Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 16/Géométrie analitique, article 2

GÉOMÉTRIE ANALITIQUE.

Mémoire sur les lignes du second ordre ;

Par M. Ch. Sturm.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈
(Première Partie.)
§. I.

Soient, sur un plan, deux lignes quelconques du second ordre (c), (c′), rapportées à deux axes de coordonnées rectangulaires ou obliques quelconques, et représentées respectivement par les deux équations

(c)
(c′)

Les coordonnées des points d’intersection que peuvent avoir les deux courbes proposées doivent satisfaire, à la fois, à leurs deux équations (c), (c′) ; de sorte qu’elles sont déterminées par l’ensemble de ces deux équations. Considérant donc et comme les deux coordonnées inconnues de l’un quelconque de ces points d’intersection, on aura d’abord, par l’élimination de entre les deux équations (c), (c′) la suivante qui n’est que du premier degré en

Substituant la valeur de qui en résulte dans l’une des équations (c), (c′), on parviendra à une équation en du quatrième degré, à coefficiens réels, dont les racines seront les abscisses des points communs aux deux courbes proposées. À chaque racine réelle correspondra, d’après l’équation une valeur réelle de l’ordonnée et à chaque couple de racines imaginaires conjuguées, une couple de valeurs imaginaires conjuguées de Or, cette équation du quatrième degré en pourra avoir quatre racines toutes réelles, ou bien deux racines réelles et une couple de racines imaginaires conjuguées, ou bien enfin quatre racines imaginaires, conjuguées deux à deux. Dans le premier cas, les deux courbes (c), (c′) auront quatre points d’intersection réels ; dans le second, elles n’en auront que deux, et dans le troisième elles n’en auront aucune. On voit aussi par là que deux lignes du second ordre ne sauraient avoir plus de quatre points communs sans se confondre.

Supposons présentement qu’une troisième ligne (c″), d’un ordre quelconque, tracée sur le plan des deux premières (c), (c′), et rapportée aux mêmes axes, soit exprimée par une équation à laquelle satisfassent les coordonnées, soit réelles soit imaginaires, de chacun des points d’intersections des courbes (c), (c′) ; nous dirons alors que cette courbe (c″) passe par les points d’intersection des deux premières (c), (c′).

Il est visible que toute équation qu’on peut former par une combinaison des équations (c), (c′) exprime une telle courbe. Mais, si l’on veut que cette courbe (c″) soit elle-même une ligne du second ordre, il faudra combiner les équations (c), (c′) de telle sorte que l’équation résultante, qui doit représenter (c″), ne s’élève pas au-dessus du second degré. C’est ce qu’on ne peut obtenir qu’en ajoutant à l’une d’elles le produit de l’autre par un facteur numérique indéterminé [1].

Il vient ainsi

Cette équation est d’abord évidemment satisfaite par les quatre systèmes de valeurs, soit réelles soit imaginaires, que donnent les équations (c), (c′), pour les coordonnées de leurs points communs[2]. En outre, on peut toujours, dans la même équation, disposer du facteur indéterminé , de manière que la courbe qu’elle exprime remplisse une autre condition quelconque, celle, par exemple, de passer par un point donné ; ce qui fera que cette courbe remplira, en tout, cinq conditions distinctes. Or une ligne du second ordre assujettie à remplir les cinq conditions dont il s’agit est complètement déterminée, puisque ces cinq conditions suffisent pour déterminer les rapports de l’un quelconque des coefficiens que renferme son équation générale aux cinq autres ; donc l’équation à laquelle nous venons de parvenir ci-dessus peut effectivement représenter toute ligne du second ordre qui passe par les intersections des deux proposées (c), (c′) ou qui a avec elles les mêmes points d’intersection ; ces points ou plutôt leurs coordonnées, déduites des équations (c), (c′), pouvant être d’ailleurs indifféremment réels ou imaginaires.

Mais l’équation de cette troisième courbe (c″) peut aussi s’écrire comme il suit :

(c″)

Exprimant donc qu’elle est identique avec la précédente, on aura ces six relations

signifiant, que la courbe (c″) passe par les points d’intersection des courbes (c), (c′), quels qu’ils soient ; ou, ce qui revient au même, que les trois lignes du second ordre (c), (c′), (c″), rapportées à deux axes quelconques de coordonnées, ont les mêmes points d’intersection, soit réels soit imaginaires.

Au surplus, ces relations étant établies relativement au système d’axes de coordonnées auxquels nos trois courbes (c), (c′), (c″) sont actuellement rapportées, on peut aisément s’assurer, par la transformation des coordonnées, que, si l’on passe de ce premier système à tout autre, les mêmes relations subsisteront, entre les coefficiens correspondans des trois nouvelles équations qui représenteront (c), (c′), (c″)[3].

§. II.

Ne considérons présentement que la seule courbe (c), donnée par l’équation

(c)

Par un point pris à volonté sur le plan de cette courbe, soient menées deux droites qui la coupent. Le système de ces deux droites sera représenté par une équation du second degré de la forme

étant des coefficiens relatifs aux directions de ces deux droites. Si l’on développe cette équation, elle devient

(C′)

Concevons une autre couple de droites, joignant les points de section des deux premières avec la courbe (c). Si l’on désigne par le point de concours de ces nouvelles droites, leur système sera également exprimé par une équation unique de la forme

dont le développement sera

(C″)

Mais, puisque les deux couples de droites exprimées par les équations (C), (C″) ont avec la courbe proposée (c) quatre points communs, et qu’ainsi on peut considérer les équations (c), (C′), (C″) comme appartenant à trois lignes du second ordre qui ont les mêmes points d’intersection ; il faut (§. I.) que, moyennant une détermination convenable du facteur on ait, entre les coefficiens correspondans de ces trois équations, les six relations suivantes :




par lesquelles on peut effectivement déterminer les six inconnues

Il est aisé d’en déduire une équation entre les coordonnées du point de concours des deux droites (C″) délivrée à la fois des coefficiens et, aussi bien que du facteur Il suffit pour cela de prendre la somme des produits respectifs des six équations précédentes par et 1. On trouve ainsi, toutes réductions faites,

(p)

Comme cette dernière équation ne renferme qu’au premier degré, et qu’elle se trouve indépendante des coefficiens qui déterminent les directions des deux sécantes (C′), menées à la courbe (c), par le point fixe il en résulte que, quelles que soient ces directions, le point de concours des deux cordes (C″), qui joignent les points de section de ces sécantes arbitraires, ne sortira pas d’une ligne droite donnée de position, et exprimée par l’équation (p). On a donc le théorème suivant :

Si, par un point fixe, pris arbitrairement sur à plan d’une ligne du second ordre, on mène à volonté deux droites qui la coupent, et que l’on joigne, par deux cordes, un point de section de l’une de ces sécantes avec un point de section de l’autre, puis les deux autres points de section restants ; ces deux cordes auront toujours leur point de concours situé sur une certaine droite fixe, dont la situation, à l’égard de la courbe, est déterminée uniquement par celle du point fixe d’où partent les sécantes arbitraires.

À cause de la relation remarquable qui existe entre le point fixe et la droite qu’il détermine, ce point a été appelé le pôle de cette droite, qui est dite à l’inverse, la polaire de ce point. De même que, le point fixe étant pris arbitrairement, on peut toujours déterminer une droite qui ait avec lui la relation exprimée dans l’énoncé du théorème, on peut réciproquement, lorsque c’est la droite qui est donnée de position, déterminer le point qui est lié avec die par une pareille relation. Il suffit, en effet, pour cela y d’exprimer que l’équation donnée de la droite dont il s’agit rentre dans l’équation (p) de la polaire, ce qui conduira à deux équations de condition, desquelles on déduira les coordonnées du point

Il existe visiblement deux systèmes de cordes qui joignent les quatre points d’intersection de la courbe (c) avec les deux sécantes menées arbitrairement par le point fixe pris pour pôle. D’après le précédent théorème, le point de concours des deux cordes du premier système et le point de concours de celles du second sont indistinctement situés sur la polaire du point fixe ; en sorte que la droite qui les joint coïncide avec cette polaire. On voit, en outre, par la même construction, que la polaire de chacun des points de concours dont il s’agit passe par le pôle proposé ; d’où il suit que, lorsqu’un point est situé sur une certaine ligne droite, sa polaire passe nécessairement par le pôle de cette droite, et que la droite qui joint deux points pris à volonté sur le plan d’une ligne du second ordre a son pôle à l’intersection des polaires de ces deux points. Donc, pour déterminer le pôle d’une droite donnée de position, sur le plan d’une ligne du second ordre, il suffit de construire les polaires de deux quelconques des points de sa direction. Le pôle cherché sera à l’intersection de ces polaires.

Nous avons supposé, dans ce qui précède, que les deux sécantes menées à la courbe par le pôle avaient des directions quelconques. Or, il y a deux cas particuliers dans lesquels leurs quatre points d’intersection avec cette courbe se réduisent à deux seulement, et où, par suite, les deux systèmes de cordes qui joignent ces quatre points se réduisent à un seul.

Premièrement, si nous concevons que les deux sécantes arbitraire, partant du pôle se rapprochent jusqu’à se confondre en une seule, l’un des systèmes de cordes disparaîtra, et l’autre se changera en une couple de tangentes menées à la courbe, par les extrémités de la corde interceptée. Mais le théorème général devant subsister dans tous les cas, il en résulte que le point de concours de ces tangentes appartiendra à la polaire du point Donc, si, par un point pris à volonté, sur le plan d’une ligne du second ordre, on lui mène une suite de sécantes, et que, par les points d’intersection de chacune d’elles avec la courbe, on mène à cette courbe deux tangentes, prolongées jusqu’à leur point de concours ; tous les points de concours des couples de tangentes appartiendront à une même droite, polaire du point d’où les sécantes seront issues. Réciproquement, si, des différens points d’une droite, menée arbitrairement, sur le plan d’une ligne du second ordre, on mène à cette courbe une suite de couples de tangentes ; leurs cordes de contact iront toutes concourir en un même point, pôle de la droite dont il s’agit. C’est de cette propriété particulière que les dénominations de pôle et de polaire tirent leur origine.

En second lieu, il peut arriver que la polaire ne coupe pas la courbe ou qu’elle la coupe en deux points. Dans ce dernier cas, il est aisé de voir que la droite tirée du pôle à l’un quelconque des points d’intersection de la polaire avec la courbe ne peut avoir avec cette courbe que ce seul point commun ; c’est-à-dire que, lorsque la polaire coupe la courbe, elle coïncide avec la corde de contact des deux tangentes issues du pôle ; proposition, qui découle d’ailleurs des précédentes. Au surplus le pôle est extérieur ou intérieur à la courbe, suivant que la polaire la coupe ou ne la rencontre pas.

Observons encore que, dans le cas particulier où le pôle serait pris sur la courbe elle-même, la polaire ne différerait pas de la tangente en ce point ; en sorte que, si l’on prend, sur une ligne (c) au second ordre, un point quelconque l’équation (p) sera celle de sa tangente en ce point.

Pour revenir aux propriétés générales du pôle et de là polaire, nous allons rechercher quelle est la relation entre les quatre points déterminés sur une droite menée arbitrairement par le pôle ; savoir : ce pôle lui-même, l’intersection de cette droite avec la polaire, et ses deux intersections avec la courbe. Mais, auparavant, nous devons donner ici quelques notions et définitions préliminaires.

Lorsque quatre points sont distribués sur une droite de telle sorte que les distances de deux de ces points au troisième sont proportionnelles aux distances des deux mêmes points au quatrième de telle sorte qu’on ait on dit de cette droite qu’elle est coupée harmoniquement par ces quatre points qui sont dits eux-mêmes des points harmoniques. Les deux premiers sont dits conjugués l’un à l’autre, par rapport aux deux autres qui sont dits pareillement conjugués par rapport aux premiers ; attendu que notre proportion peut être écrite ainsi De deux points conjugués, l’un est toujours situé entre les deux autres et l’autre sur le prolongement de l’intervalle qui les sépare. Trois de ces points donnés de position déterminent toujours le quatrième ; et, si l’un d’eux s’éloigne à l’infini, son conjugué est alors au milieu de l’intervalle qui sépare les deux autres[4].

Supposons, pour fixer les idées, que le point soit extérieur à et que le point lui soit intérieur, comme ou le voit dans la figure ;

la proportion pourra être écrite ainsi

d’où, en chassant les dénominateurs, développant et transposant

c’est-à-dire,

et, comme on a on pourra écrire

De cette dernière équation on tire

ou bien

d’où

mais, si est le milieu de l’intervalle on pourra écrire

et l’on aura aussi

ou bien

d’où

On a donc d’après cela

puis donc que les premiers membres de ces deux équations sont égaux, on aura, en égalant leurs seconds membres,

et ensuite, en éliminant

Si l’on fait et l’équation deviendra  ; ce qui donne, toutes réductions faites ;

Cela posé, transportons, pour plus de simplicité, au pôle l’origine qui est arbitraire, en prenant pour axe des une droite quelconque passant par ce pôle, nous aurons ainsi et l’équation de la polaire deviendra simplement

de sorte que l’abscisse de son intersection avec l’axe des sera donnée par la formule

quant aux intersections de la courbe avec le même axe, elles seront données par l’équation

de sorte qu’en désignant par les distances de ces intersections à l’origine, on aura

On aura, d’après cela

et, par suite

propriété caractéristique de quatre points harmoniques ; de sorte que toute sécante menée par le pôle est divisée harmoniquement par ce pôle, par sa polaire et par la courbe[5].

§. III.

Comme le système de deux droites, tracées sur un plan, fait partie des lignes du second ordre, nous pouvons y appliquer les résultats précédens.

Et d’abord si l’on coupe un angle fixe par deux sécantes arbitraires issues d’un même point fixe du plan de cet angle ; et que l’on joigne les points d’intersection des deux sécantes avec les deux côtés de l’angle par deux nouvelles droites ; ces dernières concourront toujours sur une certaine droite fixe, dont la situation ne dépendra uniquement que de celle du point fixe par rapport à l’angle dont il s’agit. Cette droite qu’on pourra appeler la polaire du point fixe, passera évidemment par le sommet de l’angle.

La construction qui donne un point quelconque de cette polaire fait voir que ce point est, à son tour, le pôle de la droite qui joint le sommet de l’angle au pôle primitif, de sorte que toute droite menée par ce nouveau pôle est coupée harmoniquement par ce point lui-même, par sa polaire et par les deux côtés de l’angle. De là résultent deux conséquences ; premièrement, les différens points d’une droite menée arbitrairement par le sommet d’un angle et dans son plan, n’ont qu’une seule et même polaire située dans ce plan, et passant comme elle par le sommet de l’angle ; en second lieu, si quatre droites, issues d’un même point et comprises dans un même plan, sont tellement dirigées qu’elles divisent harmoniquement une seule droite tracée dans ce plan, elles diviseront aussi harmoniquement toute autre droite qu’on voudra tracer dans le même plan. À cause de cette propriété, l’ensemble de ces quatre droites est appelé faisceau harmonique. Elles sont conjuguées deux à deux, comme les points d’un groupe harmonique.

On doit observer que, si un faisceau harmonique est coupé par une parallèle à l’une des droites qui le compose, la conjuguée de cette droite passera par le milieu de la portion de parallèle interceptée entre les deux autres. En particulier, si deux des droites du faisceau, conjuguées entre elles, sont perpendiculaires l’une à l’autre, elles diviseront en deux parties égales les quatre angles formés par les deux autres.

Démontrons présentement que, si quatre droites issues d’un même point, forment un faisceau harmonique, les sinus des angles que formera l’une d’elles avec les deux qui ne lui sont pas conjuguées, seront proportionnels au sinus des angles que formera la droite restante avec les deux mêmes droites, et réciproquement.

Soient, comme ci-dessus, les quatre points harmoniques les deux premiers conjugués l’un à l’autre, ainsi que les deux derniers, en sorte qu’on ait, comme alors . D’un point quelconque hors de leur direction, soient menées à ces quatre points les droites qui formeront un faisceau harmonique, dans lequel les deux premières droites, ainsi que les deux dernières, seront conjuguées l’une à l’autre. En vertu de la proportionnalité des sinus des angles des triangles aux côtés qui leur sont opposés, on aura

d’où, à cause de

et, en suite,

d’où, à cause de

donc enfin, à cause de

comme nous l’avions annoncé. Il sera aisé de prouver, d’après cela, que, réciproquement, si cette dernière relation a lieu, on aura aussi et que, par conséquent, les droites formeront un faisceau harmonique. On pourrait, au surplus, simplifier l’une et l’autre démonstrations, en supposant la sécante parallèle à une des droites du faisceau.

On nomme quadrilatère complet, le système de quatre droites indéfinies tracées sur un même plan, de manière que trois d’entre elles ne concourent pas en un même point. Ces quatre droites sont dites les côtés du quadrilatère, lesquels se coupent en six points tels qu’il y en a toujours trois sur chacun d’eux. Ces points sont dits les sommets du quadrilatère ; et les droites, au nombre de trois, qui joignent un sommet à un autre, qui n’appartient pas au même côté, en sont dites les diagonales.

Il est aisé de conclure de ces définitions et de ce qui a été dit ci-dessus que, dans tout quadrilatère complet, les extrémités de l’une quelconque des trois diagonales et les deux points où sa direction est coupée par celles des deux autres sont quatre points harmoniques. On conclut de là le moyen de construire, avec la règle seulement, le quatrième harmonique de trois points donnés. Soient en effet ces trois points, et étant conjugués l’un à l’autre. Par et soient menées arbitrairement deux droites concourant en et soit menée  ; par soit encore menée l’arbitraire coupant et en et soit enfin menée coupant en si alors on mène son point d’intersection avec sera le quatrième harmonique cherché. On pourra donc aussi construire tout aussi facilement le quatrième harmonique de trois droites données.

Si, en particulier, deux des trois diagonales du quadrilatère complet sont parallèles entre elles, chacune d’elles sera divisée en deux parties égales par la troisième ; ce qui revient à dire que, dans un trapèze, la droite qui joint le point de concours des deux côtés non parallèles au point de concours des deux diagonales, passe par les milieux des deux côtés parallèles. On déduit de là 1.o le moyen de diviser une droite, avec la règle seulement, en deux parties égales, pourvu qu’on ait une seule droite parallèle à celle-là ; 2.o le moyen de mener par un point donné, avec la règle seulement, une parallèle à une droite donnée, pourvu qu’on ait sur cette droite trois points équidistans.

On peut encore remarquer que, dans un trapèze, le point de concours des deux diagonales, le point de concours des deux côtés non parallèles et les milieux des deux côtés parallèles sont quatre points harmoniquement distribués sur une même droite.

§. IV.

Il serait facile, en suivant une marche purement géométrique de déduire immédiatement de la théorie des pôles et polaires exposée ci-dessus (§. II.), toutes les définitions et propriétés connues du centre, des diamètres, des axe, et des asymptotes des lignes du second ordre ; mais il nous parait préférable de traiter ce sujet analitiquement. Retournons donc à la courbe (c), pour examiner les diverses positions que peuvent prendre, sur son plan, le pôle et la polaire (p).

Cherchons d’abord s’il est une position du pôle pour laquelle la polaire passe toute entière à l’infini. Il faudra, pour cela, que les quantités qui multiplient et dans l’équation (p) de cette polaire, soient séparément égalés à zéro ; car autrement la droite représentée par cette équation pourrait être construite et par suite accessible, dans une partie de son cours. Posons donc, à la fois

(C)

Comme ces deux équations, qui déterminent les coordonnées inconnues ne sont que du premier degré, on voit qu’en général, il y a sur le plan d’une ligne du second ordre, un point unique dont la polaire est toute entière à l’infini ; conséquemment, ce point est le milieu commun de toutes les cordes qui y passent ; les tangentes menées à la courbe, par les extrémités de chacune de ces cordes sont parallèles entre elles ; et il en est de même des droites qui joignent les extrémités de ces mêmes cordes, prises deux à deux.

Le point qui jouit de ces propriétés, et dont les coordonnées sont déterminées par les équations (C), est ce qu’on nomme le centre de la courbe. Au surplus, la ligne du second ordre proposée peut être telle que son centre soit à l’infini, ou qu’elle ait une infinité de centres, distribués sur une même droite donnée de position.

Par une supposition inverse de la précédente, concevons que le pôle s’éloigne à l’infini, en parcourant une droite donnée par l’équation tellement qu’on ait

Si l’on met cette valeur de dans l’équation (p) et qu’on y pose ensuite infini, elle deviendra

(d)

En l’écrivant sous cette forme

on voit que, quel que soit la droite qu’elle représente passe par le point dont les coordonnées sont déterminées par les équations (C). Comme d’ailleurs, dans le cas présent, toutes les sécantes partant du pôle se changent en un système de droites parallèles entre elles et à la droite il en résulte ce théorème : Si l’on inscrit à une ligne du second ordre une suite de cordes parallèles à une droite de position arbitraire, les milieux de ces cordes, les points de concours des tangentes à la courbe menées par les extrémités de chacune d’elles et les droites qui joindront les extrémités des mêmes droites, prises deux à deux, appartiendront toutes à une même ligne droite, passant par le centre de la courbe. Cette droite est appelée un diamètre de la courbe.

Supposons son équation (d) mise sous la forme

nous aurons

c’est-à-dire,

Cette équation étant symétrique en et on en peut conclure que toutes les cordes d’une ligne du second ordre parallèles à l’un quelconque de ses diamètres ont leurs milieux sur un autre diamètre tel que, réciproquement, toutes les cordes qui lui sont parallèles ont leurs milieux sur le premier. On nomme diamètres conjugués deux diamètres qui ont entre eux une semblable corrélation. Non seulement toute ligne du second ordre a une infinité de systèmes de diamètres conjugués, mais encore on voit que tout diamètre d’une ligne du second ordre est nécessairement conjugué à un autre diamètre de la courbe. Si l’on mène, par le centre, deux diamètres quelconques, leurs extrémités seront les sommets d’un parallélogramme dont les côtés opposés seront respectivement parallèles à deux diamètres conjugués de la courbe, et divisés pac ces diamètres en deux parties égales. En particulier, si l’on décrit du centre, avec un rayon arbitraire, un cercle coupant la courbe en quatre points, ces quatre points seront les sommets d’un rectangle dont les côtés seront parallèles aux deux diamètres principaux ou axes de cette courbe.

Nous avons trouvé que, si est l’équation d’un diamètre, celle de son conjugué pourrait prendre la forme

Si l’on suppose, le premier diamètre parallèle soit à l’axe des soit à l’axe des en faisant tour-à-tour l’équation de son conjugué deviendra successivement

(e)

Ces deux équations appartiennent donc aux deux diamètres les conjugués sont parallèles, l’un à l’axe des et l’autre à l’axe des En supposant le premier diamètre parallèle à l’axe des si l’on veut que son conjugué, dont l’équation est alors

soit parallèle à l’axe des il faudra nécessairement qu’on ait, dans son équation, et conséquemment dans celle (c) de la courbe conclusion qu’on tirerait également des deux équations (e), en exprimant que les diamètres qu’elle représente sont parallèles aux axes des et des respectivement. Ainsi le parallélisme des axes à deux diamètres conjugués quelconques a la propriété de priver l’équation de la courbe du terme qui renferme le produit des deux coordonnées. Il est aisé de voir, en outre, qu’elle ne peut être privée de ce terme que sous cette condition.

Si l’origine était placée au centre de la courbe, les équations (C), dans lesquelles sont les coordonnées de ce centre, devraient avoir lieu, dans la supposition de on aurait donc ainsi la situation de l’origine des coordonnées au centre jouit de la propriété de priver l’équation de la courbe des termes qui renferment les premières puissances des deux variables, et on voit aussi qu’elle en jouit exclusivement.

Si donc on prend pour axes des coordonnées deux diamètres conjugués quelconques, l’équation de la courbe se réduira à cette forme très-simple

sous laquelle la discussion ultérieure de cette courbe devient extrêmement facile.

À la vérité, cette forme ne pourrait plus avoir lieu, si la courbe n’avait pas de centre, ce qui arrive lorsqu’on a mais, en prenant pour axes un diamètre quelconque et la tangente à l’une de ses extrémités, tangente parallèle au conjugué de ce diamètre, on pourra toujours présenter l’équation de la courbe sous cette forme

qui convient également aux lignes du second ordre qui ont un centre et à celles qui en sont dépourvues.

Maintenant, si l’on prend, sur l’axe des un point quelconque dont soit la distance à l’origine, sa polaire ; dont l’équation sera alors

se trouvera ainsi parallèle à l’axe des c’est-à-dire que tout point pris sur le plan d’une ligne du second ordre a sa polaire parallèle au conjugué du diamètre qui passe par ce point et réciproquement.

L’équation actuelle de la courbe, lorsqu’on y fait donne la longueur du diamètre dont la direction coïncide avec l’axe des Cette longueur étant désignée par sera l’abcisse du centre, et l’on aura

En conséquence l’équation devient

ou

de sorte que la moitié du diamètre dont la direction passe par le pôle est moyenne proportionnelle entre les deux segmens que le pôle et la polaire forment sur ce diamètre, à partir du centre ; propriété qui résulte d’ailleurs (§. II) de ce que le pôle et la polaire occupent harmoniquement le diamètre dont il s’agit.

Dans le cas de la parabole, qui n’a pas de centre, et pour laquelle l’équation de la polaire se réduit à , en sorte que, dans la parabole, la portion de diamètre compris entre un point et sa polaire, est coupée par la courbe en deux parties égales.

§. V.

Soient quatre points pris arbitrairement sur le plan d’une ligne du second ordre ; et soient respectivement les points de concours de et et et

Par ces quatre points soient menées à la courbe des tangentes que nous désignerons respectivement par En convenant de désigner généralement par l’intersection de deux droites désignées par et représentons par les droites qui joignent le point au point le point au point et enfin le point au point  : nous aurons ainsi deux quadrilatères, l’un inscrit et l’autre circonscrit à la courbe ; de telle sorte que les sommets de l’inscrit seront les points de contact du circonscrit.}}

Les points seront les pôles respectifs des droites Or, il résulte de là 1.o que la droite contiendra les points et que la droite contiendra les points et que la droite contiendra les points et 2.o que les droites et concourront en les droites et en et les droites et en 3.o que chaque côté du quadrilatère circonscrit sera coupé harmoniquement par son opposé et par son point de contact avec la courbe ; 4.o enfin que les quatre droites qui passeront par chacun des sommets du quadrilatère inscrit formeront un faisceau harmonique.

De là il est facile de conclure que, lorsque deux quadrilatères sont l’un inscrit et l’autre circonscrit à une ligne du second ordre, de telle sorte que les sommets de l’inscrit sont les points de contact du circonscrit ; 1.o les diagonales des deux quadrilatères se coupent toutes quatre en un même point, où elles forment un faisceau harmonique ; 2.o les points de concours des directions des côtés opposés sont tous quatre harmoniquement distribués sur une même droite, polaire du point de concours des quatre diagonales ; 3.o chaque diagonale du quadrilatère circonscrit concourt avec deux côtés opposés de l’inscrit, et forme, avec ces côtés et la droite qui joint leurs points de concours, un faisceau harmonique ; ou, en d’autres termes, chaque point de concours de deux côtés opposés du quadrilatère inscrit est en ligne droite avec deux sommets opposés du circonscrit, et forme, avec ces sommets et le point de concours des quatre diagonales, un système de quatre points harmoniques.

Il résulte de ces propriétés des quadrilatères inscrit et circonscrit à une même ligne du second ordre, sous la condition indiquée, que, si l’on donne quatre points de la courbe et la tangente en l’un d’eux, ou bien quatre tangentes à la courbe et le point de contact de l’une d’elles, on obtiendra de suite, par des constructions qui n’exigeront que le simple usage de la règle, soit les tangentes aux trois autres points, soit les points de contact des trois autres tangentes. Plus généralement, toutes les fois que l’on connaîtra, dans la figure, des élerneris en nombre suffisant pour déterminer les deux quadrilatères et la courbe à laquelle ils doivent être inscrit et circonscrit, on pourra toujours se servir de ces données pour achever de construire ces deux quadrilatères, sans que la courbe soit décrite.

Donc toutes les fois qu’on sera parvenu à la connaissance de deux tangentes et de leurs points de contact, et qu’on aura en outre un troisième point ou une troisième tangente quelconque de la courbe, on sera en état d’en construire, en n’employant que la règle seulement, tant d’autres points ou tant d’autres tangentes qu’on voudra.

Soit, en effet, 1.o  l’angle des deux tangentes, soient et leurs points de contact ; et soit un troisième point quelconque de la courbe. Par le sommet de l’angle des deux tangentes, soit menée une droite arbitraire et indéfinie, coupée par en et par en menées et se coupant en ce point sera un quatrième point de la courbe ; et, à cause de l’indétermination de la direction de on pourra, en variant cette direction, déterminer tant d’autres points de cette courbe qu’on voudra. Menant alors les deux diagonales du quadrilatère inscrit, se coupant en la droite déterminera, sur les tangentes deux sommets opposés du quadrilatère circonscrit, tandis que la droite déterminera, sur ces deux mêmes droites, les deux autres sommets opposés de ce même quadrilatère. On aura donc ainsi quatre points de la courbe et les tangentes en ces quatre points ; et on pourra ainsi déterminer tant de points de cette courbe et tant de tangentes qu’on voudra.

2.o Soit le polygone ouvert formé par trois tangentes consécutives, et soient et les points de contact des deux tangentes extrêmes. Soit menée sur la direction de laquelle soit pris arbitrairement un point En menant concourant avec en et concourant avec en la droite sera une quatrième tangente ; et, à cause de l’indétermination du point sur on pourra, en variant sa position, déterminer tant d’autres tangentes à la courbe qu’on voudra. Menant alors et concourant en puis et concourant en et enfin et coupant en et l’intersection de avec ou sera le point de contact de cette tangente ; et l’intersecton de avec ou sera le point de contact de son opposée. On aura donc ainsi quatre tangentes à la courbe et leurs points de contact ; et l’on pourra ainsi avoir autant de tangentes à cette courbe et autant de points de son périmètre qu’on voudra.

En considérant que qui joint les points de concours, et des directions des côtés opposés du quadrilatère inscrit, contient les pôles et de ses deux diagonales, on reconnaît que, si l’on fait varier ce quadrilatère inscrit de telle sorte que, ses sommets opposés et demeurant fixes, sa diagonale prenne toutes les situations qu’on voudra, cette droite demeurera assujettie à passer constamment par le pôle de la diagonale c’est-à-dire, que, si l’on inscrit à une ligne du second ordre une suite de quadrilatères ayant deux côtés opposés communs, les droites qui joindront les deux points de concours des directions de leurs côtés opposés, iront toutes concourir en un même point fixe, pôle de leur diagonale commune.

De même, en considérant que le point de concours des diagonales du quadrilatère circonscrit est sur la droite qui joint les points de contact de la courbe avec les deux côtés opposés et et qui a son pôle au point de concours de ces deux côtés ; on en conclura que, ces mêmes côtés restant fixes, si les deux autres varient d’une manière quelconque, en demeurant d’ailleurs constamment tangens à la courbe, l’intersection des deux diagonales ne sortira pas de la polaire du point c’est-à-dire, que, si l’on circonscrit à une ligne du second ordre une suite de quadrilatères, dont deux côtés opposés soient de direction invariable, les diagonales de ces quadrilatères se couperont constamment sur une même droite, polaire du point de concours des deux côtés communs à tous.

De là nous tirerons quelques conséquences qui méritent d’être remarquées.

Il est connu, et nous aurons occasion de le prouver plus tard, qu’étant donnés cinq points quelconques, sur un plan, il existe toujours une ligne du second ordre qui passe par ces cinq points. Supposons donc cette courbe décrite, en sorte que les cinq points se trouvent sur son périmètre ; si de trois quelconques de ces points on mène aux deux autres trois couples de droites ; en combinant ces couples deux à deux, on formera trois quadrilatères simples, inscrits à la courbe, et ayant deux sommets opposés communs ou une diagonale commune ; donc, suivant ce qui a été établi ci-dessus, les droites joignant les points de concours de leurs côtés opposés, iront concourir toutes trois en un même point, pôle de cette diagonale commune. Ainsi cinq points étant pris, à volonté, sur un plan, si de trois quelconques de ces points on mène aux deux autres trois couples de droites ; en prenant ces couples deux à deux, on aura trois quadrilatères simples tels que les droites joignant les points de concours des directions de leurs côtés opposés iront toutes trois concourir en un même point. En outre, ce point sera, relativement à la ligne du second ordre qu’on peut toujours faire passer par les cinq points donnés, le pôle de la diagonale commune aux trois quadrilatères.

Si l’on suppose que les deux extrémités de la diagonale commune s’éloignent à l’infini, en parcourant deux droites fixes indéfinies, données de position, on conclura de ce théorème le corollaire suivant : Si, sur les trois côtés d’un triangle quelconque, pris tour à tour pour diagonales, on construit trois parallélogrammes, dont les côtés soient respectivement parallèles à deux droites quelconques, données de position ; les trois autres diagonales de ces parallélogrammes iront concourir en un même point, centre d’une hyperbole circonscrite au triangle et ayant ses asymptotes parallèles aux deux droites données de position[6].

On démontrera par des considérations analogues cet autre théorème : Cinq droites étant tracées arbitrairement sur un plan, si l’on conçoit trois quadrilatères simples, ayant à la fois deux côtés opposés qui coïncident, pour la direction, avec deux de ces droites, et dont les autres côtés ne soient autre chose que les trois droites restantes prises deux à deux ; les points de concours des diagonales de ces trois quadrilatères appartiendront tous trois à une même droite. En outre, cette droite sera, relativement à la ligne du second ordre qui touchera les cinq droites données, la polaire du point de concours des deux d’entre elles qu’on aura prise pour direction commune des deux côtés opposés des trois quadrilatères.

Il suit de là qu’ayant sur un plan cinq points d’une ligne du second ordre ou cinq tangentes à cette courbe, on peut toujours, en n’employant d’autre, instrument que la règle, déterminer simultanément soit les tangentes en deux de ces points, soit les points de contact de deux de ces tangentes ; après quoi la construction de la courbe pourra s’achever comme ou l’a fait voir ci-dessus.

(La suite à un prochain numéro.)
  1. Il y aurait, peut-être, un peu plus de symétrie, mais pas plus de généralité, à prendre la somme des produits respectifs de ces deux équations par deux multiplicateurs et Il est manifeste, en effet, qu’en posant ensuite on retomberait sur le résultat qui vient d’être indiqué.
    (Note de l’Auteur.)
  2. Il faut observer ici que, si une équation du second degré, en et , est satisfaite par ces valeurs imaginaires elle le sera nécessairement aussi par leurs conjuguées
    (Note de l’Auteur.)
  3. Généralement, trois lignes du second ordre (c), (c′), (c″), rapportées aux mêmes axes quelconques, étant exprimées par les trois équations,
    (c)
    (c′)
    (c″)

    dans lesquelles, sans rien ôter à leur généralité, on peut supposer tous les

    coefficiens entiers, si l’on peut trouver trois multiplicateurs qu’on peut également supposer entiers, positifs ou négatifs, tels qu’on ait

    Il est manifeste qu’alors chacune de ces trois équations sera comportée par les deux autres ; de telle sorte que, quelles que soient les deux d’entre elles que l’on combine, par voie d’élimination, on en tirera toujours les quatre mêmes systèmes de valeurs de et ce qui revient à dire que les trois courbes passent par les quatre mêmes points. Réciproquement, si les trois courbes passent par les quatre mêmes points, chacune des trois équations (c), (c′), (c″) sera comportée par les deux autres ; d’où il suit évidemment qu’il devra être possible de trouver trois multiplicateurs qui vérifient les six relations ci-dessus.

    Or, que l’on rapporte ensuite les trois mêmes courbes à un autre système de coordonnées ; elles seront toujours en même situation les unes à l’égard des autres ; d’où il suit évidemment que six relations semblables aux précédentes devront encore avoir lieu.

    J. D. G.
  4. On rencontre un exemple très-familier de quatre points distribués de la sorte dans les centres de deux cercles, le point de concours de leurs tangentes communes extérieures, et le point de concours de leurs tangentes communes intérieures.

    En général, si l’on cherche sur une droite un point dont les distances à deux points donnés de cette droite soient entre elles dans un rapport donné ; le problème aura deux solutions, et alors les deux points donnés et les deux points qui résoudront le problème seront quatre points harmoniques.

    J. D. G.

  5. On peut se demander ici ce que devient la relation harmonique dont il s’agit, pour celles des droites issues du pôle qui ne coupent pas la courbe. La réponse à cette question se trouve dans les considérations suivantes.

    Soit une ligne du second ordre et une droite, tracées sur un même plan, et données par leurs équations. Si l’on cherche, par l’analise, leurs points d’intersection ; en désignant par l’un quelconque d’entre eux, on trouvera, pour déterminer la coordonnée une équation du second degré dont les coefficiens seront toujours réels. Suivant que les deux racines de cette équation seront réelles ou imaginaires, les valeurs correspondantes de l’autre coordonnée y seront aussi réelles ou imaginaires. Dans le premier cas, la droite coupera effectivement la courbe ; dans le second, elle ne la coupera pas, et ses points d’intersection avec elle seront imaginaires.

    Quoi qu’il en soit, il suit de la nature de l’équation du second degré qui donne les coordonnées de ces points d’intersection parallèles à un même axe, qu’on aura, dans l’un et l’autre cas, des valeurs réelles pour la somme et pour le produit de ces deux coordonnées. On observera que ceci a lieu, en particulier, lorsque les abscisses sont comptées sur la droite proposée elle-même.

    En supposant que les deux points de section existent en réalité, concerons un autre point lié à ceux-là par une dépendance symétrique ; de telle sorte que les coordonnées de ce point soient des fonctions symétriques de celles qui appartiennent aux deux premiers ; ces fonctions pourront donc être exprimées uniquement au moyen des somme et produit dont il vient d’être question ; elles devront conséquemment conserver des valeurs réelles, lors même que les coordonnées des points d’intersection seront devenues imaginaires. Il suit de là que le point en tant qu’il est déterminé par ses coordonnées, et que ces coordonnées ont pour expression les fonctions symétriques dont il s’agit, demeure réel et constructible lors même que les deux points d’intersection passent du réel à l’imaginaire ; bien qu’alors ce point, ne puisse plus être construit au moyen des conditions graphiques par lesquelles il était d’abord lié aux deux autres, ceux-ci ayant disparu. Il n’y aura cependant aucun inconvénient à lui conserver sa dénomination ou définition primitive.

    C’est ainsi, par exemple, que le milieu de la corde intercepté sur une droite, par son intersection avec une ligne du second ordre, est un point toujours réel et assignable, lors même que la droite ne coupe plus la courbe, c’est-à-dire, lorsque les deux extrémités de la corde interceptée sont devenues imaginaires. Ce milieu est déterminé, dans tous les cas, par la rencontre de cette droite avec le conjugué du diamètre qui lui est parallèle. De même, le conjugué harmonique d’un point donné sur la même droite, par rapport à ses deux points d’intersection imaginaires avec la courbe, est toujours constructible, au moyen de la relation dans laquelle le point donné est pris pour origine des , et où est sa distance au point cherché, parce que et sont réels, lors même que et sont imaginaires, puisqu’ils sont alors de la forme et Il est aussi donné graphiquement par l’intersection de la droite donnée avec la polaire du point donné ; et il n’en faut pas davantage pour comprendre comment, dans un groupe harmonique, deux points conjugués peuvent être réels, bien que les deux autres soient imaginaires.

    Les remarques qui précèdent doivent être étendues aux intersections des lignes droites avec les courbes de tous les degrés. Il ne faut jamais les perdre de vue, parce quelles sont nécessaires pour donner aux relations que fournit la théorie des transversales et à d’autres relations que nous ferons connaître par la suite, toute la généralité convenable. On ne doit pas d’ailleurs les confondre avec les considérations de M. Poncelet sur la loi de continuité. La distinction en a été déjà faite, avec soin, par M. Cauchy, dans son rapport inséré au tome XI.e des Annales (pag. 69) et placé depuis en tête du Traité des Propriétés projectives des figures.

    (Note de l’Auteur.)
  6. C’est le théorème de la pag. 103 du tom. XV.
    J. D. G.