Coups de clairon/Les Boërs/La Noël du petit Boër

Coups de Clairon : Chants et Poèmes héroïques
Georges Ondet, Éditeur (p. 179-184).


La Noëlxxxxxxx
xxxxxxdu petit Boër

À S. M. la Reine Wilhelmine.












 


 

LA NOËL DU PETIT BOËR


Vaincu, mais le cœur encore ferme
Dolent, fiévreux, à demi-nu,
Le soir de Noël, vers sa ferme
Le petit Boër est revenu…

… N’a retrouvé de sa demeure
Qu’un long pan de mur tout noirci
Qui semblait dire : « Tout à l’heure
Les Anglais sont venus ici ;


Après avoir, par la grand’plaine,
Chassé les femmes, les petits,
Ils ont, pour assouvir leur haine,
Tout brûlé… puis ils sont partis ! »

Si bien qu’en ce beau jour de fête
Le Boër qui vient de guerroyer
N’a plus, pour reposer sa tête,
Que la pierre de son foyer !

Mais, subitement, le jour tombe ;
Il n’entend, dans le soir obscur,
Qu’un roucoulement de colombe
Qui sort d’un des trous du vieux mur.

Ses pieds lui font mal : le pauvre être
Met ses souliers auprès de lui
Et, priant Celui qui va naitre,
Il s’endort en l’horrible nuit ;

Il dort… la colombe s’élance
Et le laisse, en la nuit, plus seul ;
Il dort… et l’Ombre et le Silence
Lui tissent un double linceul.

Il dort, le pauvre ! Il dort sans trêve
Par ce soir de Nativité.
Il dort en faisant un beau rêve
De Travail et de Liberté !


Il dort en l’oubli des misères…
Mais, comme il se réveille, au jour,
Au bruit de deux ailes légères
Et d’un roucoulement d’amour,

Il voit que la colombe blanche
Dépose en son pauvre soulier,
Du bout de son bec, une branche,
Un petit rameau d’olivier !

   

envoi

Petite Reine, douce et belle,
Du pauvre vaincu soucieux

C’est Vous la Colombe fidèle
Que son œil guette dans les cieux !

(Noël 1901.)