De l’Équitation (Trad. Talbot)
Traduction par Eugène Talbot.
De l’ÉquitationHachetteTome 1 (p. 333-334).



CHAPITRE VI.


Suite du précédent.


Nous allons indiquer la méthode de pansage la plus sûre pour le palefrenier et la plus utile pour le cheval. Si on se place directement dans le sens où regarde l’animal pour le nettoyer, on s’expose à en être frappé au visage avec les genoux ou avec les pieds ; si, au contraire, on lui fait face pour le panser, en se mettant hors de la portée de sa jambe et accroupi le long de l’épaule, on n’aura rien à redouter et l’on sera à même de lui nettoyer la sole en lui levant les pieds. On s’y prendra de même pour les jambes de derrière. Une chose que l’homme d’écurie doit savoir, c’est que, soit pour le pansage, soit pour tout ce qu’il a à faire, il faut aborder le cheval le moins possible par devant ou par derrière : car, si le cheval veut nuire, de ces deux côtés il a l’avantage sur l’homme, tandis qu’en l’approchant par le flanc on sera en sûreté et certain d’en venir à bout.

Pour mener un cheval en main, je n’approuve pas la méthode de le faire marcher derrière soi, parce que, d’une part, le conducteur n’est pas à même de le surveiller, et que, de l’autre, le cheval peut faire tout ce qu’il veut. Lui apprendre à marcher devant soi, en le conduisant au moyen d’une grande longe, est un moyen que nous désapprouvons également, parce qu’il peut ou blesser de tel côté qu’il voudra, ou se retourner pour faire tête à son conducteur. Et si l’on en a plusieurs à conduire, comment les empêcher de s’attaquer les uns les autres ? Au lieu qu’un cheval accoutumé à marcher à côté de vous ne pourra nuire ni aux hommes ni aux chevaux, et en même temps il sera à belle pour le montoir, si l’on est obligé de sauter dessus en toute hâte.

Pour bien brider un cheval, le palefrenier commence par l’aborder du côté gauche ; puis, lui passant les rênes pardessus la tête, il les pose sur le garrot ; il tient ensuite la têtière avec la main droite, et de la main gauche il présente le mors. Si le cheval le reçoit, il est clair qu’il faut le coiffer ; mais s’il refuse d’ouvrir la bouche, alors on tient le mors contre les dents et l’on introduit dans la bouche le doigt du milieu de la main gauche : presque tous les chevaux cèdent à cette pression. Si cependant il refuse encore, on presse fortement la lèvre auprès du crochet[1], et il est très-peu d’animaux qui refusent, maniés ainsi.

Le palefrenier doit encore savoir, premièrement qu’il ne faut pas mener le cheval par la bride, ce qui lui gâte la bouche ; en second lieu, à quelle distance des molaires le mors doit se placer : trop près, il durcit la bouche et la rend insensible ; trop descendu vers l’extrémité de la bouche, le cheval a la faculté de le prendre aux dents et de ne plus obéir. On prendra bien garde d’irriter le cheval pendant cette opération, si l’on veut qu’elle serve à quelque chose. En effet, il est si essentiel que le cheval veuille prendre le mors, que celui qui refuse est complétement inutile. Si on le bride, non-seulement quand il doit travailler, mais encore quand on le mène au repos ou qu’on le reconduit du manége à la maison, il ne serait pas étonnant qu’il prît le mors de lui-même.

C’est une bonne chose que le palefrenier sache enlever à cheval, à la mode perse, afin que le maître, malade ou âgé, ait un homme qui le place commodément à cheval, et qu’il puisse procurer à qui bon lui semblerait le même service. Ne jamais user de colère avec les chevaux est un bon précepte, une excellente habitude. La colère ne raisonne pas, et elle fait souvent faire des choses dont on est forcé de se repentir. Quand un cheval s’effraye d’un objet et refuse d’en approcher, il faut lui faire comprendre qu’il n’a rien à craindre, surtout si c’est un cheval de cœur ; autrement, il faut aller toucher soi-même ce qui lui fait ombrage et l’y amener ensuite avec douceur. Ceux qui les y contraignent à force de coups ne font qu’augmenter leur frayeur : car les chevaux s’imaginent que la douleur qu’ils éprouvent dans cette circonstance leur vient de l’objet qui les effraye.

Quand le palefrenier, en présentant le cheval au cavalier, le fait plier de manière à rendre le lever plus facile, c’est une manière que je ne blâme nullement ; je crois pourtant nécessaire de s’exercer à monter sans que le cheval baisse la croupe ; car le hasard vous fait tomber tantôt sur un cheval, tantôt sur un autre, et l’on n’a pas toujours là le même palefrenier.



  1. Dent canine.