Contes et légendes annamites/Légendes/039 Histoire de Tran van thac


XXXIX

HISTOIRE DE TRAN VAN THAC.



Il y avait un certain Trân van thac dont les parents étaient morts, et qui était réduit à une extrême pauvreté et à la condition de porteur de poisson. Un devin, voyant à l’inspection de ses traits qu’ils annonçaient une autre fortune, lui demanda s’il avait encore ses parents ; il répondit qu’ils étaient morts ; le devin lui demanda alors où ils étaient enterrés, et découvrit que c’était à la mauvaise situation de leur tombeau qu’était due la misère de Trân van thac ; il lui indiqua donc un lieu plus favorable dont l’occupation devait le conduire à la fortune dans un délai de trois ans.

Dans une famille riche on avait élevé un jeune garçon dans la pensée de le marier plus tard à la fille de la maison, seulement on leur avait laissé ignorer ce projet. Quand les deux jeunes gens furent devenus grands ils s’aimèrent et, craignant que leur liaison ne fut découverte, résolurent de s’enfuir. Ils convinrent que trois jours après le garçon viendrait pendant la nuit frapper à la porte de la fille et qu’ils partiraient ensemble. Mais il tomba malade et ne put venir au rendez-vous. La fille cependant avait pris une cassette d’argent et attendait inutilement que son amant vint la chercher.

Cette nuit là Trân van thac se réveilla vers la cinquième veille et se mit à transporter son poisson. Le temps était très froid, de sorte qu’il tremblait et, de son fléau (à porter les paniers) il heurta la porte de la jeune fille. Celle-ci crut que c’était le signal attendu, elle descendit donc et donna sa cassette à Trân van thac. Celui-ci, de son côté, crut qu’elle l’engageait pour porter ce paquet et se mit en marche. Ce ne fut qu’au bout d’un temps assez long que la fille s’aperçut qu’elle n’avait pas affaire à son amant.

Elle se mit à pleurer et querella Trân van thac sur l’erreur qu’il avait laissé se commettre ; l’autre s’excusa comme il put, et la fille, ne pouvant retourner chez ses parents, se décida à en faire son mari. Elle lui fit revêtir de beaux habits qu’elle avait dans sa cassette, et ils allèrent tous les deux dans un autre pays.

Là, ils virent un individu riche qui avait une maison que personne ne pouvait habiter, à cause des fantômes qui la hantaient. La fille dit à Trân van thac de demander au propriétaire la permission d’y coucher une nuit. Le matin venu, le propriétaire lui demanda s’il n’avait rien vu, l’autre lui répondit que non. Le propriétaire l’y laissa alors coucher deux autres nuits.

Pendant la nuit le génie de la richesse révéla à Trân van thac que dans les pièces latérales il y avait des trésors enfouis. « Voici longtemps que je les surveille, lui dit-il, maintenant je te les remets. D’un côté il y a de l’argent, de l’autre de l’or. » Trân van thac entendit une voix qui lui parlait ainsi mais ne vit personne. Il alla aussitôt dans les pavillons et y trouva les trésors.

Le lendemain matin le propriétaire lui demanda si pendant ces deux nuits il n’avait rien vu. Trân van thac s’informa s’il avait quelque chose à lui dans la maison, l’autre lui répondit qu’il n’y avait rien laissé. Trân van thac raconta cela à sa maîtresse qui lui dit : « Ce sont donc des trésors que le génie des richesses vous a réservés. Allez au village faire connaissance avec quelques personnes afin de les envoyer faire au propriétaire la proposition de vous vendre cette maison puisqu’il ne l’habite pas. » Le propriétaire, qui l’avait achetée trente barres d’argent, la donna pour trente-cinq. La fille dit alors à Trân van thac : « Tout ceci est l’œuvre du Ciel qui nous avait destinés l’un à l’autre. »

(1) Ông tai thân.

Par la suite Trân van thac étudia tant qu’il fut reçu aux examens et devint un grand mandarin. Voilà la fortune qu’il devait à l’habileté du géomancien qui avait déterminé l’emplacement du tombeau de ses parents. Il instruisit de toute cette aventure le père de sa femme.