Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 07/Mathématiques appliquées, article 3

MÉCANIQUE APPLIQUÉE.

Mémoire descriptif de plusieurs machines, à l’usage
de la marine, construites à Rochefort, d’après
les projets de M. HUBERT, officier du génie
maritime ;

Par M. Ch. Dupin, correspondant de l’institut, capitaine
du génie maritime, etc.

Rapport sur ce mémoire, fait à la classe des sciences
physiques et mathématiques de l’institut ;

Par M. de Prony.
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La classe a chargé M. Sané, M. Molard et moi, de l’examen d’un mémoire de M. Dupin, son correspondant, contenant la description de plusieurs machines exécutées à Rochefort, d’après les projets de M. Hubert, officier du génie maritime. Celles de ces machines sur lesquelles l’auteur du mémoire désire principalement fixer l’attention de la classe sont au nombre de sept, dont nous allons donner les descriptions sommaires.

§. I.
Dynamomètre pour éprouver la force des cordages et des toiles à voiles.

Les cordages et les toiles employés dans le gréement et la voilure des vaisseaux, doivent avoir une force considérable, pour résister aux actions combinées de la mer et des vents ; et cependant il est important de mettre dans leur construction toute l’économie qui peut être compatible avec la solidité, et par conséquent de connaître les efforts que les différentes matières dont ils sont formés et leurs différens modes de construction les rendent capables de supporter. C’est dans cette vue que le Ministre de la marine, après l’examen des différens dynamomètres employés dans les arsenaux, et sur le rapport de notre confrère M. Sané, inspecteur-général de la marine, a adopté, de préférence à tous autres, le mécanisme présenté par M. Hubert.

Le cordage en expérience, mis dans une position verticale, est accroché par son point supérieur à la petite branche d’une romaine horizontale. À mesure que ce cordage est tendu, par les moyens dont nous allons parler, le poids curseur de la romaine est éloigné du point de suspension par un mouvement de va et vient, fort simple, qu’un homme met en jeu en tournant l’arbre d’un petit treuil, de manière que la grande branche de la romaine demeure toujours horizontale. On a ainsi les efforts supportés par le cordage en expérience, non seulement lorsqu’il se casse, mais dans tous les instans qui précèdent celui de la rupture.

Ce cordage est attaché, à son extrémité inférieure, à un autre cordage d’une plus grande force que la sienne, lequel, après avoir passé sur une poulie fixe, va s’enrouler sur une hélice conique dont l’axe est horizontal, et dont la base est dentée sur toute sa circonférence. Cette denture est menée par une vis sans fin, placée à l’extrémité d’un axe horizontal dont l’autre extrémité porte une roue verticale ayant sa circonférence garnie de barres perpendiculaires à son plan, et auxquelles s’adaptent les mains des hommes employés à éprouver le cordage.

Les principaux motifs qui ont déterminé le Ministre à adopter cette machine, de préférence à celle qu’on employait anciennement, sont sa précision, sa simplicité, et le peu d’effort qu’elle exige sur les barres de la manivelle, relativement au degré de tension du cordage en expérience.

§. II.
Machines pour compter le nombre de tours que fait un axe se
mouvant dans des colliers fixes.

Les produits des machines hydrauliques mises en mouvement par des axes tournans sont, en général, proportionnels au nombre de tours de ces axes, nombre qu’il est par conséquent essentiel de connaître, pour évaluer tant les effets des machines que les salaires des travailleurs employés à les faire mouvoir. On a depuis long-temps imaginé, pour remplir ces conditions, des systèmes de roues dentées et de pignons portant des aiguilles qui indiquent les unités, dizaines, centaines, etc. L’un de nous a employé cette espèce de système, dans les travaux de fondation du pont Louis XVI.

M. Hubert a simplifié fort heureusement l’ancien mécanisme. Deux roues minces de même diamètre et juxta-posées portent l’une 100 et l’autre 99 dents. La roue de 99 tourne sur un axe fixe, par le moyen d’un canon qui, traversant la roue de 100, la dépasse suffisamment pour porter une aiguille destinée à parcourir les divisions marquées sur la place apparente de cette roue de 100, derrière laquelle est couchée celle de 99. La roue de 100 porte un index, qui court sur les graduations d’un limbe fixe, divisé en 10 parties seulement ; la denture suppléant aux divisions de 100mes ; et une vis de l’axe vertical de la machine en expérience, engraine à la fois les deux dentures. Au moyen de ces dispositions, lorsque la roue de 100 a fait un tour entier, qui correspond à 100 tours de la machine, la roue de 99 a fait un tour, plus de tour. L’aiguille qu’elle porte a donc marché de de circonférence sur la face antérieure de la roue de 100, et chaque marche pareille est le résultat de 100 tours de la machine ; ainsi lorsque, par les mouvemens relatifs des deux roues, celle de 99, qui indique les centaines, aura fait une révolution entière sur celle de 100, cette dernière, qui en indique les dizaines et les unités, aura fait 99 tours, correspondant à 9900 tours de la machine. Cette machine étant supposée à manège, et les chevaux parcourant environ 24 mètres par tour, les 9900 tours donnent un espace parcouru total de 287600 mètres.

§. III
Machine pour forer les parcs à boulets.

On appelle parcs à boulets des madriers en bois, fixés sur le pont ou contre la muraille d’un vaisseau, dans chacun desquels est pratiquée une file de trous hémisphériques, destinés à contenir les boulets, qui doivent s’emboiter très-exactement dans ces trous, de manière à ne prendre aucun mouvement, dans les plus violentes oscillations du vaisseau.

La principale particularité de la machine construite par M. Hubert, pour creuser ces trous hémisphériques, consiste dans la forme de la tarrière. Il avait d’abord donné à cet outil la forme d’un demi-grand cercle de la demi-sphère, dont les moitiés, formant le quart du cercle total, étaient aiguisées en sens contraires, de manière à tailler en même temps, lorsqu’on tournait la tarière dans le sens convenable ; mais, pour diminuer considérablement le travail du creusement, il a construit une tarrière ayant la forme d’un demi-cylindre, dont le diamètre est égal au rayon de l’hémisphère à creuser, et dont le tranchant est aiguisé de manière à engendrer cet hémisphère, lorsque le demi-cylindre tourne autour d’une de ses arêtes. L’avantage principal de cette derrière disposition consiste en ce que les différentes parties de l’arête qui taille forment des angles différens avec la direction du fil du bois, au lieu que, dans la première disposition, les directions des mouvemens de tous les points de l’arête du tranchant, c’est-à-dire, les perpendiculaires au plan qui renferme cette arête, sont toujours parallèles entre elles, et font par conséquent, à un instant déterminé quelconque, les mêmes angles avec le fil du bois.

M. Dupin assure, dans son mémoire, que la tarrière perfectionnée économise la moitié de la force motrice.

§. IV.
Machine à percer dans le bois des trous cylindriques.

Le percement des trous cylindriques qui, au premier aperçu, semble plus aisé que celui des trous hémisphériques, est cependant réellement plus difficile, ou au moins plus embarrassant. La tarrière employée pour la première espèce de trous, occupant une grande partie de l’espace dans lequel elle agit, les copeaux qu’elle forme s’accumulent dans la partie cylindrique déjà creusée, augmentent de plus en plus le frottement de l’outil et finiraient par rendre la rotation extrêmement pénible, si on ne retirait de temps en temps et cet outil et les copeaux qu’il vient d’enlever.

La machine à forer de M. Hubert a pour objet principal de faciliter cette manœuvre, sans arrêter la rotation de la machine. La tarrière est fixée à l’extrémité d’un cylindre de fer mis dans une situation horizontale, et tournant dans des colliers de cuivre. À ca cylindre est adaptée une poulie sur laquelle s’enroule une corde sans fin, au moyen de laquelle on produit le mouvement de rotation.

Tout cet équipage est sur un bâtis de charpente mobile, porté par deux roulettes à axes fixes, sur lesquelles il peut se mouvoir parallèlement à l’axe de la tarrière. La pièce inférieure de ce bâtis, celle qui porte immédiatement sur les roulettes, a son point d’arrière attaché au bas d’un aviron, ou d’une perche verticale, fixée par son point supérieur, laquelle, lorsque le système mobile qui porte la tarrière est poussé en avant, fait la fonction d’un ressort qui tend à le ramener en arrière : une corde attachée à un point fixe, près de la roulette inférieure, traverse la pièce posée sur cette roulette et qui sert de base au système mobile, vient ensuite passer sur une poulie placée vis-à-vis de son extrémité fixe, et enfin a son autre extrémité attachée à la ceinture d’un homme employé à la manœuvre de la machine. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l’homme dont nous venons de parler se porte en arrière, il tend la corde, fait avancer l’outil sur la pièce qu’on veut percer, et fléchit la perche élastique ; et que, lorsqu’il se porte en avant, l’élasticité de la perche, dont l’effet n’est plus contrarié par la tension de la corde, fait reculer tout l’équipage qui porte la tarrière, laquelle sort de son trou, d’où tous les copeaux qui existent se trouvent expulsés.

Tous ces mouvemens sont absolument indépendans de l’agent employé à faire tourner la tarrière, dont le mouvement de rotation s’opère sans discontinuité, et toujours dans le même sens.

§. V.
Machine à creuser les trous pour incruster les dez des rouets
des poulies.

Les poulies s’useraient très-promptement si les essieux qui les traversent frottaient immédiatement contre le bois dont les rouets sont composés ; et, pour prévenir cet inconvénient, on est dans l’usage de garnir d’un dez métallique chaque côté de l’œil ou trou cylindrique qui traverse ces rouets.

Les dez dont nous parlons sont des plaques de cuivre, percées dans leur milieu d’un trou circulaire pour le passage de l’essieu, mais dont le périmètre extérieur ne doit pas être un cercle concentrique à ce trou, afin d’éviter qu’avec l’usage le rouet ne tourne indépendamment du dez. Il faut de plus que ce dez soit encastré dans le rouet avec une telle précision qu’on n’ait jamais à craindre le moindre jeu entre l’un et l’autre.

On remplissait ordinairement ces conditions, soit en garnissant le contour extérieur du dez de tenons saillans sur son périmètre, soit en faisant ce périmètre triangulaire ou quarré, et arrondissant les angles ; mais le travail était long, et la précision du travail difficile à obtenir.

M. Hubert obtient la facilité du travail et la précision de la forme, en donnant à son dez la figure d’un grand cercle sur la circonférence duquel s’élèvent trois lunules ou portions de petits cercles, ayant leurs centres aux sommets d’un triangle équilatéral inscrit au grand cercle. Il peut ainsi employer, pour creuser les trous d’encastrement dans le rouet, la machine à forer les trous cylindriques, dont nous avons parlé à l’article précédent, en sa servant de tarrières dont les mèches aient la forme convenable.

§. VI.
Machine à mortaiser les caisses des poulies.

Une des parties difficiles du travail de la fabrication d’une poulie est le creusement de la mortaise à pratiquer dans la caisse ou chappe destinée à contenir le rouet. La machine que M. Hubert a fait construire, pour exécuter ce travail, est une de celles qui, pour être bien conçues, exigent particulièrement qu’on ait les dessins ou un modèle sous les yeux. Nous dirons, en peu de mots, que les ciseaux, d’une forme particulière et nouvelle, destinés à creuser ces mortaises, sont mis dans une situation verticale, suspendus à un levier horizontal, et maintenus de manière à se mouvoir verticalement. Le point d’attache de ces ciseaux est placé entre l’axe de rotation du levier et son autre extrémité, à laquelle se trouve suspendue une tige de fer verticale, terminée à sa partie inférieure par deux crémaillères parallèles réunies à leurs extrémités par des portions. de cercles dentées ; cette pièce d’engrenage est menée par un pignon fixe qui produit un mouvement vertical de va et vient. Le moyen d’assurer l’alternation et la fixité de cet engrenage nous a paru nouveau.

Le ciseau ayant ainsi un mouvement périodique de montée et de descente, il ne s’agit plus que de lui présenter les parties successives du bois qu’il doit enlever pour former la mortaise, et c’est encore le levier qui produit cet effet, par le moyen d’une tige de fer, au bas de laquelle se trouve un encliquetage à rochet qui fait tourner une vis, dont la rotation détermine le mouvement progressif d’une espèce de charriot auquel la pièce de bois à mortaiser est attachée. Ainsi, lorsque cette pièce de bois a été préalablement équarrie, percée d’un trou dont le diamètre est égal à la largeur de la mortaise et mise solidement en place sur son charriot, il ne reste, pour achever le travail, qu’à tourner la roue du va et vient.

§. VII.
Moulin à draguer.

Les eaux de la Charente tiennent continuellement dans leur cours de la vase en suspension, qui se dépose partout où la vitesse de ses eaux est ralentie. C’est le cas où se trouvent à Rochefort les avant-cales des vaisseaux, qu’en est obligé de laver chaque jour, à marée basse, et quelques canaux communiquant avec le fleuve, qui exigent des curages fréquens.

Mais l’inconvénient de l’envasement se fait sur-tout sentir à l’avant-bassin, dans lequel les cônes de construction ont leur entrée. La Charente y dépose, à chaque marée, une couche d’environ 7 millimètres d’épaisseur ; et, en peu de temps, ces couches accumulées s’élèvent à une hauteur telle que les portes des fermes en sont complètement obstruées. On employait autrefois des bœufs pour traîner une drague destinée au curage de ces vases, et ce travail était extrêmement long et dispendieux. M. Dupin dit que sa durée était de plusieurs mois, et évalue sa dépense de 20 à 25 mille francs. On n’ouvrait les portes que tous les trois ans, et on se privait ainsi de l’usage journalier d’un établissement très-important pour les opérations de la marine militaire.

M. Hubert a fait construire un moulin à draguer qui remédie à tous ces inconvéniens ; le prix d’un seul curage, tel qu’on l’exécutait autrefois a suffi pour payer les frais de la machine ; et le modique salaire de deux condamnés, chargés de la surveillance du moulin, remplace la dépense que faisaient autrefois 56 bœufs et leurs conducteurs. Voici une idée sommaire du mécanisme.

Sur un gros cylindre horizontal sont enroulés, en sens contraires ; des cordages qui, par des poulies de renvoi convenablement placées, tirent la drague en deux sens directement opposés. Quand un cordage agit l’autre cède ; et la drague peut ainsi traîner la vase depuis les portes du bassin jusque dans le courant du fleuve ; et rétrograder pour recommencer une nouvelle course. Ce va et vient de la drague est déterminé ainsi qu’il suit : le moteur de tous le système est le vent, appliqué à un moulin semblable aux moulins hollandais, quant à sa forme et à sa manière de transmettre le mouvement de l’axe, des ailes à un arbre vertical. Le bas de cet arbre porte une lanterne, destinée à mener successivement deux roues dentées, établies autour du gros cylindre horizontal et à une distance l’une de l’autre plus grande que le diamètre de la lanterne ; au moyen de quoi, lorsque cette lanterne engraine dans la roue à droite, elle ne touche pas la roue à gauche, et réciproquement ; mais elle fait tourner le cylindre dans un sens ou dans le sens opposé, suivant qu’elle engraine l’une ou l’autre des deux roues dentées, et détermine par conséquent les marches contraires de la drague.

Pour opérer cette alternation d’engrainage, M. Hubert a fait supporter l’arbre de son moulin par une traverse horizontale mobile. Un balancier, mû à main d’homme, peut agir sur cette traverse, tantôt à droite, tantôt à gauche, et fournit ainsi le moyen de changer l’engrenage à volonté.

Une circonstance heureuse facilite ce mouvement alternatif, et amortit le choc que la lanterne tend à exercer contre la roue dentée qu’elle va rencontrer. Le cordage qui tirait la drague, dans l’engrenage prêt à cesser, étant extrêmement tendu, aussitôt que la lanterne n’agit plus, pour le faire tirer, se détend et donne au cylindre un mouvement rétrograde, qui est précisément celui que le changement d’engrenage doit lui communiquer ; les dents de la seconde roue se trouvent donc animées du même mouvement que la lanterne, et leur emboîtage réciproque est extrêmement facilité.

Il faut voir sur les plans les moyens imaginés pour faire enrouler et dérouler uniformément les deux cordages qui déterminent le va et vient de la drague, pour faire dévier latéralement cette drague, afin qu’elle creuse successivement des sillons parallèles sur toute l’étendue de la surface à curer, etc. La forme de cette drague est aussi digne d’attention ; les dessins en sont sous les yeux de la classe.

§. VIII.
Machines diverses mues par le moulin à draguer.

Le curage de l’avant-bassin des formes n’est pas la seule fonction du moulin à draguer qui en remplit d’autres encore, d’autant plus importantes qu’elles se rapportent à des objets de fabrication dont on a un besoin continuel dans les ports de marine militaire. C’est pour ces objets de fabrication que M. Hubert a adapté à son moulin d’autres machines qui emploient très-utilement la force du vent, pendant les intermittences du dragage.

La première de ces machines, placée au rez-de-chaussée, est un laminoir d’une parfaite exécution, et dont la composition, quoique ne présentant pas d’idées absolument nouvelles, n’en offre pas moins plusieurs détails ingénieux. Un accident qui a un jour arrêté la rotation des cylindres, a donné lieu à une observation curieuse sur la force du moteur et sur la solidité de la machine. Un manchon de fer, gros comme la cuisse, servant à communiquer le mouvement au laminoir, s’est tordu d’un quart de circonférence, sur la longueur d’environ un mètre, et se serait infailliblement brisé, si l’action qui le tordait ainsi se fut continuée.

Un second mécanisme, établi au 3.me étage du moulin, fait mouvoir des meules à broyer les couleurs dont on se sert pour peindre l’extérieur et l’intérieur des vaisseaux. Quatre jeux de meules, accouplées deux à deux, sont ainsi mis en mouvement ; l’inférieure de chaque couple est fixe, et la supérieure tourne autour d’un axe vertical.

Enfin, M. Hubert a réuni aux machines précédentes un tour à tourner les essieux des poulies, placé au deuxième étage du moulin, et qui se meut aussi par la force du vent.

Cet habile ingénieur est l’inventeur ou le constructeur de plusieurs autres machines dont nous nous dispenserons de parler, et parmi lesquelles on distingue la machine a tailler les vis et celle qu’on emploie pour changer les chiffres et les emblèmes des vitrages des vaisseaux. Il fait exécuter en ce moment à Rochefort un moulin à scies qui aura la propriété de diviser les bois non seulement en parties planes, mais suivant des surfaces développables quelconques.

§. IX.
Observations et conclusions.

La classe remarquera sans doute avec satisfaction que M. Hubert, a qui on doit les machines dont nous venons de donner une notice sommaire, et M. Dupin, l’un de ses correspondans, qui lui a fait connaître ces machines, et qui lui-même est auteur de plusieurs ouvrages qu’elle a couronnés de son suffrage, sont deux anciens élèves de l’école polytechnique. Il est maintenant peu de branches soit des hautes sciences, soit des arts utiles aux services publics et à la société en général, qui ne doivent aux hommes sortis de cet établissement célèbre, ou quelque découverte ou quelque amélioration. Le mémoire de M. Dupin, dont il n’a lu qu’un extrait à la classe, prouve, par la clarté des descriptions et des détails instructifs qu’il y a joints, combien ce jeune savant sait tirer parti de ses voyages.

Quant aux machines de M. Hubert, leur utilité ne saurait être révoquée en doute, puisqu’elles sont toutes exécutées, employées à des travaux d’une grande importance, et que leur succès est parfaitement constaté par l’expérience. Les seuls objets de discussion auxquels elles peuvent donner lieu sont donc relatifs soit à la nouveauté des mécanismes, soit aux améliorations dont quelques-uns d’entre eux pourraient être susceptibles. Nous ferons, à cet égard, les observations suivantes :

1.o Dans la machine à éprouver la force des cables, le moyen d’évaluer l’effort qui a lieu, à chaque instant de la durée de l’expérience, nous paraît neuf ; mais nous désirerions que la machine pût, en même temps, mesurer avec exactitude les allongemens correspondans du cable.

2.o Nous sommes convaincus que M. Hubert a tiré de son propre fond l’idée ingénieuse de son compteur ; mais le célèbre M. Reichembach, de Munich, a employé, depuis plusieurs années, un mécanisme semblable, dans les salines de Bavière.

3.o Il nous semble que, dans la machine à percer les parcs à boulets, on pourrait supprimer la vis, en complétant la mèche par une pièce en métal qui ne ferait que glisser, et qui serait en arrière de toute l’épaisseur du manchon qu’on veut enlever. Cette pièce rapprocherait la forme de l’outil de celle du foret pour les métaux, qui rend l’épaisseur du copeau indépendante de la pression. Au reste, cette machine n’en est pas moins très-ingénieuse et remarquable, par des détails nouveaux. La forme donnée au tranchant de la tarrière offre une nouvelle preuve de l’utilité que les arts peuvent tirer de la géométrie descriptive.

4.o Le porte-foret de la machine à percer des trous cylindriques dans le bois a quelque rapport avec celui que M. Leturc a adapté, il y a environ 30 ans, à la poulierie établie à Brest ; mais le mécanisme de M. Hubert mérite la préférence, pour la simplicité et la solidité.

5.o L’application du mécanisme précédent à l’incrustement des dez des poulies nous paraît également heureuse et nouvelle.

6.o M. Brunnel, mécanicien français, établi en Angleterre, a employé, à l’amirauté de Londres, une machine fort ingénieuse pour mortaiser les caisses des poulies, dont la description et la gravure se trouvent dans l’Encyclopédie de Re’ss ; ce moyen est différent de celui que M. Hubert a imaginé, et il serait à désirer qu’on eût quelques expériences propres à faire connaître les mérites respectifs des deux mécanismes.

On a employé, depuis long-temps, des va et vient qui ont plus ou moins d’analogie avec celui que cet ingénieur a adapté au levier de la machine dont nous parlons, parmi lesquels on peut citer celui de l’anglo-américain White, décrit dans un rapport sur la machine de Marly, rédigé par deux d’entre nous ; mais le pignon, mobile dans le mécanisme de White, est fixe dans celui de M. Hubert ; et ce dernier mécanisme est de plus remarquable par un moyen neuf et ingénieux, employé pour maintenir la position et la verticalité de la denture mobile, pendant chaque montée et chaque descente.

Les formes données à la partie tranchante des ciseaux sont aussi dignes d’attention.

7.o Le système général des machines que le moulin à vent établi près des formes de Rochefort fait mouvoir, est une conception très-remarquable et qui honore son auteur, tant par l’heureuse combinaison des mécanismes que par l’art et la perfection de l’exécution. Deux d’entre nous ont vu le jeu de ces machines, dont on a obtenu tout le succès désirable, et dont la marine militaire retire les avantages réunis et de l’économie dans la dépense et de la perfection du travail. Nous nous bornerons à citer, parmi les améliorations nouvelles qu’elles présentent, la forme de la drague. Cette drague était anciennement un petit traîneau, armé d’un tranchant mobile auquel M. Hubert a substitué une espèce de roue à aubes, dont les augets, après s’être remplis de vase, dans la partie à curer, laissent échapper cette vase, dans le lieu destiné à son émission.

Nous pensons que le mémoire descriptif de M. Dupin lui mérite les remercimens de la classe, et doit être imprimé parmi ceux des savans étrangers, en y joignant les gravures de ceux des dessins joints à ce mémoire qui seront jugés les plus propres à en faciliter l’intelligence.

Signé Sané, Molard, de Prony, rapporteur.

La classe approuve le rapport et en adopte les conclusions

Paris, le 5 février 1816.

Certifié conforme à l’original, par le secrétaire perpétuel, chevalier de la légion d’honneur,

Signé Delambre.

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