Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des minéraux/Sel marin et sel gemme



SEL MARIN ET SEL GEMME

L’eau de la mer contient une grande quantité d’acide et d’alcali, puisque le sel qu’on en retire en la faisant évaporer est composé des deux ; elle est aussi imprégnée de bitume, et c’est ce qui fait qu’elle est en même temps saline et amère ; or, le bitume est composé d’acide et d’huile, et d’ailleurs la décomposition de tous les corps organisés dont la mer est peuplée produit une immense quantité d’huile : l’eau marine contient donc non seulement les acides et les alcalis, mais encore les huiles et toutes les matières qui peuvent provenir de la décomposition des corps, à l’exception de celles que ces substances prennent par la putréfaction à l’air libre ; encore se forme-t-il à la surface de la mer, par l’action de l’acide aérien, des matières assez semblables à celles qui sont produites sur la terre par la décomposition des animaux et des végétaux.

La formation du sel marin n’a pu s’opérer qu’après la production de l’acide et de l’alcali, puisqu’ils en sont les substances constituantes ; l’acide aérien a été formé dès les premiers temps, après l’établissement de l’atmosphère, par le simple mélange de l’air et du feu ; mais l’alcali n’a été produit que dans un temps subséquent par la décomposition des corps organisés. L’eau de la mer n’était d’abord que simplement acide ou même acidule, elle est devenue plus acide et plus salée par l’union de l’acide primitif avec les alcalis et les autres acides ; ensuite elle a pris de l’amertume par le mélange du bitume, et enfin elle s’est chargée de graisse et d’huile par la décomposition des corps de tous les cétacés, poissons et amphibies dont la substance est, comme l’on sait, plus huileuse que celle des animaux terrestres.

Et cette salure, cette amertume et cette huile de l’eau de la mer n’ont pu qu’augmenter avec le temps, parce que tous les fleuves qui arrivent à ce grand réceptacle des eaux sont eux-mêmes chargés de parties salines, bitumineuses et huileuses que la terre leur fournit, et que toutes ces matières étant plus fixes et moins volatiles que l’eau, l’évaporation ne les enlève pas ; leur quantité ne peut donc qu’augmenter, tandis que celle de l’eau reste toujours la même, puisque les eaux courantes sur la terre ramènent à la mer tout ce que les vapeurs poussées par les vents lui enlèvent.

On doit encore ajouter à ces causes de l’augmentation de la salure des mers la quantité considérable de sel que les eaux qui filtrent dans l’intérieur de la terre dissolvent et détachent des masses purement salines qui se trouvent en plusieurs lieux, et jusqu’à d’assez grandes profondeurs ; on a donné le nom de sel gemme à ce sel fossile : il est absolument de la même nature que celui qui se tire de l’eau de la mer par l’évaporation ; il se trouve sous une forme solide, concrète et cristallisée, en amas immenses, dans plusieurs régions du globe, et notamment en Pologne[1], en Hongrie[2], en Russie et en Sibérie[3]. On en trouve aussi en Allemagne, dans les environs de Hall, prés de Salzbourg[4], dans quelques provinces de l’Espagne[5], et spécialement en Catalogne, où l’on voit près de la ville de Cardonne une montagne entière de sel[6] : en d’autres endroits, les amas de sel gemme forment des bancs d’une très grande épaisseur sur une étendue de deux ou trois lieues en longueur et d’une largeur indéterminée, comme on l’a observé dans la mine de Wieliczka, en Pologne, qui est la plus célèbre de toutes celles du Nord.

Les bancs de sel y sont surmontés de plusieurs lits de glaises, mêlés, comme les autres glaises, d’un peu de sable et de débris de coquilles et autres productions marines. L’argile ou glaise contient l’acide, et les corps marins contiennent l’alcali ; on pourrait donc imaginer qu’ils ont fourni l’alcali nécessaire pour former avec l’acide ce sel fossile ; mais, lorsqu’on jette les yeux sur l’épaisseur énorme de ces bancs de sel, on voit que, quand même la glaise et les corps marins qu’elle renferme se seraient entièrement dépouillés de leur acide et de leur alcali, ils n’auraient pu produire que les dernières couches superficielles de ces bancs, dont l’épaisseur étonne encore plus que leur étendue ; il me semble donc que, pour concevoir la formation de ces masses immenses de sel pur, il faut avoir recours à une cause plus puissante et plus ancienne que celle de la stillation des eaux et de la dissolution des sels contenus dans les terres qui surmontent ces salines : elles ont commencé par être des marais salants, où l’eau de la mer en stagnation a produit successivement les couches de sel qui composent ces bancs, et qui se sont déposées les unes sur les autres à mesure qu’elles se formaient par l’évaporation des eaux qui arrivaient pour remplacer les premières, et qui laissaient de même déposer leur sel après l’évaporation ; en sorte que, dans le temps où la chaleur du globe était beaucoup plus grande qu’elle ne l’est aujourd’hui, le sel a dû se former bien plus promptement et plus abondamment qu’il ne se forme dans nos marais salants ; aussi ce sel gemme est-il communément plus solide et plus pur que celui que nous obtenons en faisant évaporer les eaux salées ; il a retenu moins d’eau dans sa cristallisation ; il attire moins l’humidité de l’air et ne se dissout qu’avec beaucoup de temps dans l’eau, à moins qu’on n’aide la dissolution par le secours de la chaleur.

On vient de voir par les notes précédentes que ces grands amas de sel gemme se trouvent tous ou sous des couches de glaises et de marne, ou sous des bancs de plâtre, c’est-à-dire sous des matières déposées et transportées par les eaux, et que par conséquent la formation de ces amas de sel est à peu près contemporaine aux dernières alluvions des eaux, dont les dépôts sont en effet les glaises mêlées de craie et de plâtres, matières dont la substance est analogue à celle du sel marin, puisqu’elles contiennent en même temps l’acide et l’alcali, qui font l’essence de sa composition ; cependant, je le répète, ce ne sont pas les parties salines contenues dans ces bancs argileux, marneux et plâtreux, qui seules ont pu produire ces énormes dépôts de sel gemme, quand même ces bancs de terre auraient été de huit cents pieds plus épais, comme dit M. Bowles ; et ce ne peut être que par des alternatives d’alluvion et de dessèchement et par une évaporation prompte que ces grandes masses de sel ont pu s’accumuler.

Pour faire mieux entendre cette formation successive, supposons que le sol sur lequel porte la dernière couche saline fût alternativement baigné par les marées, et que pendant les six heures de l’alluvion du flux la chaleur fût alors assez grande, comme elle l’était en effet, pour causer, dans cet intervalle de six heures, la prompte évaporation de quelques pouces d’épaisseur d’eau, il se sera dès lors formé sur ce sol une première couche de sel de quelques lignes d’épaisseur, et, douze heures après, cette première couche aura été surmontée d’une autre produite par la même cause ; en sorte que dans les lieux où la marée s’élevait à une grande hauteur, les amas de sel ont pu prendre presque autant d’épaisseur : cette cause a certainement produit un tel effet dans plusieurs lieux de la terre, et particulièrement dans ceux où les amas de sel ne sont pas d’une très grande épaisseur, et quelques-uns de ces amas semblent offrir encore la trace des ondes qui les ont accumulés[7] ; mais dans les lieux où ces amas sont épais de cinquante et peut-être de cent pieds, comme à Wieliczka en Pologne, et à Cardonne, en Catalogne, on peut encore supposer très légitimement une seconde circonstance qui a pu concourir comme cause avec la première. Cette circonstance s’est trouvée dans les lieux où la mer formait des anses ou des bassins, dans lesquels son eau stagnante devait s’évaporer presque aussi vite qu’elle se renouvelait, ou bien s’évaporait en entier lorsqu’elle ne pouvait être renouvelée[8]. On peut se former une idée de ces anciens bassins de la mer et de leur produit en sel par les lacs salés que nous connaissons en plusieurs endroits de la surface de la terre ; une chaleur double de celle de la température actuelle causerait en peu de temps l’entière évaporation de l’eau et laisserait au fond toute la masse de sel qu’elle tient en dissolution, et l’épaisseur de ce dépôt salin serait proportionnelle à la quantité d’eau contenue dans le bassin et enlevée par l’évaporation ; en sorte, par exemple, qu’en supposant huit cents brasses ou quatre mille pieds de profondeur au bassin, on aurait au moins cent pieds d’épaisseur de sel après l’évaporation de cette eau, qui, comme l’on sait, contient communément un quarantième de sel relativement à son poids ; je dis cent pieds au moins, car ici le volume augmente plus que proportionnellement à la masse ; je ne sais si cette augmentation relative a été déterminée par des expériences, mais je suis persuadé qu’elle est considérable, tant par la quantité d’eau que le sel retient dans sa cristallisation, que par les matières grasses et terreuses dont l’eau de la mer est toujours chargée, et que l’évaporation ne peut enlever.

Quoi qu’il en soit, les vues que je viens de présenter sont suffisantes pour concevoir la formation de ces prodigieux dépôts de sel sur lesquels nous croyons devoir donner encore quelques détails importants. Voici l’ordre des différents bancs de terre et de pierre qu’on trouve avant de parvenir au sel dans les mines de Wieliczka : « Le premier lit, celui qui s’étend jusqu’à l’extérieur de la mine, est de sable, c’est-à-dire un amas de grains fins arrondis, blancs, jaunâtres et même rougeâtres. Ce banc de sable est suivi de plusieurs lits de terre argileuse plus ou moins colorée ; mais le plus ordinairement ces terres ont la couleur de rouille de fer. Ces lits de terre, à une certaine profondeur, sont séparés par des lames de pierre que leur peu d’épaisseur, jointe à leur couleur noirâtre, ferait regarder comme des ardoises ; ce sont des pierres feuilletées… On descend d’abord dans le premier étage par une espèce de puits de huit pieds en carré, ayant deux cents pieds de France de profondeur, au lieu de six cents, comme on a voulu le dire… On y trouve une chapelle taillée dans la masse du sel, et qui peut avoir environ trente pieds de longueur sur vingt-quatre de largeur et dix-huit de hauteur ; tous les ornements et les images de cette chapelle sont aussi faits avec du sel… Il n’y a que neuf cents pieds de profondeur depuis le sommet de la mine jusque dans l’endroit le plus profond… Et il est étonnant qu’on ait voulu persuader au public qu’il y avait dans cette mine une espèce de ville souterraine, puisqu’il n’y a dans les galeries que quelques petites chambres qui sont destinées à enfermer les outils des ouvriers lorsqu’ils s’en vont le soir de la mine…

» Plus on pénètre profondément dans ces salines, plus on trouve le sel abondant et pur ; si l’on rencontre quelques couches de terre, elles n’ont ordinairement que deux à trois pieds d’épaisseur et fort peu d’étendue ; toutes ces couches sont d’une glaise plus ou moins sableuse.

» On n’a trouvé jusqu’à présent dans ces mines aucune production volcanique, telles que soufre, bitume, charbon minéral, etc., comme il s’en trouve dans les salines de Halle, de la haute Saxe et du comté de Tyrol. On y trouve beaucoup de coquilles, principalement des bivalves et des madrépores…

» Je n’assurerai pas que ces mines aient, comme on le dit, trois lieues d’étendue en tous sens… Mais il y a lieu de croire qu’elles communiquent à celles de Bochnia (ville à cinq milles au levant de Wieliczka), où l’on exploite le même sel ; le travail de Wieliczka a toujours été dirigé du côté de Bochnia, et celui de Bochnia du côté de Wieliczka jusqu’en 1772, qu’on se trouva arrêté de part et d’autre par un lit de terre marneuse ne contenant pas un atome de sel… Mais l’administration ayant dirigé l’exploitation du côté du midi, on trouva du sel beaucoup plus pur…

» On détache ce sel de la masse, en blocs qui ont ordinairement sept à huit pieds de longueur sur quatre de largeur et deux d’épaisseur ; on emploie pour cela des coins de fer, et on opère à peu près de la manière qu’on le fait dans nos carrières pour en tirer la pierre de taille… Lorsque ces gros blocs sont ainsi détachés, on les divise en trois ou quatre parties dont on fait des cylindres pour faciliter le transport…

» Les morceaux de sel que l’on trouve quelquefois dans cette mine de Wieliczka se rencontrent par cubes isolés dans les couches de glaises, sans affecter de marche régulière, et quelquefois formant des bandes de deux à trois pouces d’épaisseur dans la masse du sel ; mais celui qui se trouve en grain dans la glaise est toujours le plus beau, et on conduit presque tout ce sel blanc dans l’endroit que l’on appelle la Chancellerie, qui est un bureau où travaillent quatre commis pendant la journée : tout ce qui orne cette Chancellerie, comme tables, armoires, etc., est en sel… Avec les morceaux de sel blanc les plus transparents, on travaille de jolis ouvrages qui ont différentes formes, comme des crucifix, des tables, des chaises, des tasses à café, des canons montés sur leurs affûts, des montres, des salières, etc.[9]. »

Nous ne pouvons douter qu’il n’y ait en France des mines de sel gemme, puisque nous y connaissons un grand nombre de fontaines salées, et dans nos provinces même les plus éloignées de la mer ; mais la recherche de ces mines est prohibée, et même l’usage de l’eau qui en découle nous est interdit par une loi fiscale, qui s’oppose au droit si légitime d’user de ce que la nature nous offre avec profusion ; loi de proscription contre l’aisance de l’homme et la santé des animaux, qui, comme nous, doivent participer aux bienfaits de la mère commune, et qui faute de sel ne vivent et ne se multiplient qu’à demi ; loi de malheur, ou plutôt sentence de mort contre les générations à venir, qui n’est fondée que sur le mécompte et sur l’ignorance, puisque le libre usage de cette denrée, si nécessaire à l’homme et à tous les êtres vivants, ferait plus de bien et deviendrait plus utile à l’État que le produit de la prohibition, car il soutiendrait et augmenterait la vigueur, la santé, la propagation, la multiplication des hommes et de tous les animaux utiles. La gabelle fait plus de mal à l’agriculture que la grêle et la gelée ; les bœufs, les chevaux, les moutons, tous nos premiers aides dans cet art de première nécessité et de réelle utilité, ont encore plus besoin que nous de ce sel qui leur était offert comme l’assaisonnement de leur insipide herbage et comme un préservatif contre l’humidité putride dont nous les voyons périr ; tristes réflexions que j’abrège en disant que l’anéantissement d’un bienfait de la nature est un crime dont l’homme ne se fût jamais rendu coupable, s’il eût entendu ses véritables intérêts.

Les mines de sel se présentent dans tous les pays où l’on a la liberté d’en faire usage[10] ; il y en a tout autant en Asie qu’en Europe, et le despotisme oriental, qui nous paraît si pesant pour l’humanité, s’est cependant abstenu de peser sur la nature : le sel est commun en Perse et ne paye aucun droit[11] ; les salines y sont en grand nombre, tant à la surface que dans l’intérieur de la terre. On voit aux environs d’Amsterdam une montagne de sel gemme[12] où les habitants du pays et même les étrangers ont la liberté d’en prendre autant qu’il leur plaît[13] ; il y en a aussi des plaines immenses qui sont pour ainsi dire toutes couvertes de sel[14] ; on voit une semblable plaine de sel en Natolie[15]. Pline dit que Ptolémée, en plaçant son camp près de Péluse, découvrit sous le sable une couche de sel que l’on trouva s’étendre de l’Égypte à l’Arabie[16]. La mer Caspienne et plusieurs autres lacs sont plus ou moins salés[17] : ainsi, dans les terres les plus éloignées de l’océan, l’on ne manque pas plus de sel que dans les contrées maritimes, et partout il ne coûte que les frais de l’extraction ou de l’évaporation. On peut voir, dans les notes ci-jointes, la manière dont on recueille le sel à la Chine, au Japon et dans quelques autres provinces de l’Asie[18]. En Afrique, il y a peut-être encore plus de mines de sel qu’en Europe et en Asie : les voyageurs citent les salines du cap de Bonne-Espérance[19] : Kolbe surtout s’étend beaucoup sur la manière dont s’y forme le sel et sur les moyens de le recueillir. En Abyssinie, il y a de vastes plaines toutes couvertes de sel, et l’on y connaît aussi des mines de sel gemme[20] ; il s’en trouve de même aux îles du cap Vert[21], au cap Blanc[22] ; et, comme la chaleur est excessive au Sénégal, en Guinée et dans toutes les terres basses de l’Afrique, le sel s’y forme par une évaporation prompte et presque continuelle[23] ; il s’en forme aussi sur la côte d’Or[24], et il y a des mines de sel gemme au Congo[25] : en général, l’Afrique, comme la région la plus chaude de la terre, a peu d’eau douce, et presque tous les lacs et autres eaux stagnantes de cette partie du monde sont plus ou moins salés.

L’Amérique, surtout dans les contrées méridionales, est assez abondante en sel marin ; il s’en trouve aussi dans les îles, et notamment à Saint-Domingue[26] et sur plusieurs côtes du continent[27] ; ainsi que dans les terres de l’isthme de Panama[28], dans celles du Pérou[29], de la Californie[30] et jusque dans les terres Magellaniques[31].

Il y a donc du sel dans presque tous les pays du monde[32], soit en masses solides à l’intérieur de la terre, soit en poudre cristallisée à sa surface, soit en dissolution dans les eaux courantes ou stagnantes. Le sel en masse ou en poudre cristallisée ne coûte que la peine de le tirer de sa mine ou celle de le recueillir sur la terre ; celui qui est dissous dans l’eau ne peut s’obtenir que par l’évaporation, et dans les pays où les matières combustibles sont rares, on peut se servir avantageusement de la chaleur du soleil, et même l’augmenter par des miroirs ardents, lorsque la masse de l’eau salée n’est pas considérable ; et l’on a observé que les vents secs font autant et peut-être plus d’effet que le soleil sur la surface des marais salants. On voit, par le témoignage de Pline, que les Germains et les Gaulois tiraient le sel des fontaines salées par le moyen du feu[33] ; mais le bois ne leur coûtait rien, ou si peu qu’ils n’ont pas eu besoin de recourir à d’autres moyens : aujourd’hui, et même depuis plus d’un siècle, on fait le sel en France par la seule évaporation, en attirant l’eau de la mer dans de grands terrains qu’on appelle des marais salants. M. Montel a donné une description très exacte des marais salants de Pécais, dans le bas Languedoc[34] ; on peut en lire l’extrait dans la note ci-dessous : on ne fait à Pécais qu’une récolte de sel chaque année, et le temps nécessaire à l’évaporation est de quatre à cinq mois, depuis le commencement de mai jusqu’à la fin de septembre.

Il y a de même des marais salants en Provence, dans lesquels on fait quelquefois deux récoltes chaque année, parce que la chaleur et la sécheresse de l’été y sont plus grandes ; et, comme la mer Méditerranée n’a ni flux ni reflux, il y a plus de sûreté et moins d’inconvénient à établir des marais salants dans son voisinage que dans celui de l’océan. Les seuls marais salants de Pécais, dit M. Montel, rapportent à la ferme générale sept ou huit millions par an : pour que la récolte du sel soit regardée comme bonne, il faut que la couche de sel, produite par l’évaporation successive pendant quatre ou cinq mois, soit épaisse de deux pouces et demi ou trois pouces. Il est dit, dans la Gazette d’agriculture, « qu’en 1775, il y avait plus de quinze cents hommes employés à recueillir et entasser le sel dans les marais de Pécais : indépendamment de ces salines et de celles de Saint-Jean et de Roquemaure, où le sel s’obtient par industrie, il s’en forme tout naturellement des quantités mille fois plus considérables dans les marais qui s’étendent jusqu’auprès de Martigues en Provence ; l’imagination peut à peine se figurer la quantité étonnante de sel qui s’y trouve cette année : tous les hommes, tous les bestiaux de l’Europe ne pourraient la consommer en plusieurs années, et il s’en forme à peu près autant tous les ans.

» Pour garder, ce n’est pas dire conserver, mais bien perdre tout ce sel, il y aura une brigade de gardes à cheval, nommée dans le pays du nom sinistre de Brigade noire, laquelle va campant d’un lieu à l’autre, et envoyant journellement des détachements de tous les côtés. Ces gardes ont commencé à camper vers la fin de mai ; ils resteront sur pied, suivant la coutume, jusqu’à ce que les pluies d’automne aient fondu et dissipé tout ce sel naturel[35]. »

On voit, par ce récit, qu’on pourrait épargner le travail des hommes, et la dépense des digues et autres constructions nécessaires au maintien des marais salants, si l’on voulait profiter de ce sel que nous offre la nature ; il faudrait seulement l’entasser comme on entasse celui qui s’est déposé dans les marais salants, et le conserver pendant trois ou quatre ans, pour lui faire perdre son amertume et son eau superflue : ce n’est pas que ce sel trop nouveau soit nuisible à la santé, mais il est de mauvais goût, et tout celui qu’on débite au public, dans les greniers à sel, doit, par les règlements, avoir été facturé deux ou trois ans auparavant.

Malgré l’inconvénient des marées, on n’a pas laissé d’établir des marais salants sur l’Océan comme sur la Méditerranée, surtout dans le bas Poitou, le pays d’Aunis, la Saintonge, la Bretagne et la Normandie : le sel s’y fait de même par l’évaporation de l’eau marine. « Or on facilite cette évaporation, dit M. Guettard, en faisant circuler l’eau autour de ces marais, et en la recevant ensuite dans de petits carrés qui se forment au moyen d’espèces de vannes ; l’eau par son séjour s’y évapore plus ou moins promptement, et toujours proportionnellement à la force de la chaleur du soleil ; elle y dépose ainsi le sel dont elle est chargée[36]. » Cet académicien décrit ensuite avec exactitude les salines de Normandie dans la baie d’Avranches, sur une plage basse où le mouvement de la mer se fait le moins sentir, et donne le temps nécessaire à l’évaporation. Voici l’extrait de cette description : on ramasse le sable chargé de ce dépôt salin, et cette récolte se fait pendant neuf ou dix mois de l’année, on ne la discontinue que depuis la fin de décembre jusqu’au commencement d’avril… On transporte ce sable mêlé de sel dans un lieu sec, où on en fait de gros tas en forme de spirale, ce qui donne la facilité de monter autour pour les exhausser autant qu’on le juge à propos ; on couvre ces tas avec des fagots, sur lesquels on met un enduit de terre grasse pour empêcher la pluie de pénétrer… Lorsqu’on veut travailler ce sable salin, on découvre peu à peu le tas, et à mesure qu’on enlève le sable, on le lave dans une fosse enduite de glaise bien battue et revêtue de planches, entre les joints desquelles l’eau peut s’écouler ; on met dans cette fosse cinquante ou soixante boisseaux de ce sable salin, et on y verse trente ou trente-cinq seaux d’eau ; elle passe à travers le sable et dissout le sel qu’il contient ; on la conduit par des gouttières dans des cuves carrées de trois pieds, qui sont placées dans un bâtiment qui sert à l’évaporation ; on examine avec une éprouvette si cette eau est assez chargée de sel, et si elle ne l’est pas assez, on enlève le sable de la fosse et on y en remet du nouveau : lorsque l’eau se trouve suffisamment salée, on la transvase dans des vaisseaux de plomb, qui n’ont qu’un ou deux pouces de profondeur sur vingt-six pouces de longueur et vingt-deux de largeur ; on place ces plombs sur un fourneau qu’on échauffe avec des fagots bien secs ; l’évaporation se fait en deux heures, on remet alors de la nouvelle eau salée dans les vaisseaux de plomb, et on la fait évaporer de même. La quantité de sel que l’on retire en vingt-quatre heures, au moyen de ces opérations répétées, est d’environ cent livres dans trois vaisseaux de plomb des dimensions ci-dessus : on donne d’abord un feu assez fort, et on le continue ainsi jusqu’à ce qu’il se forme une petite fleur de sel sur l’écume de cette eau, on enlève alors cette écume et on ralentit le feu ; l’évaporation étant achevée, on remue le sel avec une pelle pour le dessécher, on le jette dans des paniers en forme d’entonnoir où il peut s’égoutter : ce sel, quoique tiré par le moyen du feu et dans un pays où le bois est cher, ne se vend guère que trois livres dix sous les cinquante livres pesant[37]. Il y a aussi en Bretagne soixante petites fabriques de sel par évaporation, tiré des vases et sables de la mer, dans lesquels on mêle un tiers de sable gris pour le purifier, et porter les liqueurs à quinze sur cent.

On fait aussi du sel en grand dans quelques cantons de cette même province de Bretagne ; on tire des marais salants de la baie de Bourganeuf seize ou dix-sept mille muids de sel, et l’on estime que ceux de Guérande et du Croisic produisent, année commune, environ vingt-cinq mille muids[38].

En Franche-Comté, en Lorraine et dans plusieurs autres contrées de l’Europe et des autres parties du monde, le sel se tire de l’eau des fontaines salées. M. de Montigny, de l’Académie des sciences, a donné une bonne description des salines de la Franche-Comté, et du travail qu’elles exigent ; voici l’extrait de ses observations : « Les eaux, dit M. de Montigny, de tous les puits salés, tant de Salins que de Montmorot, contiennent en dissolution, avec le sel marin ou sel gemme, des gypses ou sélénites gypseuses, des sels composés de l’acide vitriolique engagé dans une base terreuse, du sel de Glauber, des sels déliquescents, composés de l’acide marin engagé dans une base terreuse ; une terre alcaline très blanche que l’on sépare du sel gemme, lorsqu’on le tient longtemps en fusion dans un creuset ; enfin une espèce de glaise très fine, et quelques parties grasses, bitumineuses, ayant une forte odeur de pétrole. Toutes ces eaux portent un principe alcalin surabondant… Elles ne sont point mêlées de vitriols métalliques…

» Les sels en petits grains, ainsi que les sels en pain, se sont également trouvés chargés d’un alcali terreux… Ainsi ces sels ne sont pas comme le sel marin dans un état de neutralité parfaite.

» Le sel à gros grains de Montmorot est le seul que nous ayons trouvé parfaitement neutre… Ce sel à gros grains est tiré des mêmes eaux que le sel à petits grains, mais il est formé par une évaporation beaucoup plus lente ; il vient en cristaux plus gros, très réguliers, et en même temps beaucoup plus purs… Si les eaux des fontaines salées ne contenaient que du sel gemme en dissolution, l’évaporation de ces eaux, plus lente ou plus prompte, n’influerait en rien sur la pureté du sel… On ne peut donc séparer les matières étrangères de ces sels de Franche-Comté que par une très lente évaporation, et cependant c’est avec les sels à petits grains, faits par une très prompte évaporation, que l’on fabrique tous les sels en pains, dont l’usage est général dans toute la Franche-Comté… On met les pains de sel qu’on vient de fabriquer sur des lits de braises ardentes où ils restent pendant vingt-cinq, trente et même quarante heures, jusqu’à ce qu’ils aient acquis la sécheresse et la dureté nécessaires pour résister au transport[39]… Le mélange de sel de Glauber, de gypse, de bitume et de sel marin à base terreuse, qui vient par la réduction de ces eaux, est d’une amertume inexprimable…

» La saveur et la qualité du sel marin sont fort altérées par le mélange du gypse, lorsque les eaux ne reçoivent pas assez de chaleur pour en opérer la séparation, et la quantité du gypse est fort considérable dans les eaux de Salins… Le gypse de Salins rend le sel d’un blanc opaque, et le gypse de Montmorot lui donne sa couleur grise… Lorsque les eaux sont faibles en salure comme celles de Montmorot, on a trouvé le moyen de les concentrer par une méthode ingénieuse[40] et qui multiplie l’évaporation sans feu. »

Ces fontaines salées de la Franche-Comté, qui fournissent du sel à toute cette province et à une partie de la Suisse, ne sont pas plus abondantes que celles qui se trouvent en Lorraine et qui s’exploitent dans les petites villes de Dieuze, Moyenvic et Château-Salins, toutes situées le long de la vallée qu’arrose la rivière de Seille. À Rosières, dans la même province, était une saline des plus belles de l’Europe, par l’étendue de son bâtiment de graduation ; mais cette saline est détruite depuis environ vingt ans : à Dieuze, non plus qu’à Moyenvic et à Château-Salins, on n’a pas besoin de ces grands bâtiments ou hangars de graduation pour évaporer l’eau, parce que d’elle-même elle est assez chargée pour qu’on puisse, en la soumettant immédiatement à l’ébullition, en tirer le sel avec profit.

Il se trouve aussi des sources et fontaines salées dans le duché de Bourgogne, et dans plusieurs autres provinces, où la ferme générale entretient des gardes pour empêcher le peuple de puiser de l’eau dans ces sources : si l’on refuse ce sel aux hommes, on devrait au moins permettre aux animaux de s’abreuver de cette eau, en établissant des bassins dans lesquels ces mêmes gardes ne laisseraient entrer que les bœufs et les moutons qui ont autant et peut-être plus besoin que l’homme de ce sel, pour prévenir les maladies de pourriture qui les font périr, ce qui, je le répète, cause beaucoup plus de perte à l’État que la vente du sel ne donne de profit.

Dans quelques endroits, ces fontaines salées forment de petits lacs ; on en voit un aux environs de Courtaison, dans la principauté d’Orange : « Des hommes, dit M. Guettard, intéressés à ce qu’on ne fasse point d’usage de cette eau, ordonnent de trépigner et mêler ainsi avec la terre le sel qui peut dans la belle saison se cristalliser sur les bords de cet étang ; l’eau en est claire et limpide, un peu onctueuse au toucher, d’un goût passablement salé. Ce petit lac est éloigné de la mer d’environ vingt lieues ; s’il n’était dû qu’à une masse d’eau de mer restée dans cet endroit, bientôt la seule évaporation aurait suffi pour le tarir : ce lac ne reçoit point de rivière, il faut donc nécessairement qu’il sorte de son fond des sources d’eau salée pour l’entretenir[41]. »

En d’autres pays, où la nature, moins libérale que chez nous, est en même temps moins insultée, et où on laisse aux habitants la liberté de recueillir et de solliciter ses bienfaits, on a su se procurer, et pour ainsi dire créer des sources salées, là où il n’en existait pas, en conduisant, par de grands et ingénieux travaux, des cours d’eau à travers des couches de terres ou de pierres imbues ou imprégnées de sel, que ces eaux dissolvent et dont elles sont chargées. C’est à M. Jars que nous devons la connaissance et la description de cette singulière exploitation qui se fait dans le voisinage de la ville de Hall en Tyrol. « Le sel, dit-il, est mélangé dans cette mine avec un rocher de la nature de l’ardoise, qui en contient dans tous ses lits ou divisions… Pour extraire le sel de cette masse, on commence par ouvrir une galerie, en partant d’un endroit où le rocher est ferme, et on l’avance d’une vingtaine de toises ; ensuite on en fait une seconde de chaque côté d’environ dix toises, et d’autres encore qui leur sont parallèles ; de sorte qu’il ne reste dans cet espace que des piliers distants les uns des autres de cinq pieds, et qui ont à peu près les mêmes dimensions en carré, sur six pieds de hauteur, qui est celle des galeries : pendant qu’on travaille à ces excavations, d’autres ouvriers sont occupés à faire des mortaises ou entailles de chaque côté de la galerie principale, qui a été commencée dans le rocher ferme, pour y placer des pièces de bois, et y former une digue qui serve à retenir l’eau ; et dans la partie inférieure de cette digue on laisse une ouverture pour y mettre une bonde ou un robinet. Lorsque le tout est exactement bouché, on y fait arriver de l’eau douce par des tuyaux qui partent du sommet de la montagne ; peu à peu le sel se dissout à mesure que l’eau monte dans la galerie… Dans quelques-unes des excavations de cette mine, l’eau séjourne cinq, six et même douze mois avant que d’être saturée, ce qui dépend de la richesse de la veine de sel et de l’étendue de l’excavation… Ce n’est que quand l’eau est entièrement saturée, que l’on ouvre les robinets des digues, pour la faire couler et la conduire par des tuyaux de bois jusqu’à Hall, où sont les chaudières d’évaporation[42]. »

Dans les contrées du Nord où l’eau de la mer se glace, on pourrait tirer le sel de cette eau, en la recevant dans des bassins peu profonds, et la laissant exposée à la gelée : le sel abandonne la partie qui se glace et se concentre dans la portion inférieure de l’eau, qui, par ce moyen assez simple, se trouve beaucoup plus salée qu’elle ne l’était auparavant.

Il semble que la nature ait pris elle-même le soin de combiner l’acide et l’alcali pour former ce sel qui nous est le plus utile, le plus nécessaire de tous, et qu’elle l’ait en même temps accumulé, répandu en immense quantité sur la terre et dans toutes les mers ; l’air même est imprégné de ce sel ; il entre dans la composition de tous les êtres organisés ; il plaît au goût de l’homme et de tous les animaux : il est aussi reconnaissable par sa figure que recommandable par sa qualité ; il se cristallise plus facilement qu’aucun autre sel ; et ses cristaux sont des cubes presque parfaits[43] ; il est moins soluble que plusieurs autres sels, et la chaleur de l’eau, même bouillante, n’augmente que très peu sa solubilité ; néanmoins il attire si puissamment l’humidité de l’air, qu’il se réduit en liqueur si on le retient dans des lieux très humides ; il décrépite sur le feu par l’effort de l’air qui se dégage alors de ses cristaux, dont l’eau s’évapore en même temps ; et cette eau de cristallisation qui dans certains sels, comme l’alun, paraît faire plus de la moitié de la masse saline, n’est dans le sel marin qu’en petite quantité, car en le faisant calciner et même fondre à un feu violent, il n’éprouve aucune décomposition et forme une masse opaque et blanche, également saline et du même poids à peu près[44] qu’avant la fusion, ce qui prouve qu’il ne perd au feu que de l’air et qu’il contient très peu d’eau.

Ce sel, qui ne peut être décomposé par le feu, se décompose néanmoins par les acides vitrioliques et nitreux, qui, ayant plus d’affinité avec son acide, s’en saisissent et lui font abandonner sa base alcaline ; autre preuve que les trois acides, vitriolique, nitreux et marin, sont de la même nature au fond, et qu’ils ne diffèrent que par les modifications qu’ils ont subies : aucun de ces trois acides ne se trouve pur dans le sein de la terre ; et lorsqu’on les compare, on voit que l’acide marin ne diffère du vitriolique qu’en ce qu’il est moins pesant et plus volatil, qu’il saisit moins fortement les substances alcalines et qu’il ne forme presque toujours avec elles que des sels déliquescents : il ressemble à l’acide nitreux par cette dernière propriété, qui prouve que tous deux sont plus faibles que l’acide vitriolique dont on peut croire qu’ils se sont formés, en ne perdant pas de vue leur première origine qu’il ne faut pas confondre avec leur formation secondaire et leur conversion réciproque. L’acide aérien a été le premier formé ; il n’est composé que d’air et de feu : ces deux éléments, en se combinant avec la terre vitrifiée, ont d’abord produit l’acide vitriolique ; ensuite l’acide marin s’est produit par leur combinaison avec les matières calcaires, et enfin l’acide nitreux a été formé par l’union de ce même acide aérien avec la terre limoneuse et les autres débris putréfiés des corps organisés.

Comme l’acide marin est plus volatil que le nitreux et le vitriolique, on ne peut le concentrer autant ; il ne s’unit pas de même avec la matière du feu, mais il se combine pleinement avec les alcalis fixe et volatil ; il forme avec le premier le sel marin, et avec le second un sel très piquant, qui se sublime par la chaleur.

Quoique l’acide marin ne soit qu’un faible dissolvant en comparaison des acides vitriolique et nitreux, il se combine néanmoins avec l’argent et avec le mercure ; mais sa propriété la plus remarquable, c’est qu’étant mêlé avec l’acide nitreux, ils font ensemble ce que l’acide vitriolique[NdÉ 1] ne peut faire, ils dissolvent l’or qu’aucun autre dissolvant ne peut entamer ; et, quoique l’acide marin soit moins puissant que les deux autres, il forme néanmoins des sels plus corrosifs avec les substances métalliques ; il les dissout presque toutes avec le temps, surtout lorsqu’il est aidé de la chaleur, et il agit même plus efficacement sur leurs chaux que les autres acides.

Comme toute la surface de la terre a été longtemps sous les eaux, et que c’est par les mouvements de la mer qu’ont été formées toutes les couches qui enveloppent le noyau du globe fondu par le feu, il a dû rester après la retraite des eaux une grande quantité des sels qui y étaient dissous ; ainsi les acides de ces sels doivent être universellement répandus : on a donné le nom d’acide méphitique à leurs émanations volatiles ; cet acide méphitique n’est que notre acide aérien, qui, sous la forme d’air fixe, se dégage des sels, et enlève une petite quantité de leur acide particulier auquel il était uni par l’intermède de l’eau ; aussi cet acide se manifeste-t-il dans la plupart des mines sous la forme de mouffette suffocante, qui n’est autre chose que de l’air fixe stagnant dans ces profonds souterrains : et ce phénomène offre une nouvelle et grande preuve de la production primitive de l’acide aérien, et de sa dispersion universelle dans tous les règnes de la nature. Toutes les matières minérales en effervescence, et toutes les substances végétales ou animales en fermentation, peuvent donc produire également de l’acide méphitique ; mais les seules matières animales et végétales en putréfaction produisent assez de cet acide pour donner naissance au sel de nitre.


Notes de Buffon
  1. Les mines de sel de Wieliczka, dit M. Guettard, sont sans contredit un des beaux ouvrages de la nature : on ne peut voir qu’avec une espèce d’admiration ces masses énormes de sel renfermées dans le sein de la terre…

    Quiconque a vu une carrière de pierre à plâtre pareille à celles des environs de Paris peut aisément se former l’idée des mines de sel à Wieliczka… Les grands bancs de sel, de même que les grands bancs de pierres, se trouvent dans le fond de ces mines ; ils sont surmontés de bancs beaucoup moins considérables, et ceux-ci sont précédés de lits de différentes terres ou de sable dans l’ordre suivant :

    1o Un banc de sable à grains fins, arrondis en forme d’œufs blancs ou jaunâtres, et quelquefois rougeâtres ;

    2o Plusieurs lits de glaise ou argile dont la couleur ordinaire est un jaune rouille de fer, ou bien un grès plus ou moins formé, quelquefois verdâtre ; elles sont aussi plus ou moins mêlées de sable ou de petits graviers. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1762, p. 493 et suiv.

  2. Près de la ville d’Éperies se trouve une mine de sel qui a cent quatre-vingts brasses de profondeur : les veines de sel sont larges, on en tire des morceaux qui pèsent jusqu’à deux milliers. La couleur de ce sel est grise, mais, étant broyé, il est blanc ; il est composé de parties pointues. La même mine donne un autre sel composé de carrés et de tables ; et un troisième qui paraît composé de plusieurs branches.

    Le sel de cette mine est de plusieurs couleurs ; celui qui est mêlé avec la terre en conserve un peu la couleur. On en voit d’autres morceaux bien cristallisés, qui ont une légère couleur bleue, et le comte de Rothal en avait, en 1670, un morceau d’un très beau jaune ; il y en a des morceaux si durs, qu’on leur donne la figure que l’on veut. Cependant ces morceaux de sel s’humectent bientôt dans les cabinets, et, si on les met dans une étuve, ils perdent leur transparence. Collection académique, partie étrangère, t. II, p. 211, 212 et suiv.

  3. M. Pallas observe, dans la relation de ses voyages, qu’il y a une immense quantité de sel dans l’empire de Russie : il suffirait, selon lui, d’en exploiter les riches salines pour cesser de tirer de l’étranger cette denrée de première nécessité. Les lacs salés sont surtout très communs dans le gouvernement d’Orembourg, le pays des Baskirs, etc. ; il y en a parmi ceux des Kirguis un très curieux, dont les eaux sont salées d’un côté et douces de l’autre. La surface du lac d’Indéri est couverte d’une glace de sel assez forte pour qu’on puisse traverser ce lac sans le moindre danger, et cette denrée y est assez abondante pour fournir à la consommation de tout l’empire, si des communications en facilitaient le transport dans les autres provinces ; elle serait alors aussi commune dans les marchés que les besoins en sont multipliés. (Extrait de la Gazette de France du lundi 17 janvier 1774, article Pétersbourg.) — Il y a dans le désert, entre le Volga et l’Oural, à quatre-vingts werstes de Yenatayevska, une vaste carrière de sel fossile très pur ; les Kalmouks appellent cet endroit Tschapschatschi : cette mine de sel est peut-être capable d’en fournir autant que celle d’Hetzk dans le gouvernement d’Orembourg, d’où l’on tire cinq cent mille pouds de sel par an. (Extrait du Discours de M. Guldenstaed sur les productions de la Russie ; Pétersbourg, 1776, p. 55 et suiv.)

    Une montagne d’où l’on tire du sel en Sibérie est à trente werstes à l’Orient des sources salées, et, comme elles, sur le rivage droit du Kaptendei ; elle a trente brasses de hauteur, et de l’Orient à l’Occident deux cent dix brasses de longueur. Depuis le pied jusqu’aux deux tiers de la hauteur, elle est composée de cristaux cubiques de sel assez gros, où l’on ne trouve pas le moindre mélange de terre ou d’autre matière hétérogène. La montagne est couverte à son sommet d’une terre glaise rougeâtre, d’où l’on tire un talc blanc de la plus belle espèce, et elle est fort rapide du côté de la rivière : le sel de la source est précisément de même qualité que celui de la montagne, et la nature ne saurait produire un meilleur sel de cuisine. Hist. générale des Voyages, t. XVIII, p. 282. — Il y a quatorze salines sur la rive droite du Kawda en Sibérie ; ces salines ont deux sources d’eau salée qui produisent du sel fort blanc cristallin ; mais, comme l’eau est faible, il lui faut trois fois vingt-quatre heures pour se réduire en sel. Idem, ibidem, p. 469.

  4. En Allemagne, il y a des mines de sel dans une montagne appelée le Diremberg, près de Hall ou Hallein, sur la Salza, à quatre lieues de Salzbourg… On entre d’abord dans une galerie étroite, par laquelle on marche l’espace d’un quart de lieue entre des canaux couverts ; dans l’un coule de l’eau douce, dans l’autre de l’eau salée, qu’un tuyau de bois conduit jusqu’à Hall : au bout de cette galerie, on descend un puits de trente pieds de profondeur… Ensuite on parcourt des galeries semblables à la première, et l’on arrive à un second puits, puis à un troisième et à un quatrième, que l’on descend comme le premier : ces puits forment les différents étages de la mine ; elle peut avoir douze cent soixante pieds de profondeur, et huit mille cinquante de longueur, à en juger par les proportions d’une machine de bois qui représente ces mines, et qu’on montre dans ces souterrains.

    Les galeries aboutissent à des chambres ; c’est dans ces chambres qu’on ramasse le sel, qui en quelque sorte végète sur les murs, en y formant différents dessins, tels à peu près que ceux qu’on voit sur les vitres lorsqu’il gèle. La hauteur de ces chambres est d’environ six pieds ; leur étendue est différente et leur forme irrégulière : la plus grande a neuf cent dix pieds de longueur sur trois cent quatre-vingt-cinq de largeur ; l’étendue de ces chambres, qui se soutiennent sans appui, est une des choses les plus extraordinaires de ces mines. M. Guettard, Mémoires de l’Académie des sciences, année 1763, p. 203 et suiv.

  5. Près de Villena, à quelques lieues d’Alicante, il y a un marais d’où l’on tire le sel pour la consommation des villages voisins ; et à quatre lieues de là, une montagne isolée, toute de sel gemme, couvert seulement d’une couche de plâtre de différentes couleurs…

    Il y a beaucoup de salines dans la juridiction de Mingranilla ; on travaille à quelques-unes, et non aux autres : le sel gemme qu’on en tire est excellent, parce que cette espèce est toujours plus salée que celle qui se fait par évaporation, y ayant moins d’eau dans sa cristallisation.

    À une demi-lieue de là, on descend un peu pour entrer dans un terrain de plâtre où sont quelques collines… Au bas de la couverture de plâtre, il y a un banc de sel gemme dont on ne sait point la profondeur, parce que, quand les excavations passent trois cent pieds, il en coûte beaucoup pour tirer le sel, et que quelquefois le terrain s’enfonce ou se remplit d’eau ; alors on creuse de nouveaux puits, car tout l’endroit est une masse énorme de sel, mêlé en certaines places avec un peu de terre de plâtre, et dans d’autres, pur et rougeâtre, et le plus souvent cristallin… Dans la mine de Cardona, au contraire, il n’y a point de plâtre, et cependant le sel en est si dur et si bien cristallisé, que l’on en fait des statues, de petits autels et des meubles curieux. Celui de Mingranilla est dur aussi, mais moins que celui de Cardona, parce qu’il se casse, comme quelques spaths fragiles… Cette mine a dû être couverte anciennement d’une épaisseur de plus de huit cents pieds de matières étrangères, que les eaux ont peu à peu entraînées dans les lieux les plus bas.

    Dans une montagne où est le village de Valliera, on trouve une mine de sel gemme qui paraît hors de terre : du côté de l’entrée, et à environ vingt pas en dedans, on voit que le sel, qui est blanc et abondant, a pénétré dans les couches de plâtre. Cette mine peut avoir environ quatre cents pas de longueur, et différentes galeries latérales en ont plus de quatre-vingts soutenues par des piliers de sel qui la font ressembler à une église gothique ; le sel suit la direction de la colline en penchant un peu au nord, comme les veines du plâtre ; ce sel n’a qu’environ cinq pieds de haut… Il paraît avoir rongé différentes couches de plâtre et de margue (marne) pour se placer où il est, quoiqu’il reste cependant assez de ces matières.

    Au bout de la principale galerie… ou voit que la bande de sel descend jusqu’au vallon, et passe à la colline qui est vis-à-vis… La voûte de cette mine est de plâtre… Ensuite il y a deux pouces de sel blanc, séparé du plâtre par quelques filons de terre saline ; après, il y a trois doigts de sel pur et deux de sel de pierre, et une bande de terre ; ensuite une autre bande bleue, suivie de deux pouces de sel ; après quoi il y a des bandes alternatives de terre et de sel cristallin jusqu’au lit de la mine qui est de plâtre ; descendant au vallon et montant aux collines qui sont vis-à-vis, les bandes de terre sont d’un bleu obscur, et les lits de sel sont de couleur blanche : cette mine est très élevée eu égard à la mer, parce que depuis Bayonne on monte toujours pour y arriver. Histoire naturelle d’Espagne, par M. Bowles, p. 376 et suiv.

  6. La ville de Cardonne est située au pied d’une montagne de sel, qui est presque coupée perpendiculairement du côté de la rivière : cette montagne est une masse énorme de sel solide de quatre ou cinq pieds de haut, sans raies, ni fentes, ni couches, et il n’y a point de plâtre aux environs ; elle a une lieue de circuit… On ignore la profondeur du sel, qui pour l’ordinaire est blanc ; il y en a aussi du rouge… d’autre d’un bleu clair, mais ces couleurs disparaissent lorsque le sel est écrasé, car dans cet état il est blanc…

    La superficie de la montagne est grande ; cependant les pluies ne font pas diminuer le sel : la rivière qui coule au pied est néanmoins salée, et, quand il pleut, la salaison augmente et fait mourir le poisson ; mais ce mauvais effet ne s’étend pas à plus de trois lieues, après quoi le poisson se porte aussi bien qu’ailleurs. Histoire naturelle d’Espagne, par M. Bowles, p. 410 et suiv. — Les anciens ont parlé de ces montagnes de sel de l’Espagne. « Est, dit Aulu-Gelle, in his regionibus (Hispaniæ) mons ex sale mero magnus ; quantùm demas, tantùm adcrescit. » Aulu-Gelle, lib. ii, cap. xxii, ex Catone.

  7. Aux environs de la ville de Northwich, dans le comté de Chester en Angleterre, et dans un terrain plat, on exploite quantité de mines de sel. Le sel en roc ou en masse s’y trouve à vingt toises de profondeur perpendiculaire, recouvert d’un espèce de schiste noir, et au-dessus d’un sable que l’on voit sur toute la surface.

    Dans la crainte de rencontrer des sources d’eau qui gêneraient, ou peut-être détruiraient l’exploitation, on n’a pas approfondi dans la masse de sel au-dessous de dix toises ; de sorte qu’on en ignore absolument l’épaisseur : on n’a pas même osé la sonder.

    Le sel en roc paraît avoir été déposé par couches ou lits de plusieurs couleurs ; il est généralement d’un rouge foncé, ressemblant à peu près à la couleur du sable qui compose la surface du terrain ; d’autres de différentes nuances, et enfin de celui qui est parfaitement blanc et pur, sans aucun mélange. Mais ce qu’il y a encore de très particulier, c’est que ces couches de sel sont dans une position qui ferait croire que le dépôt s’en fait par ondes, comme on voit ceux que la mer fait sur ses côtes. Voyages métallurgiques, par M. Jars, t. III, p. 332.

  8. L’été du Groenland, moins long qu’ailleurs, y est pourtant assez chaud pour qu’on soit obligé de se dégarnir quand on marche, surtout dans les baies et les vallons où les rayons du soleil se concentrent sans que les vents de mer y pénètrent. L’eau qui reste dans les bassins et les creux des rochers après le flux s’y coagule au soleil, et s’y cristallise en un très beau sel de la plus grande blancheur. Histoire générale des Voyages, t. XIX, p. 20.
  9. Observations sur les mines de sel gemme de Wieliczka, par M. Bernard. Journal de Physique, mois de décembre 1780, p. 159 et suiv.
  10. Nous séjournâmes un jour à Bex (dans le voisinage de Lausanne en Suisse), et nous l’employâmes à visiter les salines qui sont dans la montagne : on y cherche, en poussant des galeries dans le sein du rocher, la masse de sel, où une source d’eau prend en y passant celui qu’elle charrie et qu’on en tire à grands frais. Le rocher montre en quelques endroits des veines de ce sel qui font espérer qu’on trouvera cette masse. Lettres de M. de Luc, citoyen de Genève, p. 9 et 10.
  11. Le sel se fait par la nature toute seule, et sans aucun art ; le soufre et l’alun se font de même ; il y a deux sortes de sel dans le pays, celui des terres et celui des mines ou de roche. Il n’y a rien de plus commun en Perse que le sel, car d’un côté il n’y a nul droit dessus, et de l’autre vous trouvez des plaines entières, longues de dix lieues et plus, toutes couvertes de sel, et vous en trouvez d’autres qui sont couvertes de soufre et d’alun : on en passe quantité de cette sorte en voyageant dans la Parthide, dans la Perside, dans la Caramanie. Il y a une plaine de sel proche de Cachan, qu’il faut passer pour aller en Hircanie, où vous trouvez le sel aussi net et aussi pur qu’il se puisse. Dans la Médie et à Ispahan, le sel se tire des mines, et on le transporte par gros quartiers, comme la pierre de taille ; il est si dur en des endroits, comme dans la Caramanie déserte, qu’on en emploie les pierres pour la construction des maisons des pauvres gens. Voyages de Chardin en Perse, etc. ; Amsterdam, 1711, t. II, p. 23. — Cette dernière particularité n’est point du tout fabuleuse ; Pline parle de ces constructions en masses de sel, que l’on cimente, ajoute-t-il, en les mouillant : « Gerris, Arabiæ oppido, muros domosque massis salis faciunt, aquâ ferruminantes. » Au reste, de pareilles structures ne peuvent subsister que dans un pays tel que l’Arabie, où il ne pleut jamais. — En sortant de la ville de Kom, à notre droite, nous découvrîmes la montagne de Kilesim, qui n’est que médiocrement haute ; mais elle est ceinte de tous côtés de plusieurs collines stériles et pierreuses, qui ne produisent que du sel, aussi bien que toute la campagne voisine, et qui est toute blanche de sel et de salpêtre : cette montagne, de même que celles de Nochtznan, de Kulb, d’Urumi, de Kemre, de Hemedan, de Bisetum et de Suldur, fournissent toute la Perse de sel, que l’on en tire comme d’une carrière. Voyages d’Oléarius en Moscovie ; Paris, 1656, t. II, p. 5. — Il y a quantité de montagnes dans la Perse… Il y en a plusieurs d’où l’on tire le sel comme on tire des pierres d’une carrière, et pour la valeur d’un sou on en donne un pied et demi en carré. Il se trouve aussi des plaines dont le sable n’est que pur sel, mais il n’a pas le même effet que celui de France, et il en faut le double pour saler raisonnablement les viandes. Voyages de Tavernier en Turquie, etc., t. II, p. 10 et 11. — Quelques montagnes aux environs du château de Thaïkan, à deux journées nord-est-quart-de-nord de Balack, ville située sur les frontières de Perse, sont composées du plus beau sel de roche : cette ville de Balack a été ruinée par les Tartares. Histoire générale des Voyages, t. VII, p. 318. — L’on trouve quantité de ruisseaux d’eau salée, au bord desquels s’épaissit et se forme un sel très blanc : et ce qui est bien davantage, proche de Congo, il y a une plaine qui, par l’espace de plusieurs milles, est toute blanche de sel, lequel venant à se fondre en temps de pluie, et par ce moyen effaçant entièrement les chemins, cause une extrême confusion, et donne aux passants une peine incroyable. Voyages d’Orient, par le P. Philippe, carme déchaussé ; Lyon, 1669, t. II, p. 104.
  12. On trouve dans la province d’Astracan une montagne de sel qui, bien qu’on y en prenne journellement, semble ne point diminuer : ce sel est dur et aussi transparent que du cristal. Il est permis à toutes sortes de gens d’y en faire couper, ce qui a enrichi beaucoup de marchands. Voyages historiques de l’Europe ; Paris, 1693, t. II, p. 34 et 35.
  13. Pline cite une montagne de sel aux Indes, laquelle était, dit-il, pour le souverain, son possesseur, une source inépuisable de richesse. « Sunt et montes nativi salis, ut in Indiâ Oromenus, in quo lapidicinarum modo cæditur renascens ; majusque regum vectigal ex eo, quam ex auro atque margaritis. » Lib. xxxi, cap. i, sect. 39.
  14. Au delà du Volga, vers le couchant, s’étend une longue bruyère de plus de soixante-dix lieues d’Allemagne jusqu’au Pont-Euxin ; et vers le midi, une autre de plus de quatre-vingts lieues le long de la mer Caspie… Mais ces déserts ne sont point si stériles qu’ils ne produisent du sel en plus grande quantité que les marais de France et d’Espagne ; ceux de ces quartiers-là les appellent Mozakoski. Kainkowa et Gwoftonki, qui sont à dix, quinze et trente werstes d’Astracan, ont des veines salées, que le soleil cuit et fait nager sur l’eau l’épaisseur d’un doigt, comme un cristal de roche, et en si grande quantité, qu’en payant deux liards d’impôt de chaque poud, c’est-à-dire du poids de quarante livres, on en emporte tant que l’on veut ; il sent la violette comme en France, et les Moscovites en font un grand trafic, en le portant sur le bord du Volga, où ils le mettent en de grands monceaux jusqu’à ce qu’ils aient la commodité de le transporter ailleurs. Petreins, dans son Histoire de Moscovie, dit qu’à deux lieues d’Astracan, il y a deux montagnes, qu’il nomme Bussin, qui produisent du sel de roche en si grande abondance, que, quand trente mille hommes y travailleraient incessamment, ils n’en pourraient pas tarir les sources ; mais je n’ai pu rien apprendre de ces montagnes imaginaires : cependant il est certain que le fond des veines salées dont nous venons de parler est inépuisable, et que l’on n’en a pas sitôt enlevé une croûte qu’il ne s’y en fasse aussitôt une nouvelle. Le même Petreins se trompe aussi quand il dit que ces montagnes fournissent de sel la Médie, la Perse et l’Arménie, puisque ces provinces ne manquent point de marais salants, non plus que la Moscovie, ainsi que nous le verrons dans la suite. Voyages d’Olearius ; Paris, 1656, t. Ier, p. 319.
  15. Tavernier parle d’une plaine de Natolie, qui a environ dix lieues de long et une ou deux de large, qui n’est qu’un lac salé dont l’eau se congèle et se forme en sel qu’on ne peut dissoudre qu’avec peine, si ce n’est dans l’eau chaude ; ce lac fournit de sel presque toute la Natolie, et la charge d’une charrette, tirée par deux buffles, ne coûte sur le lieu qu’environ quarante-cinq sous de notre monnaie : il s’appelle Douslac, c’est-à-dire la place de sel, et le pacha de Couchahur, petite ville qui est à deux journées, en retire vingt-quatre mille écus par an. Voyages de Tavernier, t. Ier, p. 124.
  16. « Invenit et juxta Pelusium Ptolemæus rex, cùm castra faceret ; quo exemplo postea inter Ægyptum et Arabiam cœptum est inveniri, detractis arenis. » Lib. xxxi, cap. i, sect. 39.
  17. Pline, en parlant des rivières salées, qu’il place dans la mer Caspienne, dit que le sel forme une croûte à la surface, sous laquelle le fleuve coule comme s’il était glacé ; ce qu’on ne peut néanmoins entendre que des mers et des anses, où l’eau tranquille et dormante et baissant dans les chaleurs donnait lieu à la voûte de sel de se former : « Sed et summa fluminum durantur in salem, amne reliquo veluti sub gelu fluente, ut apud Caspias portas, quæ salis flumina appellantur. » Hist. nat., lib. xxxi, cap. i, sect. 39.
  18. Les parties occidentales de la Chine qui bordent la Tartarie sont bien pourvues de sel, malgré leur éloignement de la mer ; outre les salines qui se trouvent dans quelques-unes de ces provinces, on voit dans quelques autres une sorte de terre grise, comme dispersée de côté et d’autre, en pièces de trois ou quatre arpents, qui rend une prodigieuse quantité de sel. Pour le recueillir, on rend la surface de la terre aussi unie que la glace, en lui laissant assez de pente pour que l’eau ne s’y arrête point ; lorsque le soleil vient à la sécher, jusqu’à faire paraître blanches les particules de sel qui s’y trouvent mêlées, on les rassemble en petits tas, qu’on bat ensuite soigneusement, afin que la pluie puisse s’y imbiber : la seconde opération consiste à les étendre sur de grandes tables un peu inclinées, qui ont des bords de quatre ou cinq doigts de hauteur ; on y jette de l’eau fraîche, qui, faisant fondre les parties de sel, les entraîne avec elle dans de grands vaisseaux de terre, où elles tombent goutte à goutte par un petit tube. Après avoir ainsi dessalé la terre, on la fait sécher, on la réduit en poudre, et on la remet dans le lieu d’où on l’a tirée : dans l’espace de sept ou huit jours, elle s’imprègne de nouvelles parties de sel, qu’on sépare encore par la même méthode.

    Tandis que les hommes sont occupés de ce travail aux champs, leurs femmes et leurs enfants s’emploient, dans des huttes bâties au même lieu, à faire bouillir le sel dans de grandes chaudières de fer, sur un fourneau de terre percé de plusieurs trous, par lesquels tous les chaudrons reçoivent la même chaleur ; la fumée passant par un long noyau, en forme de cheminée, sort à l’extrémité du fourneau : l’eau, après avoir bouilli quelque temps, devient épaisse et se change par degrés en un sel blanchâtre, qu’on ne cesse pas de remuer avec une grande spatule de fer jusqu’à ce qu’il soit devenu tout à fait blanc. Histoire générale des Voyages, t. VI, p. 486 et 487. — Au Japon, le sel se fait avec de l’eau de la mer : on creuse un grand espace de terre qu’on remplit de sable fin, sur lequel on jette de l’eau de la mer, et on le laisse sécher ; on recommence la même opération jusqu’à ce que le sable paraisse assez imbibé de sel ; alors on le ramasse, on le met dans une cuve, dont le fond est percé en trois endroits ; on y jette encore de l’eau de la mer, qu’on laisse filtrer au travers du sable : on reçoit cette eau dans de grands vases, pour la faire bouillir jusqu’à certaine consistance, et le sel qui en sort est calciné dans de petits pots de terre jusqu’à ce qu’il devienne blanc. Histoire naturelle du Japon, par Kæmpfer, t. Ier, p. 95.

    Chez les Mogols, il y a une mine de sel mêlée de sable à la profondeur d’un pouce sous terre ; cette région en est remplie : les Mogols, pour le purifier, mettent ce mélange dans un bassin où ils jettent de l’eau ; le sel venant à se dissoudre, ils le versent dans un autre bassin et le font bouillir ; après quoi ils le font sécher au soleil. Ils s’en procurent encore plus aisément dans leurs étangs d’eau de pluie, où il se ramasse de lui-même dans des trous ; et, séchant au soleil, il laisse une croûte de sel fin et pur, qui est quelquefois épaisse de deux doigts, et qui se lève en masse. Histoire générale des Voyages, t. VII, p. 464. — La province de Portalona, au couchant de l’île de Ceylan, a un port de mer d’où une partie du royaume tire du sel et du poisson… À l’égard des parties orientales que l’éloignement et la difficulté des chemins empêchent de tirer du sel de ce port, la nature a pourvu à leurs besoins d’une autre manière. Le vent d’est fait entrer l’eau de la mer dans le port de Leaouva ; et, lorsque ensuite le vent d’ouest amène le beau temps, cette eau se congèle, et fournit aux habitants plus de sel qu’ils n’en peuvent employer. Idem, t. VIII, p. 520.

    Dans le royaume d’Asem, on fait du sel en faisant sécher et brûler ensuite cette verdure qui se trouve ordinairement sur les eaux dormantes : les cendres qui en proviennent étant bouillies et passées servent de sel. La seconde méthode est de prendre de grandes feuilles de figuier que l’on sèche et que l’on brûle de même. Les cendres sont une espèce de sel d’une âcreté si piquante, qu’il serait impossible d’en manger s’il n’était adouci : on met les cendres dans l’eau ; on les y remue l’espace de dix ou douze heures ; ensuite on passe cette eau trois fois dans un linge, et puis on la fait bouillir ; à mesure qu’elle bout, le fond s’épaissit, et lorsqu’elle est consumée, on trouve au fond de la chaudière un sel blanc et d’assez bon goût. C’est de la cendre des mêmes feuilles qu’on fait dans le royaume d’Asem une lessive dont on blanchit les soies ; si le pays avait plus de figuiers, les habitants feraient toutes leurs soies blanches, parce que la soie de cette couleur est beaucoup plus claire que l’autre. Hist. génér. des Voy., t. IX, p. 548.

  19. Dans les environs de la baie de Saldanha, qui sont habités par les Kochoquas ou Salthanchaters, il y a plusieurs mines de sel dont les étrangers font commerce… Il y a aussi des salines dans plusieurs endroits du pays des Damaquas, mais elles ne sont d’aucun usage, parce qu’elles sont trop éloignées des habitations européennes, et que les Hottentots ne mangent jamais de sel… Dans toutes les terres du cap de Bonne-Espérance, le sel est formé par l’action du soleil sur l’eau des pluies ; ces eaux s’amassent dans des espèces de bassins naturels pendant la saison des pluies ; elles entraînent avec elles, en descendant des montagnes et des collines, un limon gras dont la couleur est plombée, et c’est sur ce limon que se forme le sel dans les bassins.

    L’eau, en descendant dans ces bassins, est toujours noirâtre et sale ; mais au bout de quelque temps elle devient claire et limpide, et ne redevient noirâtre que dans le mois d’octobre, temps auquel elle commence à devenir salée ; à mesure que la chaleur de l’été devient plus grande, elle prend un goût plus âcre et plus salé, et sa couleur devient enfin d’un rouge foncé : les vents du sud-est, soufflant alors avec force, agitent cette eau et accélèrent l’évaporation… Le sel commence à paraître sur les bords ; sa quantité augmente de jour en jour, et vers le solstice d’été les bassins se trouvent remplis d’un beau sel blanc, dont la couche a quelquefois six pouces d’épaisseur, surtout si les pluies ont été assez considérables pour remplir d’eau ces creux ou ces bassins naturels…

    Dès que le sel est ainsi formé, chaque habitant des colonies en fait sa provision pour toute l’année ; il n’a besoin pour cela d’aucune permission, ni de payer aucun droit : il y a seulement deux bassins qui sont réservés pour la Compagnie hollandaise et pour le gouvernement, et dans lesquels les colons ne prennent point de sel…

    Ce sel du cap de Bonne-Espérance est blanc et transparent ; ses grains ont ordinairement six angles, et quelquefois plus ; le plus blanc et le plus fin est celui qui se tire du milieu du bassin, c’est-à-dire de l’endroit où la couche de sel est la plus épaisse… Celui des bords est grossier, dur et amer ; cependant on le préfère pour saler la viande et le poisson, parce qu’il est plus dur à fondre que celui du milieu du bassin ; mais ni l’un ni l’autre ne vaut celui d’Europe pour ces sortes de salaisons, et les viandes qui en sont salées ne peuvent jamais soutenir un long voyage.

    La manière dont se forme ce sel ressemble trop à celle dont se produit le nitre pour ne pas supposer que le sel du Cap vient en bonne partie du nitre que le terrain et l’air contiennent dans ce pays… Ces parties nitreuses descendent peu à peu sur la terre où elles restent renfermées jusqu’à ce que les pluies, tombant en abondance, lavent le terrain et les entraînent avec elles dans les bassins… D’un autre côté, on a lieu de présumer que le terrain des vallées du Cap est naturellement salé, puisque l’herbe qui croît dans ces vallées a un goût d’amertume et de salure, et que les Hollandais nomment ces pâturages terres saumaches ; et ce fait seul serait suffisant pour expliquer la formation du sel dans les terrains du cap de Bonne-Espérance.

    Enfin, pour prouver que l’air est chargé de particules salsugineuses au Cap, M. Kolbe rapporte une expérience qui a été faite par un de ses amis, dont il résulte que si l’on reçoit dans un vaisseau les vents qui soufflent au Cap, il se forme sur les parois de ce vaisseau de petites gouttes qui, augmentant peu à peu, le remplissent en entier ; que cette eau qui, d’abord, ne paraît pas être salée, étant exposée dans un endroit où la chaleur et l’air puissent agir en même temps sur l’eau et sur le vaisseau, elle devient dans l’espace de trois ou quatre heures salsugineuse et blanchâtre, paraît comme mélangée de vert de mer et de bleu céleste, et laisse un sédiment qui prend la forme de gelée.

    Lorsque après cela on couvre légèrement le vaisseau et qu’on le met sur un fourneau, cette eau devient d’abord jaune, ensuite rougeâtre, et enfin elle prend une couleur d’un rouge écarlate ; il s’y forme après cela divers corps de différentes figures : les parties nitreuses sont sexangulaires, cannelées et oblongues, les vitrioliques (ou plutôt de sel marin) ont la figure cubique, et les urinaires prennent une figure sexangulaire, ronde et étoilée. On démêle aussi les parties de sel ; les unes sont jaunes, les autres blanches et brillantes, etc… Telle est, ajoute M. Kolbe, l’expérience que mon correspondant a faite et qu’il a réitérée soixante-dix fois et toujours avec le même succès ; toujours il a retiré de cette eau aérienne les trois principes, etc. Description du cap de Bonne-Espérance ; Amsterdam, 1741, partie ii, p. 110, 128, 195 et jusqu’à 202. — L’on peut dire que partout l’air des environs de la mer est salé à peu près comme au Cap, et cet air salé, pompé par la végétation, donne un goût salin à ses productions. Il y a des raisins et d’autres fruits salés : les différentes plantes dont on fait le varech le sont plus ou moins suivant les différents parages. Celles qui sont le plus proches des embouchures des fleuves le sont moins que celles qui croissent sur les écueils des hautes mers.

  20. Le P. Lobo dit qu’en partant du port de Baylno sur la mer Rouge, il traversa de grandes plaines de sel qui aboutissent aux montagnes de Duan, par lesquelles l’Abyssinie est séparée du pays des Galles et des Mores… Le même auteur dit que la principale monnaie des Abyssins est le sel qu’on donne par morceaux de la longueur d’une palme, larges et épais de quatre doigts : chacun en porte un petit morceau dans sa poche ; lorsque deux amis se rencontrent, ils tirent leurs petits morceaux de sel et se le donnent à lécher l’un à l’autre. Bibliothèque raisonnée, t. Ier, p. 56 et 58. — On se sert en Éthiopie de sel de roche pour la petite monnaie : il est blanc comme la neige, et dur comme la pierre ; on le tire de la montagne Lafla, et on le porte dans les magasins de l’empereur, où on le forme en tablettes qu’on appelle amouly, ou en demi-tablettes qu’on nomme courman. Chaque tablette est longue d’un pied, large et épaisse de trois pouces : dix de ces tablettes valent trois livres de France. On le rompt selon le paiement qu’on a à faire, et on se sert de ce sel également pour la monnaie et pour l’usage domestique. M. Poncet, suite des Lettres édifiantes, Paris, 1704, quatrième Recueil, p. 329.
  21. L’île de Sal, l’une de celles du cap Vert, tire son nom de la grande quantité de sel qui s’y congèle naturellement, toute l’île étant pleine de marais salants ; le terroir est fort stérile, ne produisant aucun arbre, etc. Nouveau voyage autour du monde, par Dampier ; Rouen, 1715, t. Ier, p. 92. — Il y a des mines de sel dans l’île de Buona-Vista, l’une des îles du cap Vert ; on en charge des vaisseaux, et l’on en conduit dans la Baltique. Histoire générale des voyages, t. II, p. 293. — L’île de Mai est la plus célèbre des îles du cap Vert par son sel, que les Anglais chargent tous les ans dans leurs vaisseaux. Barbot assure que cette île pourrait en fournir tous les ans la cargaison de mille vaisseaux. Ce sel se charge dans des espèces de marais salants où les eaux de la mer sont introduites dans le temps des marées vives, par de petits aqueducs pratiqués dans le banc de sable : ceux qui le viennent charger le prennent à mesure qu’il se forme, et le mettent en tas dans quelques endroits secs avant que l’on y introduise de l’eau nouvelle. Dans cet étang, le sel ne commence à se congeler que dans la saison sèche ; au lieu que dans les salines des Indes occidentales, c’est au temps des pluies, particulièrement dans l’île de la Tortue. Hist. gén. des voyages, t. II, p. 372.
  22. À six journées de la ville de Hoden, derrière le cap Blanc, on trouve une ville nommée Teggazza, d’où l’on tire tous les ans une grande quantité de sel de roche, qui se transporte sur le dos des chameaux à Tumbuto, et de là dans le royaume de Melly, qui est du pays des Nègres. Histoire générale des voyages, t. II, p. 293. — Ces nègres regardent le sel comme un préservatif contre la chaleur ; ils en font chaque jour dissoudre un morceau dans un vase rempli d’eau, et l’avalent avec avidité, ils croient lui être redevables de leur santé et de leurs forces. Idem, ibidem.
  23. On ne saurait presque s’imaginer combien est considérable le gain que les Nègres font à cuire le sel sur la côte de Guinée… Tous les Nègres du pays sont obligés à venir quérir le sel sur la côte ; ainsi, il ne vous sera pas difficile de comprendre que le sel y soit extrêmement cher et les gens du commun sont forcés de se contenter, en place de sel, d’une certaine herbe un peu salée, leur bourse ne pouvant souffrir qu’ils achètent du sel.

    Quelques milles dans les terres derrière Ardra, d’où viennent la plupart des esclaves, on en donne un et quelquefois deux pour une poignée de sel…

    Voici la manière de cuire le sel : quelques-uns font cuire l’eau de la mer dans des bassins de cuivre aussi longtemps qu’elle se mette ou se change en sel ; mais c’est la manière la plus longue, et par conséquent la moins avantageuse ; aussi ne fait-on cela que dans les lieux où le pays est si haut, que la mer ou les rivières salées n’y peuvent couler par-dessus ; mais dans les autres endroits où l’eau des rivières ou de la mer se répand souvent, ils creusent de profondes fosses pour y renfermer l’eau qui se dérobe, en suite de quoi, le plus fin ou le plus doux de cette eau se sèche peu à peu par l’ardeur du soleil, et devient plus propre pour en tirer dans peu de temps beaucoup de sel.

    En d’autres endroits ils ont des salines où l’eau est tellement séchée par la chaleur du soleil, qu’ils n’ont pas besoin de la faire cuire, mais n’ont qu’à l’amasser dans ces salines.

    Ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter des bassins de cuivre, ou qui ne veulent pas employer leur argent à ces bassins, ou bien encore qui craignent que l’eau de mer devant cuire si longtemps, ces bassins ne fussent bientôt percés par le feu, prennent des pots de terre dont ils mettent dix ou douze les uns contre les autres, et font ainsi deux longues rangées, étant attachés les uns aux autres avec de l’argile, comme s’ils étaient maçonnés, et sous ces pots il y a comme un fourneau, où l’on met continuellement du bois ; cette manière est la plus ordinaire dont ils se servent, et avec laquelle cependant ils ne tirent pas tant de sel ni si promptement. Le sel est extrêmement fin et blanc sur toute la côte (à l’exception des environs d’Acra), principalement dans le pays de Fantin, où il surpasse presque la neige en blancheur. Voyages de Bosman ; Utrecht, 1705, p. 321 et suiv.

    Le long du rivage du canal de Biyurt, quelques lieues au-dessus de la barre du fleuve du Sénégal, la nature a formé des salines fort riches ; on en compte huit éloignées l’une de l’autre d’une ou deux lieues : ce sont de grands étangs d’eau salée, au fond desquels le sel se forme en masse ; on le brise avec des crocs de fer pour le faire sécher au soleil : à mesure qu’on le tire de l’étang, il s’en forme d’autre. On s’en sert pour saler les cuirs ; il est corrosif et fort inférieur en bonté au sel de l’Europe. Chaque étang a son fermier qui se nomme ghiodin ou komessu, sous la dépendance du roi de Kayor. Histoire générale des voyages, t. II, p. 489.

  24. La côte d’Or, en Afrique, fournit un fort bon sel et en abondance… La méthode des Nègres est de faire bouillir l’eau de la mer dans des chaudières de cuivre, jusqu’à sa parfaite congélation… Ceux qui sont situés plus avantageusement creusent des fosses et des trous, dans lesquels ils font entrer l’eau de la mer pendant la nuit : la terre étant d’elle-même salée et nitreuse, les parties fraîches de l’eau s’exhalent bientôt à la chaleur du soleil, et laissent de fort bon sel, qui ne demande pas d’autres préparations. Dans quelques endroits, on voit des salines régulières où la seule peine des habitants est de recueillir le sel chaque jour. Histoire générale des voyages, t. IV, p. 216 et suiv.
  25. Le pays de Sogno est voisin des mines de Demba, d’où l’on tire à deux ou trois pieds de terre un sel de roche d’une beauté parfaite, aussi clair que la glace, sans aucun mélange : on le coupe en pièces d’une aune de long, qui se transportent dans toutes les parties du pays. De Lille place les mines de sel dans le pays de Bamba : ce pays de Sogno fait partie du royaume de Congo. Idem, ibidem, p. 626.
  26. L’île de Saint-Domingue a, dans plusieurs endroits de ses côtes, des salines naturelles, et l’on trouve du sel minéral dans une montagne voisine du lac Xaragua, plus dur et plus corrosif que le sel marin, avec cette propriété que les brèches que l’on y fait se réparent, dit-on, dans l’espace d’un an. Oviédo ajoute que toute la montagne est d’un très bon sel, aussi luisant que le cristal, et comparable à celui de Cardonne en Catalogne. Hist. génér. des voyages, t. XII, p. 218. — Il y a dans cette île de très belles salines, qui sans être cultivées donnent du sel aussi blanc que la neige, et étant travaillées en pourraient fournir davantage que toutes les salines de France, de Portugal et d’Espagne. Il se rencontre de ces salines au midi, dans la baie d’Ocoa, dans le cul-de-sac, à un lieu nommé coridon, au septentrion de l’île vers l’Orient, à Caracol, à Limonade, à Monte-Christo ; il y en a encore en plusieurs autres lieux, et ce ne sont ici que les principales. Outre ces salines marines, l’on trouve dans les montagnes des mines de sel qu’on appelle ici sel gemme, qui est aussi beau et aussi bon que le sel marin : je l’ai moi-même éprouvé, et l’ai trouvé beaucoup meilleur que le premier. Histoire des Aventuriers Boucaniers, Paris, 1686, t. Ier, p. 84.
  27. Derrière le cap d’Araya en Amérique, qui est vis-à-vis de la pointe occidentale de la Marguerite, la nature a placé une saline qui serait utile aux navigateurs, si elle n’était pas trop éloignée du rivage ; mais dans l’intérieur du golfe, le continent forme un coude près duquel est une autre saline, la plus grande peut-être qu’on ait connue jusqu’à aujourd’hui ; elle n’est pas à plus de trois cents pas du rivage, et l’on y trouve dans toutes les saisons de l’année un excellent sel, quoique moins abondant au temps des pluies : quelques-uns croient que les flots de la mer, poussés dans l’étang par les tempêtes, et n’ayant point d’issues pour en sortir, y sont coagulés par l’action du soleil, comme il arrive dans les salines artificielles de France et d’Espagne ; d’autres jugent que les eaux salées s’y rendent de la mer par des conduits souterrains, parce que le rivage paraît trop convexe pour donner passage aux flots ; enfin d’autres encore attribuent aux terres mêmes une qualité saline, qu’elles communiquent aux eaux de pluie : ce sel est si dur, qu’on ne peut en tirer sans y employer des instruments de fer. Histoire générale des voyages, t. XIV, p. 393.
  28. Les Indiens de cet isthme tirent leur sel de l’eau de la mer, qu’ils cuisent dans des pots de terre jusqu’à ce qu’elle soit évaporée, et que le sel reste au fond en forme de gâteau ; ils en coupent à mesure qu’ils en ont besoin, mais cette voie est si longue qu’ils n’en peuvent pas faire en grande quantité, et qu’ils l’épargnent beaucoup. Voyages de Wafer, suite de Dampier, t. IV, p. 241. — Le sel minéral ou sel de pierre se trouve très abondamment au Pérou ; il y a aussi, dans la province de Lipes, une plaine de sel de plus de quarante lieues de longueur sur seize de largeur, à l’endroit le plus étroit. Métallurgie d’Alphonse Barba, t. Ier, p. 24 et suiv.
  29. Le port de Gunta, dans le Corrégiment de Guyaquil au Pérou, est si riche en salines, qu’il suffit seul pour fournir du sel à toute la province de Quito. Histoire générale des voyages, t. XIII, p. 366.
  30. Ce n’est pas de la mer qu’on tire le sel pour la Californie ; il y a des salines dont le sel est blanc et luisant comme du cristal, mais en même temps si dur qu’on est souvent obligé de le rompre à grands coups de marteau. Il serait d’un bon débit dans la Nouvelle-Espagne où le sel est rare. M. Poucet, suite des Lettres édifiantes ; Paris, 1705, cinquième Recueil, p. 271.
  31. Vers le port Saint-Julien en Amérique, environ cinquante degrés de latitude sud, le voyageur Narborough vit, en 1669, un marais qui n’avait pas moins de deux milles de long, et sur lequel il trouva deux pouces d’épaisseur d’un sel très blanc, qu’on aurait pris de loin pour un pavé fort uni : ce sel était également agréable au palais et à l’odorat. Histoire générale des voyages, t. XI, p. 36. George Anson dit la même chose dans son Voyage autour du monde, p. 58.
  32. Les voyageurs nous disent qu’au pays d’Asem, aux Indes orientales, le sel naturel manque absolument, et que les habitants y suppléent par un sel artificiel. « Pour cet effet, ils prennent de grandes feuilles de la plante qu’on nomme aux Indes figuier d’Adam ; ils les font sécher, et, après les avoir fait brûler, les cendres qui restent sont mises dans l’eau, qui en adoucit l’âpreté ; on les y remue pendant dix à douze heures, après quoi l’on passe cette eau au travers d’un linge, et on la fait bouillir : à mesure qu’elle bout, le fond s’épaissit, et quand elle est consumée, on y trouve pour sédiment au fond du vase un sel blanc et assez bon ; mais c’est là le sel des riches, et les pauvres de ce pays en emploient d’un ordre fort inférieur. Pour le faire, on ramasse l’écume verdâtre qui s’élève sur les eaux dormantes et en couvre la superficie ; on fait sécher cette matière, on la brûle, et les cendres qui en proviennent étant bouillies, il en vient une espèce de sel, que le commun peuple d’Asem emploie aux mêmes usages que nous employons le nôtre. » Académie des sciences de Berlin, année 1745, p. 73.
  33. « Galliæ, Germaniæque ardentibus lignis aquam salsam infundunt. » Pline, lib. xxxi, cap. i, sect. 39.
  34. Ces salines de Pécais sont situées à une lieue et demie d’Aigues-Mortes, dans une plaine dont l’étendue est d’environ une lieue et demie en tout sens : ce terrain est presque tout sablonneux et limoneux, mêlé avec un débris de coquillages que la mer y a jeté… Ce terrain est coupé de canaux creusés exprès pour la facilité du transport des sels, qui ne se fait qu’en hiver ou dans des barques ; on le dépose dans le grand entrepôt pour le compte du roi…

    On compte dix-sept salines dans tout le terrain de Pécais ; mais il n’y en a que douze qui soient en valeur, et toutes sont éloignées de la mer d’environ deux mille toises. Ce terrain de Pécais est plus bas que les étangs, qui sont séparés de la mer par une plage, et qui communiquent avec elle par quelques ouvertures ; il est aussi plus bas que le bras du Rhône qui passe à Saint-Gilles, dont on a tiré un canal qui arrive à Pécais : il y a des digues, tant du côté de ce bras du Rhône que du côté des étangs, pour empêcher les inondations…

    Toute l’eau dont on se sert dans les douze salines vient des étangs… Ces salines sont divisées en compartiments de cinquante, cent, etc., arpents chacun ; plus ils sont grands et plus la récolte de sel est abondante, parce que l’eau salée qui vient des étangs parcourt plus d’espace et a plus de temps pour s’évaporer… C’est au commencement de mai que l’on fait les premiers travaux, en divisant les grands compartiments en d’autres plus petits : cette séparation se fait par le moyen des bâtardeaux, des piquets, des fascines et de la terre… On ne fait entrer qu’environ un pied et demi d’eau sur le terrain, et comme il est imprégné de sel depuis plusieurs siècles, l’eau, à force de rouler dessus, se charge d’une plus grande quantité de sel… L’eau évaporée par la chaleur du soleil produit à sa surface une pellicule, et lorsqu’elle est prête à former le sel, elle paraît quelquefois rouge ou de couleur de rose, quand on la regarde à une certaine distance, et d’autres fois claire et limpide ; mais les ouvriers en jugent par une épreuve fort simple : ils plongent la main dans l’eau salée, et tout de suite ils la présentent à l’air ; s’il se forme dans l’instant, sur la surface de la peau, de petits cristaux et une légère croûte saline, ils jugent que l’eau est au point requis, et qu’il faut la conduire aux réservoirs, ensuite aux puits à roue, et enfin dans les tables pour les faire cristalliser… Les puits à roue n’ont ordinairement que cinq à six pieds de profondeur… Les tables ont des rebords formés de terre, pour y retenir huit à douze lignes d’eau que l’on y fait entrer toutes les vingt-quatre heures, et on ne lève du sel qu’après avoir réitéré l’introduction de l’eau sur les tables une vingtaine de fois, c’est-à-dire au bout de vingt jours : si la cristallisation a bien réussi, il reste après ce temps une épaisseur de sel d’environ trois pouces ou de deux pouces et demi… Ce sel est quelquefois si dur, surtout lorsque les vents du nord ont régné pendant l’évaporation, qu’il faut se servir de pelles de fer pour le détacher… On enlève ce sel ainsi formé sur les tables, et on en forme des monceaux en forme de pyramides, qui contiennent chacun environ quatre-vingts ou quatre-vingt-six minots de sel, du poids de cent livres par minot ; au bout de vingt-quatre heures, on rassemble tous ces petits monceaux de sel, et on en forme, sur un terrain élevé, des amas qui ont quelquefois cent toises de long, onze de large et cinq de hauteur, que l’on couvre ensuite de paille ou de roseau, en attendant qu’on puisse les faire transporter sur les grands entrepôts de vente, où l’on charge le sel pour l’approvisionnement des greniers du roi…

    On ne fait chaque année, dans toutes les salines de Pécais, qu’une seule récolte ; dans les salines de Provence, à ce qu’on m’a assuré, on fait quelquefois une seconde récolte de sel qui est fort inférieur à celui de la première.

    Si dans l’espace de quatre mois, que dure toute la manœuvre de l’opération, il survient des pluies fréquentes, des vents de mer ou des orages, on fait une mauvaise récolte ; il faudrait toujours, pour bien réussir, un soleil ardent et un vent du nord ou nord-ouest… Les inondations du Rhône, qui répandent des eaux douces sur le terrain des salines, font quelquefois perdre la récolte d’une année…

    Suivant le règlement des gabelles, on doit ne laisser le sel entas que pendant une année, pour lui faire perdre cette amertume et cette âcreté qu’on lui trouve lorsqu’il est récemment fabriqué ; mais il y reste bien plus longtemps, car les propriétaires ne le vendent ordinairement aux fermiers généraux qu’au bout de trois, quatre et quelquefois cinq ans ; au bout de ce temps, il est si dur qu’on ne peut le détacher qu’avec des pics de fer.

    Dans les bonnes récoltes, on tire des salines de Pécais jusqu’à cinq cent treize mille minots de sel… On le vend au roi sur le pied de quarante-deux livres quinze sous le gros muid (c’est-à-dire cinq sous le minot, pesant cent livres)… Elles produisent au roi environ sept à huit millions par an…

    Les bords des canaux qui conduisent l’eau dans les puits à roue sont couverts de belles cristallisations de sel, que l’on est obligé de détacher de temps en temps, parce qu’avec le temps elles intercepteraient le passage de l’eau… La surface de l’eau qui coule au milieu du canal est couverte d’une pellicule mince, qui est un indice pour connaître quand une dissolution de certains sels doit être mise à cristalliser…

    La plaine de sel que l’on voit sur les compartiments, et dont la blancheur se fait apercevoir de loin, ne commence à paraître que dans les premiers jours de juin, temps où les eaux sont déjà prêtes à être conduites dans les puits à roue, et se soutient jusqu’au mois d’octobre ou de novembre. Dans certaines années, cette cristallisation ne dure pas si longtemps : tout dépend des pluies plus ou moins abondantes…

    L’eau évaporée au point requis, à mesure qu’on l’élève par les seaux des puits à roue, se cristallise aux parois de ces seaux, surtout si le soleil est ardent et si le vent du nord règne ; on est alors oblige d’y faire passer l’eau des étangs, ou de détacher deux fois par jour ces cristallisations, pour qu’elles ne remplissent pas toute la capacité du seau ; mais ce dernier travail serait trop pénible, et on préfère la première manœuvre. On sait que le sel marin a la propriété de grimper dès qu’on lui présente quelque corps pendant qu’il cristallise ; c’est à cette propriété que sont dues ces cristallisations auxquelles les ouvriers donnent toutes sortes de figures, comme de lacs d’amour, de crucifix, d’étoiles, d’arbres, etc… Elles sont formées à l’aide de morceaux de bois auxquels le sel s’attache, en sorte qu’il prend la figure qu’on a donnée à ces morceaux de bois : toutes ces cristallisations sont des amas de cubes très réguliers et d’une grosseur très considérable…

    On tire de l’écume qui surnage les eaux salées que l’on fait passer aux tables un sel qui est friable et très blanc, et que l’on emploie à l’usage des salières dont on se sert pour la table ; mais ce sel est plus amer que l’autre, parce qu’il contient du sel de Glauber et du sel marin à base terreuse… Ce sel de Glauber se trouve en quantité dans l’eau de la mer que l’on puise sur nos côtes… Nous trouvions principalement le sel de Glauber à la partie inférieure de la cristallisation ou de la masse totale des deux sels cristallisés : la raison en est que le sel de Glauber, étant très soluble dans une moindre quantité d’eau que le sel marin, est entraîné au-dessous de ce dernier sel par la dernière partie de l’eau qui reste avant l’entière dissipation. C’est par la même raison qu’on ne voit pas un atome de sel de Glauber dans ces belles cristallisations que le sel forme en grimpant, ni dans toutes les croûtes salines qui s’attachent aux puits à roue, etc… C’est ce sel de Glauber et le sel marin à base terreuse qui donnent de l’amertume au sel nouvellement fabriqué, et qui s’en séparent ensuite, parce qu’ils sont très solubles : lorsque le sel est pendant quelques années conservé en tas avant d’être mis dans les greniers du roi, il en est meilleur et plus propre à l’usage de nos cuisines…

    Au moyen de ce que le sel de Pécais reste pendant trois, quatre ou cinq ans rassemblé en monceaux avant d’être vendu aux fermiers du roi, il se sépare de tout son sel de Glauber et du sel marin à base terreuse, et devient enfin le sel le meilleur, le plus salant, le moins amer du royaume, et peut-être de l’Europe ; il est encore le plus dur, le plus beau, et celui qui est formé en plus gros cristaux bien compacts et bien secs : par là les surfaces qu’il présente à l’air étant les plus petites possibles, il est très peu sujet à l’influence de son humidité, tandis que les sels en neige qu’on tire par une forte évaporation sur le feu, soit de l’eau de la mer, soit des puits salants, comme en Franche-Comté, en Lorraine, etc., sont au contraire très exposés, par leur état de corps rare, par la multiplication de leurs surfaces, à être pénétrés par l’humidité de l’air dont le sel marin se charge facilement ; ces sels formés sur le feu contiennent d’ailleurs tout leur sel de Glauber et beaucoup de sel marin à base terreuse, ou du moins une bonne partie ; celui de Bretagne et de Normandie les contient dans la même proportion où ils sont dans l’eau de la mer, car on y évapore jusqu’à dessiccation ; et celui de Franche-Comté et de Lorraine en contient une partie, quoiqu’on enlève le sel avant que toute la liqueur soit consumée sur les poêles…

    Il faut au surplus que les ouvriers qui fabriquent le sel à Pécais prennent garde que les tables ne manquent jamais d’eau pendant tout le temps de sa saunaison, parce que, selon eux, le sel s’échaufferait et serait difficile à battre ou à laver. Mémoires de M. Montel, dans ceux de l’Académie des sciences, année 1763, p. 441 et suiv.

  35. Gazette d’Agriculture du mardi 12 septembre 1775, article Paris.
  36. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1758, p. 99 et suiv.
  37. Voyez le Mémoire de M. Guettard, depuis la page 99 jusqu’à 116.
  38. Observations d’histoire naturelle, par M. le Monnier, t. IV, p. 432.
  39. Nous devons observer que cette pratique de mettre le sel à l’exposition du feu, pour le durcir, est très préjudiciable à la pureté et à la qualité du sel :

    1o Parce que, pour mouler le sel, il faut qu’il soit humecté de son eau mère, que le feu ne fait que dessécher en agglutinant la masse saline, et cette eau mère est une partie impure qui reste dans le sel ;

    2o Une partie du gypse se décompose, son acide vitriolique agit sur la base du sel marin, le dénature et le rend amer ;

    3o Le sel marin le plus pur reçoit une altération très sensible par la calcination ; il devient plus caustique, une partie de l’acide s’en dissipe et laisse une base terreuse qui procède de la décomposition de l’alcali minéral. La décomposition du sel est si sensible, que l’on ne peut rester dans les étuves du grillage, à cause des vapeurs acides qui affectent la poitrine et les yeux.

  40. Des pompes, mues par un courant d’eau, élèvent les eaux salées dans des réservoirs placés au haut d’un vaste hangar, long et étroit, d’où on les fait tomber par gouttes, au moyen de plusieurs files de robinets, sur des lits d’épines accumulées jusqu’à la hauteur d’environ dix-huit pieds ; l’eau, répandue en lames très déliées, et divisée presque à l’infini sur tous les branchages des épines, est reçue dans un vaste bassin formé de planches de sapin, qui sert de base à tout le hangar ; de ce bassin, les mêmes eaux sont relevées et reportées par d’autres pompes dans le réservoir supérieur : on les fait ainsi passer et repasser à plusieurs reprises sur les épines, ce qui fait qu’elles deviennent de plus en plus salées… et lorsqu’elles ont acquis onze à douze degrés de salure, c’est-à-dire lorsqu’elles sont en état de rendre environ douze livres de sel par cent livres d’eau, on les fait couler dans les poêles de la saline pour les évaporer au feu, et dans cet état les eaux de Montmorot sont encore inférieures en salure au degré naturel des eaux de Salins. Mémoires de M. de Montigny, dans ceux de l’Academie des sciences, année 1762, p. 118.
  41. Mémoires sur la minéralogie du Dauphiné, t. Ier, p. 180 et suiv.
  42. Voyages métallurgiques, t. III, p. 328 et 329.
  43. Les grains figurés en trémies sont de petits cubes groupés les uns contre les autres.
  44. Le sel marin ne perd qu’un huit-centième de son poids par la calcination.
Notes de l’éditeur
  1. Ce mélange de l’acide nitrique et de l’acide chlorhydrique est l’eau régale, ce fameux dissolvant de l’or des anciens chimistes.