Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6586

Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 509).

6586. — À M. MARMONTEL.
24 novembre.

Je suis en peine de savoir, mon cher confrère, si vous avez reçu un paquet que je fis partir vers le 9 ou 10 de ce mois, sous l’enveloppe de Mme Geoffrin. J’ignore même si elle est arrivée : c’est ce qui fait que je vous écris par une autre voie. Je me meurs d’envie de voir Bélisaire[1]. J’ai toujours dans la tête que ce sera votre chef-d’œuvre.

Je dois vous apprendre que j’ai beaucoup trop ménagé ce malheureux Jean-Jacques. Il faut que vous connaissiez ce monstre. Il n’avait écrit contre la comédie[2] (lui qui n’a fait que de bien mauvaises comédies) que pour soulever contre moi les prêtres et les autres gueux de Genève. Il était au désespoir que j’eusse une jolie maison près d’une ville où il était abhorré de tous les honnêtes gens. Apprenez cette anecdote à M. d’Alembert. M. le docteur Tronchin a les preuves en main. Je sais que tout cela est triste pour la littérature ; mais il faut couper un membre gangrené.

Je vous demande en grâce de me donner des nouvelles de mon paquet. Je vous embrasse le plus tendrement du monde.

  1. Romande Marmontel, à l’occasion duquel Voltaire composa l’Anecdote sur Bélisaire (voyez tome XXVI, page 109) ; la Seconde Anecdote sur Bélisaire (voyez tome XXVI, page 169) ; Lettre de Gérofle et Cogé (voyez ibid.,) page 449) ; la Défense de mon maître (voyez ibid., page 529) ; il en parle aussi dans plusieurs autres écrits.
  2. Dans sa lettre à d’Alembert.