De l’Équitation (Trad. Talbot)
Traduction par Eugène Talbot.
De l’ÉquitationHachetteTome 1 (p. 335-337).



CHAPITRE VII.


De la position à cheval, et des exercices du manège.


Supposons que le cavalier s’est fait amener son cheval et qu’il va monter : nous allons dire quels principes d’équitation il doit suivre pour son avantage et pour celui du cheval. Il faut d’abord que de la main gauche le cavalier saisisse convenablement les rênes auprès du mors ou de la gourmette, et que ces rênes soient lâches, de manière que, soit qu’il empoigne, pour monter, les crins voisins des oreilles, soit qu’il s’enlève au moyen de sa pique, il ne tire point son cheval.

De la main droite, il prendra les rênes près du garrot avec une poignée de crins, de sorte qu’en montant il ne tire point avec le mors sur la bouche de la bête. Quand il aura pris son élan pour se mettre en selle, il doit s’enlever de terre en s’aidant de la main gauche et en étendant en même temps la main droite. Par là, son ascension, même par derrière, ne sera point disgracieuse. Ensuite, la jambe une fois pliée, qu’il ne pose point le genou sur le dos du cheval, mais qu’il passe la cuisse par-dessus pour arriver au côté droit ; puis, le pied, grâce à ce mouvement gyratoire, se trouvant à sa place, l’homme s’établira sur ses fesses. Comme il peut arriver à un cavalier de mener son cheval de la main gauche et de tenir sa javeline de la droite, nous trouvons bon qu’il s’accoutume à monter du côté droit. Toute sa science se réduit alors à faire de la gauche ce qu’il faisait de la droite, et de la droite ce qu’il faisait de la gauche. Je loue fort cette méthode, parce que, aussitôt monté, on est prêt à tout, s’il faut soudainement en venir aux mains avec l’ennemi.

Le cavalier, monté à poil ou sur selle, ne doit pas, à mon gré, se tenir assis comme sur un siége, mais droit, comme s’il était debout, les jambes écartées. De cette manière on tient mieux son cheval entre les cuisses, et cette attitude droite donne plus de force soit pour lancer le javelot, soit pour frapper de près, au besoin. À partir du genou, la jambe et le pied doivent tomber librement. Roide, la jambe pourrait se casser au moindre heurt, au lieu que, pendante, si quelque chose la heurte, elle cède et ne dérange pas la cuisse[1].

Le cavalier doit aussi s’accoutumer à mettre la plus grande souplesse dans le haut du corps, à partir des hanches ; il en aura plus de liberté dans les mouvements[2] et risquera moins d’être renversé, s’il vient à être pressé ou tiré.

Lorsqu’il est monté, il doit apprendre à son cheval à rester tranquille jusqu’à ce qu’il ait fait disparaître les plis qui peuvent le gêner, qu’il ait ajusté ses rênes et pris sa lance de la manière la plus commode. Il doit alors placer le bras gauche près du corps, moyen d’avoir plus de tournure et la main plus puissante.

J’aime les rênes égales, fortes, qui ne soient ni glissantes ni épaisses, afin que la main puisse tenir en même temps la lance en cas de besoin.

Lorsque le cheval est prévenu de partir, il faut commencer par le mettre au pas ; c’est le moyen d’éviter tout désordre. Tenez la main haute, s’il porte bas, et basse, s’il lève le nez ; c’est ainsi que vous lui donnerez une bonne position. Laissez-le ensuite trotter naturellement ; il s’assouplira ainsi sans souffrance, et se présentera graduellement au galop. Or, comme il est reçu de partir au galop du pied gauche, le plus sûr, pour y réussir, c’est, quand on est au trot, de saisir l’instant où le pied gauche est levé pour indiquer le galop : car, si le cheval est sur le point de lever le pied gauche, il commencera par là ; puis, si vous tournez à gauche, il entamera le galop de ce côté, vu qu’il est dans la nature du cheval d’avancer la partie droite, quand il tourne à droite, et la gauche, quand il tourne à gauche.

Nous approuvons l’exercice appelé l’entrave : le cheval y apprend à sentir les deux mains ; et l’on fera bien d’y passer d’une barre à l’autre, afin que toutes deux deviennent également sensibles. Je préfère l’exercice de l’ovale à celui du cercle. Le cheval, fatigué de la ligne droite, prendra plus facilement cette leçon, qui le formera tout ensemble à courir devant lui, et à s’arrondir. Il faut soutenir la main dans les tournants ; car il n’est ni facile ni sûr de tourner de vitesse dans un petit espace, et d’ailleurs le terrain peut être incliné ou glissant. En le soutenant, il faut se porter sur les hanches le moins possible et ne se point trop pencher soi-même ; autrement, on doit savoir que, dans cette position, la plus petite chose peut faire tomber cheval et cavalier.

Lorsque, la ligne circulaire parcourue, le cheval se retrouve en ligne droite, c’est le moment de le lancer au galop : car on sait qu’à la guerre les demi-tours se font pour charger et pour battre en retraite. Il importe donc d’habituer le cheval à galoper après une conversion.

Quand on croira que le cheval a suffisamment travaillé, il sera bon, après un moment de repos, de le lancer soudain au grand galop, en le portant vers les autres chevaux ou en l’isolant ; puis, une fois lancé, de l’arrêter court, et, après un temps d’arrêt, de le lancer encore. Il est évident que le cava » lier aura besoin de tous ces mouvements.

Le moment de mettre pied à terre est-il arrivé, ne descendez ni parmi d’autres chevaux, ni près de la foule, ni hors du champ de manœuvre ; mais qu’à l’endroit où le cheval est contraint de travailler, il y trouve aussi le repos.



  1. Les préceptes de tenue donnés ici par Xénophon sont en partie ceux de l’école franco-italienne, d’après lesquels le corps du cavalier, placé en selle, se divise en trois parties, dont deux mobiles et une immobile. Celle-ci comprend depuis les hanches jusqu’au-dessous des genoux ; les deux parties mobiles sont le haut du corps et les jambes. Le cavalier doit avoir la tête droite, les épaules bien effacées et tombantes, les coudes près du corps, le buste droit et penchant plutôt en arrière qu’en avant, les cuisses tournées en dedans et posées à plat sur la selle, les genoux aussi en dedans, les jambes tombantes, les étriers longs et n’y chaussant le pied que jusqu’à la racine du pouce, les pointes des pieds tournées en dedans dans la direction de l’épaule du cheval. À toutes les allures, même au grand trot et au galop, le cavalier doit conserver cette position. — Voy. L’Encyclopédie moderne de F. Didot, t. XIV, p. 299, article Équitation, par le général Marbot.
  2. Je lis ποεῖν au lieu de πονεῖν ou de πνεῖν.