Librairie Hachette (p. 11-16).


II

La bourse.


Le surlendemain, comme Simon Aubin revenait de l’enterrement de sa mère, il trouva Louise pleurant sur le pas de la porte, la tête cachée dans son tablier.

Il la heurta assez rudement en passant, et la forçant à se lever :

« Allons ! allons ! cria-t-il. Il n’est plus temps de pleurer. Quand on pleure, on ne fait rien. Ne vas-tu pas retourner à tes bêtes ? Crois-tu que tu honores notre pauvre défunte mère avec des façons pareilles ?

— Je retournerai au travail si tu le veux, mon frère, répondit Louise en essuyant ses yeux.

— Il y avait une bourse sous l’oreiller de ma mère, et je ne la retrouve plus, dit Simon d’un air soupçonneux. Est-ce qu’elle te l’aurait donnée ?

— Oui, mon frère, répondit la pauvre enfant ; c’était pour ma première communion… »

Et elle tira sa petite bourse de sa poche.

« Écoute, lui dit Simon d’un air radouci, nous avons besoin de cet argent pour vivre. Quand le moment sera venu, nous trouverons bien le moyen de t’acheter une robe blanche. »

Louise sentit qu’il mentait ; mais elle était trop humble pour résister et elle avait le cœur trop affligé pour répondre.



Elle ne put se résigner à rester auprès de son frère. Elle courut jusqu’à la ferme où elle était gardeuse d’oies. Les portes de la maison étaient fermées, et le silence qui régnait partout lui indiqua que tout le monde dormait déjà. Après avoir vainement frappé, l’enfant, saisie par le froid, ne savait où se réfugier.

Elle s’éloigna toute triste, lorsque passant devant l’étable l’idée lui vint d’y entrer. Elle poussa la porte.

« Je ne crois pas mal faire, pensait-elle, en me couchant pour cette nuit sur la paille des vaches ; j’espère que Mme Gervais ne s’en offensera pas, et je tâcherai de ne pas gêner les bêtes. »

Elle entra : une belle vache blanche, couchée sur son épaisse litière, ouvrit ses yeux paisibles en apercevant la petite fille et se recula près du mur.

Il sembla à Louise que cette bonne bête lui offrait une place à côté d’elle ; elle s’approcha de la vache, la caressa quelques instants ; puis elle fit sa prière, remercia Dieu qui lui accordait un asile, et, s’étendant à côté de la vache, s’endormit avec autant de bien-être que les enfants des riches dans leurs lits de soie.