Contes et légendes annamites/Légendes/027 Histoire de Ho xuan huong


XXVII

HISTOIRE DE HÔ XUAN HUONG.



Au temps du roi Lé thânh tông vivait, au village de Vo liêt, huyen de Thanh trî, province de Hà nôi, une jeune fille nommée Ho xuàn huong. Parvenue à l’âge de treize ans, sans avoir fait aucune étude, elle connaissait cependant les caractères et pouvait lire les livres. Elle était de même habile dans tous les arts d’agrément, la poésie, la musique, les échecs et la peinture. Ses parents moururent de bonne heure, et elle et sa sœur se partagèrent l’héritage qui était considérable.

Xuàn huong, avec sa part, construisit dans un beau jardin trois riches pavillons. Ce jardin était entouré de viviers ; devant les pavillons se voyait toute espèce de rocailles, d’arbustes taillés et de pierres couvertes d’inscriptions. Là elle se proposait d’ouvrir des concours poétiques et de choisir pour mari le plus habile lettré. Mais aucun ne réussit à la vaincre. Xuàn huong découragée abandonna son palais à sa sœur et construisit prés du mont Tân viên une pagode où elle s’exerça à la perfection jusqu’à l’âge de soixante-dix ans où elle mourut.

D’autres prétendent qu’avant de se retirer du monde elle avait épousé un savant licencié. Devant la maison de Xuân huong se trouvait une rocaille à demi ruinée où l’on avait planté de l’ail et du gingembre. Xuàn huong demanda au lettré de composer sur ce sujet une pièce de vers ; il fit aussitôt les vers suivants :


 
Hôi duyên ba cum toi,
Cay phân bay chôi cwong.
Môt dieu dieu dieu thê,
Thê ma cung tang twong.

« Mal odorants sont destinés à être les plants d’ail, — pimentées sont destinées à être les pousses de gingembre. — Cette toute petite chose — subit, elle aussi, les vicissitudes de la vie »[1].

Xuan huong fut touchée de ces vers qui peignaient si vivement sa situation dans le monde, où elle vivait inutilement sans postérité, et devant, en peu de temps, être frappée par la vieillesse et par la mort. Elle épousa donc le licencié et après la mort de celui-ci se livra à la pénitence.



  1. La toute petite chose est la rocaille ruinée, qui a ses vicissitudes comme les empires. Tang thwong signifie mûriers, mer. (Voir pour le sens de cette expression NDM, 228.) — L’ail destiné à la mauvaise odeur, le gingembre piquant sont l’image de la vie solitaire de Xuàn huong.