Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 16/Analise algébrique, article 2

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Démonstration du théorème d’analise énoncé à la page 164
du précédent volume ;

Par un Abonné.
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THÉORÈME. Si, dans une équation de degré quelconque, les coefficiens de quatre termes consécutifs sont tels que le produit soit nul ou négatif, cette équation aura nécessairement deux racines imaginaires, au moins ; et, si une pareille relation a lieu pour plusieurs séries de quatre termes consécutifs, l’équation aura autant de couples de racines imaginaires, au moins qu’elle offrira de pareilles séries.

Démonstration. Il est connu qu’une équation ne saurait avoir plus de racines positives que de variations de signes, ni plus de racines négatives que de permanences de signes.

Il suit de là que si, dans une équation, il manque au terme entre deux termes de même signe, cette équation aura deux racines imaginaires, au moins. Soient, en effet, le nombre de ses variations et le nombre de ses permanences, de part et d’autre du terme qui manque, étant le degré de l’équation ; on devra avoir En rétablissant le terme qui manque, avec le coefficient zéro affecté du même signe que portent les deux termes qui le comprennent, ce qui est permis, l’équation n’ayant dès lors que variations, on sera en droit d’en conclure qu’elle n’a pas plus de racines réelles positives. Si, au contraire, on rétablit ce même terme, en donnant à son coefficient zéro un signe contraire au signe commun des deux termes qui le comprennent, ce qui est également permis, l’équation n’ayant toujours que permanences, on sera en droit d’en conclure qu’elle n’a pas plus de racines réelles négatives. Une telle équation n’a donc au plus que ou racines réelles ; elle a donc deux racines imaginaires, au moins.

Le même raisonnement prouve qu’autant de fois il manquera un terme entre deux autres de même signe, autant l’équation aura de couples de racines imaginaires, au moins.

Il suit de là qu’une équation dans laquelle il manque deux termes consécutifs a au moins deux racines imaginaires ; car alors on peut toujours rétablir le terme qui manque de manière à faire manquer l’autre entre deux termes de mêmes signes. On voit même qu’autant de fois il manquera deux termes consécutifs, entre deux termes effectifs, autant l’équation aura de couples de racines imaginaires, au moins.

Il est évident d’ailleurs que l’introduction ou la suppression d’une racine réelle, dans une équation, ne saurait modifier en aucune sorte le nombre de ses racines imaginaires.

Cela posé, soit

une portion d’une équation de degré quelconque, si on y introduit une racine réelle indéterminée en multipliant son premier membre par trois termes consécutifs de l’équation résultante seront

Or, d’après ce qui a été dit plus haut, si l’on peut disposer de de manière à avoir à la fois

ou bien

ce qui exige qu’on ait

ou

l’équation aura deux racines imaginaires.

Mais quand bien même aucune de ces deux conditions ne pourrait être remplie, pourvu qu’en déterminant par la condition

qui donne

il en résulte pour et des valeurs de mêmes signes, c’est-à-dire, des valeurs telles qu’on ait

l’équation aura également deux racines imaginaires, au moins ; or, en mettant pour sa valeur dans cette inégalité, on trouve

ou

ou, en multipliant par

comme l’annonce le théorème.

Il résulte de là, en particulier, qu’autant on rencontre, dans une équation, de séries de trois termes formant une proportion continue par quotiens, autant l’équation a de couples de racines imaginaires au moins[1].

  1. Le théorème qui vient d’être démontré, et beaucoup d’autres du même genre, font le sujet d’un mémoire de M. de Lavernède, dont on trouve l’extrait dans le volume de l’Académie du Gard, pour 1809.
    J. D. G.