Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 12/Optique, article 1

OPTIQUE.

Essai d’une théorie générale des mouvemens apparens ;


Par M. Lenthéric, docteur ès sciences, professeur
au collége royal de Montpellier.
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Le double mouvement de rotation de la terre sur son axe et de translation de cette planète autour du soleil est, pour ceux de ses habitans qui la supposent absolument fixe, une source perpétuelle d’illusions, et complique singulièrement à leurs yeux les mouvemens de tous les autres corps célestes. Les astronomes eux-mêmes, bien qu’ils ne soient pas dupes de ces illusions, n’en sont pas moins obligés sans cesse de corriger les résultats de leurs observations de la complication qu’y introduit la mobilité du point d’où ils les font.

La considération des mouvemens apparent ou relatifs, et de leur liaison avec les mouvemens absolus, revient donc à chaque pas dans l’astronomie. Cependant la théorie de ces sortes de mouvemens n’a encore été traitée nulle part avec toute l’étendue et la généralité qu’elle comporte ; et on s’est borné à en considérer des cas particuliers qu’on a traité d’une manière tout-à-fait indépendante les uns des autres, sans les rattacher à un principe commun. Je me propose ici d’essayer de remplir cette sorte de lacune que présente la science. Je chercherai les formules les plus générales ; j’en ferai les applications aux cas les plus ordinaires ; et j’abandonnerai de plus amples développemens à la sagacité du lecteur.

Le problème général qu’il s’agit de résoudre est celui-ci : deux points se meuvent dans l’espace d’un mouvement connu quelconque ; le point se croyant fixe, quel mouvement attribuera-t-il au point [1] ?

De quelque nature que soit le mouvement absolu du point on sait qu’il doit toujours se réduire à un mouvement de translation uniforme ou varié sur une certaine ligne droite ou courbe, plane ou à double courbure et à un mouvement de rotation uniforme ou varié, autour d’un axe de direction constante ou variable. Quant au point on peut faire abstraction de son mouvement de rotation, s’il en a un, attendu que ce mouvement ne serait pas aperçu de et ne considérer uniquement que son mouvement de translation dans l’espace.

Rapportons nos deux points à trois axes rectangulaires absolument fixes, mais d’ailleurs tout-à-fait arbitraires, la position absolue de ces deux points dans l’espace, à une époque quelconque sera donnée par deux systèmes d’équations telles que celles-ci :

c’est-à-dire que ce seront là, comme l’on s’exprime en mécanique, les équations de leur mouvement de translation, entre lesquelles conséquemment l’élimination de ferait connaître les trajectoires qu’ils décrivent.

Il s’agira présentement d’exprimer la nature du mouvement de rotation de Pour cela, concevons que, par ce point, on ait conduit trois axes rectangulaires tout-à-fait fixes par rapport à lui, mais mobiles avec lui dans l’espace ; désignons-les par leur situation à l’époque par rapport aux axes fixes dépendra de cette époque, et on pourra supposer alors leurs équations telles qu’il suit :

(3)

et dans lesquelles il est permis de supposer

En outre, parce que ces axes sont rectangulaires, on aura aussi

relations desquelles on en pourrait déduire beaucoup d’autres et qui montrent que de nos neuf fonctions de relatives au mouvement de rotation trois seulement sont arbitraires.

Il est clair présentement que le point se croyant immobile, rapporte tous les points de l’espace aux axes des et conséquemment c’est aussi à ces axes qu’il faut les rapporter, pour avoir leur mouvement apparent ; or, les formules nécessaires pour cela sont, comme l’on sait,

(6)

desquelles on tire, en ayant égard aux relations (4, 5),

(7)

mettant donc dans les seconds membres pour les valeurs données par les équations (1), et supprimant ensuite, dans les premiers, les accens devenus inutiles, nous aurons pour les équations du mouvement apparent de par rapport à

(8)
et les équations de la trajectoire apparente seront le résultat de l’élimination de entre ces trois-là.

Si l’on suppose que, dans le mouvement de son axe de rotation est toujours parallèle à lui-même ; en prenant cet axe pour celui des on devra avoir

étant des constantes ; les équations de condition (4, 5) deviendront


et les équations du mouvement apparent de seront

(11)

Si l’on suppose, en outre, que cet axe de rotation est parallèle à l’axe des et conséquemment perpendiculaire au plan des primitifs, on aura

d’où (9, 10)

et les équations du mouvement apparent de seront

(14)

S’il n’y avait pas de mouvement de rotation, on pourrait admettre d’où et les équations du mouvement apparent de seraient ainsi

(15)

Si l’on suppose enfin que les mouvemens réels de et ont lieu dans le plan des primitives, on devra avoir

et conséquemment le mouvement apparent de aura donc lieu aussi dans le plan des le problème deviendra ainsi un problème de géométrie plane ; et les équations du mouvement apparent de seront simplement

(16)

dans lesquelles on aura toujours

(17)

et l’équation de la trajectoire apparente sera le résultat de l’élimination de entre les équations (15).

Si le mouvement de rotation n’a pas lieu, comme la situation des axes liés invariablement avec est arbitraire, il sera permis de supposer

d’où résultera (16)

au moyen de quoi les équations (15) du mouvement apparent deviendront simplement

(18)

Si le mouvement absolu des deux points a lieu suivant l’axe des on devra avoir

on aura donc aussi c’est-à-dire que le mouvement apparent de aura lieu aussi suivant cet axe ; le problème deviendra donc ainsi un simple problème de géométrie à une dimension ; et l’équation du mouvement apparent de sera

(19)

Nous allons présentement faire quelques applications de ces diverses formules ; en les prenant dans un ordre inverse de celui suivant lequel nous y sommes successivement parvenus.

§. I.
Mouvement de deux points sur une même droite.

Nous venons de voir (19) que, les mouvemens absolus de deux points sur une même droite, ayant respectivement pour leurs équations

l’équation du mouvement apparent de par rapport à se croyant fixe, est

Si d’abord le point est fixe ; en prenant ce point pour origine des , on aura de sorte que l’équation du mouvement apparent de ce point sera

ce mouvement apparent sera donc égal et contraire au mouvement réel de . C’est le cas des navigateurs approchant de la côte et à qui le rivage semble avancer vers eux de la même quantité dont ils s’avancent réellement vers lui.

Supposons, en second lieu, que les deux points sont mus d’un mouvement uniforme ; nous pourrons prendre, pour les équations de leurs mouvemens réels,

l’équation du mouvement apparent de sera

c’est-à-dire que ce mouvement apparent sera aussi uniforme. On voit de plus que la vitesse apparente sera la différence des vitesses réelles prises avec leurs signes, c’est-à-dire, la différence effective de ces vitesses ou leur somme, suivant que les deux mobiles seront mus dans le même sens ou en sens contraire. C’est communément le cas de deux voitures sur une même route ou de deux bateaux sur un même canal-rectiligne. On voit, en particulier, que si les vitesses sont égales et de même signe, le point, semblera immobile au point

Supposons présentement les deux mouvemens uniformément variés ; nous pourrons prendre pour les équations de ces mouvemens

et le mouvement apparent de aura pour équation

c’est-à-dire que ce mouvement sera lui-même uniformément varié. C’est, par exemple, le cas d’un aéronaute qui tombe d’un ballon, tandis qu’on lance une pierre verticalement vers lui.

On voit, au surplus, que, pour que le mouvement apparent soit uniformément varié, il n’est pas nécessaire que les deux mouvemens réels le soient ; et qu’il serait encore tel, lors même que l’un de ces mouvemens serait uniforme ; avec cette seule différence que, si le mouvement uniforme était celui de le mouvement apparent de serait accéléré ou retardé, suivant que son mouvement réel le serait lui-même ; tandis qu’au contraire si le mouvement uniforme appartenait à ce point son mouvement apparent serait accéléré ou retardé, suivant que le mouvement réel de serait retardé ou accéléré.

Si les forces accélératrices étaient égales et de mêmes signes, on aurait et conséquemment l’équation du mouvement apparent serait

c’est-à-dire que ce dernier mouvement serait uniforme ; c’est le cas d’un homme et d’une pierre tombant de différens points d’une même verticale à des époques différentes.

Si, de plus, la vitesse réelle était la même à chaque instant, on aurait et par suite en sorte que le mouvement apparent de serait nul. C’est le cas d’un homme et d’une pierre qui tombent au même instant de différens points d’une même verticale.

§. II.
Mouvement de deux points sur un même plan.

Faisons d’abord abstraction du mouvement de rotation de Soient les équations du mouvement réel de et ainsi qu’il suit :

les équations du mouvement apparent de seront (18)

Supposons, en premier lieu, que le point soit fixe ; en prenant ce point pour origine des coordonnées primitives, nous aurons

d’après quoi les équations du meuvement apparent de ce point seront

c’est-à-dire que ce mouvement sera égal et contraire à celui de Ainsi, si décrit une droite d’un mouvement uniforme ou varié, lui semblera décrire d’un mouvement inverse une parallèle à cette droite. Si le point décrit un cercle, le point lui semblera décrire, en sens inverse, un cercle de même rayon ; de sorte que si décrit un cercle autour de semblera décrire un cercle autour de

C’est par l’effet de cette illusion que celui qui parcourt une route dans une voiture ou un canal dans un bateau voit les divers objets répandus dans la campagne s’enfuir derrière lui, avec une vitesse égale à celle qu’il a lui-même[2] ; et c’est encore par suite d’une semblable illusion que ceux qui ignorent le mouvement annuel de la terre autour du soleil, d’orient en occident, attribuent au soleil un mouvement annuel autour de la terre d’occident en orient.

Supposons présentement les deux points mus d’un mouvement rectiligne et uniforme ; nous pourrons prendre respectivement pour les équations de leur mouvement réel

en conséquence de quoi les équations de leurs trajectoires effectives seront respectivement

Les équations du mouvement apparent de seront ainsi

et par suite celle de sa trajectoire apparente

c’est-à-dire que le mouvement apparent de sera aussi uniforme et rectiligne. On voit de plus que ses vitesses apparentes parallèlement aux axes ne seront autre chose que les différences des vitesses réelles parallèles à ces mêmes axes, prises avec leurs signes.

Les vitesses absolues de et étant respectivement si l’on voulait exprimer que ces vitesses sont égales, il faudrait écrire

c’est-à-dire,

multipliant par cette dernière équation celle de la trajectoire apparente, elle deviendrait

Si l’on supposait que les trajectoires effectives des deux points sont des droites parallèles ; il faudrait écrire

de sorte qu’en représentant par la valeur commune de ces deux fractions, on aurait

d’où

les équations du mouvement apparent de seraient donc

ce qui donnerait pour celle de sa trajectoire apparente

Dans le même cas, les vitesses effectives deviennent respectivement

si donc l’on veut supposer qu’elles sont égales, il suffira d’écrire ou ce qui donnera, pour les équations du mouvement apparent de

c’est-à-dire, en d’autres termes, que le point le croira immobile.

Et, comme ce que nous venons de dire du point peut être appliqué à tant d’autres points qu’on voudra, il s’ensuit généralement que, si tant de points qu’on voudra décrivent dans l’espace des droites parallèles, avec une vitesse commune et que l’un d’eux se croie fixe, tous les autres lui sembleront immobiles.

Il en serait encore de même si la vitesse commune à tous ces points venait à changer, soit brusquement, soit d’une manière insensible, pourvu qu’elle demeurât toujours la même pour tous. Les mêmes choses auraient encore lieu si la direction commune des mouvemens venait à changer, soit brusquement, soit par degrés insensibles, pourvu que leur parallélisme se conservât constamment et que les distances entre les points du système demeurassent invariables.

En supposant toujours le mouvement de nos deux points rectilignes, si nous voulons le supposer uniformément varié, il faudra admettre que ce mouvement est donné ainsi qu’il suit :

ce qui donnera pour les équations des trajectoires effectives

et, pour les équations du mouvement apparent de

on trouvera, en conséquence, pour l’équation de la trajectoire apparente de

équation qui appartient évidemment à une parabole ; elle appartiendrait encore à cette courbe quand bien même ou serait nul, c’est-à-dire, quand bien même l’un des deux mouvemens effectifs serait uniforme. Ainsi, lorsqu’un corps pesant tombe verticalement du haut des airs sur une route ou, dans un canal rectiligne, il doit sembler décrire une parabole à celui qui, se croyant immobile, parcourt cette route ou ce canal d’un mouvement uniforme.

Pour ne nous arrêter qu’aux cas les plus simples des mouvemens curvilignes, supposons de suite que nos deux points parcourent deux circonférences concentriques, d’un mouvement uniforme. En représentant par le rayon des deux cercles, et prenant leur centre commun pour origine des coordonnées primitives, les équations de leur mouvement seront telles qu’il suit :

ce qui donnera pour les équations de leurs trajectoires effectives

les équations du mouvement apparent de seront

et l’équation de sa trajectoire apparente sera le résultat de l’élimination de entre ces deux-là.

Si nous désignons par la longueur du rayon visuel conduit de vers et par l’angle que fait ce rayon avec l’axe des nous aurons


Lorsqu’on n’aspire pas à une grande précision, on peut considérer les planètes comme animées d’un mouvement circulaire et uniforme dans un même plan autour du soleil. En supposant donc que soit la terre et une autre planète quelconque, ces formules feront connaître, pour chaque instant, la distance de l’observateur à cette planète et l’angle que forme le rayon visuel dirigé vers elle avec une droite fixe quelconque.

La distance est un maximum ou un minimum, suivant qu’on a

ou

c’est-à-dire,

ou

formules au moyen desquelles on pourra calculer les époques des oppositions et conjonctions.

Si l’on veut compter les temps à partir d’une conjonction, ce qui est permis, on devra avoir

au moyen de quoi la valeur générale de deviendra simplement

Si de plus on suppose que cette conjonction a lieu sur l’axe des ce qui est encore permis, puisque la direction de cet axe est arbitraire ; il faudra qu’à répondent aussi

c’est-à-dire qu’on devra avoir à la fois

les équations du mouvement absolu de et deviendront ainsi

les équations du mouvement apparent de seront donc

étant l’angle du rayon visuel avec l’axe des on aura

et on calculera les époques des oppositions et conjonctions par les formules

d’où l’on voit que, si l’on représente par l’intervalle de temps entre deux conjonctions ou oppositions consécutives, on aura

En égalant à zéro la différentielle de prise par rapport à on aura

d’où

formule qui servira à calculer les époques des plus grandes élongations pour les planètes inférieures et celles des rétrogradations pour les planètes supérieures.

Soient les durées respectives des révolutions sydérales, on devra avoir

d’où

alors les époques des oppositions et conjonctions pourront se calculer par les formules

de sorte que l’intervalle de temps entre deux conjonctions ou oppositions consécutives sera

enfin les époques des plus grandes élongations ou rétrogradations se calculeront par la formule

mais, d’après la troisième loi de Kepler,

employant donc cette formule pour éliminer l’un des deux rayons l’autre disparaîtra aussi, et il viendra

c’est-à-dire que les époques des plus grandes élongations et rétrogradations ne dépendent uniquement que des durées des révolutions sydérales.

Si, en admettant toujours on avait les équations du mouvement apparent de deviendraient

d’où

c’est-à-dire que ce mouvement serait circulaire et uniforme.

Donnons présentement au point un mouvement de rotation sur un axe perpendiculaire au plan des trajectoires ; mais, pour ne point nous engager dans des calculs trop compliqués, supposons que ces trajectoires soient toujours des cercles concentriques, décrits d’un mouvement uniforme autour de l’origine des coordonnées primitives, et supposons en outre que le mouvement de rotation de soit aussi uniforme. Les équations du mouvement effectif seront encore, comme ci-dessus :

il est aisé de voir (16, 17) qu’on pourra prendre pour les équations du mouvement apparent de

étant l’angle variable que fait l’axe des mobile avec avec l’axe des primitifs. C’est en éliminant entre ces deux équations qu’on obtiendrait celle de la trajectoire apparente de P. Bornons-nous à considérer quelques cas particuliers.

Supposons, en premier lieu, que les deux points sont fixes l’un et l’autre, sauf le mouvement de rotation de et que le point est à l’origine des coordonnées primitives ; nous aurons ainsi

au moyen de quoi les équations du mouvement apparent de se réduiront à

d’où

c’est-à-dire que le point fixe semblera avoir un mouvement circulaire et uniforme autour de en sens inverse du mouvement de rotation de celui-ci et avec une vitesse angulaire égale à la sienne. C’est précisément par suite d’une illusion semblable que ceux qui ignorent la rotation diurne de la terre d’occident en orient attribuent au soleil une révolution journalière autour d’elle d’orient en occident.

Supposons toujours le point fixe, à l’origine des coordonnées primitives, mais rendons au point son mouvement circulaire et uniforme autour de lui, en lui conservant d’ailleurs son mouvement de rotation ; nous aurons ainsi simplement, au moyen de quoi les équations du mouvement apparent de se réduiront à

d’où

Ainsi généralement ce mouvement apparent sera un mouvement circulaire et uniforme autour de en sens inverse de son mouvement de rotation, et avec une vitesse angulaire égale à la différence entre ses vitesses angulaires de révolution autour de et de rotation sur lui-même, prises avec leurs signes.

Si donc ces deux vitesses sont égales, les équations du mouvement deviendront

c’est-à-dire, en d’autres termes, que le point semblera tout-à-fait immobile. C’est précisément sous cet aspect que la terre doit s’offrir aux habitans de la lune.

Traitons encore un cas. Supposons que le point placé à l’origine, n’ait qu’un simple mouvement de rotation pendant que le point décrit une ligne droite passant aussi par cette origine ; en supposant les deux mouvemens uniformes, les équations du mouvement effectif de seront

ce qui donnera, pour l’équation de la droite parcourue,

Quant aux équations de son mouvement apparent, elles seront de la forme

d’où

Désignons par le rayon vecteur et par l’angle qu’il fait avee l’axe des nous aurons

et en outre

égalant ces valeurs de à celles que nous avons trouvées ci-dessus, et posant, pour abréger,

il viendra, en réduisant,

d’où

et par conséquent

En posant

cette équation deviendra

d’où

mais la valeur de donne

éliminant donc entre ces deux dernières équations, nous aurons, pour l’équation polaire de la trajectoire apparente,

équation de la spirale d’Archimède, comme on pouvait bien s’y attendre.

§. III.
Mouvement de deux points dans l’espace.

À raison de la complication des formules, nous ne nous étendrons pas beaucoup sur cette dernière partie de nos recherches.

Faisons d’abord abstraction du mouvement de rotation de Soient les équations du mouvement effectif de et ainsi qu’il suit :

nous savons que les équations du mouvement apparent de seront (15)

Si d’abord on suppose que le point est fixe, en prenant ce point pour origine des coordonnées primitives, on aura

de sorte que les équations du mouvement apparent de ce même point seront

c’est-à-dire que ce mouvement sera exactement égal et contraire au mouvement effectif de

Supposons, en second lieu, que les mouvemens effectifs soient tous deux rectilignes et uniformes, et donnés ainsi qu’il suit :

de sorte que les droites décrites aient respectivement pour équations

les équations du mouvement apparent de seront

de sorte que les équations de sa trajectoire apparente seront

c’est-à-dire que le mouvement apparent de sera aussi rectiligne et uniforme. On voit de plus que ses vitesses apparentes parallèlement aux axes seront respectivement les différences des vitesses effectives parallèles à ces mêmes axes prises avec leurs signes.

Supposons présentement que le point fixé à l’origine, n’ait qu’un simple mouvement de rotation uniforme autour de l’axe des tandis que le point parcourt uniformément une parallèle à cet axe. Les équations du mouvement effectif de ce dernier point seront

tandis qu’on pourra prendre (12, 13, 14) pour celles de son mouvement apparent

En prenant la somme des quarrés des deux premières, et faisant pour abréger

il viendra

ce qui nous apprend que la projection sur le plan des de la trajectoire apparente de est un cercle ayant son centre à l’origine.

En posant, en outre,

nous aurons

mais la dernière équation donne

en substituant donc, il viendra

ou encore

deuxième équation de la trajectoire apparente de Il est aisé de se convaincre que l’ensemble de ces deux équations appartient à une hélice.

Pour dernière application, nous supposerons les deux points invariablement fixés à une surface de révolution tournant uniformément sur son axe que nous prendrons pour l’axe des en faisant passer le plan des par le cercle que décrit le point Soit le rayon de ce cercle ; soit le rayon du cercle décrit par le point et soit la distance de son centre à l’origine. Les équations du mouvement de translation de nos deux points seront de la forme

On doit remarquer présentement que étant supposé invariablement lié à la surface de révolution, ce point doit avoir par là même un mouvement de rotation sur son axe dont la vitesse angulaire sera égale à celle de translation. En conséquence, on trouvera (12, 13, 14) pour les équations de mouvement apparent de P,

Ces équations reviennent aux suivantes :

ou encore à celle-ci :

qui nous montre que le point semblera immobile au point C’est le cas où nous nous trouvons sur la surface de la terre ; et il n’est pas surprenant que nous ne nous apercevions pas du mouvement qu’entraîne, dans les divers objets qui frappent nos regards, sa rotation sur son axe.

Quoique nous ayons supposé le mouvement de rotation uniforme, il est aisé de voir que les choses en iraient encore de même s’il ne l’était pas ; on pourrait, en effet, partager le temps en une suite d’intervalles assez courts pour que durant chacun le mouvement pût être considéré comme uniforme ; le point à chaque instant, semblerait donc immobile ; d’où il suit qu’il paraîtrait constamment fixe, Nous avons supposé que l’axe de rotation était fixe ; mais, s’il était transporté d’une manière quelconque dans l’espace, il en irait encore de même, puisqu’à chaque instant les points décriraient dans l’espace des droites parallèles avec des vitesses égales, et que, comme nous l’avons vu au commencement de cet essai, un tel mouvement ne saurait produire aucun mouvement apparent dans par rapport à

Cela posé, soit un système de points en nombre quelconque, invariablement liés entre eux ; et supposons que ce système soit emporté dans l’espace d’un mouvement quelconque. Nous pourrons, à chaque instant, supposer que ce système tourne sur une axe variable, soit par rapport au système, soit par rapport aux points fixes de l’espace ; d’où il suit qu’à chaque instant aussi l’un quelconque des points de ce système se trouvera, par rapport à tous les autres, dans les mêmes circonstances où se trouvait tout-à-l’heure le point par rapport au point c’est-à-dire que ce point jugera tous les autres immobiles. Ainsi, il est absolument impossible de s’apercevoir du mouvement des divers points d’un système de forme invariable dont on fait soi-même partie[3].

  1. Au lieu de supposer que le point se croit fixe, on pourrait supposer qu’il croit se mouvoir d’une manière déterminée et différente de celle dont il se meut réellement, et demander, dans cette nouvelle hypothèse, quel mouvement il attribuera au point Le problème que se propose ici M. Lenthéric deviendrait ainsi un cas particulier de celui-là.

    On pourrait aussi renverser le problème ; c’est-à-dire, supposer que c’est le mouvement apparent de et l’un des deux mouvemens absolus qui sont donnés ; ce serait alors, l’autre mouvement absolu qu’il s’agirait de déterminer.

    J. D. G.

  2. On pourrait objecter que les objets paraissent, aux jeux des voyageurs, se mouvoir d’autant plus lentement qu’ils sont plus distans de la route qu’ils parcourent ; mais c’est une pure illusion optique qui tient à l’éloignement. Il est évident, en effet, que si plusieurs points, répandus sur le terrain, marchent tous parallèlement avec la même vitesse effective, ils sembleront marcher d’autant plus lentement qu’ils seront plus distans du spectateur supposé immobile.
    J. D. G.
  3. Au lieu de supposer, dans tout ce qu’on vient de lire, que le point se croit immobile, on aurait pu supposer, plus généralement, qu’il se croit animé d’un mouvement d’une espèce déterminée, différent de celui qu’il a réellement ; et demander, en conséquence, quel mouvement il attribuera au point Il est clair que les divers problèmes qui viennent d’être résolus ne sont que des cas particuliers de celui-là.

    Dans ce cas, et dans celui où le point se croit immobile, au lieu de supposer connus les mouvemens effectifs des points , on pourrait supposer que l’un d’eux seulement est donné, et demander quel devrait être l’autre, pour que le mouvement apparent du point, fût un mouvement d’une espèce déterminée.

    J. D. G.