Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 09/Dynamique, article 1

QUESTIONS RÉSOLUES.

Solution du problème de dynamique proposé à la
page 72 du VIII.e volume de ce recueil ;

Par M. Tédénat, correspondant de l’académie royale
des sciences[1].
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PROBLÈME. Donner la théorie des petites oscillations d’un corps pesant terminé dans sa partie inférieure par une surface courbe, et posé sur un plan horizontal ?

Solution. La théorie demandée est implicitement exposée dans la Mécanique analitique (II.e partie, section VI), et il ne peut être question ici que d’en faire l’application au cas particulier que présente la question proposée.

Soit un corps quelconque, terminé par une surface courbe, un segment de sphère ou d’ellipsoïde, par exemple, posé sur un plan horizontal (fig. 10), et le touchant en Soit le centre de gravité de ce corps ; pour qu’il soit en équilibre, il sera nécessaire et suffisant que la droite soit perpendiculaire au plan et conséquemment verticale ; et, si l’équilibre est stable, le centre de gravité sera, comme l’on sait, le plus bas possible, ou, en d’autres termes, sa distance au plan sera un minimum.

Si l’on change la position du corps sur le plan, de telle sorte que la perpendiculaire élevée à ce plan, par son nouveau point de contact ne contienne plus son centre de gravité ; il cessera dès-lors d’être en équilibre, et pourra prendre, en général, les mouvemens que voici : 1.o il pourra avoir un mouvement de rotation autour de la verticale menée par le point de contact variable 2.o il pourra glisser sur le plan, par un mouvement de translation, commun à toutes ses parties, vers ou 3.o enfin, si le corps est libre, son centre de gravité descendra suivant une verticale. Il s’agit donc de déterminer ces trois sortes de mouvemens.

Lorsqu’un système quelconque de corps en mouvement s’écarte très-peu de la position d’équilibre, les équations différentielles qui expriment le rapport des forces accélératrices sont toujours intégrables ; et l’on peut alors déterminer rigoureusement les oscillations et les autres sortes de mouvemens. C’est pour cette raison que nous supposerons, dans tout ce qui va suivre, que le corps s’écarte très-peu de la position d’équilibre.

Pour fixer l’attention, par une figure très-simple, nous supposerons une demi-sphère dont les trois axes, passant par le centre soient . Les coordonnées d’une molécule quelconque, rapportée à ces trois axes seront Nous aurons donc à déterminer les oscillations de cette demi-sphère par rapport aux trois axes

La méthode qui détermine les oscillations pour chaque axe en particulier étant toujours la même, quel que soit l’axe que l’on considère, nous ne nous occuperons que de l’un d’eux seulement, ou plutôt, pour plus de simplicité, nous ne prendrons qu’un demi-cercle, dont l’axe vertical passe par le centre et par le centre de gravité ce sera celui des l’axe horizontal sera celui des

Il importe ici de distinguer deux systèmes d’axes ; l’un immobile sur le plan l’autre mobile avec le corps, et prenant la position lorsque le point de contact primitif passe de en Toutes les quantités qui varieront par le mouvement du corps se rapporteront aux axes fixes : celles qui dépendront de la figure de ce corps se rapporteront aux axes mobiles. Dans la position d’équilibre, les deux systèmes se confondront.

Nous avons dit plus haut que le mouvement d’oscillation se faisait autour du point de contact mais il est visible que l’angle formé par la rencontre des rayons de courbure étant égal à rien n’empêche que nous ne considérions le corps, dans ses petits mouvemens, comme oscillant autour du point

Cela posé, soit une molécule quelconque située en dans la position d’équilibre ; soit menée la perpendiculaire sur et soit l’angle représenté par Dans la nouvelle position du corps cette molécule passera de en duquel nous supposons une nouvelle perpendiculaire sur Soit l’angle décrit par la molécule autour du point angle qui est évidemment le même que on aura l’angle si donc l’on fait on aura, pour les coordonnées

Les formules générales du mouvement donnent, pour la molécule

En développant suivant les puissances de en s’arrêtant aux termes du second ordre, on a

d’où

et par suite

En conséquence, l’équation générale deviendra, en divisant par

Pour qu’elle convienne à toutes les molécules du corps, il faut affecter tous ses termes du signe d’intégration, et intégrer en regardant et comme variables ; c’est-à-dire, en prenant l’intégrale par rapport aux axes mobiles qui oscillent avec le corps dont il s’agit. On écrira donc

Nous pouvons remarquer actuellement que, puisque on doit avoir

or est l’expression de la somme des momens ou du moment de la résultante des forces parallèles à l’axe des pris par rapport à un plan passant par le centre de gravité ; ce moment est donc nul, au moyen de quoi l’équation ci-dessus se réduit à

or, puisque on doit avoir

mais est le moment de la résultante des forces parallèles à l’axe des il doit donc être égal à si donc nous représentons par le rayon de courbure et par la distance du centre de gravité au plan nous aurons

en posant donc

et

l’équation, exprimant le mouvement de rotation, deviendra

(1)

Dans cette équation, la quantité qui est le moment d’inertie, sera toujours positive ; mais la quantité sera positive, négative ou nulle, suivant qu’on aura ou Si, comme nous l’avons d’abord supposé, le corps oscillant est un segment de sphère homogène, c’est évidemment le premier cas qui aura lieu ; alors l’intégrale de l’équation (1) sera

étant deux constantes arbitraires.

Si eût été négatif, l’intégration aurait présenté hors du signe sinus ; d’où l’on voit que, dans ce cas, doit croître indéfiniment avec le temps. Les oscillations ne sauraient donc alors être très-petites, comme on le suppose dans l’énoncé du problème.

On voit, par ce détail, que, lorsque le centre de courbure du point de contact est au-dessus du centre de gravité, les oscillations ont lieu ; mais si, au contraire, il était au-dessous, le corps, une fois écarté de sa position d’équilibre, culbuterait tout-à-fait.

On trouve un exemple des deux cas dans une ellipse qui, ayant son plan vertical, se trouve appuyé sur une droite horizontale ; elle ne peut être en équilibre qu’autant qu’elle pose sur l’un de ses sommets ; mais, en l’écartant un peu de l’équilibre, elle tendra à reprendre sa situation primitive ou à s’en écarter, au contraire, de plus en plus, suivant que ce sommet appartiendra à l’extrémité du petit axe ou à l’extrémité du grand.

Pour savoir donc si un corps, d’abord mis en équilibre sur un plan, puis, déplacé d’une petite quantité, doit revenir dans sa première situation ou s’en écarter de plus en plus, il suffit d’examiner si le centre de courbure du point de contact est plus ou moins élevé que le centre de gravité[2].

L’équation (1), multipliée par donne, en intégrant,

d’où on déduit

équation séparée qui, intégrée de nouveau, fera connaître la durée de chaque oscillation.

On a déjà dit que le centre de gravité descendait dans une droite verticale ; et il est visible que la force avec laquelle il s’approche du plan n’est pas la pesanteur toute entière, puisqu’une partie de cette pesanteur est détruite par la résistance du point de contact. Le centre de gravité ne s’approche du plan horizontal qu’en vertu du mouvement de rotation. Or, la pesanteur en un point quelconque décomposée donne, pour le mouvement de rotation qui, décomposée de nouveau, suivant le sens vertical et suivant le sens horizontal, donne, pour ses deux composantes,

Puisque le centre de gravité n’a point de mouvement horizontal effectif, on aura pour la force accélératrice, dans le sens vertical,

multipliant par

intégrant et déterminant convenablement la constante, on aura

ce qui donnera, pour la vitesse verticale,

Quant à la force accélératrice, comme le corps n’a pas de mouvement effectif dans ce sens, c’est une preuve que le centre de gravité avance autant dans un sens, par le mouvement progressif, qu’il recule dans l’autre par le mouvement de rotation ; et, comme le premier de ces mouvemens est le même pour toutes les molécules du corps, il s’ensuit que, pour chaque molécule, on a, pour la force accélératrice horizontale ;

multipliant par et intégrant, on a

Il est d’ailleurs évident que le mouvement progressif s’exécutera dans un sens opposé à celui du mouvement de rotation.

D’après le principe de la conservation des forces vives, on doit avoir, pour un point quelconque

ce qui est conforme aux valeurs trouvées pour

Dans tout ce qui précède, on a supposé le plan parfaitement poli et exempt de frottement ; on pourra donc déterminer toutes les circonstances du mouvement d’un corps pesant qui fait de petites oscillations sur un plan horizontal où on le suppose situé.

La même théorie pourrait servir a déterminer le mouvement d’un pareil corps qui aurait reçu une impulsion quelconque ; mais on tomberait dans des calculs très-compliqués et les équations dernières ne seraient pas intégrables. On ne pourrait donc déterminer le mouvement que par approximation.

  1. La solution publiée à la page 298 du VIII.e volume n’avait pas encore paru lorsque celle-ci nous est parvenue.
    J. D. G.
  2. C’est aussi la conclusion à laquelle on est parvenu dans l’article de la page 349 du VIIIe volume de ce recueil.
    J. D. G.