Autour de l’Afghanistan/Chapitre I

Librairie Hachette et cie. (p. 1-25).

AUTOUR DE L’AFGHANISTAN


CHAPITRE I

DE TÉHÉRAN À MESCHED


Départ de Téhéran. || Les caravansérails du Khorassan. || Rencontre des pèlerins de Bagdad. || Fumeurs d’opium. || Le prince Djalil. || Ballet persan au clair de lune. || Scharoud-les-punaises. || En route pour Madan. || Les mines de turquoises. || Mesched, la ville sainte.
* * *


S i vous parcourez des yeux une carte de l’Asie centrale, il est une contrée qui apparaît à la fois mystérieuse et attirante : c’est l’Afghanistan. Pour moi qui, quatre fois déjà, avais pénétré sur le continent asiatique, j’étais hanté, depuis longtemps, du désir de suivre d’aussi près que possible cette frontière infranchissable et puisque les territoires de l’Émir de Kaboul m’étaient, comme à tout autre, interdits, je voulais essayer tout au moins d’en faire le tour. Je parlai de mon projet au capitaine d’artillerie Enselme qui m’avait accompagné jadis dans un voyage en Mandchourie, et il accepta de tenter avec moi une aventure pleine d’imprévu et par cela même d’autant plus séduisante.

Partis de Paris le 21 mars 1906, nous arrivions sans encombre à Téhéran le 15 avril. J’eus le plaisir de retrouver dans la capitale persane deux anciennes connaissances : le docteur Schneider, médecin du Schah, et M. Joseph Cotte, professeur des princes impériaux. L’un et l’autre m’offrirent l’hospitalité la plus large et la plus cordiale, je leur en garde une profonde gratitude. À la légation de France, je fus accueilli d’une façon charmante par notre chargé d’affaires, le comte d’Apchier le Maugin, qui voulut bien me présenter à ses collègues de Russie et de Grande-Bretagne et contribua ainsi à me faciliter l’organisation de mon voyage dans le Turkestan, les Indes et le Béloutchistan. Enfin, nous eûmes, Enselme et moi, le grand honneur d’être reçus en audience particulière par Sa Majesté Mouzaffer-ed-Din qui nous assura de son appui le plus bienveillant dans le parcours que nous projetions de suivre à travers son Empire.

Il ne nous restait plus qu’à hâter les préparatifs de départ et à nous mettre en mesure de franchir, le plus rapidement possible, les hauts plateaux du Khorassan. Ce ne fut pas le plus facile.

La route de Téhéran à Mesched n’est guère fréquentée que par de misérables caravanes de pèlerins. Mais il y a un service de poste régulier, très bien organisé, dont l’entreprise est aux mains d’un seul individu, un riche Persan, auquel il fallut nous adresser pour obtenir le moyen de transport que nous cherchions.

LA VOITURE AVEC LAQUELLE NOUS AVONS TRAVERSÉ LE KHORASSAN.
LE CAPITAINE ENSELME S’APPRÊTE À PASSER LA RIVIÈRE SUR LE DOS D’ABBAS.

Le 27 avril, à neuf heures du matin, la voiture était devant la porte de notre hôte, M. Cotte. Elle n’avait pas trop mauvaise figure. Les ressorts, un peu fatigués, en avaient été par précaution solidement entourés de ficelle, mais les coussins, sans offrir le moelleux des divans de harem, nous assuraient cependant un confort relatif. Ce qui nous mit tout de suite en belle humeur et nous donna confiance, ce fut l’aspect original du superbe attelage de quatre chevaux noirs brillamment harnachés, dont les colliers étincelaient de pierres bleues et qui, suprême coquetterie, portaient dans les crins de la queue, comme les femmes en ornent leurs tresses, des broches en simili-turquoise du plus ravissant effet.

Nous emmenions avec nous comme interprète un certain Abbas, digne vieillard parlant très peu et fort mal le français, que nous avait procuré M. d’Apchier le Maugin, avec beaucoup de difficultés d’ailleurs.

Cette fois nous étions prêts : la fièvre du départ, l’anxiété de l’inconnu nous avaient gagnés, et les bagages chargés, nous prîmes définitivement congé de notre hôte. Puis, sur un signe d’Abbas, le cocher enleva ses quatre étalons d’un maître coup de fouet et nous sortîmes de Téhéran par un soleil radieux.

Il est dix heures du matin. Nous roulons, au trot allongé des chevaux, entre deux chaînes de collines aux teintes les plus fines et les plus délicates qui se détachent, tantôt roses, tantôt violettes, sur un ciel d’une pureté merveilleuse…

À Khatoun-Abad nous rencontrons le premier relais[1], mais nous n’avons heureusement pas à y passer la nuit. L’occasion va naître pour nous, un peu plus loin, de faire la connaissance des cafards, des puces et autres insectes, seuls habitants de ces logis bien misérables et cependant précieux dans le désert. Le vieil Abbas se révèle à nous comme cordon bleu. Il aurait certes beaucoup à apprendre pour faire bonne figure devant les fourneaux d’un Européen, mais sa façon de faire prendre le charbon de bois mérite d’être notée. Il place le charbon, dont un morceau est allumé, dans une sorte de petit panier à salade suspendu à une corde. Trois ou quatre tours de moulinet : le feu est pris partout. C’est propre et rapide.

La route se poursuit assez monotone jusqu’à Cherif-Abad où nous prenons le thé sous les platanes. Abbas, le couteau à la main, nous invite très sérieusement à graver nos initiales dans le tronc des arbres, comme ne manquent jamais de le faire les voyageurs musulmans. Enselme, par une fantaisie bien parisienne, ne résiste pas à la tentation et burine dans l’écorce un cœur percé d’une flèche…

Les jardins persans, presque tous semblables,
CARTE GÉNÉRALE DE LA RÉGION PARCOURUE PAR L’AUTEUR.
n’ont rien de particulièrement curieux, et sont peu pittoresques. Un mur de quatre mètres de haut les entoure : à l’intérieur, le long du mur, une rangée de peupliers ; au centre, le départ de plusieurs allées bordées des mêmes arbres, et cette froideur de la symétrie n’est qu’à peine corrigée par le désordre de l’ensemble du parterre où poussent, à la grâce d’Allah, l’herbe, la brousse, quelques arbres fruitiers, des rosiers et des coquelicots. Les Persans y viennent s’asseoir à l’ombre, au bord des sources, sur leur carré de tapis, et là, ils lisent ou récitent entre eux, à haute voix, les vers harmonieux des anciens poètes jusqu’à l’heure de la prière qui les unit dans un même élan d’actions de grâce vers le Très-Haut.

En quittant l’abri frais des platanes, nous entrons dans une contrée absolument désertique. À gauche s’élève l’admirable pic du Demavend qui domine Téhéran de l’importante masse de ses glaciers[2], tandis que plus loin, sur la droite, se dresse la « montagne de sel » dont la crête bizarrement découpée est toute rose des dernières lueurs du couchant.

Nous n’avons pas trop souffert de la chaleur pendant cette première étape. Notre coupé est bien clos, et sa solide toiture intercepte les rayons d’un soleil brutal ; mais la nuit qu’il nous faut passer au caravansérail d’Ivan-i-Keif est des plus pénibles. La chaleur est lourde et malsaine ; je dors d’un sommeil agité et il est à peine jour que déjà un bruit extérieur de vie me précipite sur la terrasse d’où j’assiste à un pittoresque départ de villageois qui se rendent aux champs, perchés sur leurs ânes.

Nous nous remettons en route à huit heures par un vent d’ouest brûlant, Bientôt une rivière nous barre la route, on la traverse sur le dos d’Abbas ; décidément ce vieillard a du bon. Le chemin est si étroit que la voiture est obligée, pendant sept kilomètres, de suivre le lit très encaissé du torrent. C’est là le défilé appelé « Pilæ Caspiæ ». Nous en sortons pour rentrer dans le désert où nous dépassons des caravanes de misérables Arabes qui, de Bagdad, vont en pèlerinage à Mesched. Ces pauvres diables fanatiques, pour gagner le ciel, s’engagent avec quelques dattes dans leurs sacs sur cette longue route — étape de près de 100 jours de marche — vivant de privations et de misères. Ils rappellent beaucoup les Bédouins rencontrés jadis par moi sur les bords du Jourdain : même costume, même type, mêmes tatouages sur le front et les mains. Quelques femmes sont avec eux, montées sur des ânes, faibles bêtes étiques qui n’ont guère de nourriture, jamais de repos, et dont la croupière a mis la peau à vif. Mais nous n’avons pas loisir de nous apitoyer : le relais est proche. Voici en effet le village de Geschlag et son caravansérail délabré dont la cour est remplie de fumeurs d’opium.

On fume beaucoup la funeste drogue dans le Khorassan, mais non plus comme en Chine, étendu à terre à côté de la petite lampe aux images de nacre.
LE VIEUX CARAVANSÉRAIL D’ABDOUL-ABAD.
Les fumeurs ici sont accroupis ; la pipe est d’un modèle différent, et l’opium s’allume à l’aide d’un charbon embrasé que l’on prend avec une pince et que l’on pose sur le fourneau de la pipe. Notre apparition n’amène pas un mouvement de curiosité inquiète chez ces malheureux êtres, et tout en prenant les œufs et le thé nous les observons.

Je remarque alors avec surprise parmi les fumeurs une femme portant un enfant sur les bras. Elle s’est approchée de notre table et implore quelque chose dans un langage qu’Abbas se refuse à traduire. Son regard, sans expression, va de l’un à l’autre de nous. J’écarte les linges qui cachent à demi l’enfant qu’elle soutient : une pâle figure émaciée apparaît. Une plainte s’élève. Et alors je vois cette chose inouïe, inimaginable, jamais observée par moi, même en Chine où l’idole noire cependant fait tant de ravages : la mère longuement tire une bouffée du poison, entr’ouvre les lèvres de l’enfant et pour le calmer insuffle dans sa bouche la fumée chaude qu’elle vient d’aspirer… Et le pauvre être chétif, abruti, se rendort[3]… Nous nous hâtons de fuir cet antre de cauchemar.

Pendant la halte le vent s’est élevé et nous avançons au milieu d’une tempête de sable, laissant sur notre droite le « kaleh » en ruines d’Aradan, qui a l’aspect d’une antique citadelle.

Autrefois, avant que les Russes ne se fussent rendus maîtres du Turkestan, les Turkomans, peuple sauvage et pillard, faisaient de terribles incursions dans le Khorassan ; véritable plaie de la Perse du Nord, ils ravageaient tout sur leur passage, emmenant avec eux, pour en faire marché, femmes, enfants et bétail. Pour s’abriter du passage redoutable de la horde, on éleva au centre des villages et un peu partout dans les champs, de ces « kaleh » ou forteresses d’où, par une sentinelle toujours en éveil, les raids de Turkomans — les « Alamans », suivant l’expression d’alors — étaient signalés à son de trompe. Tout être vivant quel qu’il fût, dès que l’écho renvoyait la plainte de cette sorte de tocsin, se réfugiait dans la forteresse et s’y barricadait. La horde déçue allait plus loin exercer sa cruelle industrie et le laboureur persan, ayant échappé à la razzia, pouvait reprendre sa charrue… Il n’y a pas plus de trente à quarante ans que les Russes ont mis ordre à cela en enrôlant ces farouches bandits dans les régiments de Cosaques, et c’est seulement depuis lors que la tranquillité a pu renaître parmi les paisibles peuplades du Khorassan.

Le caravanséral d’Ali-Abad n’a de pittoresque que sa citerne, qui porte un chapeau pointu fait d’un cône à plusieurs étages sur lesquels courent des chevreaux. Les agiles petites bêtes ont plaisir à se percher ainsi sur ces étroites galeries et semblent parfois, dans leur immobilité attentive, une ornementation de bronze, œuvre de quelque Frémiet persan… La poste, qui
ENFANTS PERSANS.

DÉFILÉ À L’EST D’IVAN-I-KEIF.
nous précédait, a pris tous les chevaux et nous sommes obligés d’attendre que les nôtres aient soufflé pour repartir. Nous passons notre seconde nuit à Deh-Nemek. Il pleut et l’atmosphère s’étant sensiblement rafraîchie, nous prenons enfin un repos bien gagné. Dès l’aube, nous sommes réveillés par les mollahs qui appellent le peuple à la prière. Un lait excellent nous réconforte. Le coupé est attelé ; en route !

Voici Abdoul-Abad, puis Lasghird dont on aperçoit de loin le kaleh en ruines et le vieux caravansérail bâti au XVIIe siècle sous le règne du schah Abbas, dont notre vieil interprète est fier de porter le nom. Cet empereur, qui pourrait être nommé à juste titre le bienfaiteur du désert ou le père des voyageurs, fit construire de distance en distance le long des voies suivies par les caravanes, de vastes auberges pour abriter son peuple de pèlerins et de commerçants. Par malheur il n’a jamais eu d’imitateurs et les hôtelleries, autrefois confortables, tombent aujourd’hui presque toutes en ruines.

J’assiste au repas de nos chevaux : on leur sert l’orge et la paille, dans une sorte de hamac de toile planté sur quatre piquets. Au hamac est attachée une énorme sonnette. Tant qu’ils mangent la sonnette tinte ; dès qu’ils ont terminé le tintement s’arrête et ils avertissent ainsi eux-mêmes qu’ils sont prêts à repartir.

Au petit village de Sorkhé, renommé pour ses melons qui atteignent, paraît-il, des grosseurs fantastiques[4], nous rencontrons un prince qui, comme nous, se rend à Mesched. Il nous dit son nom : Djalil-Mirza[5].

Ahevan, le relais suivant, est un village neuf, joli, propret, avec des pépinières de peupliers, de fraîches avenues plantées de jeunes arbres et, çà et là, des ruisseaux clairs qui chantent… La douceur du ciel, la fraîcheur du paysage invitent à la sieste et délient la langue. Le prince Djalil parle et nous apprend qu’il vient d’être nommé récemment adjudicataire des mines de turquoises de Madan. Ce noble personnage me donne la vague impression d’un prince des Mille et une Nuits qui se serait déguisé en marchand pour retrouver quelque trésor volé. Afin d’entrer, sans doute, plus avant dans nos bonnes grâces, il nous offre des œufs peints en rouge comme nos vulgaires œufs de Pâques et que l’on trouve dans presque tous les bazars persans. De compagnie nous allons jusqu’à Gokhé.

Je ne me trompais pas, nous sommes dans le pays de Sheerazad… La nuit est tombée, il fait un clair de lune magnifique. À l’instant où nous quittons la table, le prince fait un signe. Des musiciens, qui semblent être sortis de terre, s’installent devant le caravansérail, des génies étendent devant nous un vaste tapis multicolore autour duquel Djalil, d’un geste royal, nous invite à prendre place, et pour adoucir la crudité
HABITATIONS EN RUINES DANS L’ANTIQUE « KALEH » DE DEH-NEMEK.

LE JOLI VILLAGE AU NOM HARMONIEUX DE MEVAMEÏ.
des mélodies persanes, qu’exhale une sorte de pipeau rustique accompagné d’un tambourin, il nous fait servir des pistaches et de la confiture. Le ciel est étincelant ; soudain, dans un rayon de lune, un jeune danseur[6] aux longs cheveux jaillit de l’ombre comme un sylphe et nous assistons émerveillés au spectacle des danses de caractère les plus originales et les plus pittoresques… Mais, comme par enchantement, un nuage passe sur la lune, la lumière s’éteint, les musiques cessent, et tout disparaît. Il semble que nous ayons fait un rêve. Hélas non, nous sommes éveillés, trop bien éveillés… De jeunes puces affamées de chair neuve n’ont cessé de nous le rappeler toute la nuit.

1er mai. — Nous pensons à Paris. Que se passe-t-il dans la capitale ? Déjà, au moment de notre départ, on redoutait pour cette date un mouvement populaire. Qui sait quand nous recevrons des nouvelles ? Ici le temps est splendide. De bonne heure nous sommes en route vers des montagnes aux sommets couverts de neige. Arrêt à Sed-Abad, puis à Damgan, grande ville célèbre par ses anciennes mosquées. Après la traversée du hameau de Mehmandouste, nous galopons à une allure folle jusqu’à Deh-i-Molla où nous retrouvons le prince qui fume son kalyan[7]. Il nous met en garde contre un hôte inquiétant dont nous savions déjà devoir redouter la rencontre à partir de cet endroit : la punaise ! la terrible punaise de Scharoud[8] ! Nous évitons de nous arrêter trop longtemps dans ce pauvre caravansérail et nous filons bien vite à travers le désert jusqu’à Scharoud, capitale de l’épidémie.

Là, nous sommes ravis de pouvoir passer la nuit chez le « Taguir-Bachi » ou chef des marchands, un vieil Arménien qui nous accueille fort amicalement dans une petite maison construite à l’européenne et toute illuminée en notre honneur. Notre hôte voudrait nous garder quelques jours et nous présenter au gouverneur, mais nous avons hâte de quitter cette ville si mal habitée et nous repartons le lendemain dès l’aube.

Route ennuyeuse et pénible, dans le sable et les cailloux, jusqu’au joli village au nom harmonieux de Meyameï, où l’on arrive par une avenue bordée de superbes platanes. Grâce à la recommandation du Taguir-Bachi, nous sommes reçus dans la maison du maire de l’endroit qui nous accueille du reste sans enthousiasme. Pourtant il nous installe dans une chambre claire du premier étage où, après un tour dans la ville aux rues tortueuses et barrées de loin en loin par de vieilles portes mal jointes, nous nous retrouvons autour du samovar avec le prince Djalil et l’un de ses aides de camp. La soirée est délicieuse : une poussière d’or semble pailleter les nuages délicats qui flânent au
NOUS CROISONS DES ARABES QUI DE BAGDAD VONT EN PÈLERINAGE À MESCHED.

VILLAGE DE TORTUES DE LA PLAINE DE GARM-AB, SUR LA ROUTE DE MADAN.
ciel déjà violet et, par les fenêtres ouvertes, nous arrivent des bribes de chansons au rythme sauvage qu’accompagne au loin la note lente et monotone de la prière des mollahs.

En quittant Meyameï le lendemain matin, nous rencontrons, près du caravansérail de Kal-Tagh, de paisibles tortues qui cheminent. Plus loin, Abbas-Abad que nous ne faisons que traverser : village pittoresque en nid d’aigle. Une vaste nappe d’eau étincelle soudain devant nous, dans les dernières clartés du jour, c’est le lac salé de Mézinan. Journée assez calme où je note notre premier accident : un timon cassé qui nous oblige à passer la nuit dans une demeure des moins engageantes. Mais le temps a changé ; le vent souffle en tempête, force nous est de nous mettre à l’abri…

Rien de marquant jusqu’à Chour-Ab où nous arrivons le soir du 8 mai au sortir d’un col assez pittoresque. C’est de ce point que nous devons nous rendre aux mines de Madan, mines de turquoises que j’ai le plus grand désir de visiter. La distance est de 5 farsaks, c’est-à-dire 35 kilomètres, et l’on nous demande 50 francs pour la location de trois mulets ; pour 20 francs seulement Abbas s’engage à nous procurer des ânes et nous nous endormons sur cette bonne promesse.

À l’aurore, la voix harmonieuse des bourriquets nous réveille. Nous descendons dans la rue où Abbas et eux piétinent d’impatience. Tristes seigneurs aux longues oreilles ! Leur plumage ne répond pas à leur ramage. L’interprète, plein de sollicitude, me présente un âne blanc, d’aspect moins minable, dont il flatte la croupe en disant : « Kheïlé khoûb, Saheb, kheïlé khoûb ![9] » et me voici, sans selle ni bride, assis sur une sorte de bât à dos de mon âne sacré qui n’était, je m’en aperçus dans la suite, qu’un sacré âne ! Quelques bons coups de trique appliqués sans parcimonie, et nous quittons le village.

Pendant deux heures la petite caravane chemine à travers un pays mamelonné ; partout s’étagent en gradins des rizières où les paysans sont occupés à semer le coton. Tous les hommes sont aux champs ; nous n’apercevons, en traversant le hameau de Garm-Ab, que quelques femmes qui se promènent sur les toits.

La plaine qui s’étend à la sortie du village, en une immense nappe verte, est toute parsemée d’anémones, de lis et de coquelicots. Nous y rencontrons une multitude de tortues en promenade que nos ânes enjambent de la meilleure grâce du monde. Il est dix heures du matin et la chaleur est déjà suffocante. Mon blanc coursier baisse piteusement le nez et celui d’Enselme s’arrête tous les quatre pas, méthodiquement. Mais le conducteur de la troupe se charge de réveiller l’ardeur des pauvres bêtes à l’aide d’une courte chaîne d’acier qu’il porte attachée au poignet par une courroie.

À onze heures, nous en finissons avec cette plaine fastidieuse et nous entrons dans le petit village de
VUE DE MADAN-I-FIROUZA.

LES ÂNES QUI VONT NOUS CONDUIRE AUX MINES DE TURQUOISES.
Solamanieh. Mon âne s’arrête devant une tente en poils de chameau où deux bons vieillards s’épouillent mutuellement. À notre vue ils se hâtent de nous céder la place, mais nous nous hâtons beaucoup moins de la prendre. Pourtant la chaleur est si accablante, le soleil brûle si atrocement qu’il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur et, malgré l’apparence sordide du logis, accepter l’invitation. Nous commençons du reste à nous familiariser avec les petites bêtes… Soudain le temps se gâte, de gros nuages noirs obscurcissent le ciel et, presque sans transition, la tempête se déchaîne avec roulements de tonnerre continus. Nous rendons aux deux pouilleux leur trop frêle demeure et cherchons un refuge dans une maison voisine, dont le propriétaire, avec une désinvolture tout orientale, renvoie les femmes et nous installe à leur place sur un beau feutre tout neuf.

L’orage dissipé, nous repartons sur les ânes qui semblent enchantés de rafraîchir dans la boue la corne sèche de leurs sabots. La route suit d’abord le lit d’une rivière dans une étroite vallée où mon Pégase fait un brusque tête-à-queue et manque de me jeter à terre : une compagnie de perdreaux, que poursuit un vautour, lui a frôlé les oreilles en passant d’une roche à l’autre.

Au sortir de cette gorge, nous parcourons de frais vallons où les chameaux lassés vont en villégiature : leur aspect est des plus misérables et leur bosse pend lamentablement comme une outre vidée. Ils font là une cure de quarante jours, après quoi ils reprennent leur existence de labeur. Il en est des animaux comme des gens. Que d’estomacs délabrés et de reins fatigués vont se refaire chaque année dans nos villes d’eaux et nos stations balnéaires !

Pendant deux heures, qui nous paraissent interminables, nous passons de vallon en vallon.

J’interpelle le conducteur : « Et Madan ?… Où est Madan ?… Madan-i-Firouza ?[10] — Dour n’ist, Saheb ![11] »

Et il me montre à l’horizon le village, perché comme un nid d’aigle sur le sommet d’une falaise aux tons d’améthyste.

Le soleil est couché depuis longtemps déjà quand notre petite caravane arrive au pied de la forteresse. Éreintés, fourbus par cette longue étape, nous ne faisons guère meilleure figure que nos ânes. Par bonheur le seigneur du pays nous octroie un assez vaste logis dont les fenêtres, percées dans le mur d’enceinte, ouvrent sur la vallée. Le paysage est des plus pittoresques, mais nos yeux se ferment malgré nous et aussitôt après dîner nous nous enroulons dans nos couvertures… Et je me transporte en rêve au Châtelet où un aimable génie — peut-être le prince Djalil — me fait assister à un ballet de pierres précieuses dans le palais de la Reine des Turquoises.

7 mai. — La pluie et le vent, qui ont fait rage toute la nuit, n’ont pas troublé mon sommeil peuplé de visions claires, où de ravissantes ballerines
COMMENT SE FAIT LE LAVAGE DES TURQUOISES AUX MINES DE MADAN.
évoluaient autour de fontaines lumineuses. Au réveil, je m’explique les fontaines : une gouttière, dans le coin de la chambre, faisait un bruit de cataracte.

Fort heureusement les nuages se dissipent dans la matinée et nous partons pour les mines, suivis d’une escorte qui augmente sans cesse. Au bout d’une heure, on arrive devant les premières galeries, maintenant abandonnées. Des corneilles au bec jaune volent autour de nous et je cueille pour mon herbier de ravissantes fleurs de montagne qui dégagent un parfum exquis. La roche[12] dans laquelle on trouve la turquoise est noire, avec des reflets métalliques à la surface. Elle est sillonnée de fissures et de crevasses où, comme de la lave qui se serait pétrifiée, a coulé une sorte de pâte ressemblant à de la porcelaine ou à du verre, et qui s’est durcie, épousant la forme de l’entre-roche où elle a filé. Plus profondément la pierre est rougeâtre, puis elle pâlit et tourne au jaune de soufre.

Par des sentiers impossibles, nous parvenons jusqu’à une mine en pleine exploitation. Les ouvriers, qui se servent pour leur travail de quinquets à huile fumeux, ont les vêtements, les mains et le visage couverts d’une couche de crasse noire qui les fait ressembler tout à fait aux mineurs de nos charbonnages.

De neuf heures du matin à neuf heures du soir on travaille dans les galeries. Il y a par chantier deux équipes qui se relèvent après six heures de travail ; chacune d’elles comprend : 1o Le « zabit » ou contremaître qui est payé 3 krans[13] par jour ; 2o les « oustad » ou mineurs qui touchent un salaire variant de 1 kran 1/2 à 2 krans ; 3o les « amala » ou manœuvres, payés 1 kran ; enfin les « fellah » ou jeunes garçons qui gagnent au plus 1/2 kran. Le contremaître a sous sa coupe trois ou quatre mineurs, il surveille le travail et recueille les turquoises ; le mineur creuse le rocher ; le manœuvre transporte les éclats à l’extérieur de la galerie ; quant aux enfants ils sont chargés de casser les roches et d’en extraire les pierres précieuses…

L’existence de ces mines a été relatée pour la première fois au début du XIIIe siècle. Louées primitivement pour une somme annuelle de 500 tomans, leur prix de location est monté à 3 000, puis à 8 000 et peu à peu jusqu’à 25 000 tomans, taux actuel. La statistique des douanes évalue l’exportation annuelle des turquoises à 235 000 francs ou 47 000 tomans, mais la production totale, au dire des gens compétents, atteint quatre fois cette somme ; c’est-à-dire bien près d’un million.

Au pied de la colline et non loin du village nous nous arrêtons à observer la façon curieuse dont les fellah opèrent le lavage des roches. Debout, dans trois bassins à eau courante, les garçonnets piétinent en cadence ces cailloux pointus et coupants, jusqu’à ce
LA PORTE DES TEINTURIERS À NICHAPOUR.
qu’ils soient débarrassés de la glaise qui y adhère encore. Ce frottement régulier de la plante des pieds est rythmé d’un chant bizarre et plaintif, toujours le même. J’imagine qu’on oblige ces enfants à chanter pour qu’ils ne crient pas de douleur. Mais à cet exercice répété la peau de leurs pieds devient aussi dure que la pierre elle-même et ils peuvent, paraît-il, piétiner ainsi plusieurs heures de suite sans trop souffrir.

Remontés au village, nous y passons le reste de la journée sur le conseil de notre ânier que le ciel, de nouveau pluvieux, décourage ; mais dès cinq heures, le lendemain matin, on enfourche les bourriquets et l’on reprend en sens inverse la route de Chour-Ab. La traversée de la plaine aux tortues est plus pénible, plus brûlante encore qu’à l’aller. Nous semons là un de nos ânes, celui qui porte Mollah-Ali notre propriétaire, et sans trop nous inquiéter de l’infortuné Persan, nous continuons à cheminer au pas tranquille des pauvres bêtes fatiguées… Le soleil vient de disparaître à l’occident quand la petite caravane s’arrête enfin devant notre logis. Hélas ! une désagréable surprise nous y attend. Des chats, pendant notre absence, ont mis nos chambres au pillage ; tout est bouleversé, et le fidèle Abbas, furieux d’un surcroît de travail, appelle sur ces diaboliques félins les pires malédictions d’Allah ! L’ordre est d’ailleurs bien vite rétabli et, la nuit venue, nous admirons la pleine lune qui met comme une lumière de féerie sur les minarets blancs d’une mosquée voisine.

Nous revoici, le 9 mai, en route vers Nichapour, dans notre bon vieux coupé qui ne fait pas trop mauvaise figure après les 800 kilomètres qu’il vient d’accomplir. La plaine, à l’entour de la ville, est toute parsemée de « canats »[14] et ces taupinières géantes sont si nombreuses par ici que le terrain semble y avoir été raviné par quelque monstrueuse bête souterraine.

Jusqu’à Gedemgha nous pataugeons dans un chemin bourbeux. Le village est campé sur une colline, au nord de la route : à ses pieds est un bosquet de vieux pins tordus et de platanes séculaires et l’on aperçoit, à travers un arc-en-ciel éclatant, le dôme bleu turquoise de la mosquée bâtie en l’honneur de l’iman Reza[15]. Tout à côté, une grande place est entourée de caravansérails pour les innombrables pèlerins qui viennent adorer ce chef spirituel des musulmans chiites.

La nuit arrive vite. Plus vite encore un orage qui illumine l’horizon derrière nous, tandis que devant nous, la pleine lune monte dans un nuage opale… Les premières gouttes de pluie nous surprennent à la porte du caravansérail de Fakhr-Daoud et nous avons la bonne fortune d’être à l’abri quand tombent les cataractes.

C’est notre dernière nuit avant l’entrée dans la capitale religieuse de la Perse. L’étape jusqu’à Chérif-Abad, où vient aboutir le chemin de Seïstan, nous prend encore toute la matinée du lendemain et c’est sous un soleil de feu que nous grimpons les pentes du Sanghi-Best. Nos chevaux tirent à plein collier ; ils nous amènent enfin après beaucoup d’efforts, au sommet du col[16] — signalé de loin aux voyageurs par une haute stèle — et Mesched[17] apparaît. D’ici le panorama est vraiment merveilleux : les mosquées saintes, aux dômes bleu et or, scintillent au milieu de la verdure et l’on s’imagine, à l’émotion que l’on ressent soi-même, quelle impression profonde doivent éprouver les pèlerins venus de Bagdad, qui arrivent en vue de Mesched après cent jours de marche. Ils se prosternent, baisent pieusement la stèle, élèvent leur cœur reconnaissant vers Allah protecteur, puis en souvenir de leur passage, ils dressent, à la place même où ils ont prié, de petits monuments faits de trois pierres superposées.

Nous voici maintenant lancés à fond de train sur la route qui descend à Mesched ; les chevaux précipitent l’allure et nous les laissons marcher, hypnotisés nous-mêmes par le spectacle de cette immense oasis, du milieu de laquelle émergent innombrables les dômes et les minarets de la capitale du Khorassan.

Mesched est entourée d’une muraille en pisé, haute de 7 à 8 mètres, construite, dit-on, vers le milieu du XVIe siècle. De loin, avec son large fossé, ce mur d’enceinte paraît constituer une défense formidable alors qu’il tient à peine debout. Nous passons une porte assez basse, flanquée de deux tourelles démantelées, et nous nous engageons, un peu au hasard et après une succession de ruelles tortueuses, sur un boulevard planté de grands arbres dont l’allée centrale est un ruisseau boueux. Nous sommes à la recherche de la demeure de M. Molitor, directeur général des douanes du Khorassan, pour lequel j’ai des lettres de recommandation de M. Naus et du Dr Schneider de Téhéran. Après une demi-heure de courses à travers cloaques et immondices, nous découvrons enfin sa retraite et nous sommes reçus comme des amis de vieille date. Notre premier soin est de rendre visite à M. de Giers, gérant du consulat général de Russie chez lequel nous rencontrons l’attaché militaire. Nous saluons également, au consulat général britannique, le capitaine Battye qui remplace le major Sykes en congé…

De bonne heure, le lendemain, nous sommes dehors pour visiter la cité religieuse : simple promenade de curieux, d’ailleurs, car je ne noterai ici que mes
UN CENTENAIRE.LE CHASSEUR DE GAZELLES.
observations personnelles, la capitale du Khorassan ayant été maintes fois étudiée et décrite. Je rappellerai seulement que Mesched est la ville sainte des musulmans chiites où les pèlerins, sectateurs du prophète Ali, viennent en foule prier devant le tombeau[18] du saint iman Reza. C’est assez dire que les habitants sont des plus fanatiques et que les Européens trouvent peu de sympathie parmi eux. Malgré cette animosité indigène, les Russes et les Anglais se partagent jalousement l’honneur d’apporter dans la cité lointaine tous les perfectionnements du progrès. Ainsi, grâce aux Russes, la Mosquée est aujourd’hui éclairée à la lumière électrique et possède, dit-on, du fait de la munificence anglaise, une superbe horloge au carillon retentissant.

Nous traversons le Bazar ; malheureusement la partie la plus intéressante de ce quartier populeux se trouve dans l’enceinte de la Mosquée, c’est-à-dire dans le Best[19] qui occupe le quart de la ville. Ce Best est l’endroit le plus original de la cité persane, car il sert de refuge à tous les malandrins du Khorassan ; voleurs, assassins, vagabonds y sont à l’abri de toute poursuite et nul n’a le droit de les inquiéter tant qu’ils n’en sortent pas. C’est à proprement parler une ville dans la ville. Du reste la vie et les coutumes autour de la Mosquée sont tout à fait particulières ; les mollahs ont notamment créé une forme spéciale de mariage à l’usage des pèlerins : c’est l’union à court terme, le contrat limité suivant le désir du contractant. Il est des arrangements avec le ciel d’Allah. De sorte que les pieux musulmans qui viennent de si loin adorer le saint iman, trouvent à Mesched de dociles « momentanées », dont ils font officiellement des épouses pour la durée de leur séjour. Ces compagnes de mœurs faciles acceptent religieusement leurs maîtres légitimes d’un instant. Il en est qui ne sont pas plus d’une semaine en puissance de mari, Et quand le pèlerin reprend son bâton l’épouse reprend sa liberté… jusqu’à la prochaine caravane.

Nous nous rendons à la fabrique de tapis, comptant bien y voir des merveilles. Hélas ! C’est une déception. Des gamins y tissent, en chantant, de banales carpettes d’après des dessins viennois du plus mauvais goût et l’on cherche à nous faire admirer des tapis à grands ramages qui n’ont plus rien de l’antique beauté des tissus d’Orient…

Ce même soir, nous dînons au consulat général de Russie. La table, comme la veille d’ailleurs chez le capitaine Battye, est délicieusement décorée d’iris, d’acacias et de roses… et le retour est une promenade exquise à travers les ruelles sombres de la ville. Nous sommes précédés d’un soldat porteur d’un énorme falot. Il fait clair de lune, les rossignols chantent dans les jardins, des musiques nous arrivent par-dessus les hautes murailles ; il y a comme une griserie dans l’air, plus léger ce soir-là, et c’est peut-être la seule fois, pendant ce long voyage, que j’éprouve le regret un peu mélancolique de ne pas trouver sur mon seuil, en rentrant, l’accueillante douceur d’un sourire de femme. Je comprends les pèlerins et la bienveillante indulgence d’Allah à leur égard. Mais fermons les yeux, chassons les rêves, boro ! boro ![20] comme dirait Abbas… la ville est sainte et demain nous partons pour Askhabad.

  1. Les caravansérails de la poste qui sont échelonnés le long de la route de Téhéran à Mesched sont tous bâtis sur le même modèle et fort peu confortables. Une grande cour carrée, entourée d’écuries pour les chevaux de rechange, et sur la terrasse, au-dessus de la porte d’entrée, une sorte de chambre pour le voyageur.
  2. 5 670 mètres d’altitude.
  3. Cette sinisite coutume est, paraît-il, mise en pratique par beaucoup de femmes persanes, fumeuses invétérées, De sorte que l’on voit des enfants qui ne marchent pas encore, sucer une pipe à opium en guise de biberon.
  4. Sept melons suffisent, paraît-il, à faire la charge d’un chameau.
  5. Le mot « Mirza » placé à la suite du nom veut dire : prince ; lorsqu’il précède le nom il signifie simplement lettré.
  6. Comme il est interdit aux femmes persanes de paraître en public et par conséquent de danser, ce sont de jeunes garçons qui se livrent à la chorégraphie avec, d’ailleurs, une grâce toute féminine.
  7. Le kalyan est la pipe à eau persane.
  8. Les indigènes, obligés de vivre côte à côte avec cet insecte malfaisant, sont depuis longtemps vaccinés contre sa piqûre et, d’ailleurs, leur peau ne lui dit plus rien, mais un étranger piqué par la terrible punaise tombe dans une anémie si profonde qu’elle donne à celui qui en est atteint, pendant sept ou huit mois, une sorte de maladie du sommeil.
  9. « Très bon, seigneur, très bon ! »
  10. Madan-les-Turquoises.
  11. « Ce n’est pas loin, seigneur. »
  12. Porphyrite pétrosiliceuse.
  13. Le kran vaut 50 centimes et le toman 5 francs.
  14. En Perse, les canaux d’adduction ne peuvent être établis à ciel ouvert à cause du soleil qui aurait tôt fait d’en évaporer l’eau. On les établit donc à 4 ou 5 mètres sous terre ; mais de distance en distance on perce un « canat », c’est-à-dire une sorte de cheminée d’aération qui sert en même temps au nettoyage. La terre simplement rejetée autour du trou, forme le petit monticule dont la répétition à l’infini donne à la plaine cette physionomie boutonneuse.
  15. L’iman Reza fut le huitième des douze imans ou chefs spirituels de l’Islam. Il succéda à l’âge de 30 ans à son père Moussah-el-Kazim, le septième iman, tué à Bagdad en 799. Né à Médine en 770, il mourut à Mesched en 818 et fut enterré dans le mausolée d’Haroun al-Raschid, ainsi qu’il en avait exprimé le désir de son vivant.
  16. 1 690 mètres d’altitude.
  17. Mesched compte de 70 à 80 000 habitants. Il y a 70 Européens dont 60 Russes qui, avec les Mahométans du Caucase, les Juifs russes et les Arméniens, portent à 800 ou 1 000 le nombre des sujets russes. Les sujets britanniques sont au nombre de 100 environ. On estime à 30 ou 40 000 le nombre des pèlerins qui viennent chaque année à Mesched se prosterner devant le tombeau de l’iman.
  18. La construction de la coupole qui recouvre le tombeau de l’iman est attribuée à Suri, gouverneur de Nichapour, en 1037. Depuis, les différentes mosquées du sanctuaire ont été détruites et reconstruites pour ainsi dire périodiquement.
  19. Mot persan qui signifie : lieu d’asile. On en rencontre dans toutes les villes de la Perse et c’est en général la Mosquée.
  20. Va-t’en !