Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 15/Géométrie élémentaire, article 5

22. Il est nécessaire de conclure de ces mêmes principes que les courbes dont les équations renferment des fonctions logarithmiques sont également susceptibles d’avoir des branches pointillées ou ponctuées. Telle est, en particulier, la courbe dont l’équation est Cette courbe, en effet, en supposant qu’on prend pour base, devient identique avec celle dont l’équation est (fig. 1 et 2) en y prenant pour et réciproquement.

Soit encore la courbe ayant pour équation les logarithmes étant Népériens, on aura

En employant le même mode de discussion que ci-dessus (11, 12, 13), on reconnaîtra que la courbe (fig. 12) a, 1.o une branche continue partant de l’origine et s’étendant indéfiniment dans l’angle entre l’axe des et une parallèle à cet axe qui lui sert d’asymptote et dont la distance à l’origine est égale à 2.o une autre branche continue, située dans l’angle ayant la même asymptote en sens inverse d’une part, convexe vers l’axe des depuis cette asymptote jusqu’au point d’inflexion où elle fait avec l’axe des un angle dont la tangente tabulaire est après avoir été parallèle au même axe au point devenant au-delà du point d’inflexion concave vers cet axe, et lui redevenant parallèle pour le point 3.o une branche pointillée, prolongement de la première branche continue, dans l’angle symétrique, par rapport à l’axe des de celle qui lui serait symétrique par rapport à l’axe des 4.o enfin une autre branche pointillée dans l’angle également symétrique par rapport à l’axe des d’une branche qui serait symétrique, par rapport à l’axe des à la seconde branche continue.

Les résultats ne changeraient pas de nature quand bien même on supposerait une toute autre base logarithmique, pourvu qu’elle fût positive ; et, si elle était négative, les branches se changeraient en quatre branches ponctuées.

23. Dans les applications de la théorie des logarithmes au calcul des expressions numériques ou algébriques, on peut traiter de la même manière tous les nombres, tant positifs que négatifs ; et l’on doit prendre les logarithmes de ces derniers comme s’ils étaient positifs.

Pour le démontrer, il faut distinguer deux cas. Ou les logarithmes ne sont employés que comme un moyen abrégé de trouver la valeur numérique d’une expression donnée, ou bien l’emploi des logarithmes est indispensable pour parvenir à la valeur numérique d’une inconnue.

Supposons d’abord qu’on se trouve dans le premier de ces deux cas ; il résulte évidemment de ce que nous avons dit (14) que, si le nombre dont il s’agit est de ceux dont les logarithmes sont imaginaires, il suffira de l’augmenter ou de le diminuer d’une quantité indéfiniment petite, et conséquemment bien inférieure à la limite d’approximation qu’on peut se promettre du calcul par logarithmes, pour lui faire acquérir un logarithme réel positif ou négatif. Lorsqu’ensuite on sera parvenu à la fin du calcul, si le logarithme final est du genre de ceux auxquels il ne répond aucun nombre réel, il suffira également de l’augmenter ou de le diminuer d’une quantité bien inférieure à celles qu’on se permet de négliger dans ce mode de calcul, pour le faire répondre à deux nombres réels ne différant l’un de l’autre que par le signe. On n’aura donc plus d’embarras que sur le choix du signe du résultat, lequel devra être déterminé à l’avance, conformément à la nature des données et des opérations qu’on aura eu à leur faire subir. Si, par exemple, il s’agit d’un produit de facteurs, on prendra pour le nombre répondant au logarithme final le signe ou le signe suivant que le nombre des facteurs négatifs sera pair ou impair. S’il s’agit d’une puissance, on se réglera sur le signe de la racine et la nature de l’exposant qui pourront souvent conduire à rejeter comme faux le résultat obtenu. C’est, par exemple, ce qui arriverait, si l’on avait à calculer par logarithmes le résultat devrait être rejeté comme faux, à cause de la nature imaginaire de l’expression proposée.

Dans le cas où l’emploi des logarithmes est nécessaire pour obtenir la valeur de l’inconnue, on peut encore prendre les logarithmes des nombres négatifs comme si ces nombres étaient positifs sauf ensuite à vérifier le résultat obtenu, qui souvent peut être fautif. Soient, par exemple, les équations

on en tirera

d’où

et en effet

Mais, si l’on avait

d’où

on en tirerait

résultat faux, puisque

et non

Le nombre cherché dans le dernier cas est donc imaginaire.

24. Il n’a été question, dans tout ce qui précède, que de courbes rapportées à des coordonnées rectangulaires. Les mêmes considérations s’appliqueraient également à d’autres systèmes de coordonnées, si les équations des courbes qui y seraient rapportées contenaient des fonctions transcendantes des variables. Telles est, en particulier, l’équation polaire de la spirale logarithmique, dans laquelle représente un nombre constant, l’angle que fait le rayon vecteur partant du pôle avec une droite fixe menée arbitrairement par ce même point, et ce rayon vecteur. Si, en effet, on suppose d’abord positif, les variables et se trouveront exactement dans le même cas que et dans le n.o 6. Il en résultera donc pour une série continue de valeurs positives et une série discontinue de valeurs négatives. Or, les valeurs positives du rayon vecteur doivent être comptées du pôle vers l’extrémité de l’arc de cercle sur lequel se comptent les distances angulaires, tandis que ses valeurs négatives doivent être prises en sens contraire ; donc la spirale (fig. 13) aura une branche continue et une branche pointillée dont les spires s’envelopperont mutuellement. Mais, si la constante était négative, ces deux branches se trouveraient remplacées par deux branches ponctuées de même forme.

25. Des considérations analogues à celles qui viennent de nous occuper à l’égard des courbes planes sont évidemment applicables aux surfaces courbes qui peuvent être tantôt continues et tantôt discontinues, et qui, dans ce dernier cas, peuvent être formées tantôt de courbes continues ne se succédant pas consécutivement et tantôt de courbes pointillées ou ponctuées, et qui peuvent avoir aussi des nappes de ces différentes sortes à la fois. Ce que nous avons dit jusqu’ici fait assez comprendre comment on doit se conduire, dans la discussion de ces sortes de surfaces ; et, pour cette raison, nous croyons superflu de nous y arrêter. Les mêmes considérations pourraient également être appliquées aux courbes à double courbure.

26. Nous terminerons par observer que les courbes dont les équations renferment des fonctions circulaires des variables ont été jusqu’ici tout aussi incomplètement construites que celles qui viennent de nous occuper ; ce qui tient, comme on peut déjà l’entrevoir, à ce que dans leur construction on a négligé d’avoir égard aux différens arcs auxquels répond, en général, une même ligne trigonométrique. Nous nous proposons de traiter ce sujet dans un autre mémoire où nous ferons connaître, en particulier, quelques propriétés de la cycloïde qui, dépendant de la multiplicité de ses branches, n’avaient pu encore être remarquées.