Coups de clairon/Au temps jadis

Coups de Clairon : Chants et Poèmes héroïques
Georges Ondet, Éditeur (p. 29-32).

 


 

AU TEMPS JADIS[1]


 
Français ! Notre Siècle est vraiment étrange :
Que dira de nous l’Histoire, Demain ?
À l’Œuvre ! Et bien vite ! Il faut que tout change :
Le sort du Pays est en votre main !
Mais, d’ici, déjà, je vous entends dire :
« Notre Moraliste est loin d’être vieux ! »
Bah ! je maintiendrai, malgré votre rire,
Qu’au bon Temps Jadis tout marchait bien mieux ;


Voyez le bon Vin que buvaient nos Pères,
Comme il leur donnait l’esprit, la gaîté !…
Les plus vieux trouvaient au fond de leurs verres
Une douce ivresse, avec la Santé…
On boit, aujourd’hui, d’horribles breuvages,
Alcools frelatés, parés de grands noms,
Qui s’en vont, partout, semer leurs ravages,
Remplissant le Bagne et les Cabanons !


Après avoir bu, Jadis, nos Ancêtres
Entonnaient gaiment de joyeux refrains.
Chansons de bataille ou rondes champêtres.
Au son des hautbois et des tambourins…
On traite, aujourd’hui, de “ mièvreries ”
Ces couplets pimpants comme un chant d’oiseau
Il faut de l’argot, des grivoiseries,
De l’esprit vendu cent sous le boisseau !


Autrefois, chacun respectait l’Enfance
Qui pouvait, sans peur, suivre son chemin ;
Plutôt que ternir sa blanche innocence
On eût préféré se couper la main…
En livres grossiers, en laides images,
Un Vice, aujourd’hui, qui n’a plus de frein,
Du haut de nos murs, de nos étalages,
Dans les petits cœurs sème un mauvais grain !


Jadis, au bon temps des belles manières
Bien que l’on courût un danger pressant,
Chacun discutait des heures entières
Sans lancer jamais un terme blessant…

Hélas ! aujourd’hui la bonne tactique
Est d’être impoli, narquois et moqueur !
On crie, on se bat… et la Politique
Rien que d’y songer nous lève le cœur !


Autrefois, l’Amour était un Poème
Et chaque mansarde avait sa chanson !
Pour le consoler le pauvre bohème
Avait ou Musette ou Mimi-Pinson…

 

Ô Murger ! il faut déchirer tes pages :
L’Amour, aujourd’hui, s’achète, se vend :
On le voit trôner en beaux équipages,
Le rire gouailleur et le nez au vent !

Jadis, l’homme, aux jours de désespérance,
Invoquait longtemps au fond de son cœur
Le Dieu qui veilla sa petite Enfance,
Afin d’y puiser courage au labeur…
Hélas ! Aujourd’hui, les nobles Idoles
Ne sont plus debout sur leurs piédestaux :
On ose arracher la Croix des écoles
Et chasser les sœurs de nos hôpitaux !


Autrefois, enfin ! le grand mot : Patrie !
Avait sur les cœurs un attrait puissant,
Et la France était la Mère chérie
À qui l’on offrait sa vie et son sang…
Hélas ! en ces temps d’amer égoïsme,
Chacun veut d’abord conserver sa peau :
On dit en riant : C’est du Chauvinisme !
On ne frémit plus devant son Drapeau !!!


Français ! Notre Siècle est vraiment étrange ;
Que dira de nous l’Histoire, Demain ?
À l’œuvre ! Et bien vite ! Il faut que tout change
Le sort du Pays est en votre main !



  1. Ceci peut se chanter sur l’air de « La Corde sensible ».