Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 15/Géométrie élémentaire, article 7

GÉOMÉTRIE ÉLÉMENTAIRE.

Sur la division de la ligne droite en parties égales ;

Par M. Gergonne.
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On démontre, dans tous les traités élémentaires de géométrie, que deux droites issues d’un même point sont coupées en parties proportionnelles par des parallèles ; mais on n’y démontre pas formellement que deux parallèles sont coupées proportionnellement par des droites issues d’un même point ; bien que cette dernière proposition semble être du même ordre d’importance que la première.

L’une et l’autre propositions offrent des méthodes également simples en théorie pour diviser une droite en parties égales, ou, plus généralement, pour diviser une droite en parties qui soient entre elles comme des longueurs ou comme des nombres donnés, mais ces méthodes différent en ce que celle qu’on déduit de la première exige quelquefois qu’on mène un grand nombre de parallèles à une droite donnée, tandis que celle qu’on déduit de la seconde n’en exige qu’une seule ; ce qui assure incontestablement à celle-ci la supériorité. Aussi est-ce constamment elle que nous employons pour notre usage et que nous conseillons à autrui.

Nous pensions qu’un procédé si simple devait être universellement connu des géomètres, et pour cette raison nous n’avions jamais songé à le signaler. Mais nous venons de rencontrer, dans la Bibliothèque universelle (mai 1824, pag. 1), un article de M. A. Voruz, ministre, et principal du collége de Moudon, dans lequel l’auteur, qui paraît avoir été frappé comme nous des inconvéniens de la méthode ordinaire, mais qui apparemment ne connaît pas celle que nous venons de recommander, en indique une autre qui n’exige absolument aucun tracé de parallèles. Mais cet avantage nous paraît plus que compensé par la complication du procédé, fort curieux d’ailleurs, et par les difficultés qu’en présente la démonstration, ainsi qu’on en pourra juger tout à l’heure.

Mais ce qui nous a sur-tout frappé, c’est qu’un procédé tout pareil nous a été indiqué verbalement et sans conséquence par M. Sarrus, il y a déjà plusieurs années. Il y avait été conduit en considérant que les droites qui vont des sommets d’un triangle aux milieux des côtés opposés se coupent au tiers de leur longueur ; qu’on peut très-bien, une de ces trois droites étant donnée, construire le triangle de telle sorte que l’une des extrémités de cette droite se trouve au milieu de l’un de ses côtés et qu’on connaisse le milieu de l’un des deux autres côtés. En joignant donc ce milieu au sommet opposé par une droite, cette droite coupait la droite donnée au tiers de sa longueur.

Il ne s’agissait donc plus, pour généraliser cette construction, que d’examiner de quelle manière se coupent des droites qui, partant de deux sommets d’un triangle, coupent les côtés opposés, non pas en deux parties égales, mais en raison donnée quelconque ; et voici le résultat qu’obtint M. Sarrus.

Soit un angle (fig. 11) dont les côtés soient coupés respectivement en et de manière qu’on ait

étant des nombres entiers quelconques ; en menant les droites se coupant en on aura

Comme il y a là beaucoup plus d’arbitraires que n’en exige l’objet que nous avons en vue, nous poserons ce qui donnera simplement

Cela posé, soit une droite donnée de longueur. Soit menée par le point dans une direction arbitraire, une autre droite sur laquelle soient portées, à partir du point ouvertures de compas égales et arbitraires, se terminant en Soit menée et soit prolongée cette droite au-delà de en d’une quantité égale à elle-même. Si alors on mène des droites du point aux points intermédiaires, à partir de il est aisé de conclure de la dernière formule qu’en appelant généralement le point où ces droites coupent on aura successivement pour la valeur de

Si la seule valeur de sera ce qui rentre dans la division d’une droite en trois parties égales.

Si les deux valeurs de ce rapport seront ce qui rentre dans la division d’une droite en deux ou en cinq parties égales.

Si n=4, les trois valeurs du même rapport seront ce qui pourra servir à diviser une droite indifféremment en et parties égales.

Si les quatre valeurs de ce rapport seront ce qui pourra servir indistinctement à diviser une droite en et parties égales.

En prenant les cinq valeurs du même rapport seront ce qui suffira pour diviser une droite en parties égales.

Et ainsi de suite.