Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 16/Analise algébrique, article 1

ANALISE ALGÉBRIQUE.

Essai sur les limites des racines des équations littérales ;

Par M. L. C. Bouvier, ex-officier du génie, ancien élève
de l’école polytechnique.
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Les analistes ont donné des méthodes diverses à l’aide desquelles on détermine les limites des racines réelles des équations numériques ; mais il n’est pas à notre connaissance qu’aucun d’eux se soit occupé du même problème relativement aux équations littérales. Nous allons montrer comment il peut être résolu pour ces dernières, du moins lorsqu’elles sont d’un degré impair, ou, lorsqu’étant d’au degré pair, elles ont leur dernier terme négatif.

§. I.
Équations de degrés impairs.

Soit l’équation du 3.me degré, sans second terme,

(1)

Posons

(2)

et étant deux indéterminées. Il est clair que, quelles que soient et toute valeur de qui satisfera à l’équation (2), substituée dans le premier membre de (1) donnera un résultat de même signe que de sorte que toute valeur réelle de dans (1), est nécessairement comprise, quelle que soit entre deux valeurs de dans (2) répondant à des valeurs de de signes contraires. Tout se réduit donc à profiter de l’indétermination de pour rendre cette équation (2) facilement résoluble.

En développant, transposant et ordonnant, elle devient

(3)

Or, si l’on pose

d’où

cette équation devient

ou, en mettant pour sa valeur,

ce qui donne, sur-le-champ,

(4)

En changeant en cette formule devient

(5)

Ainsi, quelques valeurs positives qu’on prenne pour et les valeurs de données par les formules (4) et (5), substituées dans le premier membre de l’équation (1), donneront nécessairement des résultats de signes contraires, et comprendront conséquemment entre elles une racine au moins de cette équation.

Soit, en second lieu, l’équation du 5.me degré, sans second terme,

(1)

Posons

(2)

étant indéterminées, et et étant supposés de mêmes signes. Il est clair que toute valeur de tirée de (2) donnera, par sa substitution dans le premier membre de (1), un résultat de même signe que et de sorte que toute valeur réelle de dans (1) sera nécessairement comprise, quelles que soient d’ailleurs y entre deux valeurs de dans (2) répondant à deux systèmes de valeurs de et de signes contraires. Tout se réduit donc à profiter de l’indétermination de pour rendre cette équation (2) facilement résoluble.

En développant, transposant et ordonnant, elle devient

Or, si l’on pose



ce qui donnera,



elle deviendra

dans laquelle présentement on peut regarder comme connus et qui donne

En donnant donc tour à tour à et dans cette formule d’abord des valeurs positives quelconques, puis des valeurs négatives également quelconques, les valeurs qui en résulteront pour , comprendront entre elles une racine, au moins de l’équation proposée.

On voit, par ce qui précède que, dans le 7.me degré il faudrait poser

et supposer que les indéterminées sont toutes trois positives ou toutes trois négatives. On poserait des équations analogues pour les degrés supérieurs.

§. II.
Équations de degrés pairs.

En supposant constamment le dernier terme négatif, soit d’abord l’équation du second degré

(1)

Posons

(2)

étant une indéterminée. Il est clair que toute valeur de tirée de cette dernière équation et substituée dans le premier membre de (1) donnera un résultat positif ; et, comme la valeur donne le résultat négatif il s’ensuit qu’il y aura entre et la valeur dont il s’agit une racine réelle de l’équation (1).

En développant, transposant et réduisant, l’équation (2) devient

d’où

de sorte que, quelque valeur positive ou négative qu’on donne à l’indéterminée une des racines de l’équation (1) sera toujours comprise entre et la valeur qui en résultera pour

Soit, en second lieu, l’équation du quatrième degré

(1)

Posons

(2)

étant des indéterminées. Il est clair que, quels que soient les signes de pourvu qu’on prenne positif, toute valeur de tirée de l’équation (2) et substituée dans le premier membre de (1) donnera un résultat positif ; et comme, d’un autre côté, la substitution de dans ce même premier membre donne le résultat négatif il s’ensuit que l’équation (1) aura au moins une racine réelle entre et cette valeur de

En développant, transposant, réduisant et ordonnant, l’équation (2) devient

En posant



ce qui donne



l’équation (3) deviendra simplement

dans laquelle présentement on peut regarder comme connus, et qui donne

En prenant donc pour un nombre positif quelconque, il y aura entre et la valeur qui en résultera pour une racine au moins de l’équation (1).

On voit, par ce qui précède, que, pour le sixième degré, il faudrait poser

et supposer positives les deux indéterminées et On poserait des équations analogues pour les degrés supérieurs.