Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 07/Astronomie, article 2

ASTRONOMIE.

Calcul de l’éclipse de soleil du 19 de novembre 1816,
pour
Strasbourg et Nismes.

Par M. le professeur Kramp, doyen de la faculté des
sciences de l’académie de Strasbourg.
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1. Dans un mémoire inséré à la page 133 du VI.e volume de ce recueil, et dont la suite se trouve à la page 349 du même volume, j’ai donné une solution nouvelle de ce problème : Déterminer, pour un endroit quelconque du globe terrestre, et pour une époque, comprise entre les limites de la durée d’une éclipse de soleil, le lieu apparent du centre de la lune sur le disque solaire ? Dans cette solution, je n’ai fait usage ni des parallaxes, ni du méridien universel, ni des ombres et pénombres ; et la question est plutôt traitée comme un simple problème de géométrie que comme une question d’astronomie. Dans le mémoire actuel, je me propose de résumer les procédés pratiques que fournit cette solution, d’en comprendre les formules essentielles dans le moindre espace possible, et d’en faire enfin l’application à l’éclipse de soleil qui est attendue le 19 de novembre de cette année, telle qu’elle doit paraître aux observateurs de Strasbourg et de Nismes.

2. Concevons, par le centre du disque-solaire, considéré comme un plan, deux axes rectangulaires ; l’un des tangent à l’écliptique, dans la direction orientale, et l’autre des tangent au cercle de déclinaison qui passe par le centre du soleil, et dirigé vers l’hémisphère boréal.

3. Concevons, en outre, par le centre de la terre, trois axes rectangulaires, savoir : un axe des dirigé vers le centre du soleil, un axe des parallèle à celui des et enfin un axe des parallèle à celui des et dirigé conséquemment vers le pôle boréal de l’écliptique.

4. Concevons enfin, toujours par le centre de la terre, trois autres axes rectangulaires, savoir : un axe des dirigé vers l’équinoxe du printemps, un axe des dirigé vers le 90.me degré de l’équateur, et enfin un axe des dirigé vers le pôle boréal de ce dernier cercle.

5. Ces préliminaires établis, soient adoptées les notations suivantes.

rayon de la terre ;

distance de la terre au soleil ;

distance de la terre à la lune ;

obliquité de l’écliptique ;

latitude de l’observateur, supposée boréale ;

sa longitude, supposée orientale ;

le temps, exprimé en fraction du jour, et compté depuis un instant quelconque, compris entre les limites de la durée de l’éclipse  ;

longitude du soleil, pour l’époque

ses ascensions droites, pour les midi vrais qui précèdent et suivent immédiatement l’éclipse, comptés l’un et l’autre au premier méridien ;

coordonnées, pour l’époque et sur le plan du disque solaire, du centre de la lune, vu du centre de la terre, et exprimées en secondes ;

mêmes coordonnées, à la même époque, pour l’observateur placé à la surface de la terre, exprimées également en secondes ;

coordonnées de cet observateur pour le premier système d’axes ;

coordonnées du même observateur prises par rapport au second système ;

abréviation de

abréviation de

, ascension droite du milieu du ciel pour l’observateur, à l’époque

6. Cela posé ; pendant la durée de l’éclipse, les coordonnées géocentriques peuvent être considérées comme variant proportionnellement au temps ; elles auront donc sensiblement la forme

et les coefficiens seront immédiatement donnés par les tables.

7. On calculera ensuite les coordonnées par les formules

8. On passera de là aux coordonnées au moyen des formules

9. Enfin, en négligeant, comme on peut bien le faire, les dimensions du globe terrestre, vis-à-vis de la distance de la terre au soleil, on conclura de là les coordonnées du lieu apparent du centre de la lune sur le disque solaire, au moyen des équations

la distance apparente entre les centres des deux astres sera donc et la grandeur de la partie éclipsée sera égale à la somme de leurs demi-diamètres, moins la distance de leurs centres ; il sera donc facile, par des interpolations, de découvrir les époques du commencement et de la fin de l’éclipse, ainsi que celle de la plus grande phase.[1]

10. Dans mes deux premiers mémoires, j’ai démontré ces diverses formules, et j’en ai fait l’application à l’observateur de Berlin. Je me propose ici de faire un semblable calcul pour Strasbourg et Nismes. En me réservant l’observation de l’éclipse, pour la première de ces deux villes ; je laisserai aux observateurs de l’autre le soin de vérifier, sur l’éclipse même, la précision de mes calculs.

§. I

Éclipse géocentrique.

Nous avons déjà trouvé précédemment, pour le jour de l’éclipse, en prenant le rayon terrestre pour unité,

De plus, en prenant l’intervalle de quatre heures pour l’unité du temps, compté depuis huit heures du matin, temps vrai de Paris, nous avons trouvé ; par une interpolation convenable,

ce qui fait aisément trouver, pour tout instant donné, les coordonnées géocentriques du centre de la lune, à l’aide des formules

l’angle horaire sera d’ailleurs

étant la longitude de l’observateur, comptée du méridien de Paris ; positive, si elle est orientale, et négative, au contraire, si elle est occidentale.

On pourra, d’après cela, former le tableau suivant :

Ce calcul préliminaire sera commun à toutes les éclipses locales qu’on aura dessein de calculer.

§. II.

Calcul pour Strasbourg.

On a pour Strasbourg,

, en degrés,
, en temps.

On aura conséquemment

La table suivante nous fera ensuite connaître les logarithmes des coordonnées désignées par Il faut remarquer que les deux premières sont constamment négatives, et que la troisième seule est positive.

À l’aide de ces logarithmes et de l’obliquité, de l’écliptique, égale à on trouvera des valeurs des coordonnées ainsi qu’il suit :

Voici enfin la table des coordonnées et qui fixent, pour chaque instant, le lieu apparent du centre de la lune, sur le disque du soleil, par rapport à l’observateur de Strasbourg, de même que la distance des centres, égale à

En prenant l’intervalle d’une heure pour unité de temps, et en désignant par le temps compté depuis huit heures du matin, on aura, moyennant la formule d’interpolation du n.o 50 de mon premier mémoire (Tom. VI, pag. 153), les deux formules qui suivent :

À l’aide de ces deux formules générales, j’ai construit, par de simples additions consécutives, la table suivante, qui fait connaître les coordonnées de même que la distance des centres, de quart d’heure en quart d’heure.

L’observateur de Strasbourg verra donc le centre de la lune dans l’écliptique même, à temps de Paris, puisque sa latitude sera nulle alors ; on trouve ensuite facilement, par des interpolations locales, que la conjonction apparente aura lieu à que le commencement et la fin de l’éclipse, qui doivent arriver lorsque la distance des centres sera égale à la somme des rayons, c’est-à-dire, à auront lieu, savoir ; le commencement à et la fin à le temps se rapportant toujours au méridien de Paris.

Pour déterminer, avec précision, l’époque et l’étendue de la plus grande phase ; extrayons du précédent tableau les résultats que voici :

En représentant donc par le temps compté par quarts d’heure, depuis temps vrai de Paris, et par la distance apparente des centres, notre formule d’interpolation déjà citée nous donnera

on aura donc, pour l’époque de la plus courte distance des centres, la racine positive de l’équation

donc pour cette circonstance,

d’où

ce qui rend la grandeur de la partie éclipsée égale à c’est-à-dire, doigts ou encore, de plus que pour l’observateur de Paris ; ce qui fait environ un dix-huitième du diamètre apparent du soleil.

En résumant et réduisant les temps au méridien de Strasbourg, on aura donc les circonstances de l’éclipse ainsi qu’il suit :

Commencement à
du mat.
Conjonction apparente à
du mat.
Plus grande phase, de doigts à
du mat.
Milieu à
du mat.
Passage de la lune à l’écliptique à
du mat.
Fin à
du mat.
Durée
du mat.

§. III

Calcul pour Nismes.

On a, pour Nismes,

ce qui donne

D’après ces données, et en opérant comme ci-dessus ; on formera la première table

On passera de là aux logarithmes des coordonnées lesquelles, à l’exception des valeurs de et de la première de sont toutes négatives.

On en conclura les valeurs de ainsi qu’il suit :

On aura enfin pour les coordonnées et du lieu apparent du centre de la lune sur le disque solaire, et pour la distance apparente entre les centres des deux astres, relativement à l’observateur de Nismes,

En prenant l’intervalle d’une heure pour unité de temps, et en désignant par le temps compté depuis huit heures du matin, on conclura de ce dernier tableau, au moyen de notre formule d’interpolation,

Au moyen de ces formules générales rien ne sera plus facile que de former, par des additions successives, le tableau suivant, qui donne, de quart d’heure en quart d’heure, les circonstances de l’éclipse.

Alors, par des interpolations locales, on trouvera, pour l’époque de la conjonction apparente, pour celle du passage apparent du centre de la lune par l’écliptique pour celle du commencement de l’éclipse  ; et pour celle de sa fin le temps étant compté du méridien de Paris.

Il restera à fixer l’époque et l’étendue de la plus grande phase ; pour avoir l’une et l’autre, avec précision, nous extrayerons de notre tableau les résultats que voici :

Désignant alors par le temps, compté de quart d’heure en quart d’heure depuis du matin, et représentant par la distance des centres, notre formule d’interpolation nous donnera

d’où nous conclurons, pour l’époque de la plus grande phase,

ce qui donne

d’où

ce qui rend la grandeur de la partie éclipsée égale à ou doigts . Ayant donc égard à la différence des méridiens on aura les circonstances de l’éclipse pour Nismes ainsi qu’il suit :

Commencement à
Conjonction apparente à
Plus grande phase, de doigts à
Milieu à
Fin à
Passage de la lune à l’écliptique à
Durée
  1. C’est par erreur de copie que, dans les mémoires auxquels celui-ci fait suite, la lettre déjà employée pour représenter le rayon vecteur terrestre, l’a été de nouveau, pour désigner l’ascension droite du soleil ; c’est également par erreur que les lettres et y ont reçu deux destinations différentes.