Cléopâtre (Bertheroy)/Partie 1/Chapitre V

Armand Colin et Cie (p. 83-101).

CHAPITRE V

L’isthme de Suez au temps des Pharaons. — La ville de Tanis. — Transbordement des vaisseaux de Cléopâtre. — La plaine de l’isthme et les lacs Amers. — Arsinoé-Cléopatris. — Incendie des vaisseaux de Cléopâtre.

Entre Péluse et Arsinoé un canal existait[1], reliant la Méditerranée à la mer Rouge. C’était le travail accumulé des générations endormies maintenant dans les hypogées ; l’œuvre tentée à maintes reprises par le génie des souverains glorieux de l’Égypte, depuis les anciens Pharaons qui en avaient conçu la première idée jusqu’au second des Lagides qui en avait achevé l’exécution. Le grand Ousortesen Sesostris, Nekao fils de Psametikos, Darius Hystaspes, Ptolémée Philadelphe enfin, avaient tour à tour étudié et poursuivi la gigantesque entreprise. Pendant un espace de plus de vingt siècles, des millions de bras humains avaient par intervalles creusé le sol sablonneux de l’isthme, des millions d’existences humaines étaient descendues dans des profondeurs que le travail accompli rendait chaque jour moins accessibles.

Faire aux ondes tumultueuses de la Méditerranée un lit assez large pour qu’elles pussent y tenir à l’aise n’était pas chose facile ; d’autre part, il fallait éviter que les eaux de la Mer Rouge, dont le niveau était de trente pieds plus élevé, ne vinssent s’engouffrer dans le canal, dont elles seraient sorties pour tout submerger autour d’elles. Mais ni la patience des Pharaons ni le génie des Ptolémées ne devaient se rebuter à ces obstacles ; avec un art étonnant et après bien des essais successifs, ils arrivèrent à imaginer un système de barrages mobiles qui permit de livrer passage aux gros vaisseaux sans que le péril de l’inondation fût à redouter.

Des richesses considérables, venant des lointaines métropoles de l’Asie, étaient par ce moyen déversées dans le royaume : les toiles de pourpre de l’île Taprobane, les éléphants de l’Inde, plus beaux et plus forts que ceux de l’Afrique ; les cristaux merveilleusement colorés de la Chersonèse ; les sacs énormes remplis de poudre d’or que les bâtiments faisant escale à la côte occidentale du golfe chargeaient en passant, tout cela arrivait directement dans les villes maritimes du Delta et jusque dans les deux ports d’Alexandrie. Longtemps la ville de Coptos en Thébaïde avait été l’entrepôt de ce commerce[2]. Les marchandises débarquées à Myoshormos étaient péniblement apportées à dos de mulets ou d’éléphants et distribuées de la même façon dans toutes les directions de l’Égypte.

Il eût été facile à Cléopâtre de se servir du canal pour le passage de ses navires mouillés dans la Méditerranée ; mais le canal s’ouvrait à Péluse, et Péluse, qui était la clef de l’Égypte, restait strictement gardée à vue par la flotte d’Octave. Ce fut donc à Tanis que Kaïn reçut l’ordre de se rendre, pour procéder au formidable transbordement dont, à la prière de Taïa, il avait accepté la conduite. Malgré la position isolée du lieu, des précautions avaient été prises afin que les travaux restassent inaperçus ; on devait attendre la nuit pour opérer le chargement des navires sur les grands chariots qui seraient dirigés ensuite à travers la plaine de l’isthme jusqu’aux premiers rivages du golfe.

Cinq mille esclaves avaient été réunis pour cette besogne parmi les plus robustes de ceux qui travaillaient à l’exploitation des mines d’or du Sud ; deux mille appartenaient à l’équipe qui creusait les carrières de granit dans les environs de Syène. Tous étaient des criminels condamnés ou des prisonniers de guerre ; ils portaient entre leurs sourcils le sceau ineffaçable de l’esclavage qui rendait leur évasion impossible ; là-bas, ils peinaient jour et nuit sans relâche, sous la surveillance de soldats que l’on choisissait exprès ignorants de leur idiome, afin qu’ils ne pussent se laisser attendrir par les supplications de ces malheureux[3].

En attendant le moment de se mettre à l’œuvre, ils s’étaient répandus un peu partout aux abords de Tanis et dans la ville même ; la plupart s’étaient couchés le long des lagunes, sur le sable encore tiède du soleil brûlant de la journée ; d’autres avaient escaladé le plateau du Grand Temple, d’où leurs yeux, habitués aux obscurités souterraines, se fatiguaient à contempler l’immense plaine mouvante de la Méditerranée. Autour de l’enceinte des deux cimetières quelques-uns rôdaient, pris déjà de l’oubli de toutes choses, comme ceux qui dormaient leur dernier sommeil dans les demeures funèbres.

Cette ville de Tanis[4], l’une des plus opulentes de la basse Égypte à l’époque du Moyen et du Nouvel-Empire, avait perdu peu à peu, sous la domination grecque, son ancienne splendeur. Des nombreux obélisques recouverts d’hiéroglyphes à la glorification des Ramsès, sept seulement étaient restés debout. Les sphinx des Hyksos, qui gardaient l’entrée du Grand Temple, chancelaient sur leur base de granit ; ils semblaient expier ainsi par cette décadence prématurée le crime d’appartenir à une race et à un art étrangers à l’Égypte. Au lieu de la beauté tranquille et régulière des figures hiératiques, ils avaient la tête osseuse, les yeux petits, les pommettes saillantes, les lèvres épaisses des guerriers chaldéens ; la crinière des lions d’Assyrie s’étalait en nappes lourdes sur leurs épaules. Un mystère était en eux qu’augmentait encore la mutilation de leur visage ; ces faces dont le nez avait été écrasé à dessein défiaient l’investigation de la pensée ; leur expression restait problématique, perdue tout entière dans cette trouée des fosses nasales, à travers laquelle on cherchait vainement à reconstituer l’harmonie disparue des traits.

À l’entrée du Temple de l’Est, élevé par Ramsès II à Phta, la Souveraine Lumière, deux colosses énormes se contemplaient orgueilleusement. C’était d’abord la statue en granit rouge d’Amenemhat I ; le roi, assis et les mains allongées sur les genoux, dressait sa tête puissante que recouvrait une mitre oblongue ; ses oreilles, placées très haut, débordaient en relief sur la coiffure comme deux coquilles univalves ; et ses yeux proéminents, les yeux des grands sensuels de la dynastie diospolite, souriaient, voilés à demi par des paupières épaisses. En face de lui, et comme lui assis et les mains aux genoux, mais plus colossal encore, était le roi Sésonkis[5]. L’Ousortesen, taillé dans la syénite noire et brillante, rayonnait d’une splendeur farouche ; il était coiffé de la partie supérieure du pschent ; sa barbe longue et carrée descendait jusqu’au milieu de sa poitrine.

Ces deux géants résumaient en eux l’âge héroïque de la sculpture égyptienne ; jamais en effet, à aucune époque, les contours n’avaient été polis avec plus d’art, les lignes découpées avec plus de science que par les statuaires de la douzième et de la treizième dynastie. Ces artistes modelaient leurs colosses avec un soin aussi méticuleux que pouvait en mettre un lapidaire à ciseler un camée et les livraient ainsi à l’immortalité des siècles dans toute la perfection de leur humanité agrandie.

Puis, sortant de ces deux géants, de même que tous les êtres à l’origine sont sortis des deux divinités premières, des milliers de statues des Sebek-Hotep et des Ramsès peuplaient les avenues, remplissaient les dromos, se dressaient entre les obélisques, s’entassaient devant les propylones. Il y en avait de toutes les dimensions et de toutes les matières, depuis le calcaire blanc compact jusqu’au basalte gris ou vert, depuis le bronze jusqu’à l’albâtre, depuis la serpentine finement veinée jusqu’aux granits des nuances les plus variées : le rouge sombre qui semblait avoir absorbé les reflets du soleil couchant, le rose pâle à peine teinté des premiers rayons de l’aube et le noir dont toutes les surfaces, luisantes et polies comme des miroirs, réverbéraient les jets capricieux de la lumière.

Cependant la nuit était venue, sans crépuscule, ainsi que toutes les nuits d’Égypte. C’était le moment désigné par Kaïn pour que les esclaves se réunissent au bord du vaste estuaire formé par les eaux à quelque distance de Tanis. Dans la journée, des préparatifs avaient été faits ; d’énormes machines et des chariots immenses avaient été amenés jusque-là, et leurs masses sombres et confuses s’étalaient maintenant comme des mastodontes à travers les saules grêles du rivage. En même temps les vaisseaux de Cléopâtre apparaissaient dans la baie : on les devinait aux feux à peine visibles allumés à leur proue et au bruissement de leurs carènes qui fendaient l’onde avec un déchirement pareil à celui d’une lame pénétrant à travers une étoffe soyeuse.

Les esclaves entrèrent dans l’eau ; chacun portait, comme pour le travail souterrain des mines, un flambeau de résine attaché à son front ; ils traînaient derrière eux l’appareil qui allait servir à soulever les navires. Des plans inclinés furent placés à des distances égales, tandis que de chaque côté des mâts très élevés, destinés à supporter des moufles, étaient solidement plantés dans la vase. D’autres esclaves complètement nus s’enfoncèrent plus avant dans les eaux montantes ; ils attendaient, submergés jusqu’aux aisselles, que les vaisseaux fussent assez rapprochés pour y jeter les cordages des poulies que les hommes de bord devaient attacher aux anneaux des écoutes.

Quand le premier navire fut ainsi amarré, les esclaves, tous ensemble attachés aux cordages, tirèrent ; Kaïn les excitait du geste et de la voix, en poussant des cris rauques et inarticulés ; et, d’un même mouvement, ils tanguaient, les reins tendus, les épaules voûtées, emportés en arrière par le poids énorme du bâtiment, avançant quand même par la puissance de l’effort commun ; une sueur épaisse coulait sur leur corps déjà mouillé par l’eau du fleuve et y formait par places une seconde couche visqueuse. Plusieurs s’affaissaient sous le poids, cherchant vainement à se relever ; leurs pieds glissaient dans la vase comme ceux de chevaux embourbés ; mais, sans que la manœuvre en fût interrompue, d’autres venaient prendre leur place sur un signe impérieux de Kaïn.

Pendant plusieurs nuits, le travail continua de la sorte jusqu’à ce que les trente vaisseaux de Cléopâtre fussent chargés. C’était juste la moitié de ceux que Marc-Antoine, se défiant avec raison de la lâcheté proverbiale des Égyptiens, avait consenti à leur laisser armer au moment de la bataille d’Actium et sur lesquels la grande reine avait, à tout hasard, fait entasser d’immenses richesses.

Chaque navire était hissé, à mesure, sur un chariot que traînaient vingt chevaux asiatiques appartenant à la race élégante et forte que Thoutmès III avait importée de la vallée de l’Euphrate dans celle du Nil[6]. À l’entrée de la plaine basse et déserte de l’isthme, les chariots se rejoignirent, mais de grandes difficultés restaient encore à vaincre pendant le trajet. À chaque instant les chevaux refusaient d’avancer, flairant sous leurs pas la présence des serpents qui abondaient dans cette partie de l’Égypte. C’était le plus communément des scytales, ou des cérastes cornus dont la morsure causait d’atroces souffrances ; alors les esclaves poussaient des hurlements de terreur et se suspendaient par le milieu du corps aux montants élevés des chars, afin que leurs pieds ne touchassent pas le sol. Souvent Kaïn pour les rassurer descendait de sa monture et venait près d’eux ; le Psylle sifflait sur un mode lent et monotone, et, quand la vipère dardait à travers le sable sa tête triangulaire, il lui appuyait le pouce entre les yeux et la rendait par ce contact inoffensive, plongée dans une sorte de catalepsie. Quelquefois il s’en entourait le cou comme d’un collier dont les rangs s’élargissaient en descendant sur sa poitrine ; il ressemblait ainsi au dieu Râ enveloppé dans les anneaux du serpent Meheu et portant en lui-même la force et la plénitude de la vie.

À sa suite, les esclaves reprenaient leur marche vers Héroopolis. Il fallait parcourir la région redoutable où les prêtres avaient placé la demeure symbolique de Typhon ; c’était là que cet éternel ennemi du bonheur des hommes et de la fertilité de l’Égypte exerçait en secret ses néfastes influences. La ville d’Héroopolis elle-même était appelée dans les livres sacrés Aouaris[7] (malédiction), en souvenir de la tyrannie des Pasteurs attirés dans son enceinte par le Génie du mal.

À Héroopolis, le long convoi fit une halte. Les chevaux fatigués furent remplacés par des attelages de chameaux, que le voisinage de l’Arabie avait mis en usage dans le nome héroopolite. Encore deux journées et l’on arriverait à Arsinoé-Cléopatris ; on longeait maintenant la plaine parallèle aux Lacs Amers et quelques signes de végétation apparaissaient ; des bouquets de santoline et de verbena, émergeant de loin en loin, formaient de maigres îlots de verdure au milieu de l’Océan mouvant des sables ; et les hommes s’arrêtaient par instants pour aspirer les vapeurs humides qui montaient des infiltrations du sol. À mesure qu’on avançait, les serpents devenaient moins nombreux ; on apercevait seulement de grands lézards craintifs qui fuyaient à l’approche de la caravane et des scorpions lourds qui rentraient leurs anneaux mobiles en agitant dans tous les sens l’aiguillon de leur queue venimeuse. Des multitudes de grenouilles jaunes et vertes sortaient de terre, comme la production naturelle de ces parages ; et elles s’éloignaient à petites saccades promptes, étonnées d’être troublées dans leur solitude.

Cependant on touchait presque au but, et Kaïn, que la pensée de Taïa fortifiait sans cesse, sentait une grande joie entrer dans son cœur. La partie la plus difficile de sa mission était accomplie : il avait triomphé des difficultés presque insurmontables que présentait le chargement des navires, trompé la vigilance des espions d’Octave et traversé sans accident la plaine redoutée de l’isthme ; les esclaves, qui dans le commencement lui avaient obéi d’une façon passive, sans intelligence ni élan, semblaient avoir pris à tâche de mieux le seconder depuis qu’ils entrevoyaient, eux aussi, le succès au bout de la tentative qu’ils avaient crue vaine tout d’abord. L’espérance des récompenses promises était sans doute pour beaucoup dans l’éclosion tardive de cette ardeur.

Enfin on arriva au port d’Arsinoé-Cléopatris. Cléopâtre, ayant fait ouvrir un quartier considérable sur la rive du canal des Ptolémées, avait ajouté son nom à celui que cette ville portait précédemment[8]. C’était là que les navires devaient être mouillés de nouveau ; cette opération présentait moins de périls que celle du chargement ; toutefois de grandes précautions furent prises encore : les plans inclinés étaient placés comme dans la baie de Tanis et les vaisseaux, soutenus par des câbles, y glissaient insensiblement. Un sentiment général de satisfaction soulevait les poitrines chaque fois qu’un des vaisseaux, détaché de ses liens, s’enfonçait dans les hautes eaux avec un sourd bruissement.

Les esclaves se hâtaient, car un vent violent soufflait par intervalles, entraînant avec lui des tourbillons de sable et de poussière. Sur son passage, les palmiers, les habitations et même les eaux prenaient une coloration jaunâtre, comme baignés sous une pluie de soufre.

Tout à coup une odeur méphitique se répandit et une fumée épaisse s’éleva ; de tous les côtés à la fois des fantômes humains surgirent sur le tillac des vaisseaux déjà mis à l’ancre ; d’autres, sortis en rampant des ajoncs qui bordaient les deux rives, étaient armés de longues phalariques avec lesquelles ils lançaient des flèches enflammées. En même temps, la surface du golfe se couvrait de petites barques ; les hommes qui les montaient jetaient par-dessus le pont des navires de grosses étoupes de chanvre imbibées d’huile de pierre.

L’incendie se propageait avec une rapidité effrayante. Des craquements sinistres se faisaient entendre et par les carcasses entr’ouvertes des navires des flammes sortaient, qui couraient longtemps sur l’eau avant de s’éteindre. Les mâtures, embrasées de la base au sommet, formaient d’énormes faisceaux de lumière, et les voiles roulées encore autour des vergues s’en détachaient par places sous l’action du feu ; des lambeaux incandescents étaient emportés au loin par le souffle impétueux du Khamsin.

Mais le fléau s’acharnait surtout aux flancs métalliques des navires qui résistaient encore à l’embrasement général. Des langues de feu léchaient les rebords cuivrés ; elles paraissaient et disparaissaient comme des feux follets, repoussées d’abord par la rigidité froide du métal, jusqu’à ce que, s’amollissant sous cette caresse, il se fût fondu en un brasier liquide de forge, où elles s’enfonçaient victorieusement.

Au premier coup d’œil, Kaïn avait mesuré toute l’immensité du désastre ; il avait compris avec sa sûreté de vue habituelle que tenter d’arrêter l’incendie des vaisseaux à l’ancre serait impossible et que tout son effort devait se borner à protéger les navires demeurés encore sur la terre ferme. Il en restait une dizaine, autour desquels il plaça une triple rangée de ses hommes les mieux armés, avec l’ordre de se tenir prêts à repousser les agresseurs. Puis, suivi des autres esclaves, le Psylle retourna promptement au bord du golfe. Il voulait reconnaître l’ennemi et savoir de quel côté était partie l’attaque.

C’étaient des hordes d’Arabes Scénites et de Nabathéens. Les premiers vivaient sous la tente, répandus un peu partout, le long de la côte orientale du golfe ; les seconds s’étaient cantonnés dans les environs de Petra ; les uns et les autres vivaient de pillage et de piraterie, toujours à l’affût de proies nouvelles, guettant l’arrivée des caravanes sur le littoral ou l’entrée des navires dans le golfe pour les attaquer, tantôt avec le fer, tantôt avec le feu et en recueillir les épaves. Ils vivaient libres, affranchis de toute domination ; les rois des Mèdes, des Macédoniens et des Perses, qui les avaient successivement combattus, n’avaient pu parvenir à les dompter[9].

Cependant Kaïn et ses hommes redoublaient d’efforts ; ils ramassaient sur le rivage de grosses pierres lisses et pointues, qu’ils lançaient à tours de bras sur les barques des Nabathéens. Mais ceux-ci manœuvraient leurs embarcations avec une agilité surprenante entre les carènes embrasées.

Sur le tillac des navires, quelques hommes, attardés par l’appât des trésors, couraient encore comme des ombres à travers les flammes grandissantes ; puis quand les morsures de l’incendie devenaient intolérables, ils plongeaient, — et tout chargés de joyaux, qui brillaient sur eux comme les écailles luisantes des squales, ils regagnaient en nageant le large.

Les lueurs de l’incendie éclairaient très loin l’horizon. Au sud de la presqu’île Arabique, le Sinaï dressait ses deux cimes resplendissantes.

Les dernières barques des fuyards disparaissaient, quand un tumulte confus s’éleva et l’on vit s’avancer une nuée d’hommes semblables à des spectres ; ils étaient nus et les lueurs de l’incendie faisaient paraître rouges leurs corps décharnés. C’étaient les Ichtyophages, qui habitaient les excavations des rochers le long de la côte[10] ; ils avaient vu de loin le ciel embrasé et ils accouraient les bras levés, en poussant des cris terribles.


  1. Voir note justificative no 22, p. 308.
  2. Champollion le jeune, l’Égypte sous les Pharaons, t. I, p. 223.
  3. Diodore de Sicile, t. I, XII.
  4. Voir note justificative no 23, p. 310.
  5. A.-B. Edwards, The Story of Tanis (Harper’s 1886).
  6. Voir note justificative no 24, p. 312.
  7. Voir note justificative no 25, p. 313.
  8. Strabon, liv. V.
  9. Diodore de Sicile, liv. II, § xlviii.
  10. Diodore de Sicile, liv. III, § xviii.