venir à nous : celles qui préparent leurs grades universitaires et qui, pour la plupart, se destinent à l’enseignement. Les universités catholiques de Paris, de Lyon, d’Angers, ont fait le nécessaire pour leur assurer, tant par elles-mêmes que par leur 1043

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ooUaboration avec des écoles normales catholiques et lies maisons de famille bien dirigées, une bonne l)réparation technique et la sauvegarde de leur foi clirétienne. Et ceci m’amène au second point de vue sous lequel peuvent être considérées nos universités.

d) Les nniversités catholiques considérées comme les écoles normales supérieures de l’enseignement libre. — Après les facultés de médecine et de droit, la première pensée des évéques fondateurs allait à celles des lettres et des sciences. Ou,

— ce fut le cas de Paris et de Lille, — ils en créèrent dès le début en méiue temps que la faculté de droit, ou, — ainsi à Angers, à Lyon, à Toulouse, — ils n’attendirent pas plus d’un, de deux ou de trois ans. Evidemment, dans leur pensée, ces facultés pouvaient servir aux jeunes gens du monde désireux de compléter, de couronner par des études plus élevées et par la licence leurs études secondaires. Mais, en fait, et cela se conçoit, ils avaient surtout en vue, — si on laisse de côté les cours publics et d’apparat qui étaient alors l’apanage des facultés des lettres, — de pourvoir à la préparation de bons professeurs, munis du grade de licenciés, pour les collèges libres. Déjà, depuis longtemps, l’Ecole des Carmes, à Paris, l’Ecole des Chartreux, à Lyon, et, depuis 1871, l’Ecole Saint-Aubin, à Mongazon, puis à Angers, tendaient à cette lin ; mais ou, comme à l’Ecole des Carmes, on dépendait étroitement de l’enseignement universitaire, ou l’on devait se contenter de peu de maîtres et de peu de cours. Cependant l’enseignement supérieur de l’Etat marchait à une transformation toute professionnelle ; par les cours fermés, par les maîtrises de conférences, voire par le caractère plus scientifique, plus technique, des cours publics, les facultés oflîcielles devenaient peu à peu de vraies écoles préparatoires ; grâce aux avantages qu’on leur promettait, grâce à l’institution des boursiers, les candidats aux grades et aux fonctions universitaires se multipliaient ; bientôt le moindre collège municipal allait être, du haut en bas, pourvu de licenciés ; il devenait urgent d’assurer à ceux qui aspiraient aux chaires de l’enseignement secondaire libre une formation égale et des titres égaux ; c’est ce qu’ont fait nos instituts catholiques. Les chiffres qui suivent donneront l’idée du travail accompli : de l’origine à novembre 1912, l’Institut catholique de Paris a produit 1.212 licenciés es lettres, 40 docteurs et 36 agrégés ; celui d’Angers, 35a licenciés et 22 docleurs ; celui de Lyon, S^g licenciés, 9 docteurs et 9 agrégés ; celui de Toulouse, 28a licenciés, 12 docteurs et 2 agrégés ; pour les sciences, je relève, à Paris, 177 licences, et, après la réforme de 1897, 555 cerlilicats dont 3 constituent une licence, 10 doctorats, I agrégation ; à Angers, 98 licences, 205 certificats, II doctorats ; à Lyon, 79 licences, 3^5 certificats, 7 doctorats ; à Toulouse, 81 licences, 3 doctorats, I agrégation. Depuis que, par une mesure inique, l’agrégation a été interdite aux ecclésiastiques, beaucoup ont du moins obtenu l’un ou l’autre des diplômes d’études supérieures, qui forment comme l’échelon intermédiaire entre la licence et l’agrégation. C’est assez dire que, dans ces trente-quatre dernières années, les universités catholiques, en jetant dans lacirculationde 3. 000 à 4-000 licenciés es lettres ou es sciences, ont infusé un sang nouveau à nos collèges. Ajoutons qu’elles ont institué, dans leur ressort, des concours généraux entre tous les établissements libres qui veulent s’y prêter et des inspections régulières qui ont beaucoup coiitril)ué à relever le niveau des études. Enfin de très bons esprits, dans les derniers congrès de V Alliance des maisons d’éducation chrétienne, ont réclamé la création d’une agrégation

de l’enseignement secondaire libre, ce qui agrandirait encore notre champ d’action et l’importance de notre tâche.

I’) Formation d’une élite intellectuelle dans le clergé. — C’est déjà <|uclque chose que d’avoir travaillé de la sorte pour le clergé enseignant de nos collèges. L’opinion catholique cependant attendait encore plus de nous ; elle souhaitait un clergé qui, dans son ensemble et surtout dans son élite, fût plus instruit, plus éclairé, plus au courant des problèmes de son temps et des solutions qu’ils réclament. Nos pères de 1830 avaient pu croire qu’il n’y avait entre eux qu’un malentendu politique issu de la Révolution et qu’un certain libéralisme suffirait à les réconcilier ; de là les tentatives libérales au sein même du catholicisme. En réalité, deux doctrines étaient en présence, d’où devaient sortir peu à peu deux formes différentes de civilisation, deux façons de concevoir le développement intellectuel et social ; les idées qu’aujourd’hui on qualifie de laïques sont aux antipodes de la tradition catholique et de l’esprit chrétien. Si l’on veut que vivent cette tradition et cet esprit, il faut que ceux qui les représentent comprennent et égalent ceux qui les attaquent. A s’isoler de la culture générale contemporaine, le savoir ecclésiastique courrait le plus grand des périls ; apanage de quelques individus, il serait pour le reste des hommes une langue morte et demeurerait sans la moindre action sur la pensée, bientôt par conséquent sur la vie. Donc il faut que, dans le clergé, tous ceux qui sont susceptibles de recevoir cette culture supérieure la reçoivent et il faut qu’ils la reçoivent vcritableinenl supérieure ; il faut que leurs éludes soient spéciales, approfondies, s’altachant aux questions fondamentales, et conduites d’après les vraies méthodes critiques et scientifiques. Mais, d’autre part, il faut que ces éludes soient dirigées de telle façon, et que cette initiation aux méthodes critiques et scientifiques s’opère de telle sorte que la foi des ecclésiastiques ne soit pas compromise ; autrement, ils seraient eux-mêmes entraînés, ce qui, hélas ! s’est vu quelquefois. Et c’est pourquoi cette culture supérieure doit être donnée dans les universités catholiques par des maîtres qui aient l’esprit chrétien, une foi intégrale, et en même temps l’expérience des méthodes qui sont les bonnes. A ce devoir non plus, nos instituts n’ont pas manqué ; des centaines et des centaines d’ecclésiastiques se sont succédé sur leurs bancs depuis trente-huit ans. Je ne donnerai qu’un signe de la transformation accomplie : la valeur reconnue des travaux sortis du clergé. Il a, comme le fait très justement remarquer Mgr BatitTol, dans son livre si suggestif. Questions d’enseignement supérieur ecclésiastique, presque conquis le département des études d’histoire de l’Eglise : « Quand, il y a vingt ou trente ans, un vaillant éditeur entreprit à Toulouse la refonte de cette Histoire du Languedoc qu’avaient rédigée les Bénédictins de jadis, pas un seul membre du clergé ne figura parmi les collaborateurs nouveaux, tandis qu’à l’heure présente, nous pouvons tenter nous-mêmes la refonte du Gallia Cliristiana des Bénédictins. » De même dans l’exégèse, la philosophie, les sciences sociales, l’histoire des religions.

« Les phénomènes religieux, écrivait, il y a

peu d’années, un de nos adversaires, M. Ferdinand Lot, dans les Caliiers de la i/uinzaine, ont une importance tellement capitale dans la vie passée et actuelle des sociétés, qu’on ne comprend vraiment pas <lu’on laisse au clergé (en province au moins) le monopole de ces études. Ce n’est pas avec des plaisanteries et des articles de journaux qu’on leur disputera les jeunes intelligences. Il faudrait des hommes 104 :  ;

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(le science el des spécialistes pour poiiroir lutter contre la nouvelle génération cléricale qui possède quelques hommes d’une instruction tout à fait supérieure. .. Le gouvernement et le Parlement ne paraissent même pas se douter de la nécessité de recruter un personnel capable de lutter sur ce terrain contre te clergé moderne. »

L’intelligence humaine, l’intelligence chrétienne elle-même, traversent de nos jours une crise redoutable entre toutes ; d’un côté, une grande partie des savants et des penseurs s’esta ce point détournée de la doctrine chrétienne qu’elle a réussi à enraciner fortement dans la masse l’idée de l’incompatibilité absolue de la science et de la foi ; d’un autre coté, l’étude des systèmes modernes de philosophie, l’introduction dans les sciences religieuses des méthodes critiques et scientiliques appliquées à tous les autres ordres de connaissances, l’usage fait parfois sans précaution et sans discernement par des catholiques imiirudents de ces méthodes, ont provoqué chez un certain nombre des nôtres, prêtres ou laïques, quelque trouble et quelque désarroi ; plusieurs se sont laissé entraîner sur le terrain de l’ennemi et ont. plus ou moins consciemment, porté atteinte à l’enseignement traditionnel de l’Eglise ; c’est, dans nos rangs, l’erreur moderniste, qui s’est développée parallèlement au rationalisme radical des adversaires de la révélation chrétienne.

De là, ce qui constitue la plus haute mission des universités catholiques ; elles représentent et soutiennent la doctrine chrétienne, dans son intégrité, en face de ses ennemis déclarés et de ses faux défenseurs.

/’) Foyers chrétiens de haute science. — Chose étrange ! ce rôle doctrinal des universités catholiques ne fut tout d’abord que très imparfaitement reconnu par la majorité de ceux-là mêmes qui les fondaient. Au moment où s’inauguraient les premiers cours, le lo décembre 18^5, le P. Didon, dans un article du Correspondant, — non signé, mais qui porte sa griffe, — jetait déjà un cri d’avertissement et d’alarme.

« Lorsqu’on a lii, écrivait-il, avec l’attention qu’ils

méritent, les débats du Parlement » au sujet de l’enseignement supérieur, on reste convaincu que ce qui a poussé les catholiques à réclamer la liberté, c’est surtout une pensée de préservation… La tâche doctrinale de nos universités est immense. Est-elle comprise de ceux-là mêmes qu’elle devrait le plus intéresser ? … Tout a grandi : l’autorité, le sentiment et le zèle, tout, sauf ce qu’il y a de plus expansif et de plus actif, la lumière, la vérité et surtout la vérité religieuse. .. C’est parla supériorité intellectuelle que les peuples arrivent à la prééminence… Lors donc qu’attentifs au mouvement des choses divines et humaines, vous voyez le niveau intellectuel s’abaisser dans un peuple et la doctrine perdre son rang d’honneur dans l’intelligence des croyants, lorsque, pour employer une image des saints livres, le soleil .s’obscurcit comme un sac de crin, tremblez pour ce peuple et craignez pour cette croyance : l’un et l’autre déclinent, ils seront bientôt finis. >>

Ce que redoutait le P. Didon, c’était que nos universités ne fussent la simple copie des universités de 1 Etat, sans programmes à elles, sans esprit doctrinal : ( Ce qu’il nous faut, disait-il encore, ce sont des maîtres comme nous les entendons et des universités de notre style… Or, dans les universités que nous avons en vue, il n’y a de changé que le maître seul ; j’en conclus que ce sont plutôt des universités fondées et régies par des catholiques, que des universités catholiques proprement dites… Elles augmente ront un peu nos forces défensives ; elles ne nous donneront point cette offensive hardie sans laquelle nous ne reprendrons jamais la direction intellectuelle et religieuse du monde… Ce qu’il nous importe de fonder, ce ne sont pas des succursales de l’Université de l’Etat dirigées par des catholiques, mais des universités catholiques vraiment dignes de ce nom… Des universités catholiques qui se fonderaient en ne regardant que le passé ne comprendraient pas la mission qui leur est échue ; vieilles en naissant, elles ne pourraient aspirer à séduire, ni à entraîner la jeunesse ; et le jour de leur inauguration serait celui de leur décès. »

Que voulait-il donc ? Une université « éminemment thcologique », c’est-à-dire, en premier lieu, une université a dont la pierre angulaire fût une faculté de théologie dans laquelle seraient largement enseignées toutes les sciences de l’ordre divin n ; c’est-à-dire, en second lieu, une université dont tout l’enseignement fut dominé par la doctrine chrétienne, refit « en la rajevmissant, la vieille synthèse doctrinale du xii[’siècle Il et constituât « la synthèse nouvelle de tout le savoir humain ». te Les universités libres, concluait le P. Didon, sont la preuve la plus décisive que le catholicisme puisse donner aujourd’hui de sa vitalité. C’est dans ces foyers lumineux qu’il révélera sa doctrine si peu connue souvent de ceux-là mêmes qui la professent et la défendent ; c’est de là qu’il pourra s’imposer aux esprits par l’autorité de l’intelligence… La lutte est ouverte : le champ clos, c’est le pays ; l’arme, les universités. Le catholicisme et le positivisme vont se disputer l’âme de la France. « 

En un langage moins magnifique sans doute, mais plein de bon sens dans sa simplicité, le doyen de la faculté libre de droit â Lille exprimait la même pensée, qui répond d’avance à ceux qui voudraient réduire notre enseignement à celui des sciences sacrées, — montrant ce courant doctrinal qui doit circuler du haut en bas.

« La communication de vie et de science d’une

faculté à l’autre, disait le marquis de Vareilles-Sommières au congrès catholique de 1877, l’échange de lumière et les mutuels services supposent, en même temps qu’ils la fortifient, l’unité morale. Elle n’est guère possible que chez nous, où les ca^urs se rapprochent dans les manifestations religieuses, où une seule vérité suprême rallie toutes les intelligences. Le corps est achevé dans son organisation, l’a me est une..u sommet de cet édifice vivant, la doctrine catholique est officiellement représentée par le théologien et le moraliste, qui sont interrogés par tous et ont eux-mêmes besoin de s’adresser à tous. Commerce admirable qui fait bénéficier chacun du travail de tous et où toutes les sciences ne font qu’une science. »

Les universités catholiques ont-elles de tous points répondu à cet idéal ? Non ; et il me semble, pour être entièrement sincère, qu’il n’est pas encore tout à fait réalisable ; il est trop tôt pour songer à cette grande synthèse des sciences que rêvait le P. Didon, après le P. Gratry et bien d’autres. Du moins nous pouvons la préparer par de lents, consciencieux et minutieux labeurs. C’est en ce sens que nos instituts catholiques ont été, suivant le désir et la formule de Mgr d Hulst, des foj’crs de science chrétienne.

Tout d’abord, ils ont groupé des savants chrétiens, leur ont permis de mettre en commun leurs idées et leurs efforts et de trouver les instruments de travail nécessaires. Bien entendu, nous n’avons pas la prétention de soutenir que nous n’avons mis en ligne que des hommes de premier ordre ; l’Etat non plus, ni aucune institution, quelle qu’elle soit ; mais, dans 1047

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toutes nos facultés, il y a eu et il y a des hommes distingués en grand nombre et quelques hommes cminents. On n’attend pas de moi que je cite leurs noms ; le choix pourrait paraître arbitraire et serait désobligeant pour ceux que j’omettrais. Chacune de nos universités publie des annuaires qu’il est facile de consulter ; dans son Histoire de l’Institut catholique de Paris de 1875 à I9Û’, Mgr Péclienard a donné la liste de tous les maîtres de ce grand établissement, dans le passé et dans le présent ; les noms <|u’on y relève — et j’en dis autant de nos autres universités

— ne dépareraient les diptyques d’aucun établissement scientilique d’Etat.

Ici encore l’énumcration de nos publications et de nos travaux fournirait le plus exact des critériums ; publications collectives d’abord. Paris vient en première ligne avec les œuvres et les collections qu’il patronne, sans en avoir la responsabilité ollicielle, ou que dirigent tels de ses professeurs, à savoir : la Sainte Bilile polyglotte, par M. l’abbé’Vigouroux, avec le concours de M. l’abbé Nau ; le Dictionnaire de la mille, par M. l’abbé Yigouroux ; le Dictionnaire de théologie ctitholique, commencé sous la direction de M. l’abbé Vacant, continué sous celle de M. l’abbé Mangenot ; le Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiijues, dii-igé parMgr Baudrillart ; le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, par M. l’abbé d’Alès ; la Bibliothèque de théologie positive, par les professeurs de théologie de la faculté ; la Patrologiu orientalis, par Mgr Grallin et M. Nau ; le Canoniste contemporain, par M. l’abbé Boudinhon ; la lietuede philosufjhie et l’Index philosophique, par M. l’abbé Peillaube ; la Hauie pratique d’apologétique, par MM. Baudrillart, Guiberl et Lesètre ; les Grands philosophes, paiM, Piat ; la Bibliothèque de philosophie expérimentale, Y>ar M. l’abhé Peillaube ; la Collection des textes et documents pour l’étude historique du christianisme, par MM. Lejaj- et Hemmer. Lille a la Revue des sciences ecclésiastiques, la lievue des sciences médicales, la Revue de Lille, la Revue des facultés catholiques, les Mémoires et travaux, Lyon, l’Université catholique et le Bulletin d’histoire ecclésiastique de Lyon. Angers, la Revue des facultés catholiques de l’Ouest. Toulouse, le Bulletin de littérature ecclésiastique, qui est un modèle de revue critique oit tous les problèmes contemporains ont été discutés avec compétence et vigueur.

Chaque année, dans les séances solennelles, on énumère les ouvrages dus à la plume de nos maîtres ; c’est par centaines qu’on les loniiile aujourd’hui. A l’Exposition de 1900, Paris en avait rempli toute une bibliothèque ; à celle d’Angers, en 1896, l’université catholique de l’Ouest en avait exposé deux cents, tant de ses professeurs que de ses anciens élèves ; qui oublierait que M. René Bazin est le charme et la gloire de cette université ? Avecquelle compétence et quel talent son nouveau vice-recteur, M. le chanoine Crosnier, n’a-t-il pas abordé tant de questions littéraires ou pédagogiques ! Les travaux de l’abbé Dedouvres sur le Père Joseph sont justement appréciés de tous.

Lille présente avec une légitime Gerté les œuvres si nombreuses, si variées, si utiles à l’Eglise, et d’un charme littéraire si exquis, de son recteur Mgr Baunard, les œuvres tliéologiques de l’un de ses principaux maîtres, de^enu l’évêque de Verdun, Mgr ChoUet, la Théologie catholique de M. Jules Didiot ; les travaux historiques de son chancelier Mgr Hautcœur, de M. Salembier et de M. l’abbé Lesne ; le Cartulaire de la Collégiale de Sainl-Pierre, le Grand Schisme d’Occident, la Hiérarchie épiscopale à l’époquecarolingieniie, la l’ropriété ecclésiastique en France au Moyen Age : des œuvres

littéraires, comme le Taiiie, le Joseph de Maistre, le Saint François de Sales, de M. de Slargerie ; le Brizeux, de M. Lecigne ; le Bourdaloue, du P. Griselle ; les traités juridiques de M. de Vareilles-Sommières — le Droit international privé, la Personnalité civile ; les œuvres économiques et sociales de M. Béchaux ; les mémoires mathémaliiiues de M. d’Adhémar et de M. de Montessus deBallore ; le Traité des moteurs à gaz et à pétrole de M. Wilz ; dans un autre ordre d’idées, des livres comme ceux de M. Boulay, Idéalisme et matérialisme, Principes d’anthropologie générale, servent la cause de la philosophie chrétienne des sciences ; les médecins aussi ont beaucoup écrit et ils m’excuseront si je ne cite que le livre de leur dojen, M. Duret, sur les Tumeurs de l’encéphale.

Lyon s’honore à bon droit de l’œuvre historique si étendue et si importante du chanoine Ulysse Chevalier. Les travaux philosophiques de Mgr Elie Blanc, l’Histoire des dogmes de M. Tixeront, l’Histoire des livres du Nouveau Testament de M. Jacquier, le-Bullaire de l’Eglise de Lyon et la Continuation de la Collection des conciles de Mansi par M. Martin, le-Traité du droit coutumier de M. Beaune, l’Introduction à l’étude du droit de M. Lucien Brun, le Traité d’économie politique et l’Hi.sloire des doctrines économiques de M. Rambaud ; les éludes morales et littéraires de MM. Delmont et Delfour, linguistiques de Mgr Devaux, scicntiliques de MM. Amagat^ Valson, de Sparre, qui a obtenu de l’.^cadémie des sciences le prix Poncelet pour l’ensemble de ses œuvres, Donnadieu, Lepercq, Roux, sans omettre les travaux d’histoire locale de MM. Poidebard, Condamin, Reure, témoignent assez haut de l’activité intellectuelle des facultés catholiques de Ljon.

Celle de l’université de Toulouse, ainsi que je l’aJ déjà dit, s’est exercée surtout dans le domaine des sciences sacrées, et nous aurons tout à l’heure occasion d’y revenir ; mais comment ne pas mentionner ici les études d’histoire littéraire si attachantes, sS personnelles, de M. Coulure, et l’œuvre considérable, chimie minérale, chimie agricole, chimie organiquede l’abbé Senderens ?

Je dois me borner, et d’ailleurs im sentiment naturel de discrétion, — sans mêmeparler de l’abondance des matières, — m’oblige à ne donner pour Paris qu’une nomenclature d’auteurs. Parmi les professeurs de nos facultés canoniques, théologie, droit canon, philosophie, qui ont livré au public désœuvrés de quelque étendue, je relève les noms de Mgr Duchesne, de l’abbé Paulin Martin, de l’abbé de liroglie, du P. Largenl, <lu P..uriault, de M. Vigouroux, du P. Terrien, de l’abbé Fillion, de P. de la Barre, de M. Clerval, deM.Bainvel, deM. Mangenot, de M.Touzard. de M. d’Alès, de M. Lebreton ; du cardinal Gasparri, de M. Boudinhon, de M. Manj’ ; de Mgrd’Hulst, de M. Peillaube, du P. Sertillanges, de l’abbé Baudin ; parmi nos professeurs de langues orientales, citonsM. Révillout, MgrGralTin. M. Franvois Martin, M. J.-B. Périer, M. Carra de Vaux ; an droit, M.Claudio Jannet, M. Delamarre.M. Lacointa, M. Cauvière, M. Clotel, M. Taudière, M. Lescœur. .VI. Bureau, M. Larcher, M. de Lamarzelle, M. Lepelletier. etc., etc. ; aux lettres, — sans trop nous prévaloirde ceux qui, comme David-Sauvageot et Doumic, n’ont été nôtres qu’à demi, le premier pendant six ans, le second pendant trois, — Mgr Demimuid. le P. Lallemand, l’abbé Lechatellicr. l’abbé Missel, l’abbé Ragon, l’abbé Lejay, rabl)é Bertrin, M. Le Bidois ; parmi les philosophes, M. Huit et M. Piat ; parmi les historiens, M. Leeoy de la Marche, l’abbé Beurlier, Mgr Baudrillart, l’abbé Pisani. M. Digard. l’abbé Boxler. M. Froidevaux, M. Gautherot ; aux sciences enlin, le P. Joubert, M. Georges Lemoine^ 1049

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W. lie Lapparent, M. Branly, M. Etiy^i’iie Vicaire, W AntLi’é, M. Fouet, M. Nau, JNI. llaiiioiiet, M. Uiiot, M. Colin, M. Uimssac, etc., etc.

(Ju’on me [laiclonnccetle longue et sèche émimératioii ! Elle était, je crois, nécessaire pour établir, aux ^(eux des personnes "pii en doutent encore, que nos luailres sont autre chose que Je lions préparateurs au service de lions jeunes gens ; luiil d’entre ceux qui .nous appartiennent, ou nous ont appartenu, siègent ï jirésenlcnient à llnslilul : MM. Bazin, Uouniic, et ilgr Ducliesne à l’Académie française ; Mgr Duchesne et ral)l>é Ulysse Chevalier, à l’Académie des inscriptions ; MM. Aniagat, Lenioine et Branly à l’Académie des sciences, dont hier encore Albert de Lappa1 en té tait secrétaire perpétuel ; M. H.}oy, à.l’Jcadéinie Jt’s sciences murales ; MM. Witz, Béchaux, Magnus de Spam, ligurcnt sur la liste des correspondants. Vraiment, les universités catholiques françaises ont -été et demeurent des foyers scientiliques chrétiens.

ft) Mission dcctrinale. — Pour travailler au ^iiaintien de la saine doctrine et donner aux calhol tiques la direction intellectuelle dont ils ont besoin au milieu des dillicultés de l’heure présente, nos instituts disposent de deux organes : les facultés de théologie, de droit canonique et de philosophie, les <ours publics sur les questions controversées.

Les facultés de théologie ont été les dernières fontlées ; Paris et Lyon ont attendu trois ans, Angers et Toulouse quatre ans. Les raisons, je les ai données jdus haut ; il faut y ajouter que les évoques estimaient i{ue les facultés de théologie de l’Etat, qui

« "xistaienl encore, pouvaient sulhre à la besogne

îipologétique et qu’ils craignaient, par-dessus tout, <le porter atteinte à l’organisation traditionnelle de leurs grands séminaires. Nos facultés libres de théologie ont été fondées parce que Rome l’a voulu

« l parce qu’elle a catégoriquement déclaré qu’elle

ji’accorderait pas, sans cela, l’institution canonique ^ux autres facultés. Kome estimait — et c’était, nouslavons vu, la pensée d’hommes éminents comme le P. Didon, celle aussi du P. d’Alzon, des 1872, celle de Mgr Pie, celle de Mgr Turiuaz dans sa belle lettre de 18-4, — que la faculté de théologie fst l’àuie de toutes les autres et qu’une université qui n’en a pas est un corps sans tête. Rome a fait <iussi ce qu’elle a pu pour assurer à ces facultés de théologie un auditoire ecclésiastique nombreux et â’égulier ; elle s’est heurtée à des habitudes trop invétérées, à certaines craintes respectables ; nous avons dû nous contenter d’un modiis vivcudi qui ne nous laisse, - sauf à Lille, — ((u’assez peu d’étudiants. Du moins, nous travaillons à faire de <’eux-ci une élite qui exercera son influence sur le clergé de chaque diocèse ; les grades qu’ils prennent chez nous sont une sérieuse garantie.

A Paris, les facultés canoniques ont, en trente-quatre ans, fait 1./174 auditeurs (bacheliers), 226 lecteurs (licenciés), 42 maîtres (docteurs) en théologie ; 687 auditeurs, 62 lecteurs, l’j maîtres en droit canon ; i.oSg auditeurs, 02 lecteurs, 13 maîtres en philosophie ; elles ont en outre décerné Il diplômes de langues sémitiques.

A Lyon, les mêmes facultés ont fait : en théologie 10 docteurs-agrégés, 83 docteurs, 29 licenciés ; en droit canonique, 5 docteurs-agrégés,.5 docteurs, log licenciés ; en philosophie, 1 docteur-agrégé, 3 docteurs, 16 licenciés. A Angers, 13 docteurs (avec thèse), 35 docteurs (sans thèse), 124 licenciés, 638 bacheliers en théologie. A Toulouse, en théologie io4 <locteurs, 236 licenciés ; en droit canonique, -26 docteurs, Cg licenciés ; en philosophie, -j docteurs, ^4 licenciés.

Une autre manière d’assurer le progrès des études ecclésiastiques irst le contrôle de l’enseignement des grands séminaires alliliés à tel ou tel institut et la formation des professeurs de ces établissements. C’est à cette lin qu’a été fondé à Paris, en lyo^, un Séminaire normal, dont les élèves suivent les cours de l’Institut catholi(iue et reçoivent en outre, de leurs directeurs, une éducation spirituelle et pédagogique appropriée. Ainsi, notre action, restreinte en elle-même, peut avoir une répercussion étendue.

Deux préoccupations nous dominent : fortifier chez nos étudiants qui, prcsipie tous, ont achevé leur temps de grand séminaire, les connaissances dogmatiques cl philosophiques qui sont à la base de tout le reste ; les initier aux méthodes du travail personnel, seientiljque et critique, qui seules leur permettront de faire besogne utile dans la lutte contre les erreurs contemporaines.

A ce dernier point de vue, Toulouse a ouvert la marche : Mgr Douais avait organise, à l’image des séminaires d’études des universités allemandes et de Louvain. une conférence des sources a’histoire médiévale, Mgr BatilFol y a ajouté des conférences d’ancienne littérature chrétienne et de critique des sources d’histoire ancienne de l’Eglise, dont il nous fait toucher du doigt le fonctionnement dans deux chapitres du livre que j’ai déjà cité, intitulés : Vie journalière d’un Institut catliolique et Séminaire d’histoire.

Ce qu’on a visé surtout, c’est un renouvellement des éludes scripturaires et des études historiques, en tant que sources de la doctrine, considérée scientitiquement :

« Crili(iue textuelle, critique littéraire, 

critique historique, dit Mgr BatifFol, nous avons à renouveler, non certes la doctrine issue de l’Ecriture, mais presque toute la présentation critique que nos anciens auteurs en faisaient. » Grâce à ce travail, les sciences qui ont causé la crise de la théologie deviennent autant de contributions pour le bénétice de cette théologie même.

Aussi bien est-ce dans le même sens que nous avons agi à Paris. Pour favoriser les études bibliques, nous avons fortifié notre école de langues orientales par une organisation meilleure des deu.x enseignements de l’hébreu et de l’arabe, et par la fondation des chaires nouvelles d’égyplologie, de copte, de langue grecque chrétienne, qui s’ajoutent aux chaires anciennes de syriaque, d’assyrien et d’éthiopien. Nous avons institué aussi une chaire spéciale d’histoire des origines chrétiennes.

Presque tous les professeurs ont joint à leur cours des exercices pratiques, explications de textes, dissertations, mémoires, examens de cas particuliers, etc.

Mais, comme la critique et l’érudition peuent conduire à faire oublier les principes et à n’envisager les choses que d’un point de vue historique, nous avons cru très nécessaire (et c’était d’ailleurs le désir du Saint-Père) de fortilier aussi l’enseignement philosophique et d’y faire participer le plus grand nombre possible de nos étudiants. Toutes nos universités catholiques ont fait effort en ce sens au cours de ces dernières années. Toulouse a quatre eliaires de philosophie : logique et métaphysique, psjchologie, critériologie et histoire de la philosophie, philosophie des sciences. Paris en a huit : introduction à la philosophie ; ontologie, théodicée, et histoire de la philosophie moderne ; logi((ue et Cosmologie ; morale générale ; liistoire de la pliilostqthie ancienne et de la philosophie médiévale ; sciences mathématiques et physiques ; biologie ; pédagogie et psychologie infantile. Les cours s’y répartissent sur trois années et un séminaire spécial, le Séminaire Saint-Thomas d’Aquin, y assure en même temps l’éducation ecclésiastique des futurs 1051

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prêtres. A Angers, on a créé récemment une chaire de philosophie scolastique, à coté des deux chaires de la faculté des lettres, qui préparent à la licence universitaire. A Lyon, l’enseignement philosophique est aux mains d’un maître illustre, Mgr Elle Blanc, qu’assiste un maître de conférences. Lille a trois chaires de philosophie scolastique et une chaire spéciale pour la préparation à la licence universitaire. Beaucoup de ces cours se transforment en livres et, par là encore, nos facultés de théologie exercent leur action sur le clergé et sur les lidéles, contribuant à répandre certaines idées, nécessaires à la défense d’une doctrine constamment attaquée. Je ne prendrai qu’un seul exemple, celui de la faculté de Toulouse, qui a été particulièrement féconde. Les recteurs ont donné l’exemple ; les deux premiers, le R. P. Caussette et Mgr de Lamotte-Tenet, par des ouvrages très distingués, destinés surtout à la formation du clergé ; le troisième, Mgr Duilhé de Saint-Projet, de qui l’^^olugie scientifique du christianisme a été traduite dans toutes les langues ; le quatrième, Mgr Batiifol, l’auteur de l’Histoire du bréviaire romain, de l’Enseignement de Jésus, des Etudes d’histoire et de théologie positive, riches de faits et de vues, et qui plus récemment a pulilié un livre excellent, très fort et très utile, sur l’Eglise naissante et le catholicisme : le cinquième enlln, Mgr Breton, qui, par un livre de profonde et pieuse théologie sur le sacritice de la messe (Le Drame éternel) et par sa Vie de Mgr Bertauld, rappelle la tradition des deux premiers recteurs A peu près tous les professeurs de la faculté de théologie de Toulouse ontapporté leur contribution à la discussion des plus graves problèmes religieux ; le P. Ramière est brillamment intervenu dans la controverse ontologique ; le P. Desjardins a publié des dissertations très appréciées sur /n Providence dans la distribution des grâces, l’équiprohabilisme, les droits de l’Eglise dans ses rapports avec les sociétés, etc., etc. ; parmi les titulaires de la chaire d’Ecriture sainte, l’abbé Thomas, mort à trente-neuf ans, a laissé divers mémoires que l’on a réunis sous le titre de Mélanges d’histoire et de littérature religieuses, et qui donnent une haute idée de son talent et de son savoir ; le P. Condamin a écrit un Commentaire d’Isaie, où sont utilisées toutes les découvertes modernes ; au P. Prat, nous devons des opuscules très substantiels : Le Code du Sinaï, la Bible et V Histoire : deux volumes sur ii’aini Paul. Le P. Eugène Portalié s’est montré dans ses écrits, et principalement dans l’admirable article sur saint Augustin, qu’il a donné au Dictionnaire de théologie, patrologiste documenté, philosophe délié, théologien vigoureux. Son successeur, M. Cavallera, s’est déjà fait connaître par un bon livre sur le Schisme d’Antioche. Dans la chaire de théologie scolastique, le P. Guillermin et le P. Pègues se sont montrés de remarquables interprètes de saint Thomas. L’abbé Gayraud, avant de devenir à la Chambre des députés le successeur de Mgr d’Hulst, avait rompu des lances à Toulouse en faveur du thomisme. Le P. Coconnier et le P. Montagne se sont attachés aux problèmes plus modernes que soulèvent la physiologie du système nerveux ou les théories contemporaines opposées à la liberté. M. Michelet a donné d’excellents travaux sur Dieu et l’agnosticisme, sur Maine de liiran, etc. L’histoire ecclésiastique, aujourd’hui représentée par M. l’abbé Saltet, l’auteur d’un volume érudil sur les liéordinations, a eu un titulaire illustre dans la personne de Mgr Douais, l’évéque actuel de Beauvais, chercheur infatigable, paléographe distingue, de qui les travaux très personnels sur l’Histoire de l’Inquisition font autorité. M. l’abbé Crouzil, docteur endroit, a dit sou mot, avec compétence et sagesse, dans presque toutes les questions

qui se sont posées dans ces dernières années à propos du droit civil ecclésiastique : les Associations, la Séparation de l’Eglise et de l’Etat, la Police du culte, les législations étrangères, etc., etc.

Dans les leçons fermées de nos Facultés, on creuse à fond les problèmes et on les traite sous toutes leurs faces pour des auditeurs du métier ; dans les cours publics on les met à portée des laïques soucieux de s’éclairer, et on leur présente, sous une forme plus accessible, les résultats acquis. Xotre ambition, — et déjà nous l’avons réalisée dans plusieurs chaires, — c’est d’avoir pour les mêmes matières le cours fermé et le cours public. Tel, à Paris, le cours des Origines chrétiennes, de l’abbé Lebreton.

C’est ainsi que, par l’importance même des questions qu’on y traite et par la diffusion de leur enseignement, les Facultés de théologie, ou pour mieux dire, de sciences sacrées, si peu désirées au début et créées à contre-cœur, sont devenues les principales ; le cai’dinal Guibert lui-même, peu de temps avant sa mort, en faisait l’aveu catégorique à Mgr d’Hulst.

L’Université catholique de Paris est, comme ilcon.venait, celle qui a le plus multiplié les cours publics ; il y en a, d’un bout à l’autre de l’année, tous les soirs : cours d’apologétique, d’histoire moderne de l’Eglise, de philosophie, d’origines chrétiennes, d’histoire des religions, d’histoire de la Révolution. On y donne aussi des Conférences sociales et on y fait, quand il y a lieu des leçons spéciales, sur tel ou tel problème qui vient à se poser devant l’opinion catholique.

Lyon et Toulouse sont entrées dans la même voie ; Lille et.Angers ont leurs extensions universitaires qui répondent en partie au même besoin.

L’accueil fait à ces divers enseignements prouve à quel point ils étaient nécessaires et souhaités. Ils sont, en effet, suivis par un grand nombre d’auditeurs, parfois, à Paris, de /jooà 500. Grâce à Dieu, le chiffre de nos étudiants, malgré tant de menaces, n’a pas diminué dansées dernières années ; mais quand il viendrait à s’abaisser, les auditeurs de nos cours publics suffiraient à justitier l’existence de notre enseignement supérieur libre. Et, de fait, en présence des attaques dont la doctrine chrétienne est l’objet et des chaires créées tout exprès par l’Etat pour la battre en brèche, où donc les chrétiens trouveraient-ils les réponses nécessaires, sinon dans les universités catholiques ? Je dis les chrétiens ; je dois ajouter nos adversaires de bonne foi, lorsqu’ils cherchent à s’éclairer ; à Paris, nous avons vu tels maîtres de l’enseignement officiel, rationalistes ou protestants, oire israélitea, s’asseoir sur nos bancs, prendre des notes et, après la leçon, conférer avec le professeur de notre Institut.

/() Conclusion. — Est-il besoin d’insister davantage’.’Je ne le pense pas. Interrogé, le 3 juin 1908, par la commission d’enquête nommée par le Sénat pour examiner le projet Maxime Lecomle, relatif à l’abrogation de la loi du la juillet iS’jô, j’ai répondu à la question : « Pensez-vous que cette loi doit être maintenue ? — Oui, elle doit l’être : i" parce que les universités catholiques représentent une liberté et une doctrine, cette grande doctrine chrétienne qui a droit à être enseignée en France dans son intégralité ; i" parce qu’elles les représentent d’une manière honorable et utile. » Il me semble que les pages qu’on vient de lire établissent le bien fondé de cette assertion et démontrent péremptoirement aux catholiques qui nous ont soutenus que leurs sacrilices n’ont pas été vains. A ces deux raisons, s’en ajoute une troisième. On ne voit pas comment et par quoi on pourrait remplacer nos universités, qui donnât 1053

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satisfaction aux consciences et aux aspirations légitimes lies eatlu)Ii(iues.

Imagine-t-on, après la séparation de l’Eglise et de l’Etat, ei dans le système général de sécularisation qui est devenu le nôtre, l’Etal rétablissant des facultés olUcielles de théologie catholique et faisant ainsi, par des maîtres choisis, patentés et payés par lui, soutenir, défendre et propager la doctrine catholique ?


Le voit-on mêræ rétablissant une doctrine d’Etat, ce spiritualisme chrétien qui a été jadis la doctrine ollicicllc de l’Université ?

Mais il nous laissera, dit-on, le droit d’enseigner les sciences sacrées, se réservant le monopole des autres enseignements. Au début même de cette étude, j’ai montré le vice fondamental d’une telle solution. Et ({u’on ne pi’étende pas que la présence de quelques maîtres chrétiens dans les universités ollicielles doit sullire à nous rassurer ; certes, nous les respectons, nous admirons leur courage et leur zèle ; mais un, deux, trois maîtres chrétiens dans une faculté neutre ou hostile, c’est une opinion individuelle, ce n’est pas une doctrine ; et c’est une opinion individuelle combattue par celle des voisins, qui s’imposeront eux aussi aux étudiants catholiques. D’ailleurs ces maîtres chrétiens sont de plus en plus isolés, de plus en plus entravés dans leur action ; et que serait-ce si l’enseignement libre n’existait plus, si cette concurrence n’était plus à redouter, si ce moyen d’échapper disparaissait ?

L’anarchie doctrinale est la conséquence fatale de la liberté de penser telle que l’entendent les maîtres de l’Etat moderne ; et l’anarchie doctrinale entraîne l’anarchie morale, sinon toujours dans la conduite, du moins dans les principes.

Concluons donc, avec M. Etienne hamy (Revue des Deux Mondes, i"’avril igoa : « L’enseignement libre (à tous ses degrés) n’est pas seulement, à l’heure présente, l’exercice d’un droit. Il perpétue seul en France la doctrine qui, par les croy.inces religieuses, donne une base à la morale. Il remplit, au profit de tous, le plus important des otlices publics. Contre l’anarchie qui menace de tout submerger, et que l’Etat lui-même encourage, il reste la digue, la dernière. »

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INSURRECTION

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Alfred Bacdrillart.