Coups de clairon/Charette/La Bannière de Loigny

Coups de Clairon : Chants et Poèmes héroïques
Georges Ondet, Éditeur (p. 119-124).


LA BANNIÈRE DE LOIGNY


(Patay-Loigny, 2 décembre 1870).

 

Par les canons décimée,
Notre malheureuse armée
Doit reculer ou périr ;

Pour assurer la retraite
Sonis vient trouver Charette
Et lui dit : « Il faut mourir !
Garde à vous !!!

Devant la mort je m’incline ;
J’ai mon Dieu dans la poitrine
Et Dieu ne recule pas ! »

 

 

 

 


Charette au nom de ses Zouaves
Lui répondit : « Tous ces braves
Vous suivront jusqu’au trépas !
En avant !!!

« Sonne, clairon ! sonne, sonne !
Là-bas le canon résonne :
Nous allons courir dessus ;

Toi, Verthamon, blanche et fière
Brandis bien haut la Bannière
Du Sacré-Cœur de Jésus ! »
À la baïonnette !!!

Près des soldats d’Italie
Marchent les gâs d’Algérie,
Les Tourangeaux, les Bretons
Dans leur troupe qui se rue
La Mort, comme une charrue,
Creuse de rouges sillons !
Serrez vos rangs !!!

Mais la Bannière chancelle…
Verthamon tombe avec elle,
Se lève et retombe mort ;
Au long cri d’adieu qu’il lance,
De Bouillé père s’élance…
Et l’Étendard flotte encor !
Au drapeau !!!

Ferron, Sonis et Charette
Sont frappés… Mais rien n’arrête
Ceux-là qui les ont suivis…

Et, tout-à-coup, la Bannière
S’échappant des mains du Père
Est reprise par le Fils !…
Au drapeau !!!

Bien qu’écrasés par le nombre,
On va prendre le Bois sombre
Comme l’on a pris Villours ;
Bouille tombe… Cazenove
Prend la Bannière et la sauve :
L’Étendard flotte toujours !
Au drapeau !!!

« Vive Dieu ! Vive la France ! »
Et sur Loigny l’on s’élance
D’un irrésistible élan…
Les Héros jonchent la plaine :
On n’est plus qu’une centaine
Près de l’Étendard sanglant !
Au drapeau !!!

Morts ou criblés de blessures,
Voici Chevreuse, Troussures,
Du Bourg, Mauduit, Villebois ;
Mourant dans une prière,
Voici de La Bégassière,
De Lagrange et Gastebois !
Portez armes !!!

Oh ! la sanglante Revue !
Voici Jean de Bellevue,
Plessis, Quéré, Pontourny…

Et tant d’autres dont l’Histoire
Au Livre d’Or de la Gloire
Gravera le nom béni !…
Présentez armes !!!

À vous le salut suprême,
Soldats du « trente-septième »
Qui mourûtes invaincus :
Cernés dans le cimetière,
Vous hurliez, la voix altière :
« Ceux d’ici n’en sortent plus ! »
En joue, feu !!!

… Enfin, le combat s’arrête :
L’Armée a fait sa retraite
Durant que mouraient ces Preux ;
Sur leurs cadavres sans tombe
Lentement la neige tombe
Et jette un drap blanc sur eux !

Mais un jour, bientôt j’espère,
Le fils pour venger son père
Se dressera sans émoi :
Pour le jour de la Revanche,
Garde ta bannière blanche,
Ô Charette !… et garde-toi !