Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 09/Analise transcendante, article 1

ANALISE TRANSCENDANTE.

Recherche des formules propres à intégrer, par
approximation, entre deux limites données quelconques,
toute fonction différentielle d’une seule variable ;

Par M. le professeur Kramp, correspondant de l’académie
royale des sciences, doyen de la faculté des sciences de
Strasbourg, Chevalier de l’Ordre royal de la Légion d’honneur.
(Troisième Mémoire.)
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Dans un mémoire inséré à la page 372 du VI.e volume du présent recueil, j’ai donné douze différentes formules au moyen desquelles on peut intégrer, avec une approximation plus ou moins parfaite, entre deux limites données quelconques, toute fonction différentielle d’une seule variable. Je me propose de reprendre ici le calcul de ces formules, pour le présenter sous une forme qui me semble préférable ; et pour les soumettre ainsi à une vérification qui leur imprime une sanction nouvelle, si elles sont exactes, et qui, dans le cas contraire, en fasse disparaître soit les fautes d’impression qui auraient pu s’y glisser, soit même les erreurs de calcul que l’on a soupçonné s’être introduites dans quelques-unes d’entre elles. Si j’avais besoin, au surplus, de me justifier, de revenir de nouveau sur un sujet qui, aux yeux de quelques lecteurs, pourrait paraître déjà épuisé ; je trouverais mon excuse dans l’importance des formules dont il s’agit ; importance qui me paraît suffisamment établie par les applications qui déjà en ont été faites.

2. Soit une fonction différentielle explicite de dans laquelle on suppose donnée en par une équation de la forme

désignant une fonction d’une forme connue et déterminée quelconque ; et proposons-nous d’obtenir une valeur approximative de l’intégrale entre deux limites données quelconques.

3. Considérons comme l’ordonnée d’une courbe dont est l’abscisse, et dont la nature est conséquemment déterminée par l’équation ci-dessus ; la question proposée se réduira évidemment à quarrer l’espace mixtiligne compris entre la courbe, l’axe des et les ordonnées qui répondent aux deux abscisses données pour limites de l’intégrale.

4. On peut toujours faire coïncider l’axe des avee la première de ces deux ordonnées, et prendre, en outre, pour unité, la portion de l’axe des qui la sépare de l’autre. On réduit ainsi le problème à déterminer l’intégrale entre les limites zéro et un.

5. Soit divisée la portion de l’axe des comprise entre les ordonnées extrêmes en un nombre arbitraire de parties égales, lequel devra être d’autant plus grand qu’on aspirera à une plus grande précision dans les résultats. Soit posé

seront ainsi les ordonnées des points de division de l’axe des et pourront être déterminés au moyen de l’équation de la courbe. Si nous imaginons une courbe parabolique passant par les extrémités supérieures de ces ordonnées, cette courbe différera d’autant moins de la courbe dont il s’agit que le nombre des divisions de l’axe des de zéro à un, aura été pris plus grand ; d’où il suit que, dans la recherche approximative de il pourra être permis de substituer cette courbe à la courbe proposée. Alors l’intégrale cherchée ne dépendra uniquement que des quantités et du nombre choisi pour nombre des divisions de la portion de l’axe des prise pour unité.

6. On voit par là que, pour résoudre le problème, il n’est pas même nécessaire de connaitre la relation générale qui lie à et qu’il suffit seulement de connaître les valeurs de la première de ces variables qui répondent à des valeurs de la seconde croissant en progression arithmétique ; et ce n’est point là un des moindres avantages de nos formules, qui peuvent ainsi être appliquées à des recherches d’expérience et d’observation où très-souvent la nature de la dépendance générale entre les deux variables est tout-à-fait inconnue.

7. Soient posés

étant, comme à l’ordinaire, le symbole de Si, pour un moment, nous prenons pour unité l’intervalle constant entre deux ordonnées consécutives, nous aurons, comme l’on sait, pour l’équation de la courbe parabolique,

de sorte qu’il s’agira d’intégrer

depuis jusqu’à

8. Procédant donc à l’intégration, et observant que l’intégrale doit s’évanouir en même temps que , il viendra

résultat dans lequel il faudra supposer ensuite

9. Mais il est clair qu’en rendant fois plus grand l’intervalle entre les ordonnées consécutives, on a aussi, rendu fois plus grande l’aire de la courbe à quarrer, c’est-à-dire, l’intégrale demandée ; d’où il suit que la véritable valeur de cette intégrale n’est gue la n.me partie de celle que nous venons de lui assigner ; c’est-à-dire qu’elle est égale à cette intégrale divisée par , et prise ensuite jusqu’à En posant donc, pour abréger,

valeurs dans lesquelles il faudra supposer on aura

10. Si, dans cette dernière formule, on remet pour leurs valeurs (7) en en se rappelant que on pourra l’écrire sous cette forme

11. Il est clair d’ailleurs que les ordonnées également distantes des extrêmes, telles que et et doivent, dans cette formule être affectées du même coefficient, puisqu’en renversant l’aire mixtiligne à quarrer, de telle sorte que sa première ordonnée devienne la dernière, et vice versâ, sa surface doit toujours demeurer la même. On pourra donc réduire le calcul des coefficiens à la moitié de leur nombre, si ce nombre est pair, et à la moitié plus un, s’il est impair ; et alors il conviendra de les calculer dans un ordre rétrograde, attendu que les derniers se présentent sous la forme la plus simple. À la vérité, en procédant ainsi, on se privera du moyen de vérification qui résulterait de l’égalité des coefficiens également distans des extrêmes ; mais on en trouvera un autre dans l’égalité de la somme de tous les coefficiens à l’unité. Il est évident, en effet, que, si l’on supposait à la fois l’aire à quarrer devrait, d’une part, être la simple somme de ces coefficiens, et que, d’une autre, elle devrait être égale à l’unité.

12. Le plan général ainsi tracé, il s’agit d’en venir à l’exécution, pour toutes les valeurs de depuis un jusqu’à douze inclusivement. Cherchons d’abord les valeurs de Il nous faut, pour cela, continuer le tableau commencé ci-dessus (9). Dans ce tableau, la loi des signes, exposans et dénominateurs, est manifeste. Quant à celle des numérateurs numériques, en remontant (7) à l’origine de ces nombres, on voit qu’en général l’un quelconque est égal à celui qui est immédiatement au-dessus ; plus, le produit de celui qui est immédiatement à gauche de ce dernier par l’exposant de dans le premier terme de la ligne que l’on calcule. Ainsi, par exemple, dans la valeur de on a et ainsi des autres.

13. Rien ne sera donc plus facile que de pousser ce tableau aussi loin qu’on voudra. En le poussant jusqu’à la lettrelettre et faisant d’abord abstraction des puissances de et des dénominateurs, on aura

On s’assurera de l’exactitude de ces résultats, en observant que, dans chaque groupe, la somme des nombres positifs et celle des nombres négatifs doivent être égales entre elles, et moitié du dernier nombre du groupe qui le suit immédiatement ; comme il est aisé de se convaincre que cela doit être en effet.

14. Si présentement on rétablit les puissances de et les dénominateurs, en simplifiant autant qu’il se pourra, il viendra

15. En chassant les dénominateurs, ces formules deviennent

16. Il s’agit présentement de procéder aux substitutions. On a d’abord, quel que soit

Les valeurs de sont

Les valeurs de sont

Les valeurs de sont

Les valeurs de sont

Les valeurs de sont

Les valeurs de sont

Les valeurs de sont

Les valeurs de sont

Les valeurs de sont

Les valeurs de sont

Enfin, la valeur de est

Pour

17. Nous avons donc présentement tous les élémens nécessaires pour calculer nos diverses formules ; et nous procéderons à leur calcul ainsi qu’il suit.

Pour le diviseur un nous avons la formule

puis donc qu’on a, pour tous les cas, nous aurons

(I)

Pour le diviseur deux, nous avons la formule

mais, pour le même diviseur, nous avons trouvé

en substituant donc, la formule sera

(II)

Pour le diviseur trois, nous avons la formule

mais, pour le même diviseur, nous avons trouvé

en substituant donc, la formule sera

(III)

Pour le diviseur quatre, nous avons la formule

mais, pour le même diviseur, nous avons trouvé

en substituant donc, la formule sera

(IV)

Pour le diviseur cinq, on a la formule

mais, pour le même diviseur, nous avons trouvé

en substituant donc, la formule sera

(V)

Pour le diviseur six, on a la formule

mais pour le même diviseur nous avons trouvé

en substituant donc, la formule sera

(VI)

Pour le diviseur sept, nous avons la formule

mais pour le même diviseur, nous avons trouvé

en substituant donc, la formule sera

[1](VII)

Pour le diviseur huit, nous aurons la formule

mais, pour le même diviseur, nous avons trouvé

en substituant donc, la formule sera

[2](VIII)

Pour le diviseur neuf, nous avons la formule

mais, pour le même diviseur, nous avons trouvé

en substituant donc, la formule sera

(IX)

Pour le diviseur dix, nous avons la formule

mais, pour le même diviseur, nous avons trouvé

en substituant donc, la formule sera

Pour le diviseur onze, nous avons la formule

mais, pour le même diviseur, nous avons trouvé


en substituant donc, la formule sera

(XI)

Pour le diviseur douze, nous avons la formule

mais, pour le même diviseur, nous avons trouvé


en substituant donc, la formule sera

[3](XII)

Toutes ces formules se vérifient, au surplus, en ce qu’elles donnent l’aire cherchée égale à l’unité, lorsqu’on suppose toutes les ordonnées égales elles-mêmes à l’unité.

Dans un prochain article, nous appliquerons ces résultats à l’intégration approchée des équations différentielles à deux variables.


  1. On voit par là que, dans la formule correspondante de la page 376 du tome VI.e de ce recueil, il s’est glissé deux légères fautes. Les minutes que j’ai entre les mains prouvent, au surplus, que ces fautes ne sont que d’impression, ou tout au plus de copie.
  2. On voit qu’ici encore, il s’est glissé une faute d’impression ou de copie dans le coefficient du premier membre de la formule correspondante de la page 376 du volume déjà cité.
  3. Cette formule est exactement celle de M. Bérard (tom. VII, pag. 110), et diffère totalement de celle que j’avais d’abord publiée (tom. VI, pag. 377). L’erreur était donc ici entièrement de mon côté, et je me fais autant un plaisir qu’un devoir de le reconnaître. Elle a dû prendre sa source d’une part dans la complication de mes premiers procédés, et de l’autre dans l’impuissance où j’étais de soumettre mes calculs à la vérification d’autrui.