N. S. Hardy, Libraire-éditeurs (p. 57-68).

LE CHEVREUIL OU DAIM DE VIRGINIE

(CERVUS VIRGINIANUS.)


Ce gracieux ruminant est encore fort nombreux dans les cantons d’Ontario, nouvellement établis. On le rencontre aussi, bien qu’en plus petit nombre, dans la partie sud-est et ouest de notre Province. De tous les cervidæ d’Amérique, c’est celui dont les formes sont les plus élégantes. Tête longue et effilée ; yeux grands, pleins d’éclat, de couleur bleu, tirant sur le noir ; jambes délicates, mais bien tournées et musculaires eu égard à leur volume ; corps, passablement robuste et flexible. Ses cornes ne sont pas grandes. Dans leur première moitié, elles sont recourbées vers le dos, et, dans l’autre moitié, elles le sont en sens opposé. Généralement, le bois est cylindrique : mais on le rencontre quelquefois palmé. Il varie de forme et de volume, selon les individus. Les extrémités sont de formes ronde, conique, aigüe, retroussée. À la tête de presque tous, vers l’intérieur de chaque corne, il y a deux cornichons sur le front. Une paire de grandes cornes pèse jusqu’à six livres, mais il en est peu qui excèdent quatre on cinq livres en pesanteur.

La couleur du chevreuil change avec la saison. En automne et en hiver, il est gris-bleuâtre ; au printemps, roussâtre ; il redevient bleuâtre, en été. Sous le menton, la gorge, le ventre et sur le pelage intérieur des pattes et le dessous de la queue, le blanc prédomine. Les faons sont d’abord d’un rouge brun, tacheté de blanc, le long des côtés. Pendant l’automne de leur première année, ils perdent les taches blanches et revêtent la livrée des vieux. Longueur du museau à la racine de la queue, cinq pieds quatre pouces : la queue, y compris le poil, peut avoir plus d’un pied en longueur.

La femelle donne naissance, en mai ou en juin, à un ou deux, rarement, à trois petits, qu’elle cache dans un taillis. En Canada, le chevreuil passe l’hiver au sein des savanes d’épinette ou de cèdre ; comme l’orignal, il y fait son ravage et s’y réunit en troupes. Le ravage est la partie de la savane ou la bande s’est établie et s’est tracée dans la neige une multitude de sentiers qui se croisent en tous sens ; à cette saison, rarement on découvre leurs traces dans les bois francs ; le printemps, à la fonte des neiges, ils gagnent les hauteurs jusqu’à l’automne et broutent dans les champs pendant la nuit. En hiver, dans les savanes, ils se nourriront des chatons du merisier, du cèdre, de l’épinette, ainsi que de mousses. En été, ils subsistent de feuilles, d’herbe tendre, de baies, de pois, de navets et attaquent même les champs de pommes de terre. Les pois et les navets sont préférés par eux, à tous les autres produits agricoles. Ils passent la journée entière dans le voisinage des champs. Le mâle, généralement, se construit un lit confortable de feuilles et d’herbes dans un fourré d’arbustes, et y repose la plus grande partie du jour. À la fin de mai et en juin, quand les mouches les tourmentent, ils sortent du bois et gagnent les champs environ une heure avant le coucher du soleil. Ils cherchent aussi, à cette saison, protection contre les moustiques dans l’eau des lacs, pendant la nuit.

Le chevreuil fréquente soir et matin, même pendant la nuit, pour s’abreuver, les sources d’eau vive et certaines salines minérales. Un jeune chasseur grimpera dans un arbre avoisinant, et, avec sa carabine, il logera une balle meurtrière dans les flancs du timide animal, lequel entendra le coup de fusil avant de voir son ennemi.

En octobre, en novembre et en décembre, les chevreuils parcourent avec impétuosité les sentiers de la forêt. Les mâles se livrent à cette saison, avec leurs pieds et leurs cornes, des combats furieux. Leurs bois alors quelquefois s’enlacent au point qu’ils ne peuvent se séparer ; en ces occasions, ils succomberont de faim ou seront dévorés par les animaux carnassiers : le naturaliste Say atteste le fait pour l’avoir vu de ses yeux[1].

C’est en automne qu’ils sont le plus gras, mais les mâles deviennent maigres en décembre, tandis, que les femelles conservent leur graisse jusqu’au milieu de l’hiver ; au printemps, les chevreuils sont maigres et faibles. Il est facile de les découvrir avec des chiens, dans leur ravage, à cette saison. Une fois poursuivis, ils s’élancent, se blessent et s’épuisent dans les épaisses couches de neige et dans le verglas[2]. Le chasseur les rejoint ; les poignarde et les égorge comme des animaux de basse-cour amenés à l’abattoir ; ceci s’appelle une boucherie, dans les goûts de l’Indien dégradé ; ce n’est pas la chasse : le noble art de la vénerie. Ces massacres, au moment où la mère va mettre bas, la loi les punit sans miséricorde. La chasse au chevreuil se fait d’ordinaire aux premières neiges ; pour celui qui est muni d’une bonne carabine et de muscles d’acier, c’est un amusement plein d’attraits.

Un instinct inexplicable pousse le chevreuil à regarder fixement un flambeau pendant la nuit : sa curiosité le con-

duit à sa perte. Le chasseur expose, dans le devant de son canot, sur la lisière du lac, une torche d’écorce enflammée ; le chevreuil allant s’abreuver, s’arrête, s’approche, fixe l’objet : une balle l’atteint. On le leurre également au moyen d’une bougie ardente, fixée à l’intérieur de la cavité d’un bonnet d’écorce de bouleau, qui dérobe la figure de celui qui le porte ; les yeux du cerf reluisent dans l’obscurité comme des globes de feu, — points de mire pour le chasseur qui peut difficilement manquer le cible.

Dans les États du Sud, où le cerf fréquente de vastes plaines[3] on le pourchasse à cheval avec des lévriers (stag hounds.) Du golfe du Saint-Laurent, à travers le Canada et les États-Unis, jusqu’aux Montagnes-Rocheuses, tel est le parcours du chevreuil. Il n’habite pas à l’ouest des Montagnes Rocheuses, excepté au Mexique. On l’a remarqué bien rarement au nord du Saint-Laurent, plus bas que Québec ; à l’ouest de Montréal il se rencontre ; dans toute la province d’Ontario, on le trouve au nord de l’Outaouais. Dans le district adjacent aux lacs Nippising et Témiscaming, on voit, de temps à autre, des bandes éparses de chevreuils. On l’a vu, ces années dernières, dans le comté de Renfrew, sur les rivières Madawaska et Bonnechère. Il existe dans tous les États de l’Union. Fort commun au Texas et à New Mexico, il ne se trouve pas dans les États d’Orégon ou de Californie.

Ceux qu’Audubon et Bachman rencontrèrent, à Niagara et au Maine, leur semblèrent deux fois aussi gros que ceux qu’ils avaient vus dans les îles de la Caroline du Sud, où l’on va chasser ce bel animal, si facile à apprivoiser.

Ovide nous a laissé une riante description des malheurs du chasseur Acteon, métamorphosé en cerf ; en voici une traduction libre.

« Au temps où l’île de Délos flottait à la surface du bleu océan, une jolie dame grecque, du nom de Latone, y donna le jour à un fils nommé Apollon et à une fille : jumeaux issus de son (légitime ?) mariage avec un grand seigneur des mieux posés de l’époque, le sieur Jupiter. Avec le temps, la petite devint une grande, une belle princesse, si gentille, si modeste, si rangée, que bientôt on la surnomma la chaste, la blanche Diane. Elle raffolait de la chasse et se fichait des amoureux. On la trouva, néanmoins, si adorable, que les fashionables d’Éphèse allaient l’adorer en un temple magnifique, qui passa pour une des sept merveilles. Ô la belle demoiselle ! Les mauvaises langues prétendaient que ces messieurs faisaient encore plus de cas de sa beauté que de sa chasteté !

« Un jour, où, avec ses chiens, mademoiselle avait lancé un cerf, l’animal prit l’eau ; la chasseresse en fit de même.

« Passe un jeune fat, du nom d’Acteon, lequel ajusta son lorgnon pour voir quelle mine feraient sur l’onde une crinoline flottante et un Grecian Bend[4]. Sa curiosité fut bien punie, car la chaste demoiselle, qui avait étudié la magie blanche, lui fit une passe magique ; et de suite on vit à la place de l’indiscret Acteon un cerf timide, que l’inhumaine laissa même croquer vif par ses chiens. »

(Courrier du Canada).




CHASSE AU CHEVREUIL



Le chasseur, en Amérique, a recours à trois modes différents pour capturer le plus gracieux de nos ruminants — dirai-je, le plus rare autour de Québec — le chevreuil (Red Deer) : M. William T. Porter, dans son intéressant journal du sport, New-York Spirit of the Times a décrit avec beaucoup d’entrain ces méthodes, sous la rubrique 1o Still Hunting, 2o Fire light Hunting 3o Driving. Le premier mode est usité surtout par les vieux trappeurs des frontières de l’ouest, comme moyen d’existence. Il requiert une science consommée des habitudes et des mouvements du cerf, non seulement aux diverses saisons, mais encore à toutes les températures et à toutes les heures du jour et de la nuit.

Le vétéran des forêts, vêtu de sa chemise en cuir, armé de sa longue carabine, [5] de son grand couteau de chasse et de son casse-tête, solidement liés à sa ceinture en baudrier, s’aventurera hardiment dans les sentiers presqu’impénétrables de la forêt, en quête des traces de chevreuils, faciles surtout à reconnaître aux premières neiges d’automne et plus tard. Tantôt, le cauteleux coureur des bois s’avance à grands pas ; tantôt, il s’arrête, se faufile derrière une souche, ou rampe comme un serpent dans les savanes, ou se blottit derrière un arbre. Là, il scrute à l’horizon, il écoute le moindre bruit.

Ah ! voyez-vous, là bas, dans la plaine, la victime qui broute sans défiance, mais à portée de fusil. Il épaule son arme, le coup part…

— Ami, qu’avez-vous abattu ? je ne vous demanderai pas ce que vous avez visé ; car, ce serait laisser planer un doute sur la justesse de votre tir.

— Rien qu’un chevreuil, dites-vous ?

— Mais où donc est-il ?

— Oh ! il a fait quelques bonds ; on le trouvera bientôt couché au sein d’un fouillis d’épinettes ou de vinaigriers ; car, il a dû être frappé au cœur. On le trouve en effet. Alors, le trappeur tire son long couteau de sa gaine, lui ouvre la jugulaire, lui lève la peau, dépèce la carcasse, se réserve les jambons et laisse le reste aux bêtes fauves et aux oiseaux de proie.

Si la température eut été plus chaude, le trappeur aurait exploré le versant ombragé des collines.

Si c’eut été au printemps, il fut allé guetter le gibier, dans quelque savane, ou près des bords d’un lac solitaire, où le chevreuil a habitude de se réfugier dans l’onde, pour se soustraire aux piqûres des moustiques.

À la saison des grands froids, le trappeur explorera les vallées humides où l’animal va brouter les mousses et les lichens qui enlacent le tronc des arbres. Puis, il vous indiquera l’endroit où le chevreuil se sera frotté aux branches, pour enlever l’enveloppe veloutée de sa ramure, le lieu, où il se sera arrêté pour gratter le sol de son pied ; ou bien, il vous signalera un arbre que l’animal aura dégarni des fruits de la saison précédente.

Il pourra, au besoin, vous dire comme il sait imiter au printemps, le bêlement de la mère, quand il désire faire venir à lui ses faons, ou comment il s’y est pris pour attirer à portée de fusil, le reste de la bande, en exposant dans les hautes herbes la tête d’un chevreuil.

Je n’ai qu’une faible admiration pour cet infatigable chasseur, qui menace, avec le temps, de dépeupler nos forêts de leurs hôtes les plus intéressants.

2o La chasse au chevreuil au flambeau — Fire light hunting — se fait à cheval pendant l’obscurité. La nouveauté du spectacle, cette course de nuit, sous le dôme de forêts sombres, les dangers de la route pour chevaux et cavaliers, contraints d’éviter mille obstacles, des ravins, des troncs d’arbres renversés, des cours d’eau a quelque chose de saisissant pour le novice : l’émotion souvent se mêle à l’effroi. Voici comment on en agit :

Un cavalier, porteur d’un flambeau ardent de pommes de pins, etc., précède dans le bois celui qui doit tirer. Le flambeau illumine tous les objets aux environs. Bientôt le Nemrod distingue deux points lumineux : ce sont les prunelles du chevreuil, immobile et comme paralysé par la curiosité ou la surprise. Le chasseur vise droit entre les deux et atteint l’animal au milieu du front ; il quitte alors sa monture pour dépecer la pauvre bête et continue souvent avec succès sa chasse jusqu’au jour naissant.

Il y a cependant un grave inconvénient à ce mode : d’autres habitants des bois, mus par la curiosité, ont pour habitude de fixer du regard le chasseur et de rester immobiles pour recevoir son coup de feu. On tire et au lieu d’un chevreuil, l’on trouve gisant à terre, dans les transes de l’agonie, un cheval, une vache, quelquefois un loup. Notre ami, M. J. U. Gregory, a décrit une de ses chasses en Floride, où son compagnon en tirant, atteignit une vache, heureusement, sans la tuer. Il ajoute qu’il est difficile de se tromper, pour peu que le chasseur soit habitué à cette chasse, « vu que les yeux des bestiaux sont plus éloignés, les uns des autres, que ceux des chevreuils. — (En racontant, p. 129).

3o La méthode connue comme Driving, ressemble fort à la chasse à cor et à cri du vieux monde. Elle est en faveur, surtout parmi les riches propriétaires de la Virginie, un peu même, à l’ouest dans la province d’Ontario.

Une escouade d’alertes chasseurs, bien montés, se donnent rendez-vous, suivis de leur meute bruyante et de leurs rabatteurs expérimentés (Drivers) dans une clairière, à l’orée d’un grand bois fréquenté par les chevreuils. Le cor de chasse réveille les échos d’alentour, les chiens bondissent, hurlent de joie. On fait halte : chacun de descendre de son cheval, qu’il attache à un arbre. Le chasseur prend son poste en silence, à l’endroit qui lui est indiqué, masqué par un arbre ou par l’angle d’un rocher. Les chevreuils ont pour habitude, de père en fils, de suivre dans la forêt les sentiers connus ; alarmés par les rabatteurs et les chiens, ils prennent la course. S’ils s’écartent un peu de la voie, les rabatteurs les y ramènent ; de cette sorte, ils tombent devant les balles des chasseurs, de faciles victimes. Les rabatteurs leur donnent le coup de grâce, les dépècent. On sonne du cor de chasse. On repart : un copieux repas clora la journée. Ajoutez au spectacle, la présence de belles dames et l’on croirait revoir presque les chasses de jadis aux forêts de Fontainebleau : le royal amant de la blanche Diane de Poitiers, et sa brillante cour, escortant, au son du cor, sa belle maîtresse.

Il passe, il passe, le clairon du roi, mes dames.
Il passe, il passe, le clairon du roi joli.



  1. On lit dans le Courrier d’Outaouais de novembre 1871 :

    « La semaine dernière, un chasseur de Gloucester, du nom de Paul Havreau, était dans le bois à la recherche de cerfs qu’il ne trouvait pas, quand, à sa grande surprise, en avançant, il trouva en son chemin deux chevreuils bien joints et liés par leurs bois et andouillers, l’un d’eux était mort et l’autre mourant. Le terrain autour démontrait que la lutte avait été désespérée entre les deux animaux, qui tous deux étaient pesants, forts et puissants. Le chasseur eut peu de trouble à trancher la difficulté entre les combattants, en tranchant la tête du survivant. »

  2. M. Raoul Renault de Montmagny, nous écrit :

    « Il n’y a que deux ou trois ans que nous avons le chevreuil ici. Les chevreuils sont fort nombreux depuis une couple d’années dans les forêts vis-à-vis les comtés de l’Islet, Montmagny et Bellechasse. Ils se tiennent ordinairement par troupeaux et séjournent plusieurs jours au même ravage. Le chevreuil a environ trois pied de haut à la croupe ; il est d’un gris cendré. Il a de grandes oreilles, un mufle effilé, de grands yeux intelligents et naïfs — ; le mâle à une ramure ou panache.

    Il a les jambes semblables à celles d’une bête à cornes, avec cette différence que la corne du pied est noire et très-coupante ; comme l’orignal. il se défend avec ses pieds de devant.

    « Il tient à la fois de la chèvre et du mouton ; ce qui explique les visites que les chevreuils font quelquefois aux bergeries. Le chevreuil est un ruminant et crotte absolument comme le mouton. Cette année on a pris dans les enviions de Montmagny une dizaine de chevreuils en vie : on en a tué une quarantaine. Deux caribous ont été capturés vivants et six tués.

    « Pour les capturer, on choisit une journée où la neige est bonne pour la raquette, et on les lance de leur ravage ; les six pieds que nous avons cet hiver, il n’est pas nécessaire de les poursuivre longtemps avant de les rejoindre ; notre chevreuil, a été pris par Charles Gosselin vers le 25 janvier 1887 : c’est un mâle ».

    M. Eugène Renault, l’ancien rédacteur du Courrier du Canada, fixé à St-Thomas, depuis nombre d’années, a gardé dans son étable, plusieurs chevreuils ; ces gracieux ruminants sont devenus fort dociles : une femelle morte récemment suivait les enfants de la maison, comme un chien. On la nourrissait au foin, au jonc, à l’avoine, aux patates, aux navets ; elle aimait surtout le pain et faisait grand cas du pain de savoie. Deux chevreuils ont été tués à Valcartier, cet hiver par un jeune M. Crawford de l’endroit, les premiers, croyons-nous, tirés sur la rive nord du St-Laurent depuis longtemps. — Courrier du Canada, 21 mars 1887.

  3. « Il vient de se produire un incident curieux sur la ligne du chemin de fer du Pacifique, à l’endroit où les premières ondulations du terrain, au sortir des prairies annoncent le voisinage des Montagnes-Noires, dans l’Amérique du Nord.

    « Au point du jour, » raconte le Matin, « la locomotive entraînant une longue file de wagons, chargés de voyageurs et de colis, pénétrait dans une petite vallée où coule doucement une eau pure et fraîche venue de la montagne.

    « Sur les bords de ce ruisseau se tenait un nombreux troupeau de cerfs s’y désaltérant avec délices, loin de tout danger apparent. Les timides animaux, épouvantés par l’apparition de ce cheval de fer au milieu d’eux, s’élancèrent pour se dérober par une course furieuse à cet ennemi inconnu.

    « Le mécanicien, voulant ajouter à leur effroi, fit entendre le sifflement aigu et strident de ses jets de vapeur. C’en était trop pour les pauvres bêtes : toutes, afin d’échapper au monstre qui les menaçait et semblait suivi d’une armée, s’enfuirent dans la direction même que suivait le train.

    « La lutte commença entre la locomotive et les cerfs.

    « Lancée à toute vapeur, la formidable machine, dont les roues tournaient avec une rapidité vertigineuse, semblait dévorer l’espace, mais les cerfs, à qui la frayeur donnait vraiment des ailes, touchaient à peine la terre et fendaient l’air avec des élans désespérés.

    « Fer et vapeur contre poumons et muscles, qui l’emporterait ? Le mécanicien chauffa à la plus haute pression, aux hourras des voyageurs qu’intéressait vivement ce singulier steeple-chase.

    « On estime que sur un parcours de plus de six milles (près de 10 kilomètres), les cerfs affolés tinrent constamment tête ; mais ils faiblissaient et allaient succomber quand la gorge qu’ils suivaient, s’élargissant tout à coup, leur livra un espace ouvert de chaque côté. Ils s’y jetèrent et y achevèrent leur course effrénée, ne s’arrêtant qu’à une distance qui défiait locomotive et carabine.

    « Alors, tremblant sur leurs jambes flageolantes et aspirants par la bouche et par les naseaux l’oxygène qui manquait à leur poitrine, ils regardèrent avec leurs grands yeux dilatés l’étrange apparition qui semblait fuir en remplissant l’air de bruit et de fumée.

    « La force musculaire avait vaincu la puissance mécanique. »

  4. Caprice de mode, où des talons fort hauts jouaient le principal rôle : avis aux antiquaires, nos neveux, qui étudieront les modes changeantes du passé.
  5. À propos de carabines, un sportsman distingué de New-York, M. Geo. M. Fairchild jr. nous communique la note suivante :

    « The following are the best known american sporting rifles : Winchester, Colt, Remington, Bullard and Ballard.

    « The Winchester is undoubtedly the most popular as it possesses many advantages over the others. It is a magazine rifle carrying from six to 13 cartridges. What is known as the half magazine ride is the one most affected by Eastern sportsmen, it is the six cartridge rifle. The calibres are 40x60 — 45x75 — 50x90. For all game found in the Canadian wilds the 40x60 is the most effective weapon. Its low trajectory and powerful penetration up to 300 yards commends it to Eastem sportsmen where a shot in the dense woods is rarely obtained at anything beyond 200 yards. M. Wakeman Holberton the well known sportsman while in the Adirondacks last year killed a bear with this rifle at 100 yards, the ball penetrating the thick skull and ranging into the neck, severed the verterbrae, showing the fine penetration of this calibre. The cost of this rifle is about $20.00.

    The Colt and Ballard are magasine rifles, the latter the finest finished and most expensive rifle made. It is priced at about $33.00.

    A popular weapon among the Adirondack guides is the combination rifle and shot gun. They are two shot gun barrels with a rifle barrel beneath. Where a camp is dependant upon the game killed, this gun commends itself, as the sportsman is always ready for any thing that runs or flys.

    The Winchester model of 1836, is the latest improvement, as the carrying block is of bronze which heats very little and does not rust. Its lightness, freedom from recoil is a great disideration to the Eastern sportsman. The full chambered rifle is only used today in the far west for large game at long range.